Missions et positionnement stratégique de l’ADERLY

L’ADERLY est une association loi 1901 fondée par la CCIL, le GIL et la COURLY en 1973, afin de constituer un lieu de concertation et d’harmonisation de la politique économique de l’agglomération lyonnaise, dont les premières bases ont été jetées par l’adoption de la Charte Industrielle. Elle représente le stade opérationnel du programme de principe énoncé par les trois signataires lyonnais en 1972, et doit forger une doctrine stratégique nouvelle permettant la mise en œuvre des choix d’orientation de la politique économique locale définis par la Charte. Elle constitue également dans un premier temps, un moyen de réponse concret au « besoin de se défendre contre la politique d’aménagement du territoire » (Biarez, 1983, p.37) de l’Etat.

Au moment de la création de l’ADERLY, ses fondateurs sont en effet globalement hostiles au projet tertiaire des services de l’Etat. Les objectifs opérationnels de l’association sont donc d’abord conçus en référence à la stagnation industrielle, qui sévit depuis la fin des années 1960 dans la région lyonnaise, et à l’extrême dépendance des activités tertiaires par rapport à Paris. Ils consistent essentiellement à retenir les industriels lyonnais en mal d’agrandissement et à attirer sur le territoire local de nouvelles entreprises industrielles en quête de localisation. La mission principale de l’association est ainsi de promouvoir l’économie lyonnaise, d’œuvrer à l’amélioration de la qualité de l’environnement économique et territorial des entreprises et de rechercher de nouveaux investisseurs.

L’ADERLY doit relancer l’image de marque d’une ville traditionnellement productive, qui aurait un peu trop cru au mirage tertiaire 156 . La référence implicite à un refus de la politique étatique justifie également la préférence pour les usines plutôt que pour les grandes surfaces commerciales dans les premières démarches de prospection entamées par l’association, au moment où l’opération de la Part Dieu se concrétise autour de la réalisation d’un vaste centre commercial qui entache un peu l’image directionnelle et tertiaire du projet de quartier d’affaires. La survenue du premier choc pétrolier fin 1973 favorise cependant le réalignement des objectifs sectoriels de l’ADERLY sur la politique de développement métropolitain et tertiaire promue par l’Etat.

Le territoire d’intervention de l’ADERLY est défini à une échelle plus large que la stricte agglomération lyonnaise (COURLY), afin de couvrir une partie du périmètre de la RUL défini dans le SDAM. Il englobe l’aéroport international de Satolas en cours de réalisation à l’Est de Lyon, la Plaine de l’Ain et la Ville Nouvelle de l’Isle d’Abeau, marquant la reconnaissance et l’acceptation, par les acteurs politiques et économiques lyonnais, du projet d’aménagement de l’Etat planifié à une échelle beaucoup plus vaste que l’agglomération. L’action de l’association s’ouvre aussi à la thématique tertiaire, afin de permettre aux activités de services de remplacer les pertes d’emplois enregistrées par l’industrie dans l’agglomération lyonnaise, en raison du contexte de stagnation économique et d’exurbanisation des activités industrielles.

Les conclusions de la Commission de décentralisation bancaire fin 1973 ouvrent en outre de nouvelles perspectives encourageantes pour contrebalancer l’extrême centralisation des pouvoirs de décision économiques sur Paris, et permettre à Lyon de se positionner comme une alternative de localisation crédible à la capitale. L’association entend notamment rassembler et informer les acteurs économiques (établissements financiers, grands groupes nationaux et internationaux), afin de prolonger de manière plus concrète les journées de réflexion organisées sur le thème « Lyon Place Bancaire ». Cependant, cette opération ne bénéficie que du soutien épisodique des techniciens de l’ADERLY au sein de la CCIL, mais pas du personnel consulaire élu. Elle échoue donc très rapidement (voir supra).

