Thèmes et concepts de référence : de la croissance à la crise

Les Trente Glorieuses correspondent aux années de forte croissance économique, de modernisation des structures productives, d’expansion des activités industrielles et tertiaires. La doctrine de l’aménagement du territoire en France correspond à ce régime de croissance, durant lequel le fordisme s’impose comme le mode intensif d’accumulation du capital, permettant à la fois l’augmentation de la richesse économique grâce à la généralisation des avancées techniques dans l’ensemble du système productif, et le progrès social grâce à une gestion plus rationnelle de la répartition des tâches et à une meilleure répartition des richesses produites au sein de la population.

La politique économique et d’aménagement du territoire nationale participe ainsi directement du mode de régulation de l’économie en période de croissance, à travers le Plan. L’objectif poursuivi par les autorités centrales est précisément l’aménagement de cette croissance, la gestion rationnelle de l’expansion économique du pays pour une « harmonieuse répartition des hommes et des activités sur le territoire » (Laborie, Langumier, De Roo, 1985, p.16) : rééquilibrage de la répartition des fonctions économiques sur le territoire national de Paris vers la Province, développement des équipements collectifs, urbanisation, développement des infrastructures de communication, décentralisation et modernisation du tissu industriel à l’échelle régionale, décentration tertiaire depuis la capitale et constitution de nouveaux pôles de services en Province.

La DATAR constitue le principal foyer conceptuel et programmatique de la politique d’aménagement de l’Etat. Elle instaure un modèle de politique volontariste, fortement interventionniste et centralisé, « parfois même technocratique » (Laborie, Langumier, De Roo, 1985), qui restructure en profondeur les territoires locaux. L’agglomération lyonnaise, désignée avec ses voisines régionales comme l’unes des huit métropoles d’équilibres françaises devant contrebalancer l’hégémonie économique parisienne, sert ainsi de réceptacle à l’action de redistribution spatiale de l’Etat. Celle-ci s’opère à grands renforts de desserrement des activités dans des zones industrielles aménagées et équipées par les pouvoirs publics, de centres directionnels tertiaires et de planification territoriale, selon une logique quantitative dominante et un principe de zonage fonctionnaliste inspiré de la Charte d’Athènes.

Le rôle des services de l’Etat est prédominant à tous les stades de la conception et de la mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire, les acteurs locaux se trouvant confinés dans un position de quasi spectateurs, du moins de simples exécuteurs des actions décidées au niveau national. Le dirigisme imposé par le haut marque la régulation économique et sa déclinaison territoriale durant cette période.

La DATAR porte cependant en elle, du fait même de sa nature d’administration de mission, souple et légère, « sans hiérarchie ni division formelle du travail » (Laborie, Langumier, De Roo, 1985, p.8), les germes du changement profond que connaît la politique d’aménagement du territoire française depuis la survenue de la crise économique au début des années 1970. Avec l’évolution du contexte général vers un régime de stagnation de la croissance, l’action publique devient en effet moins normative, l’Etat devient moins dirigiste, et les méthodes d’intervention changent de nature, en devenant plus souples et pragmatiques, adaptées aux particularités économiques du territoire local et au retour en force des conceptions libérales sur la scène politique.