Conclusion de la 1ère Partie

Le recours à la théorie de la régulation pour analyser le processus de territorialisation de la politique économique dans l’agglomération lyonnaise nous permet de justifier le choix de privilégier une approche historique et politique du phénomène sur une période de temps allant des années d’après-guerre à l’époque actuelle. Sa portée pluridisciplinaire offre en outre un socle notionnel solide pour développer une analyse de l’action publique et des modalités de son évolution, qui croise à la fois des aspects économiques, géographiques, sociologiques, idéologiques, méthodologiques et politiques. Cette position au carrefour des sciences humaines et sociales se retrouve de façon quasiment inévitable dans tout travail relatif à la question de l’aménagement de l’espace.

L’entrée par l’économie nous a permis de mettre en évidence la dimension territoriale de la crise du mode du régulation qui frappe le système capitaliste depuis le début des années 1970, et de pointer les principales caractéristiques du nouveau modèle de développement économique qui émerge pour dépasser cette situation de crise. Celui-ci confère un rôle très important au territoire local, qui est reconnu comme un facteur économique en tant que tel, déterminant pour le fonctionnement des entreprises dans un système où dominent les logiques de concurrence et de compétitivité. Le système productif lyonnais, ne serait-ce que par son statut métropolitain et technopolitain, présente face à ce modèle certains atouts d’ordre purement économique non négligeables, mais qui ne peuvent suffire en eux-mêmes à favoriser le développement économique et la création de richesses au niveau local.

C’est du moins sur la base de ce présupposé que ce met en place une politique publique territorialisée de régulation de l’économie dans l’agglomération lyonnaise. L’entrée par le champ politique nous permet alors de concentrer l’analyse de ce processus d’ancrage de l’action économique autour des questions relatives à l’organisation du système d’acteurs local et aux modalités méthodologiques de la mise en œuvre de l’intervention publique.

La confrontation du territoire et de ses représentations à l’approche politique de la régulation, introduit également l’ouverture du questionnement sur la notion de gouvernance, et plus précisément sur son opérabilité dans le cadre d’une démarche de caractérisation des nouvelles politiques économiques territorialisées. Le territoire local est ainsi conçu comme une scène de régulation économique et politique, qui voit la montée en puissance des pouvoirs publics locaux dans le champ de l’action économique et une dynamique de réorganisation des rôles entre les acteurs publics et économiques.

Sur cette base, notre thèse s’attache à démontrer que le processus de territorialisation de la régulation économique dans l’agglomération lyonnaise est le résultat d’une lente évolution de l’action publique en faveur du développement économique, allant dans le sens d’un ancrage accru dans le territoire local et d’une adaptation de ses modalités et contenus aux logiques de fonctionnement des acteurs économiques.

L’acculturation des acteurs publics à la démarche de projet et au management stratégique, portés par l’idéologie néolibérale dominante, se traduit par des modes organisationnels et un rapport au territoire assez nouveaux. Elle se réalise essentiellement au contact des acteurs économiques et conduit à l’intégration de l’intérêt des entreprises par les autorités publiques locales en charge de la politique de régulation économique. Cette reconnaissance, voire cette acceptation des logiques de concurrence et de compétition territorialisées par la sphère politique locale au nom de l’intérêt général interroge cependant les limites démocratiques et techniques d’un tel processus d’intégration.

Le détour préalable de l’analyse par la période de mise en place de la régulation économique territoriale correspondant aux années de croissance des Trente Glorieuses permet notamment de comprendre comment s’organise le transfert de charge entre l’Etat et le niveau local concernant l’accompagnement du développement économique et du fonctionnement des entreprises avant et après la survenue de la crise. Il permet aussi de mettre en évidence le rôle de relais et de vecteur de transition assuré par les acteurs économiques locaux dans ce processus de territorialisation de la politique économique dans l’agglomération lyonnaise (voir infra, 2ème Partie).