D’autre part, le rôle de correspondant du bureau européen de rapprochement des entreprises auprès de la CEE assuré par la CCIL, facilite beaucoup le travail de promotion territoriale et de prospection nationale et internationale de l’ADERLY auprès des industriels, en favorisant les rencontres économiques entre les entreprises lyonnaises et leurs homologues européennes 157 . La thématique de l’innovation et des activités de pointe émerge également dans la stratégie d’intervention de l’association, à la faveur d’une collaboration étroite avec le groupement Innovexpert 158 , lancé par le responsable de la DATAR (J. Monod) pour promouvoir l’innovation technologique dans l’agglomération lyonnaise.

L’ADERLY est enfin désignée comme correspondant lyonnais de l’association Bureaux-Provinces fin 1974, à l’issu de la réalisation d’une étude destinée à servir d’argumentaire et de support de communication auprès des investisseurs étrangers. Il s’agit d’un dossier rassemblant les principales données qualitatives du territoire, pouvant intéresser les responsables d’une implantation en province (population, emploi, formation, logement, tourisme, loisirs, culture, services, recherche et environnement industriel), ainsi qu’un recensement des possibilités de localisation des activités tertiaires dans l’agglomération, confrontées aux critères de choix des candidats potentiels (siège social, centre administratif, centre de recherche, services d’exportation…) (ADERLY, 1974a).

L’association Bureaux-Provinces est créée début 1974 par la DATAR (Laborie, Langumier, De Roo, 1985). Elle s’inscrit dans le nouvel élan donné à la politique étatique de décentralisation tertiaire, qui doit œuvrer à la constitution de centres de décision dans les grandes villes de province comme Lyon et relancer la dynamique impulsée par la politique des métropoles d’équilibre dix ans plus tôt. La décentralisation industrielle et des fonctions de commandement n’a en effet pas suffi à assurer aux métropoles régionales une réelle autonomie de développement, malgré la nouvelle répartition des activités économiques opérée à l’échelle nationale. L’association est un plateforme de rencontre entre les entreprises et les territoires, un outil destiné à lutter contre la polarisation des fonctions tertiaires dans la région parisienne et à favoriser la communication des villes françaises à l’étranger. Son rôle est de centraliser et de diffuser des informations sur les marchés tertiaire et de bureaux, grâce à un réseau d’acteurs politiques et économiques implantés dans les territoires : élus locaux, municipalités, CCI, Comités d’expansion, syndicats professionnels et patronaux, chefs d’entreprises, personnalités du monde des affaires.

Les missions de l’ADERLY s’inscrivent donc dans le droit fil de la politique nationale d’aménagement du territoire pilotée par l’Etat, mais l’association est étroitement contrôlée par les acteurs lyonnais, notamment les représentants des forces économiques, et non par la technocratie étatique. Les objectifs s’articulent autour d’une vision renouvelée de la dépendance par rapport à Paris et de la nécessité d’un développement tertiaire, « post-industriel », de l’agglomération : redonner à Lyon et à sa région la place et le rayonnement qu’ils méritent à l’échelle nationale et internationale, faire de Lyon une alternative crédible à Paris et aux autres grandes métropoles européennes, concilier contraintes du développement économique et impératifs de la qualité de vie dans l’agglomération 159 . L’accueil du tertiaire et la qualité du développement constituent ainsi les objectifs prioritaires de l’association, qui ne renonce cependant pas à l’objectif fondateur de son action, la promotion et l’industrialisation de l’agglomération.

Notes
156.

Bonnot J.-L., « Lyon en quête d’usines », Vie française, 26/07/1973. Source : Archives du GIL-MEDEF Lyon-Rhône.

157.

Commercialisation de produits, fabrications complémentaires, sous-traitance, échanges…

158.

J. Chemain, responsable du Bureau de développement économique de la CCIL et directeur de l’ADERLY, est également président d’Innovexpert.

159.

Chemain J., « L’ADERLY au service de la région lyonnaise et de la région Rhône-Alpes », Entreprises Rhône-Alpes », juin 1974, p.35. Source : Archives du GIL-MEDEF Lyon-Rhône.