Conclusion de chapitre

L’émergence de la politique économique lyonnaise est permise par la refondation de l’alliance traditionnelle existant entre les responsables politiques et les acteurs économiques à Lyon, sur de nouvelles bases plus en phase avec la mutation du contexte économique d’un régime de croissance vers un régime de crise. La signature de la Charte Industrielle puis la création de l’ADERLY consacrent ainsi l’existence d’un certain consensus politique au sein du système d’acteurs lyonnais, autour de la volonté de bâtir et de conduire une stratégie de développement et de gestion des affaires économiques résolument locale, mieux adaptée aux enjeux spécifiques du territoire lyonnais et de ses forces économiques.

Cette dynamique nouvelle de développement économique territorialisé, est largement portée par les responsables patronaux, qui cherchent à placer la politique lyonnaise naissante au service des entreprises locales plutôt qu’au service des grands groupes extra-locaux comme le faisait l’Etat. Ils imposent leur domination sur le système d’acteurs lyonnais de la régulation économique et territoriale, en s’emparant de la conduite de l’intervention et de la promotion des intérêts économiques locaux. Les compétences d’action très limitées de la COURLY ne lui permettent pas de prendre en charge la définition et le pilotage de la politique économique, ses bras exécutants (SERL, ATURCO) se chargeant cependant de la mise en œuvre du volet spatial et urbanistique grâce à l’assistance technique des cabinets d’études de l’Etat.

Le réseau CDC et la SCET en particulier jouent le rôle de courroie de transmission des logiques de négociation et de collaboration entre la puissance publique et les grands groupes de promotion commerciale ou d’investissement immobilier dans le cadre de la conduite des projets de nouveaux centres urbains comme celui de la Part Dieu. Il s’agit de former le personnel de la SERL en lui diffusant les compétences techniques et économiques nécessaires à une meilleure compréhension, voire à l’assimilation des stratégies des acteurs privés, pour lui permettre d’adapter les opérations à leurs attentes. Ces initiatives déclenchent des protestations de la part des élus locaux de l’opposition, qui contestent cette orientation de l’action publique tendant à confondre l’intérêt général public avec l’intérêt des entreprises privées.

L’influence patronale sur la politique urbaine trouve cependant un écho favorable auprès des responsables gouvernementaux du pays et permet une imprégnation progressive des acteurs locaux aux logiques d’action inspirées du monde des entreprises. De nouvelles méthodes d’action plus stratégiques et pragmatiques sont utilisées pour conduire la politique économique locale, qui s’appuie sur des conceptions et des principes d’intervention économique largement étrangers au registre classique de l’action publique de l’époque. Le marketing et la dimension commerciale de la régulation développés à Lyon tendent ainsi à reléguer au second plan la dimension aménagiste et matérielle de l’intervention étatique. Il ne s’agit plus seulement de produire des surfaces d’accueil et des équipements pour les activités économiques sur le territoire, mais aussi de valoriser et promouvoir ce territoire pour le rendre compétitif et concurrentiel par rapport aux autres, et plus attractif vis-à-vis des investisseurs privés.