Les principes de l’expertise portée par le patronat lyonnais

Le Comité rassemble une centaine de membres issus des milieux économiques et universitaires lyonnais, admis en fonction de leur compétence et de leur souci de l’intérêt général. L’association est présidée par un membre du CIL, secondé par 17 personnalités élues au Conseil d’administration. Figurent notamment les dirigeants des principales entreprises industrielles et bancaires lyonnaises : la Compagnie Electro-mécanique, la LIPHA (pharmacie et cosmétiques), la CIBA (colorants chimiques), la Rhodiaceta (fils synthétiques), les Entrepôts frigorifiques, le Crédit Lyonnais, la Société de Gestion Financière Neuflize-Schlumberger-Mallet, la Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie 67 … Les autres membres adhérents, d’honneur ou actifs, sont des personnes morales ou physiques, chefs d’entreprises, fonctionnaires, libéraux, institutions ou organismes ayant un intérêt pour les questions économiques.

Les grandes lignes du programme d’activité sont définies sur la base des travaux de J. Labasse 68 , mais s’inspirent également de l’activité d’autres régions françaises en ce domaine 69 pour préciser les modes d’action. La ligne de conduite de l’association est de travailler avec indépendance et pragmatisme, de collaborer avec les différents acteurs publics ou privés comme une « société d’études (…) au service des entreprises, des professions, des pouvoirs publics ». Les statuts précisent que l’association a pour objet « d’harmoniser le plan d’équipement et le plan d’aménagement, afin de réaliser un développement rationnel de toutes les activités » 70 .

Le premier travail engagé en 1952 est un inventaire des ressources précises de la région lyonnaise, sorte de diagnostic géographique, démographique et économique du territoire, véritable démarche de connaissance systématique du territoire local censée permettre la définition précise de l’entité « région lyonnaise ». Celle-ci fait en effet l’objet de nombreuses et diverses utilisations dans le champ économique, qu’il s’agit de clarifier. La réalisation de ce travail d’enquête est confiée à l’équipe de techniciens d’Economie et Humanisme 71 . Le principal apport de cette étude publiée en 1955 (Comité d’expansion, 1955) au débat sur le développement territorial est de faire apparaître la dualité d’échelle entre la « petite » région lyonnaise, correspondant à l’agglomération lyonnaise élargie 72 , et la « grande » région lyonnaise, couvrant près de 10 départements autour de Lyon 73 . Elle sert de déclencheur pour une duplication du Comité d’Aménagement à l’échelle de la grande région lyonnaise en 1956 74 , puis de base territoriale pour les travaux de l’OREAM à partir de 1966.

Le Comité d’expansion lyonnais assure également des missions d’expertise proches de celles d’un bureau d’études ou d’un bureau d’opinion, en se penchant sur les problèmes locaux ou régionaux d’intérêt général. Il offre une collaboration active aux administrations et aux organismes responsables de la planification et de l’aménagement du territoire, sans toutefois se substituer à eux. Ses commissions thématiques, composées de représentants des différents milieux économiques lyonnais (agriculture, centrales syndicales, artisanat, commerce, secteur libéral, industrie, banque, université…) œuvrent au rassemblement d’une documentation éparse sur les problèmes économiques de la région lyonnaise. Cette base documentaire est mise à jour avec l’aide des fédérations professionnelles locales et des directions régionales des services de l’Etat implantées à Lyon : Banque de France, INSEE, services de documentation économique de l’Inspection Générale de l’Administration.

Deux orientations principales et complémentaires se distinguent dans l’organisation des travaux d’études :

  • Les commissions chargées d’étudier les équipements, les aménagements et l’urbanisme nécessaires aux activités économiques dans l’ensemble géographique lyonnais, qui croisent les thématiques de l’économie et de l’aménagement industriel :
    • Aérodrome de Bron,
    • Marché de gros et problèmes agricoles,
    • Circulation-parking et tourisme d’affaires,
    • Barrage de Pierre-Bénite,
    • Zoning Industriel,
    • Groupe de travail sur le Centre directionnel de la Part Dieu, piloté par J. Labasse (début des années 1960) ;
  • Les commissions chargées d’étudier l’emploi régional et l’évolution des différentes branches d’activités de l’économie régionale, selon une logique de veille macro-économique :
    • Main d’œuvre et emploi,
    • Conjoncture économique.

Les travaux des différentes commissions portent notamment sur l’étude des structures techniques de certaines industries locales (chaudronnerie, moulinage textile, tissage des soieries), la réalisation de notes de conjoncture sur l’activité économique locale et la mise en place du Marché Commun Européen, l’exploitation statistique des recensements de la population, l’étude des migrations alternantes et de la localisation de la main d’œuvre dans l’ensemble lyonnais, le recensement de la formation professionnelle industrielle à tous les échelons de la production, les questions énergétiques (arrivée du gaz naturel de Lacq, production et tarification de l’électricité), l’analyse des possibilités d’adaptation et de formation de la main d’œuvre face aux nouveaux besoins des entreprises, les problèmes de desserte et de circulation, le lobbying actif pour la création d’une liaison aérienne Paris-Lyon et la construction d’une nouvelle aérogare à Bron....

