Nous avons ainsi mis en évidence les nouveaux rôles de moteur du développement et de facteur de régulation économique conférés au territoire local à la faveur de la crise économique d’ensemble. Le territoire constitue ainsi désormais un référentiel majeur des politiques économiques et de la régulation, notamment à travers la forme institutionnelle que représente l’organisation territoriale aux niveaux national et local.
Sans prétendre que le développement économique et l’innovation n’existe que dans les villes 10 , il est donc possible de postuler à partir de ces constats que les grandes villes et les métropoles constituent le cadre privilégié d’émergence et de développement des dynamiques d’innovation au sein de systèmes productifs localisés, dans un contexte dominant de « spécialisation flexible ». Les activités économiques, industrielles, technologiques ou tertiaires, considérées comme « encastrées » dans le territoire et ancrées géographiquement, sont dotées d’une dynamique profondément connectée au contexte local, qui structure la relation de l’entreprise à son espace (Leriche, 2004), ainsi que la relation de l’entreprise aux institutions territoriales.
La base économique locale, c’est-à-dire le tissu d’entreprises et d’activités présent sur le territoire lyonnais, constitue un socle fondamental très important pour le développement et la croissance du système productif local. Son existence et ses caractéristiques propres constituent même la condition sine qua none pour toute forme de développement éventuel. Sans cette base économique existante, fondée sur l’agglomération dans l’espace d’un grand nombre d’entreprises et de SPL particuliers, aucun développement économique qualitatif ou quantitatif n’est possible à l’échelle du territoire local, ni en termes de diversification des activités, ni en termes de spécialisation. En effet, « Penser une action locale [de développement économique] suppose d’abord la possibilité de dynamiques locales de développement » (Gilli, 2002). Le territoire et le milieu local assurent ainsi un rôle privilégié de base de départ, de fondement pour l’action, et donc de référence première pour la définition des stratégies politiques de développement économique au niveau local.
Le SPL lyonnais constitue le référentiel principal, premier de la politique économique locale, comme l’évolution et les caractéristiques du contexte économique d’ensemble par ailleurs. La politique économique lyonnaise n’existe que dans la mesure où le territoire local accueille déjà un tissu d’activités et d’entreprises en son sein : elle est essentiellement destinée à favoriser son maintien et son développement, en relation avec les grands déterminants du système économique d’ensemble.
Après avoir décrit les grands traits caractéristiques du SPL lyonnais, qui fondent en grande partie l’orientation de la régulation exercée à l’échelle du territoire local par les pouvoirs publics lyonnais, il convient donc maintenant de préciser le cadre d’analyse théorique utilisé pour interroger l’action économique développée par les autorités locales.
Au delà d’une approche purement économique du territoire, interprétant simplement la proximité physique et géographique des entreprises et des acteurs économiques dans l’espace comme un vecteur du développement et de la croissance, il nous semble en effet particulièrement opportun de s’intéresser à la dimension sociopolitique du territoire, notamment dans sa dimension locale, afin de saisir le rôle des différents acteurs, organisations institutionnelles et groupes sociaux dans la mise en place de formes de régulation économique au niveau local. Le territoire est, avant tout, un construit social et politique, issu de l’histoire plus ou moins longue d’un groupe (voire d’une société), inscrite dans l’espace local.
La compréhension du processus de territorialisation de la régulation économique à partir du cas lyonnais nécessite donc la prise en considération du rôle du tissu socio-économique et politique présent sur le territoire de la métropole, c’est-à-dire à la fois les caractéristiques productives, structurelles et organisationnelles du système productif local, mais aussi le rôle déterminant des réseaux locaux, des pouvoirs publics, des institutions et des politiques publiques, dans le processus de développement économique à l’œuvre dans l’agglomération lyonnaise.
L’enjeu central de la compétitivité, de l’attractivité économique et de l’accompagnement des entreprises est désormais porté par le territoire. Cela implique un nouveau rôle proactif de la part des pouvoirs publics locaux et la mobilisation de toutes les énergies présentes sur le territoire : entreprises et acteurs économiques au sens large, sont considérés comme des partenaires directs et légitimes des collectivités locales pour assurer le développement économique et conduire des politiques volontaires de création d’avantages comparatifs territorialisés.
Voir Maillat D. (1999) et Pecqueur B. (2000), qui basent leurs travaux sur des études de cas situées plutôt en dehors des grandes villes, i.e. en milieu rural et dans des villes petites ou moyennes.