II - L’émergence de la politique économique lyonnaise

La reconquête du pouvoir perdu au bénéfice de l’Etat central n’est toutefois pas l’apanage unique des forces économiques locales. Les élites politiques lyonnaises souffrent également du bouleversement institutionnel imposé par le pouvoir central durant les années 1960 (création de la COURLY dans l’agglomération, de l’OREAM au niveau régional, de la DATAR au niveau national). Celui-ci remet notamment en question le pouvoir communal, appelé à s’effacer devant le nouvel échelon administratif et de gestion intercommunal. Il est cependant également très favorable à l’affirmation du pouvoir des responsables politiques de la ville centre (Lyon et Villeurbanne) au sein de l’organisme intercommunal, notamment vis-à-vis du Conseil Général du Rhône et des petites communes de banlieue (Lojkine, 1974).

Les rapports entre l’Etat et les collectivités locales sont alors fortement marqués par la volonté des municipalités de s’émanciper de la domination gouvernementale et d’obtenir plus d’autonomie dans la conduite des politiques urbaines, contrôlées de manière hégémonique par les services de l’Etat. Les revendications pour plus d’autonomie dans les choix politiques au niveau local passent en partie par les instances de la COURLY dans l’agglomération lyonnaise à partir de 1970, du moins pour les communes les plus puissantes comme Lyon et Villeurbanne. Cette situation n’est pas propre au cas lyonnais, mais s’observe au contraire dans la plupart des grandes villes du pays concernées par la politique des métropoles d’équilibre de la DATAR, notamment à Marseille où la communauté urbaine est refusée par les élus précisément en raison du risque de perte de pouvoir de la ville centre sur le devenir de son agglomération qu’elle véhicule (Linossier, 2003).

Les représentants du patronat lyonnais (CCIL, GIL) trouvent ainsi un appui favorable auprès des responsables politiques de la COURLY dans leur démarche de reconquête du pouvoir et de la légitimité d’intervention dans la conduite de la politique économique u niveau local. Les élus lyonnais acceptent en effet très difficilement les aménagements industriels de la Ville Nouvelle de l’Isle d’Abeau et de la Plaine de l’Ain, imposés par les services de l’Etat sans réelle concertation, même s’ils ont accepté la création de la COURLY pour des raisons de rapports de force politiques dans l’agglomération. Les complexes industriels régionaux aménagés par l’Etat s’inscrivent en outre directement en concurrence avec les capacités d’accueil à vocation économique et industrielle de l’agglomération lyonnaise, et ne correspondent pas vraiment aux attentes et besoins formulés, tant par les élus locaux que par les industriels lyonnais (voir supra, Section 1).

Une alliance nouvelle voit donc le jour entre les responsables politiques lyonnais et les représentants des intérêts économiques locaux, destinée à favoriser la reconnaissance par le pouvoir central étatique de la capacité d’expertise et de la légitimité du système d’acteurs lyonnais à gérer en propre les problèmes de régulation économique sur le territoire local, et notamment l’aménagement industriel dans l’agglomération. Cette forme nouvelle de partenariat politique et institutionnel au niveau local semble répondre aux enjeux du contexte économique de crise, mais elle cristallise aussi les oppositions idéologiques et de principes entre les responsables politiques de l’agglomération. Elle permet cependant la pénétration de nouvelles approches méthodologiques plus pragmatiques et adaptées aux logiques concurrentielles émergentes dans la conduite de l’intervention publique en faveur du développement économique.