Les milieux innovateurs (R&D) et la dynamique technopolitaine de Lyon

Le caractère technopolitain d’un territoire est conditionné par la place importante occupée par les activités (fabrications et services) impliquant des technologies avancées ou innovantes. Il est également conditionné par l’existence de synergies et de collaborations étroites entre les entreprises et les organismes de recherche (Burnier, Lacroix, 1996). Les notions de technopole (pour une ville entière, avec une localisation spatiale assez diffuse) et de technopôle (pour un territoire plus restreint et selon une forme plus concentrée dans l’espace) renvoient de façon générale à une volonté politique de développement économique local et d’aménagement du territoire (DATAR, 1991). La notion de milieu innovateur renvoie plutôt à un tissu socio-économique particulier, formé le plus souvent à l’intersection des mondes de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’industrie de façon plus ou moins spontanée (Maillat, 1999).

La situation de la métropole lyonnaise en matière de potentiel de recherche et de milieux innovateurs ou technopolitains est un peu particulière par rapport aux autres grandes villes de province. Celle-ci est en effet restée globalement en dehors des circuits territoriaux de la redistribution étatique en matière d’organismes de recherche publique et d’industries de pointe opérée durant les années 1960 et 1970, qui ont essentiellement favorisé certaines villes moyennes de la moitié Sud de la France comme Montpellier, Toulouse et Grenoble. La faiblesse des déconcentrations parisiennes d’activités industrielles de haute technologie à Lyon peut s’expliquer par le caractère très récent et peu développé de l’équipement universitaire local 9 , ainsi que par l’optique plus pragmatique et industrielle que véritablement intellectuelle et scientifique du développement des structures de formation professionnelle, comme des démarches d’innovation lyonnaises depuis le 19ème siècle (Molin, 1996).

L’université et le développement du système d’enseignement supérieur et de recherche publique de façon générale peuvent donc sembler être relativement peu importants pour une entité urbaine du rang de Lyon, comparativement au pôle parisien, largement dominant dans le paysage national, ou à d’autres villes de province fortement spécialisées. Il n’existe en effet qu’une seule université dite « scientifique » (Lyon I), localisée sur le campus de la Doua (Villeurbanne), qui concentre la majeure partie des formations et des laboratoires spécialisés dans les disciplines scientifiques, comme la physique, la chimie, les mathématiques, etc. Le potentiel local est cependant augmenté par la présence de plusieurs grandes écoles d’ingénieurs, comme l’Ecole Normale Supérieure de Sciences (Gerland), l’Institut National de Sciences Appliquées de Lyon localisé sur le campus de la Doua, l’Ecole Centrale (Ecully) et l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat.

Sur le plan territorial, l’impression d’ensemble reflète une grande dispersion et un certain rejet de ces fonctions vers la périphérie de la ville centre. Seules les universités de sciences humaines et sociales sont localisées dans le centre de Lyon (Lyon II, Lyon III, Institut Catholique), tandis que la Faculté de Médecine et les deux ENS sont situées dans des quartiers péricentraux relativement excentrés. L’agglomération offre cependant une grande variété disciplinaire, allant des formations généralistes aux cursus les plus spécialisés, qui permet un recrutement régional, voire national et international des étudiants et une bonne capacité de rayonnement des équipes d’enseignement et de recherche. Les effectifs estudiantins sont ainsi passés de moins de 100 000 dans les années 1980 à plus de 120 000 au début des années 2000.

L’agglomération lyonnaise jouit en revanche d’un passé industriel et scientifique très riche, qui a permis la constitution de savoir-faire productifs très importants dans les domaines de la mécanique, du textile, de la chimie et de la pharmacie notamment, ainsi que l’émergence de spécialités universitaires et scientifiques notables en matière de recherche médicale ou d’ingénierie (Molin, 1996). Le fort développement des activités industrielles locales durant les années de croissance, en lien avec l’organisation des grands groupes nationaux Rhône-Poulenc, Péchiney, Elf, etc., entraîne la création d’unités de recherche intégrées dans le dispositif productif. C’est ainsi le cas par exemple de l’Institut Français du Pétrole ou des centres de recherche de l’industrie chimique de Décines et de Saint-Fons.

Nous ne rappelons donc ici que les aspects les plus significatifs de la dynamique technopolitaine à Lyon, qui est abordée sous l’angle de l’action publique dans la suite du développement (voir infra, 3ème Partie). Il est en effet primordial de saisir le rôle très important joué par les pouvoirs publics locaux dans la structuration et la dynamisation des milieux innovateurs ou technopolitains lyonnais depuis le milieu des années 1980. Il permet de comprendre une grande partie de la réalité technopolitaine locale, qui s’organise essentiellement autour des grandes branches industrielles traditionnelles du système productif (biotechnologies, sciences du vivant, mécanique automobile, ingénierie des procédés, textile industriel), mais aussi à partir de spécialités économiques de pointe apparues plus récemment, dont le secteur numérique des nouvelles technologies de l’information et de la communication constitue la figure la plus emblématique.

Notes
9.

L’université lyonnaise n’a été créée qu’en 1896.