Section 3 : VERS LA TERRITORIALISATION DE LA REGULATION ECONOMIQUE SPATIALE

Les deux sections précédentes nous ont permis de décrire et analyser la manière dont l’Etat français organise la régulation économique aux niveaux national et local, de façon très dirigiste et centralisée, durant la période de croissance qui va de la fin de la guerre au début des années 1970. Elles montrent l’importance du volet spatial dans la mise en application de cette politique dans l’agglomération lyonnaise et l’influence de la pensée technocratique et aménagiste des services de l’Etat dans la conception et l’orientation économiques de la métropole lyonnaise au cours des années 1960. La domination du pouvoir central sur le devenir de l’agglomération lyonnaise occasionne l’éviction de la majeure partie des acteurs économiques du processus décisionnel de la planification économique et territoriale, ainsi que la mise au pas et la réorganisation institutionnelle des structures politiques et techniques locales. L’Etat porte l’intérêt des grandes entreprises du pays et l’enjeu de la compétitivité économique nationale, qu’il impose sur la scène locale à travers la politique d’aménagement du territoire et sa propre conception de ce que doit être l’intervention publique en faveur de l’économie.

Cependant, les intérêts économiques des grands groupes industriels ou tertiaires français ne sont pas assimilables aux intérêts de toutes les entreprises du pays, notamment celles qui constituent le cœur du système productif lyonnais. Les méthodes d’action utilisées et les orientations définies par les pouvoirs publics pour agir sur le fonctionnement de l’économie, très normatives et rigides, ne correspondent pas vraiment aux besoins plutôt mouvants des entreprises. De la même façon, les motivations interventionnistes et conceptuelles des responsables gouvernementaux ne sont pas forcément partagées par les élites politiques lyonnaises, qui subissent plus qu’elles ne maîtrisent les orientations de la politique économique et d’aménagement du territoire étatique, comme le nouvel appareillage institutionnel et opérationnel déployé par l’Etat dans l’agglomération.

Ce consensus local d’hostilité vis-à-vis de l’Etat régulateur, conforté par la survenue de la crise, sert de ciment à la construction d’une nouvelle approche de la régulation économique et territoriale par le système d’acteurs lyonnais dans les années 1970. Celle-ci consacre l’avènement de la logique du développement économique local et l’amorce d’une territorialisation de l’interventionnisme économique à Lyon.

Cette dernière section a ainsi pour objectif de disséquer les conditions d’émergence de la politique économique lyonnaise, afin d’identifier les changements en termes de référentiel et de contenu de l’action, en termes de méthodes d’intervention, mais aussi en termes d’organisation du système d’acteurs local et de répartition des rôles dans la conduite de l’intervention économique au niveau local. Le rôle des structures de représentation des intérêts économiques lyonnais dans l’émergence d’une politique de régulation économique territoriale pilotée au niveau local apparaît comme déterminant et pilote, alors que les pouvoirs publics municipaux et communautaires n’ont pas de prérogatives d’action officiellement reconnues par l’Etat.