La réalisation du centre directionnel de la Part Dieu amorce ainsi le développement du marché de l’immobilier de bureaux dans l’agglomération lyonnaise. Conjuguée aux enjeux d’élaboration du premier POS de Lyon et Villeurbanne au début des années 1970, elle amène les autorités publiques lyonnaises – par le biais de leurs bras exécutants techniques : SERL et ATURCO –, et les responsables patronaux de l’ADERLY à réfléchir ensemble aux modalités de gestion de la régulation économique territoriale dans l’agglomération. Le contexte de crise, qui touche particulièrement les activités industrielles, rend également problématique le remplissage des nombreuses zones industrielles aménagées dans l’agglomération. Le consensus politique qui s’établit autour d’un nécessaire renforcement des fonctions tertiaires après l’épisode de la Charte Industrielle, mobilise aussi le système d’acteurs lyonnais autour de la définition des orientations qualitatives, des objectifs commerciaux et de la stratégie de promotion de la nouvelle politique économique locale.
Au milieu des années 1970, les travaux de la commission « Structure d’accueil » de l’ADERLY 202 mettent en évidence la nécessité de mieux connaître l’état du marché des localisations industrielles et tertiaires dans l’agglomération. Il s’agit de réaliser une meilleure adaptation de l’offre de terrains ou de locaux d’activités à la demande des entreprises et de définir de nouveaux produits fonciers et immobiliers aptes en répondre aux besoins de plus en plus diversifiés et pointus des activités économiques (services communs : restauration collective, entretien, gardiennage, bureau de poste…) (ADERLY, 1975). L’enjeu est ainsi de rapprocher la planification spatiale et l’aménagement des surfaces d’activités dans l’agglomération des intérêts économiques des entreprises, dans le but d’optimiser l’efficacité de l’action publique, d’améliorer la lisibilité des possibilités d’implantation pour les entreprises et d’améliorer, in fine, l’attractivité et le développement économique de l’agglomération lyonnaise (ADERLY, 1974b).
L’élaboration du POS est donc conduite de manière pragmatique, collective et concertée, en parallèle des travaux de réflexion des commissions thématiques de l’ADERLY (structures d’accueil, urbanisation et développement des activités, ACADI). Ils l’alimentent en fournissant notamment des éléments de différenciation qualitative des types de surfaces d’activités, en fonction des besoins des entreprises et des choix sectoriels opérés, que L’ATURCO et la DDE traduisent ensuite dans le registre de l’urbanisme réglementaire. Le POS doit par exemple permettre d’associer les contraintes de desserte et d’équipement aux zones dédiées aux fonctions économiques, et de préciser le type d’activités visé par chaque zone. Au-delà de la simple fixation des droits à construire et des prescriptions d’urbanisme pour chaque parcelle, une hiérarchie spatiale est ainsi introduite dans la localisation des différentes activités industrielles et tertiaires dans l’agglomération.
Un nouvel outil de gestion commerciale des surfaces tertiaires est également créé fin 1974 : l’observatoire du marché des bureaux de l’agglomération lyonnaise. Il est géré par le Centre d’Etude de la Conjoncture immobilière (CECIM) 203 et la société de promotion immobilière lyonnaise Pitance, déjà impliquée dans le marché immobilier par sa participation à la réalisation des programmes de la Part Dieu. L’idée découle des travaux de réflexion de l’ADERLY sur l’intérêt de disposer d’informations fiables et en continu sur l’état du marché à Lyon, mais aussi des conseils méthodologiques et conceptuels fournis par la SOPREC dans le cadre de la commercialisation des programmes immobiliers du centre directionnel (voir supra). Elle permet d’enrichir notablement les informations sur le marché immobilier et foncier, tant industriel que tertiaire, disponibles pour les investisseurs éventuels (promoteurs et entrepreneurs), qui se limitent au début des années 1970 à quelques articles de synthèse dans la presse spécialisée (Reynaud, 1973a et b).
Les enquêtes statistiques trimestrielles du CECIM s’appuient sur les informations fournies par les promoteurs et les responsables de commercialisation des programmes immobiliers (dates des livraisons, évolutions et prévisions, rythmes de commercialisation, caractéristiques fonctionnelles et qualitatives des bureaux, surfaces disponibles…). D’abord limitées au marché immobilier neuf et peu détaillées, elles sont élargies à l’ensemble du marché (bureaux en blanc, pour compte propre, associés à une activité industrielle, réservés à certains types de services, anciens ou de seconde main…) et aux indicateurs de structure d’emploi du marché tertiaire régional à partir de 1977. La publication des données statistiques de l’observatoire dans « Les Cahiers tertiaires de la région lyonnaise » de l’ADERLY s’accompagne aussi d’informations diverses, sur l’apparition de nouveaux produits immobiliers, les activités de l’Association Bureaux-Provinces, l’évolution de la politique urbaine étatique ou les orientations de politique économique décidées au niveau local.
Sur le plan opérationnel enfin, l’aménagement du centre directionnel de la Part Dieu constitue pour les techniciens de la SERL l’occasion de se former aux nouvelles méthodes pragmatiques de gestion commerciale des opérations d’urbanisme à vocation économique. Pour la SEM locale, l’enjeu principal est en effet d’apparaître comme un interlocuteur crédible et compétent, bien qu’agissant pour le compte de la puissance publique, face aux grands investisseurs privés rompus aux logiques commerciales et stratégiques de la promotion immobilière. L’expérience acquise dans ce cadre est réutilisée pour conduire les opérations tertiaires de Villeurbanne (Tonkin notamment) et de Dardilly à la fin des années 1970.
Dossier ADERLY, Archives du GIL-MEDEF Lyon-Rhône (dépouillement ; R. Linossier).
Le CECIM est une association loi 1901 créée en 1970 par la Société Pitance, regroupant l’ADERLY, la COURLY, les chambres syndicales locales des professionnels de la construction et de la promotion immobilière, des administrateurs de biens, du BTP, la Chambre des notaires du Rhône, ainsi que la plupart des agents immobiliers et promoteurs intéressés par le marché de l’immobilier de l’agglomération lyonnaise. Ses activités portent sur le marché du logement et sur celui des surfaces d’activités économiques. Il réalise des études statistiques et de prospective sur l’immobilier. Il participe également à la défense des intérêts des professionnels de l’immobilier, par la production d’études d’intérêt général (économique, social, législatif et réglementaire) et l’organisation de réunions et de campagnes d’information.