La politique nationale d’aménagement du territoire

En 1963, des modifications importantes interviennent dans les structures administratives nationales 35 , destinées à renforcer l’action entreprise en matière d’aménagement du territoire et d’expansion économique régionale depuis les années 1950, et à améliorer la coordination entre les différents services centraux concernés. Elles répondent à la volonté de l’Etat d’intégrer organiquement la conduite de la politique économique nationale prévue par le Plan, notamment sa mise en application différenciée au niveau des territoires locaux, et la conduite de la politique d’aménagement du territoire et de rééquilibrage spatial au niveau national, initiée en 1950 par le Ministre Claudius-Petit.

La création de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) et du Fonds d’Intervention pour l’Aménagement du Territoire (FIAT) marque ainsi l’avènement d’une nouvelle organisation de l’action publique en matière de régulation économique, qui fait la part belle à la dimension spatiale de la politique économique et à l’expertise technique et économique de la technocratie étatique, en renforçant le pouvoir des services de l’Etat. La DATAR, placée sous la responsabilité du chef du gouvernement, est chargée d’animer la politique d’aménagement du territoire et de développement économique aux niveaux national et régional. Elle s’occupe d’abord de la déconcentration et de la relocalisation industrielles de la région parisienne vers la province, en accompagnant les initiatives locales de création de zones industrielles, puis de la décentralisation de certaines activités de services, notamment bancaires et d’assurances, vers les grandes villes du pays, en harmonisant les dispositifs d’aides financières à l’expansion industrielle ou tertiaire (Gaudin, 1993).

Mission d’analyse, de synthèse et d’impulsion, interministérielle par essence, la DATAR œuvre également à la réalisation d’infrastructures de transport modernes (autoroutes, télécommunications, aéroports), de grands équipements collectifs et d’une politique de maîtrise foncière sur les portions du territoire national jugées déterminantes pour le développement économique du pays. Cette démarche sélective d’études régionales et de développement urbain s’appuie sur le principe de l’armature urbaine et sur l’analyse de la hiérarchisation des villes françaises, qui permettent de déterminer les priorités de financement par l’Etat des opérations d’aménagement et d’équipement urbains, à partir des capacités de polarisation et de commandement économique respectives des villes.

La DATAR assure la coordination des programmes d’actions et des opérations d’équipement des différents ministères, mais elle ne dispose pas de ses propres services. Le Groupe Central de Planification Urbaine (GCPU) est donc mis en place en 1964 pour préparer les décisions et arbitrages gouvernementaux en faveur des grandes agglomérations de province. Son expertise est relayée au niveau local par celle des Groupes d’Etudes et de Programmation de l’Equipement à partir de 1966 36 . Par ailleurs, des bureaux d’études parisiens, appartenant au réseau des filiales de la CDC (SEDES, BETURE, CERAU…), accompagnent le développement de l’expertise économique et territoriale des services de l’Etat grâce à leurs travaux depuis le début des années 1960 (D’Arcy, 1967). Ils contribuent à légitimer des orientations économiques et des principes d’aménagement, qui s’avèrent être plus favorables à la tertiarisation des métropoles d’équilibres et à l’exurbanisation industrielle, portées par les grands groupes industriels capitalistes, qu’aux intérêts du petite et moyen capital régional (voir infra).

Le FIAT assure le financement des infrastructures complémentaires nécessaires à la mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire au niveau local (infrastructures de communication, équipements collectifs urbains, ruraux et industriels…). Le CGP s’appuie sur la nouvelle Commission Nationale de l’Aménagement du Territoire (CNAT) pour intégrer les conclusions des études relatives à l’aménagement du territoire dans les plans nationaux de développement économique et social. L’achèvement de la régionalisation du Plan se traduit enfin par l’établissement de « tranches opératoires », qui déterminent pour chaque circonscription d’action régionale les principales opérations d’infrastructure et d’équipements publics à réaliser et à financer, y compris dans le cadre du 4ème plan alors en cours d’exécution.

C’est dans ce contexte de renforcement de la planification urbaine, spatiale et économique aux niveaux national et régional, sous contrôle étatique, que prend place la politique des métropoles d’équilibre initiée par la DATAR en 1965, qui vise, entre autres, l’agglomération lyonnaise. Elle s’inscrit dans le cadre de la politique nationale d’aménagement du territoire et de développement économique pilotée par les pouvoirs publics étatiques sous l’égide du CGP. Celui-ci établit à partir des études de développement urbain du GCPU un Plan individualisé de Modernisation et d’Equipement (PME) pour la métropole lyonnaise, qui détermine les perspectives d’expansion pour l’agglomération et arrête les principales opérations d’infrastructures et d’équipements publics à réaliser.

Ce dispositif est l’équivalent des tranches opératoires du plan régional de développement économique et social et d’aménagement du territoire conçu pour la région Rhône-Alpes. Il sert de base départ aux travaux de l’Organisation Régionale d’Etude et d’Aménagement Métropolitain de Lyon – Saint Etienne (OREAM), qui voit le jour en 1966. Cette date fixe officiellement les règles d’organisation et de financement de cet organisme, qui existait déjà de manière informelle depuis le lancement des études de développement urbain du GCPU.

La même année, le Ministère de l’Equipement 37 est créé pour superviser et apporter une expertise technique à l’ensemble des services concernés par l’aménagement et la réalisation des infrastructures sur le territoire national. Le rôle de la Direction de l’Aménagement Foncier et de l’Urbanisme (DAFU) institué en son sein est très important. L’agglomération lyonnaise, comme les autres grandes villes du pays, bénéficie ainsi d’un document d’orientation propre, qui procède du couplage entre planification économique et planification spatiale au niveau du territoire local (voir infra).

Notes
35.

Décrets du 14 février 1963.

36.

Ils sont intégrés aux Directions Départementales de l’Equipement, créées par le nouveau Ministère en 1966.

37.

Fusion des ministères des Travaux Publics et de la Construction au sein du Ministère de l’Equipement.