4- L’accompagnement spatial du développement économique

Dans la métropole lyonnaise, la fraction la plus dynamique du capitalisme local et régional, avec l’aide plus ou moins directe de l’Etat via les documents de planification spatiale, met en œuvre la stratégie visant au redéploiement spatial de son appareil de production (voir supra, Section 1). La délocalisation/relocalisation spatiale des entreprises sur le territoire, à l’échelle nationale comme au niveau local, constitue un élément incontournable de la modernisation de l’appareil productif, encouragée et soutenue par les politiques de l’Etat. Le processus de desserrement des activités industrielles s’opère de la ville centre (Lyon et Villeurbanne) vers les communes périphériques. Il est d’autant plus légitime pour les pouvoirs publics qu’il accompagne l’aménagement rationnel du territoire et qu’il permet de libérer de l’espace dans la partie centrale de l’agglomération pour accueillir de nouvelles fonctions résidentielles et tertiaires.

Les acteurs institutionnels de l’agglomération lyonnaise ne participent cependant à la mise en œuvre de la politique économique et d’aménagement du territoire de l’Etat que de manière indirecte, et sous contrôle étroit des pouvoirs publics centraux. Ils sont impliqués dans la régulation économique territoriale par le biais de la planification spatiale et de l’aménagement de zones d’activités. Ils accompagnent ainsi indirectement le développement économique des entreprises sur le territoire, en contribuant à améliorer leur environnement, plus qu’ils ne le dirigent. Les principaux leviers d’intervention directe sont en effet détenus par les autorités étatiques centrales, qui ne laissent qu’une maigre possibilité de manœuvre aux collectivités locales et aux organismes à vocation économique, comme les structures patronales.

Dans les années 1960 et 1970, le développement spatial de l’agglomération lyonnaise est ainsi au centre des préoccupations des acteurs locaux en matière d’urbanisme industriel et de rénovation urbaine. Pour préparer et conduire les nombreuses opérations d’aménagement engagées, tant en matière de « zoning industriel » que de rénovation urbaine à vocation tertiaire, les municipalités de Lyon et de Villeurbanne, ainsi que certaines communes périphériques, s’appuient sur les études réalisées par l’ATURVIL et sur les compétences opérationnelles de la SERL. A partir de 1969, la COURLY et l’ATURCO prennent le relais de la conduite des opérations d’aménagement dans l’agglomération aux côtés de la SERL, en travaillant de manière étroite avec les services de l’Etat qui s’intéressent à la planification spatiale (DATAR, OREAM, DDE).

La CCIL prend également en charge la réalisation de deux zones industrielles dans l’agglomération, en qualité d’organisme parapublic oeuvrant à la fois pour l’intérêt général et pour celui des entreprises, mais la SERL reste l’opérateur dominant de l’aménagement des surfaces destinées à l’accueil des activités économiques, industrielles ou tertiaires. Elle réalise en effet la majeure partie des ZI puis des ZAC programmées dans l’agglomération. Le rôle des nouveaux outils institutionnels créés ou contrôlés par l’Etat dans la mise en œuvre du volet spatial de l’aménagement industriel de l’agglomération lyonnaise est ainsi central.

La transformation des quartiers centraux et péricentraux de Lyon, dotés d’industries anciennes implantées de manière souvent anarchique, en quartiers à vocation résidentielle et tertiaire implique l’éviction des usines et des entrepôts hors du tissu urbain central, d’autant plus lorsqu’elles occasionnent des nuisances pour leur environnement proche. L’enjeu économique et spatial de l’exurbanisation des industries vers des zones situées en périphérie, mieux adaptées à leur accueil et à leur développement, se double donc d’un enjeu urbanistique de restructuration des quartiers centraux de Lyon.

Cette double dynamique de desserrement industriel vers les périphéries et de développement tertiaire dans le centre de l’agglomération contribue directement à façonner le territoire économique de la métropole lyonnaise et à reconfigurer la géographie du système productif local. Elle permet aussi aux acteurs politiques et opérationnels lyonnais de se forger une première capacité d’expertise et de pilotage procédural en matière d’aménagement spatial à vocation économique, à travers leur implication directe dans l’aménagement opérationnel.