Le PDGU, reflet des intérêts industriels lyonnais

Le Plan d’Urbanisme Directeur du Groupement d’Urbanisme de Lyon (PDGU) s’inscrit en application des décrets de 1958 instituant les PUD dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants. Il couvre les 56 communes du GU de Lyon et présente un parti d’aménagement des fonctions économiques largement dominé par le volet industriel. Il s’inspire en effet beaucoup du Plan Lambert de 1944, établi à partir des études effectuées dans l’entre-deux-guerres (Delfante, Dally-Martin, 1994), qui prévoit déjà plusieurs localisations industrielles dans l’agglomération :

  • Deux nouvelles zones industrielles périphériques,
    • Au Sud-est, à cheval sur les communes de Lyon et Bron,
    • A l’Est, à cheval sur les communes de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin et Décines ;
  • Deux zones industrielles péricentrales dans le Sud de Lyon,
    • Gerland (rive gauche du Rhône),
    • Perrache – Confluent (Presqu’île) ;
  • Deux zones mixtes péricentrales dans Lyon, mêlant habitat et activités industrielles,
    • Au Nord-ouest, Vaise Industrie (rive droite de la Saône),
    • Au Sud-est, la Part-Dieu – Guillotière (rive gauche du Rhône).

A la fin des années 1950, ces orientations sont adaptées aux nouvelles exigences de la reconstruction économique et de la modernisation du tissu industriel urbain, conformément au nouveau cadre législatif de l’aménagement du territoire. Ces dernières véhiculent un vocabulaire urbanistique et aménagiste empreint de modernité, qui traduit l’avènement de la doctrine fonctionnaliste de la Charte d’Athènes au sein des services techniques de l’urbanisme et des nouvelles méthodes hiérarchiques d’élaboration des plans aux différentes échelles géographiques de la ville (agglomération, communes, quartiers ou secteurs). Le PDGU se décline ainsi en plans de détails sur certaines zones de l’agglomération, concernées notamment par des projets d’aménagement de zones industrielles ou de rénovation urbaine. La notion d’aménagement du territoire s’exprime à travers le développement d’axes de croissance spatialisés dans l’agglomération.

Le document est également fortement marqué par la problématique de la gestion du sol, de la consommation d’espace par l’urbanisation et de la constitution de réserves foncières. Il s’inscrit en effet dans une période de forte croissance économique et démographique, au cours de laquelle les prévisions statistiques véhiculent la crainte de la rareté de l’espace disponible à moyen terme. Ces préoccupations spatiales et de zoning industriel sont particulièrement importantes pour les collectivités locales et les représentants du patronat industriel lyonnais, soucieux de défendre leurs intérêts. L’approche fonctionnaliste est ainsi mise au service de la maîtrise de la consommation d’espace par l’urbanisation, de la nécessité d’organiser la ville de manière rationnelle et de gérer son expansion en donnant de la place à toutes les fonctions, notamment économiques et industrielles.

Dans les années 1950, plusieurs municipalités de la banlieue lyonnaise se préoccupent en effet de réserver les surfaces de terrain nécessaires à l’accueil des usines et des entrepôts, qui ne trouvent plus dans le centre de l’agglomération les conditions suffisantes pour leur développement : Pierre-Bénite, Feyzin, Saint-Fons, Vénissieux, Saint-Priest, Décines, Caluire-et-Cuire, Neuville-sur-Saône… Elles réfléchissent à la possibilité de constituer de véritables zones industrielles, incluses dans le PDGU. La Commission Zoning Industriel du Comité d’expansion (voir infra, Section 2) participe également à la préparation du document, en étudiant les possibilités d’aménagement de certaines zones industrielles en relation avec la réalisation de grandes infrastructures de transport : à Vénissieux - Saint-Priest autour d’une nouvelle gare de marchandises, à Pierre-Bénite à proximité d’un nouveau triage et du barrage hydroélectrique, à Solaize et Feyzin sur les remblais du barrage… Cette étude est complétée par un recensement des besoins des entreprises (raccordement aux infrastructures en réseaux, consommation d’énergie et de main d’œuvre), permettant de mieux concevoir les zones industrielles planifiées dans l’agglomération.

Le volet économique du PDGU concentre l’attention sur les secteurs industriels susceptibles de permettre le redéploiement de la production sur les vastes espaces libérés par les bombardements de la guerre, essentiellement dans les quartiers de Gerland et Vaise (Delfante, Dally-Martin, 1994). L’objectif principal est la création de vastes zones industrielles, disposées en étoile sur les principaux axes de croissance et d’extension spatiale de l’agglomération, à Vaise et Caluire le long de la Saône au Nord, le long du couloir rhodanien au Sud de Lyon, à Vénissieux, Corbas, Saint-Priest, Décines et Meyzieu dans l’Est. Au total, environ 3 500 ha sont ainsi destinés à accueillir les activités industrielles gênantes en périphérie, dont 2 100 ha de surfaces libres.

Ces importantes réserves foncières correspondent aux recommandations formulées par les représentants du patronat dans les années 1950. Initialement, le plan concentrait la totalité des surfaces industrielles dans la plaine de l’Est et du Sud-est, mais face à la nécessité de réduire les migrations pendulaires des travailleurs de l’agglomération, de petites zones industrielles sont localisées sur les reliefs verdoyants de l’Ouest et du Nord, réservées à l’accueil des activités industrielles peu nuisantes et à fort taux d’emploi. Par ailleurs, 300 ha sont planifiés dans le centre de l’agglomération (Lyon et Villeurbanne) pour les opérations de rénovation urbaine. Elles sont destinées à la reconquête du centre-ville et à l’accueil d’un quartier dédié aux activités tertiaires et aux services publics de dimension régionale, positionné sur la rive gauche du Rhône à la Part Dieu. D’importantes réserves foncières complètent le dispositif pour les équipements scolaires et universitaires, les zones de loisirs, les infrastructures routières.

Bien qu’il concrétise l’idée d’agglomération, en traitant les problèmes d’aménagement urbain à une échelle plus large que celle de la seule Ville de Lyon, le PDGU est publié en 1962 mais immédiatement jugé obsolète et trop restreint spatialement par les responsables ministériels et locaux de l’urbanisme. En particulier, l’installation de la raffinerie à Feyzin est jugée aberrante au regard des prescriptions du plan, car elle ne permet pas une gestion cohérente de l’urbanisation aux limites de l’agglomération, qui coïncident également avec les limites départementales. Plus globalement, l’Etat souhaite aussi reprendre en main le développement et l’aménagement spatial de l’agglomération lyonnaise.