Autres facteurs limitatifs de l’engagement économique communautaire

La définition et la mise en œuvre d’une véritable politique économique par la COURLY au début des années 1980 sont également rendues très difficiles par plusieurs facteurs internes importants. Non seulement l’EPCI n’a pas de compétence dans le domaine économique malgré la décentralisation, ni en propre ni en délégation des communes membres, mais son personnel politique, globalement hostile à toute idée d’immixtion directe des élus locaux dans les affaires économiques de l’agglomération, n’organise pas de système décisionnel ou technique à vocation spécifiquement économique au sein de l’appareil communautaire avant 1984.

L’absence de cellule économique auprès du président et l’inefficacité de la commission économique, dominée par les élus lyonnais et qui se contente d’entériner les décisions et les actions de l’ADERLY, révèlent en effet le manque d’engagement politique des responsables de la COURLY dans le développement économique de l’agglomération. Elles contribuent grandement à son incapacité d’action. La COURLY ne traite en outre pas les problèmes d’emploi et de formation professionnelle, qu’elle laisse à l’appréciation de la CCIL. Pour aider les entreprises en difficulté, elle n’intervient que très indirectement, par la formulation de vœux très généraux et consensuels en faveur du maintien des emplois et des entreprises dans l’agglomération (Biarez, 1983).

La structure des comptes administratifs montre également que l’intervention de la COURLY dans le domaine de l’économie est quasiment inexistante au début des années 1980 (Biarez, 1983). La part de l’urbanisme et de l’aménagement dans les budgets d’investissement de la COURLY reste également très minoritaire depuis 1974 – de l’ordre de 5 % au maximum –, malgré les augmentations significatives des budgets totaux (1 milliard de Francs en 1974, 2 milliards en 1979, 3 milliards en 1982), même si le montant des réserves foncières et des opérations d’aménagement urbain (ZAC, réhabilitation des quartiers centraux) augmente sensiblement à partir de 1977.

Les dépenses liées à la réalisation des grands équipements collectifs, « grandes options qui avaient été déterminées en collaboration avec l’Etat » (Biarez, Kukawka, 1986, p.54), cèdent en outre la place au début des années 1980 à une politique urbaine plus endogène et qualitative, conditionnée par l’essoufflement des capacités financières de la COURLY (endettement, désengagement de l’Etat du financement des infrastructures de transport et des grandes opérations d’aménagement comme la Part Dieu), et par la nécessité de mieux adapter les décisions publiques communautaires aux réalités économiques qui frappent le territoire local en ces temps de crise. La seule participation financière directe de l’EPCI à l’effort de développement économique se fait ainsi par le biais de sa cotisation à l’ADERLY.

Le partenariat politique et financier existant entre la COURLY, la CCIL et le GIL au sein de l’ADERLY depuis les années 1970 permet en effet aux pouvoirs publics communautaires d’intervenir de façon indirecte sur les questions économiques, pour lesquelles la COURLY ne possède ni savoir-faire, ni compétence, ni légitimité. Ce rapprochement entre pouvoir politique et forces économiques constitue ainsi une première étape décisive dans le développement d’une politique économique locale, adaptée au nouveau contexte de crise et de mise en concurrence des territoires, grâce à la mobilisation collective des compétences en présence dans l’agglomération pour promouvoir son développement. Il traduit cependant la position relativement en retrait des autorités communautaires par rapport aux acteurs économiques dans la conduite de la régulation économique locale.

Enfin, l’autre obstacle à la mise en place d’une politique économique pilotée par la COURLY au début des années 1980 demeure paradoxalement son incapacité à promouvoir le territoire de l’agglomération dans son ensemble et non plus seulement à accompagner les stratégies de développement territorial des communes qui la composent. « Cet établissement public élu au second degré fonctionne comme un organisme de redistribution. Doté d’une bureaucratie puissante, il ne peut élaborer une véritable politique d’agglomération qui porterai atteinte à la spécificité des communes » (Biarez, Kukawka, 1986, p.56). Même si les responsables de la COURLY ont conscience de la nécessité pour la collectivité de dépasser le rôle traditionnel d’aménagement de structures d’accueil et de programmation d’équipements pour élaborer une véritable politique économique stratégique et qualitative au niveau local, ils peinent à se défaire des logiques de guichet et d’alignement sur le fonctionnement des communes qui prévalent au sein de l’instance communautaire depuis sa création.

Les Lyonnais sont historiquement très attachés à l’indépendance politique de la commune, attachement qui se vérifie logiquement dans le fonctionnement de la COURLY, imposée par l’Etat pour servir ses intérêts, mais aussi ceux des collectivités locales de base que sont les municipalités (Biarez, 1983). L’attitude hégémonique de la Ville de Lyon ou plus simplement intéressée de certaines municipalités de banlieue au sein de l’organisme communautaire illustre bien le goût des communes pour l’indépendance et le recours utilitaire à la COURLY, y compris dans le processus de décision politique : les opérations d’urbanisme doivent par exemple avoir l’aval du conseil municipal (et de la DDE avant la décentralisation) pour être validées et financées par la Communauté.

Plus globalement, le niveau municipal prime donc encore largement sur le niveau intercommunal pour les élus locaux. Le premier est considéré comme l’échelon politique de base et le véritable pilier de la démocratie représentative française, tandis que le second est perçu comme essentiellement technique et gestionnaire, trop éloigné des préoccupations quotidiennes des électeurs. Les communes sont ainsi plus directement impliquées dans le développement de l’action économique que la COURLY au début des années 1980, même si le consensus autour de la nécessité d’intervenir en la matière au niveau municipal n’est pas total, et se reporte en partie sur la pertinence des missions de développement économique territorial assurées par l’ADERLY.