Les avancées territoriale et étatique du PADOG

La mise à l’étude d’un Plan d’Aménagement et d’Orientation Générale (PADOG) de la région lyonnaise en 1962, à l’image de celui réalisé en région parisienne pour fixer les orientations générales du développement urbain, reflète la volonté de l’administration centrale d’harmoniser une zone de solidarité – et de concurrence entre communes– dans l’utilisation du sol, à une échelle plus large que celle de l’agglomération urbaine de Lyon. Elle traduit également, de manière plus insidieuse, l’amorce de la mainmise de l’Etat sur l’aménagement du territoire régional et les politiques urbaines, décuplée avec la création de la DATAR en 1963. Le PADOG de Lyon est ainsi étudié sous la forme d’un Schéma Directeur de Structure, document de planification spatiale proposé à titre expérimental à une échelle beaucoup plus large que celle du GU de Lyon.

La nouvelle reconnaissance territoriale qui accompagne la mise à l’étude couvre plus de 900 communes (1,6 millions d’habitants), permettant de définir un espace géographique et économique d’intérêt commun qui dépasse le simple cadre de l’agglomération. Le périmètre approuvé par le Ministre de la Construction en 1962 couvre ainsi un territoire très vaste, incluant la totalité du département du Rhône, les arrondissements de Vienne et de la Tour-du-Pin en Isère, l’arrondissement de Bourg-en-Bresse et 3 cantons, dont celui de Belley, dans l’Ain 41 . Ce territoire de planification se rapproche fortement du territoire de la « petite région » lyonnaise mis en évidence par les travaux du Comité d’expansion de la région lyonnaise dès 1955 (voir infra, Section 2), et préfigure le périmètre de la Région Urbaine de Lyon imaginé par l’OREAM à la fin des années 1960 (voir infra).

Hormis l’échelle géographique, les options retenues en matière de répartition des activités économiques dans le PADOG sont très proches de celles du PDGU, mais l’argumentaire aménagiste et fonctionnel y est aussi beaucoup plus développé. Le concept d’aménagement du territoire se décline notamment à travers l’usage des notions d’axes, de centres et de pôles, et le recours à une approche méthodologique novatrice sous forme de scénarios (Lavigne, Dost, 1988), traduisant l’influence croissante des services techniques de l’Etat. Le développement de l’agglomération lyonnaise s’organise ainsi autour de sept axes préférentiels de développement, qui s’appuient sur des centres secondaires d’équilibre (Bourg-en-Bresse, Villefranche-sur-Saône, Vienne…). Deux grandes zones industrielles, véritables pôles de développement identifiés, complètent le dispositif dans la vallée du Rhône en amont de Lyon, destinées aux industries gênantes (Plaine de l’Ain et Plateau de la Valbonne). Elles s’inscrivent dans une logique d’action de type « catalyse », inspirée de la théorie des pôles de croissance de F. Perroux (1955), selon laquelle l’impulsion de départ assurée par l’implantation d’une industrie motrice en un lieu entraîne le développement économique de l’espace régional considéré.

Le PADOG exprime donc à la fois la volonté du patronat lyonnais de réserver plus de terrains aux activités industrielles tout en préservant l’urbanisation des nuisances industrielles, et la volonté de l’Etat central de favoriser le développement économique de l’agglomération à une échelle spatiale élargie et selon la logique des pôles de croissance. La domination de la thématique industrielle sur celle des activités tertiaires est encore importante, mais elle est toutefois légèrement atténuée par l’ébauche d’un plan de développement et d’élargissement du centre de Lyon, en direction de l’Est sur la rive gauche du Rhône, réalisée en parallèle à l’élaboration du PADOG. Il prévoit une extension du centre traditionnel de la Presqu’île de Lyon vers le quartier de la Part Dieu, à travers la mise en œuvre d’une vaste opération de rénovation urbaine.

Cependant, entre 1963 et 1968, les services de l’Etat ont tendance à freiner les projets d’urbanisme locaux comme celui de la Part Dieu (voir infra) et à laisser en suspens les plans d’aménagement territoriaux à l’étude au niveau local. Le gel des initiatives locales par les autorités centrales est justifié par la nécessité d’éviter les « coups partis » pouvant remettre en question les visées de l’Etat pour le territoire lyonnais, et par la volonté de centraliser l’expertise économique et spatiale au sein d’un nouvel organisme directement contrôler par la technocratie étatique. Le flou juridique et technique entretenu par les dispositions encadrant la réalisation du PGDU et du PADOG, ainsi que l’insuffisante prise en compte des différentes échelles de temps et d’espace, plaident également en faveur de la dissociation des exercices de programmation spatiale en deux documents complémentaires, instituée par la LOF de 1967 : le SDAU, sorte de nouvelle charte des grands projets engageant l’Etat et les communes, et le POS, qui affiche la programmation des équipements et des zones industrielles à l’usage des communes et des investisseurs (Veltz, 1978).

L’explication est ainsi à rechercher du côté de la réorganisation institutionnelle qui s’opère alors en matière d’aménagement et de planification économique au niveau central (voir supra). Le positionnement de l’Etat vis-à-vis des territoires locaux est un enjeu de taille pour le gouvernement, qui entend garder l’entière maîtrise des opérations d’aménagement qui sont lancées un peu partout dans les grandes villes du pays. Le lancement de la politique nationale d’aménagement du territoire, qui se concrétise par la politique des villes nouvelles et des métropoles d’équilibre à partir de 1965, change profondément la donne en matière de contrôle de la planification spatiale à l’échelle de la métropole lyonnaise, en confiant l’encadrement et la conduite des réflexions économiques et territoriales à l’OREAM (sous le contrôle de la DATAR et du Ministère de l’Equipement).

Notes
41.

L’agglomération stéphanoise est également contactée mais n’accepte de s’engager dans une démarche commune de planification urbaine avec Lyon que plus tard, après la reprise en main de la politique d’aménagement régional par la DATAR (1963) et la création de l’OREAM.