Les lois d’urbanisme héritées du gouvernement de Vichy fondent les principes d’orientation de l’aménagement spatial des activités économiques dans les documents de planification de l’après-guerre en France. La loi du 15 juin 1943 codifie et remanie les textes antérieurs 33 , pour les adapter au souci nouveau de définir les différentes fonctions urbaines en rapport avec le contexte économique et social et les destructions causées par la guerre. La fin des années 1940 voit ainsi le développement d’une politique nationale d’urbanisme dans le cadre de la reconstruction, au sein de laquelle le zoning industriel trouve une place grandissante pour permettre le développement ou le redéploiement des activités économiques dans les villes (Faucheux, Saillard, Novel, 1965). La grande majorité des zones industrielles planifiées dans ce contexte sont concentrées dans la région parisienne, et dans une moindre mesure dans quelques agglomérations urbaines de province bénéficiant d’une tradition industrielle et d’un système productif localisé solidement ancré sur leur territoire, au premier rang desquelles figure Lyon.
Le Fonds National d’Aménagement du Territoire (FNAT) est créé dès 1950 pour concrétiser la volonté politique du Ministre de la Construction. Cet instrument purement financier rend possible l’aide de l’Etat aux collectivités locales, notamment pour la création de zones industrielles destinées au transfert ou à l’extension d’entreprises locales et à l’accueil d’industries nouvelles dans le cadre des plans d’urbanisme. Son efficacité est notablement renforcée par la loi foncière du 6 août 1953, qui met à la disposition des communes un outil juridique destiné à faciliter l’acquisition des terrains pour la réalisation des zones industrielles planifiées dans les documents d’urbanisme : le droit d’expropriation. Il complète le dispositif légal et procédural concernant l’aménagement des zones d’habitation et des zones industrielles (ZI) promulgué la même année (Economie & Humanisme, 1977, pp.30-45).
Dans les années 1950, l’instauration du marché commun au niveau européen et la définition d’une politique économique au niveau national occasionnent une importante réflexion sur la question du zoning industriel et sur ses possibilités d’utilisation au service des politiques nationales et locales de régulation économique et spatiale (Massaceni, 1966). Le zoning industriel, inspiré du zonage fonctionnel et des principes de la Charte d’Athènes (Masson, 1984), est utilisé par les pouvoirs publics pour rationaliser et organiser la répartition des activités industrielles sur le territoire, il est considéré comme apte à susciter le développement industriel et économique de façon intégrée dans les ensembles territoriaux. Cet outil réglemente l’implantation des entreprises dans l’espace (notamment pour éviter les nuisances sur les autres fonctions résidentielles, commerciales…) en encourageant les initiatives de développement économique dans des localisations déterminées. C’est à la fois un concept fonctionnel et un instrument opérationnel de la politique économique, qui permet d’harmoniser les critères et les principes de la régulation économique avec ceux de l’urbanisme et de l’aménagement au niveau des territoires locaux.
Il est totalement adapté aux grands objectifs définis par le Plan, tant en matière d’organisation fonctionnelle du territoire que de développement économique dans les régions métropolitaines. Il permet non seulement l’intégration fonctionnelle des motivations socio-économiques et politiques qui fondent le processus d’industrialisation, mais aussi la mise en œuvre à différents niveaux territoriaux d’une forme institutionnelle de concentration et de modernisation des activités économiques. Ce dispositif conceptuel et opérationnel garantit aux entreprises des bénéfices importants, en s’appuyant sur la prise en charge par les organismes publics de la réalisation des équipements nécessaires (infrastructures et services). Il favorise ainsi l’acceptation des directives de la politique nationale d’aménagement et des objectifs du Plan de développement économique par les entrepreneurs et les investisseurs privés au niveau local, et permet la rencontre entre l’intérêt général porté par les pouvoirs publics et l’intérêt particulier des acteurs économiques.
L’aménagement de zones industrielles sur l’ensemble du territoire est fortement encouragé par une augmentation croissante des crédits de l’Etat mis à la disposition des collectivités locales et des organismes d’aménagement locaux par l’intermédiaire du FNAT. La Société Centrale d’Equipement du Territoire (SCET) est spécialement créée en 1959 sous l’égide de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) pour faciliter l’action des SEM sur les plans technique, administratif et financier dans la réalisation des zones industrielles (D’Arcy, 1967). La procédure d’acquisition des terrains par voie d’expropriation est aménagée et simplifiée 34 , tandis que la notion de zones d’aménagement différé (ZAD) introduite en 1962 facilite l’exercice du droit de préemption pour les collectivités locales désireuses de lutter contre la spéculation foncière et de constituer des réserves de terrains pour le développement économique au travers des documents de planification (Faucheux, Saillard, Novel, 1965).
La zone industrielle s’affirme ainsi comme un instrument de mise en application de la politique économique sur le territoire, et comme un outil avantageux pour la collectivité locale qui le met en œuvre, d’un point de vue politique, économique, technique et urbanistique : contribution indirecte au développement économique territorial, élargissement de l’assiette fiscale, valeur opérationnelle spécifique du dispositif, qui diminue les coûts d’équipement publics et rationalise la réalisation des infrastructures, meilleure gestion de la répartition des fonctions productives dans l’espace (Massacesi, 1966).
Les décrets de décembre 1958 relatifs aux plans d’urbanisme et aux lotissements (notamment industriels) traduisent enfin le vaste effort d’urbanisation et de rénovation urbaine succédant aux années de reconstruction, et l’orientation vers un urbanisme fonctionnel qui tient compte du rôle et du rayonnement des villes aux niveaux local et régional, comme de leurs évolutions prévisibles. Les plans d’urbanisme des grandes villes sont constitués d’un plan d’urbanisme directeur (PUD), qui détermine le tracé des principales voies de communication et le zonage général correspondant aux différentes fonctions urbaines (dont les activités industrielles), et de plans de détail, beaucoup plus élaborés et portant sur des secteurs ou quartiers déterminés. L’institution des Groupements d’Urbanisme (GU) met l’accent sur la coopération intercommunale dans les agglomérations urbaines depuis la fin de la guerre, mais la centralisation des procédures de planification urbaine domine encore largement.
Les années 1950 voient ainsi la mise en place d’un vaste dispositif légal et institutionnel en France, qui encadre de manière très dirigiste les possibilités d’intervention des collectivités locales dans le champ de l’économie. Lyon, comme les autres grandes villes du pays, est appelée à se regrouper avec les communes qui forment son agglomération pour élaborer un plan d’urbanisme à l’échelle du GU (56 communes), apte à organiser son développement spatial. En matière de régulation économique territoriale, la zone industrielle, érigée en modèle, est démultipliée sur le territoire local pour permettre le desserrement et la rationalisation de l’expansion des activités économiques dans l’agglomération.
Loi Cornudet de 1919 prévoyant des plans d’embellissement et d’extension pour les villes de plus de 10 000 habitants, complétée en 1924, puis en 1935 par l’adoption de la notion de « groupement de communes »
Ordonnance du 23 octobre 1958.