3- Territoire, régulation économique et gouvernance

La géographie économique a élaboré le concept d’économie-territoire pour rendre compte précisément de l’existence d’un lien entre le système productif localisé et le système politique local – ou système d’action collective – à l’échelle d’un territoire local (Le Galès, 1999). Le territoire apparaît alors comme un niveau pertinent de coordination économique et politique, qui, au-delà de la réduction des coûts de transaction entre les firmes, permet de résoudre des problèmes d’action collective, notamment par le biais de la planification et des politiques urbaines (Scott, 1992).

La coordination institutionnelle et l’organisation politique au niveau territorial, s’appuyant sur différents mécanismes liés à l’action publique, est ainsi susceptible de produire des effets décisifs sur le développement économique du territoire : « la qualité du développement dans une région, mais aussi son succès dans la compétition économique seront plus grands dans les aires où le développement est mieux planifié et organisé et qui sont moins régulés par le marché  » (Dunford, 1992, p.264). Ces différentes formes de régulation territoriale, fondées par la proximité des acteurs, groupes et institutions locales et par les interactions territorialisées de ces organisations, peuvent être assimilées à la notion de gouvernance.

La régulation économique locale s’apparente à de la gouvernance, car le rôle de la sphère politique et sociale se trouve progressivement renforcé et acquiert une dimension centrale dans les dynamiques de régulation territoriale. L’analyse en termes de gouvernance nous semble donc être appropriée à cette démarche, dans la mesure où « la régulation locale dont il est fait état est de fait un processus qui résulte de l’articulation de différents types de régulation. Cela correspond assez exactement à ce que nous entendons par « gouvernance (…). Or, dans gouvernance, on garde l’idée de pilotage, de direction » (Le Galès, 1999, p.218).

Cette vision rejoint également celle de la géographie économique : la gouvernance selon G. Benko (1995) correspond en effet à « l’ensemble des modes de régulation entre le pur marché et l’Etat, c’est-à-dire ce que Gramsci appelait la « société civile » : les institutions locales, les municipalités, les élites » (p.39).

Avec le retrait de l’Etat, les villes apparaissent comme des niveaux de régulation possible des intérêts, de groupes et des institutions, car elles constituent des sociétés locales attachées à des territoires spécifiques, bien qu’incomplètes car toujours intégrées dans la formation sociale nationale, voire désormais intégrées dans une formation sociale européenne en construction. La prise en compte des territoires infranationaux que sont les villes, comme construit social et politique, et comme niveau intermédiaire de structuration des acteurs, des groupes et des institutions, conduit alors à interroger la nature et le poids de la régulation politique et sociale dans l’économie au niveau du territoire local. Cependant, elle nécessite aussi de réfléchir aux avantages et aux limites d’une approche de la régulation économique et politique par le territoire (Le Galès, 1999).