Les pouvoirs publics centraux envisagent l’aménagement de zones industrielles d’un nouveau type dans la métropole lyonnaise au travers du SDAM de l’OREAM. Elles sont localisées en dehors de l’agglomération lyonnaise et présentent des caractéristiques spatiales et conceptuelles très spécifiques. L’échelle territoriale de référence, calée sur le nouveau périmètre de la RUL, est beaucoup plus large que celle de l’agglomération lyonnaise stricto sensu. Leur conception fonctionnelle est également assez éloignée des canons classiques utilisés pour l’aménagement des surfaces d’activités. Les complexes industriels régionaux répondent à la double volonté des services de l’Etat d’exurbaniser le développement de la grande industrie au nom de la modernisation et de la concentration économique du pays, et d’adapter le potentiel productif lyonnais aux besoins et intérêts des grands groupes industriels nationaux, notamment chimiques et pétrochimiques.
Le concept de complexe industriel régional occulte partiellement l’existence des zones industrielles plus traditionnelles aménagées alors dans l’agglomération lyonnaise (voir infra, Section 2), en déplaçant la focale scalaire du développement économique de la métropole au niveau régional. C’est un outil spatial à la mesure des ambitions de développement économique des services de l’Etat et des représentant des grands groupes industriels, rassemblés au sein du bureau d’études et de promotion industrielle GCR 44 – Industrie (GCR Industrie, 1972a).
L’implantation géographique des complexes est décidée en référence au territoire métropolitain en expansion, et à l’existence d’une vaste région économique fonctionnellement intégrée couvrant le grand quart Sud-est du pays. Ils couvrent plusieurs milliers d’hectares et sont localisés à une cinquantaine de kilomètres du centre de Lyon. Ils sont dotés d’équipements collectifs inducteurs, représentant une masse suffisante pour entraîner le développement important de la sous-traitance et du secteur tertiaire, et de façon générale pour induire de nouvelles implantations industrielles à l’échelle de la métropole.
La stratégie de développement repose sur la polarisation de l’économie régionale autour de plusieurs ensembles localisés, permettant l’irrigation des activités industrielles diffuses dans l’espace. Elle vise à assurer l’animation économique coordonnée de l’ensemble de la région considérée, en s’appuyant sur la théorie des pôles de croissance élaborée par F. Perroux (1955), qui est également mise en application à Fos-sur-Mer et à Dunkerque à la même époque (Linossier, 2003 ; Castells, 1974 ; Paillard, 1981).
L’organisation spatiale de chaque complexe tient compte de la vocation productive, du niveau d’industrialisation et des problèmes socio-économiques de la région. Elle est surtout directement adaptée aux besoins techniques et humains des entreprises, et prend en considération la gestion des nuisances comme la réalisation des infrastructures nécessaires aux activités. Le changement d’échelle est motivé par le caractère spatialement restreint du processus de desserrement des activités industrielles dans l’agglomération lyonnaise, tant en termes de surfaces équipées 45 et de nombre d’emplois créés qu’en termes d’éloignement des nouvelles implantations par rapport au centre (OREAM, 1972).
Ce niveau d’approche correspond à celui des entreprises intégrées dans le processus de concentration industrielle et de développement des grands groupes français et internationaux, dont certains ont des intérêts stratégiques et historiques et stratégiques dans la région lyonnaise. La politique nationale d’aménagement du territoire utilise ainsi les complexes régionaux pour faciliter le redéploiement des activités productives souhaité par le Plan et les partenaires économiques au niveau national : « Ces nouveaux complexes se voient jouer un rôle de restructuration de l’espace économique national et régional » (GCR Industrie, 1972b). Leur conception et leur mise en place s’appuient sur des études de marché et d’aménagement réalisées par l’OREAM (1972) ou les bureaux d’expertise du réseau CDC auprès des grands groupes industriels régionaux et internationaux susceptibles de s’intéresser à la région (pétrochimie, chimie, métallurgie lourde et sidérurgie, construction électrique, papeterie).
Ils répondent ainsi à la volonté d’adapter les ressources géographiques et économiques du territoire aux besoins du grand capital industriel local et extra local, en instrumentalisant la politique d’aménagement du territoire au service du développement économique (Lojkine, 1974). Les objectifs de la politique économique nationale (concentration industrielle et financière, constitution de grands groupes, compétitivité internationale) trouvent une déclinaison pratique et pragmatique dans l’aménagement des complexes industriels régionaux. Il s’agit de prévoir et d’équiper les vastes surfaces nécessaires à l’expansion des activités des grands groupes, au plus près du pôle urbain lyonnais, sans toutefois pâtir de la contrainte liée au tissu industriel existant dans l’agglomération.
Groupe Central de Recherche.
Les zones industrielles aménagées alors dans l’agglomération lyonnaise n’excèdent pas 200 ha d’un seul tenant (voir infra, Section 2).