Cependant, les fluctuations profondes que subit la conjoncture économique nationale pendant la première moitié des années 1950, sur fond de construction européenne et de déconstruction des empires coloniaux (récession des branches industrielles traditionnelles, notamment dans la région lyonnaise : textile, cuir ; expansion rapide des industries dynamiques, centrée sur la capitale : chimie, pharmacie, mécanique, électronique ; problèmes de reconversion des régions minières et de vieille industrie), aggravent la distorsion région parisienne – province, déjà dénoncée par J.F. Gravier (1947). En 1953, un cinquième de la production industrielle française est ainsi localisée à Paris et dans les départements limitrophes (Laborie, Langumier, De Roo, 1985).
Dès 1950, le ministre de la reconstruction et de l’urbanisme Claudius-Petit propose au gouvernement la mise en œuvre d’une véritable politique d’aménagement du territoire, visant la répartition plus équilibrée des hommes et des activités dans l’espace national 22 . L’industrialisation décentralisée figure parmi les principaux moyens envisagés, à côté d’actions portant sur la réalisation d’équipements collectifs et sur le développement des autres secteurs de l’économie (énergie, transports, agriculture, tourisme, culture).
Cette situation conduit les pouvoirs publics à prendre dans les années 1950 une série de mesures financières et réglementaires nouvelles destinées à freiner la concentration économique dans la région parisienne et à faciliter l’expansion (ou la reconversion) industrielle dans les zones et les localités souffrant de l’insuffisance ou de la régression de leurs activités traditionnelles (Faucheux, Saillard, Novel, 1965). L’objectif de décentralisation industrielle s’accompagne de la mobilisation des forces vives et des représentants des intérêts économiques au niveau local et régional, invitées à participer à la définition collective et concertée des objectifs de la planification économique (voir infra).
Les décrets du 30 juin 1955 prescrivent ainsi la régionalisation du plan, par l’établissement de programmes d’action régionale destinés à promouvoir l’expansion économique et sociale des différentes régions. La loi du 7 août 1957 dispose que ces programmes soient complétés par des plans d’aménagement régional visant notamment à orienter l’implantation des équipements publics et privés sur le territoire. Ces deux documents sont fondus en un seul en 1958 23 : le Plan régional de développement économique et social et d’aménagement du territoire. La coordination entre le plan national de développement économique et l’ensemble de la politique d’aménagement du territoire est assurée par le Comité des plans régionaux. Le troisième Plan économique et social de la France (1958-1961) voit ainsi sa déclinaison régionale couplée avec l’élaboration des documents de planification spatiale, relatifs à l’aménagement du territoire. Ce nouveau dispositif permet notamment un meilleur encadrement de la décentralisation industrielle et de la répartition des grands équipements collectifs programmés sur le territoire national.
La dimension spatiale et la prise en compte des disparités territoriales se greffe donc au dispositif de régulation d’ensemble de l’économie par la planification à la fin des années 1950. Une politique de régulation économique par le territoire s’organise alors pour corriger les effets négatifs de la concentration industrielle – qui privilégie la région parisienne au détriment de la province –, répondre aux impératifs de la croissance productive et aider les foyers industriels locaux menacés par l’augmentation de la concurrence extérieure. La décentralisation industrielle, tant à l’échelle nationale qu’au niveau régional, est associée aux objectifs plus sectoriels et structuraux de la politique économique de l’Etat.
Jusqu’à 1963, les actions de planification et d’urbanisme relatives à l’aménagement, notamment industriel, du territoire restent toutefois globalement distinctes de la planification économique, même si le 3ème Plan marque l’amorce d’une prise en compte de la dimension spatiale de la planification et une certaine ouverture de la politique économique nationale aux spécificités régionales, conformément aux orientations définies par les instances européennes, qui entendent privilégier le niveau régional dans la définition et la conduite des politiques économiques.
Il existe depuis 1949 une Direction de l’Aménagement du Territoire au sein du Ministère de la Reconstruction et du Logement.
Décret du 31 décembre 1958.