Les grandes orientations du SDAM, destinées à s’appliquer sur le long terme (horizon de l’an 2000) et à modifier profondément la configuration territoriale et le fonctionnement de l’agglomération lyonnaise, sont essentiellement définies par la technocratie étatique, qui prend soin de tenir à l’écart des sphères d’expertise et de décision les principaux intéressés locaux (élus municipaux, patrons de PME-PMI).
Les travaux de l’OREAM et des cabinets d’études du réseau CDC offrent en effet une solide expertise, univoque et difficilement réfutable, à même de garantir la conformité des choix d’aménagement de la métropole lyonnaise avec les choix de principe de la politique économique établis par le gouvernement et les représentants des grands groupes industriels et financiers au niveau national. Elle relègue les travaux d’expertise économique et les études spatiales préparatoires d’aménagement et d’urbanisme produits par les acteurs lyonnais au simple rang de trame de fond, au mieux d’outil de légitimation, des projets de développement économique conçus par la technocratie étatique pour le territoire local.
Dans ce dispositif technocratique très verrouillé, le rôle du SDAU de l’agglomération lyonnaise et des POS municipaux se limite en théorie à celui de documents d’application du SDAM, plus ou moins directement opérationnels. Les grandes orientations pour le développement économique et l’aménagement de la métropole lyonnaise étant fixés dans le SDAM, leur élaboration ne semble pas devoir poser problème, dans la mesure où ce sont les services déconcentrés de l’Etat (DDE et CLAU 136 ) qui sont chargés de cette tâche, sur la base des études fournies par les cabinets parisiens implantés au sein de l’ATURCO.
Ce qui est censé n’être qu’une formalité administrative devient pourtant une formidable occasion pour les élites économiques et politiques lyonnaises de se réapproprier le pouvoir dans le processus de décision et de régulation économique au niveau local, du moins à l’échelle de l’agglomération lyonnaise. Le SDAU est mis à l’étude dès la fin des années 1960 sur le périmètre élargi de la COURLY (71 communes dont 55 membres). L’ATURCO propose des scénarios inspirés des études préliminaires menées par C. Delfante et J. Meyer dans le cadre du Livre Blanc de l’agglomération lyonnaise (Delfante, 1969). Il s’appuie également sur l’expertise produite en son sein par le CERAU, cabinet d’études du réseau CDC travaillant sur les questions d’aménagement urbain 137 .
Ses préconisations, issues d’études de marchés réalisées auprès des grandes groupes industriels régionaux et internationaux aux activités stratégiques, susceptibles de s’intéresser à la région (pétrochimie, chimie, métallurgie lourde, sidérurgie, construction électrique, papeterie), provoquent une réaction très forte de la part des acteurs économiques lyonnais. Celle-ci a des répercussions très importantes sur l’évolution du système d’acteurs local et des rôles respectifs en son sein, ainsi que sur ses relations avec le pouvoir central, qui s’expriment notamment par le changement radical des méthodes et logiques d’action dans la conduite de la régulation économique au niveau local.
Cet « épisode » de la Charte Industrielle et ses conséquences sur la conduite de la politique économique dans l’agglomération lyonnaise occupent une place capitale dans le processus de territorialisation de la régulation économique. Il tire son origine des travaux préparatoires à l’élaboration du SDAU et peut expliquer également la tardivité de son adoption, qui n’a lieu qu’en 1978, c’est-à-dire en fait « après la bataille » et la victoire des acteurs économiques – et politiques dans une moindre mesure – locaux sur l’Etat central… On retrouve ici l’idée de « victoire des territoires » sur le niveau national développée par D. Béhar (2000) à propos de la territorialisation des politiques publiques en France (voir supra, 1ère Partie, Section 3).
Commission Locale d’Aménagement et d’Urbanisme.
Le Centre d’Etudes et de Recherche sur l’Aménagement Urbain est affilié à la Caisse des Dépôts et Consignations, qui participe à son financement, par le biais du groupe de la Société Centrale d’Equipement du Territoire.