La Commission Zoning industriel se penche plus précisément sur la création des nouvelles zones industrielles à proximité de la ville et sur l’éviction des activités industrielles hors du centre de l’agglomération. L’expertise statistique et cartographique du tissu économique local est alors fortement influencée par les enjeux spatiaux de la croissance des activités. Le calcul des surfaces à prévoir pour les activités industrielles est en effet la préoccupation dominante des autorités publiques en charge de la planification territoriale, qui craignent un débordement anarchique des emprises industrielles dans le tissu urbain, mais aussi des entreprises industrielles, qui craignent de ne pouvoir se développer à leur guise faute d’espace disponible.

Le Comité d’expansion de la région lyonnaise joue ainsi un rôle d’expert central dans la préparation de l’élaboration des deux plans antérieurs à la LOF, de manière relativement informelle pour le PDGU mais de manière beaucoup plus institutionnalisée pour le PADOG. Entre 1958 et 1965, les problèmes d’urbanisme relatifs à l’aménagement économique dans les documents de planification de l’agglomération lyonnaise sont traités à partir de la cartographie des usines par branche 75 et par taille, des besoins en surfaces industrielles par branches et de la main d’œuvre disponible, établie par la commission Zoning Industriel. Elle renseigne sur le coefficient d’accueil des municipalités de l’agglomération et sur les possibilités de création de zones industrielles dans la proche banlieue lyonnaise. A la lumière des résultats obtenus, le Comité propose en 1962 une extension des zones industrielles prévues par le PGDU dans le cadre de l’élaboration du PADOG, ainsi qu’une harmonisation du développement des industries « non nuisantes » à proximité des zones d’habitation.

Les aspects plus immatériels du développement économique local, comme le rayonnement économique ou le positionnement stratégique de la métropole lyonnaise face à la concurrence européenne, sont en revanche beaucoup moins analysés. Toutefois, quelques études comparatives sont menées par le Comité aux côtés des bureaux d’études spécialisés centraux et des services de la Construction et de la Commission de l’Equipement Urbain de la Commission Nationale d’Aménagement du Territoire (CNAT) au début des années 1960 : entre Lyon et Francfort (Comité d’expansion, 1963), puis entre Lyon et Turin (Comité d’expansion, 1965). Elles identifient les similitudes et les différences urbaines, historiques, géographiques et économiques entre les villes, et déterminent les actions à entreprendre et les équipements à réaliser dans l’agglomération lyonnaise pour lui conférer le statut de métropole européenne au même titre que ses concurrentes étrangères. Elles servent notamment de base pour la conception du nouveau quartier d’affaires de la Part Dieu.

Notes
67.

Cette banque contribue à la croissance économique d’après-guerre en poursuivant une politique d’expansion dans le cadre d’une « concurrence aménagée » (loi de nationalisation du 2 décembre 1945), par le rachat de banques locales, la création de succursales, la prise de participation dans des entreprises et le concours financier dans diverses sociétés, comités d’études et banques d’affaires.

68.

Banquier et géographe installé à Lyon.

69.

Notamment à Reims et à Metz où des Comités d’aménagement analogues à celui de Lyon ont déjà vu le jour.

70.

Procès-verbal de l’Assemblée Générale ordinaire du Comité pour l’Aménagement du Territoire de la Région lyonnaise du 28 mars 1955. Source : Archives J. Labasse, IUL.

71.

Cette association lyonnaise créée au début des années 1940 est spécialisée techniquement et scientifiquement dans ce type de travail. Elle présente pour les responsables du Comité l’avantage d’être indépendante statutairement et forte d’une bonne expérience en la matière.

72.

La future Région Urbaine de Lyon (RUL) définie par l’OREAM en 1970. Cette région immédiate de Lyon est comprise dans un périmètre délimité par Beaujeu, Chatillon, Villars-en-Dombes, Ambérieu, Morestel, Pont-de-Bonvoisin, la Côte-Saint-André, Beaurepaire, Saint-Vallier, Annonay, Rive-de-Gier, Chazelles et Thizy.

73.

La grande région Centre Sud-est, comprise entre Tournus au Nord, Montélimard au Sud, le Puy et Langogne au Sud Ouest, les Monts du Forez et de la Madeleine à l’Ouest, la frontière alpine à l’Est. Ce périmètre, ramené à 8 départements, servira de référence pour délimiter la région Rhône-Alpes en 1972.

74.

C’est le Comité Régional d’Expansion économique du Centre-Sud Est, rassemblant tous les comités départementaux de la grande région lyonnaise (Rhône-Alpes), qui s’occupe de la préparation du PAR à partir de 1956.

75.

Six branches principales sont identifiées : BTP, chimie, métallurgie, textile, alimentation et divers.