Conclusion de chapitre

Le système d’économie dirigée qui caractérise l’organisation de la régulation économique en France après la seconde guerre mondiale se présente ainsi comme un savant mélange de libéralisme et de volontarisme interventionniste, l’un prenant plus ou moins le pas sur l’autre selon les moments et les enjeux de la conjoncture économique. La politique économique de l’Etat s’exprime essentiellement à travers le Plan, qui permet de canaliser les dynamiques d’expansion et d’orienter la modernisation du tissu économique national.

L’intervention structurelle de l’Etat se veut incitative par essence, même si les pouvoirs publics sont amenés à participer de manière directe à l’effort de modernisation et de développement de l’économie du pays. La politique économique est de portée essentiellement nationale et a-territoriale dans un premier temps, avant de s’ouvrir à la dimension spatiale et régionale au tournant des années 1960. Il s’agit notamment d’assurer une croissance économique plus équilibrée sur le territoire national, de favoriser la juste répartition spatiale des équipements à l’échelle de la France et de porter secours aux parties du territoire en crise d’adaptation, de reconversion ou en retard de développement, face aux évolutions du système économique fordiste.

L’ouverture des frontières économiques de l’Europe et l’augmentation des échanges internationaux introduisent également un nouvel enjeu de compétitivité pour les firmes françaises et pour le territoire national, qui justifie la montée en puissance des logiques d’intervention spatiales durant les années 1960. La politique d’aménagement du territoire est intégrée dans la politique de développement économique nationale, et devient l’un des axes majeurs de l’organisation et de la mise en œuvre de la régulation dans l’espace français. L’enjeu est d’améliorer l’environnement économique et spatial des entreprises, en soignant particulièrement l’équipement et l’aménagement des territoires locaux en dehors de Paris, afin de faciliter leur insertion dans le système concurrentiel international et de limiter l’hégémonie parisienne par rapport aux autres portions de l’espace français.

L’Etat central est omniprésent sur les questions de développement économique et d’organisation de la croissance à l’échelle du pays. La régulation économique est la prérogative exclusive de l’autorité étatique, qui s’appuie sur le développement et la légitimité de l’expertise de la technocratie centrale pour imposer son point de vue et sa toute puissance dans la conduite des affaires économiques. Sa domination sur le dispositif de régulation est également légitimée par le recours à la concertation des forces vives, et notamment par l’alliance politique implicite conclue avec les représentants des intérêts patronaux français.

Les autorités étatiques portent ainsi l’intérêt général de la nation dans le domaine hautement stratégique du fonctionnement et de la régulation de l’économie. Elles portent aussi de manière très directe l’intérêt des entreprises au niveau national, en déclinant les grands objectifs politiques nationaux du Plan à l’échelle des territoires locaux et en les complétant par des objectifs spatiaux. L’efficacité de l’intervention économique de l’Etat, centralisée et extrêmement dirigiste, est supposée découler de l’important appareillage juridique, méthodologique et organisationnel mis en place à partir des années 1950, dans les domaines de l’urbanisme, de la planification de l’espace et de l’aménagement.

Les services de l’Etat monopolisent l’expertise et le contrôle de la décision en matière de régulation économique, ainsi que les possibilités de recours aux leviers financiers pour soutenir le développement (primes, subventions, soutien aux filières, grands programmes industriels ou technologiques, etc.). L’intégration de la politique d’aménagement du territoire dans le dispositif de planification et de mise en œuvre de la politique économique nationale renforce d’autant plus la domination étatique et le phénomène de centralisation dans la conduite de l’intervention publique économique. Cette situation de soumission du développement économique des territoires locaux à la logique d’action portée par l’Etat est particulièrement visible dans la manière dont est appliquée la politique économique dans l’agglomération lyonnaise.