Depuis le début des années 1990, à mesure que le pouvoir politique local s’implique toujours plus en faveur de la mise en place d’une stratégie de régulation économique territoriale, l’orientation de la politique économique lyonnaise révèle une globalisation et une mise en transversalité des politiques urbaines au service de l’enjeu économique dominant, comme dans la quasi-totalité des métropoles européennes (Boino, 2004).
Les pouvoirs publics communautaires ne pouvant intervenir qu’à la marge de l’économie, c’est-à-dire influencer le fonctionnement de l’économie sur le territoire local qu’à l’aide de moyens indirects, ils sont non seulement amenés à mobiliser des compétences d’aménagement spatial, de régénération du tissu urbain et de planification urbaine (voir infra, Section 2) – ce qu’ils font d’ailleurs depuis assez longtemps (voir supra, 2ème Partie) –, mais également des compétences relatives à la promotion internationale, à l’animation culturelle, au tourisme et à la réalisation d’équipements variés, n’ayant pas forcément une vocation économique directe mais pouvant contribuer à améliorer sensiblement le cadre de vie et l’environnement général des entreprises sur le territoire.
Selon cette conception, c’est la ville en elle-même, par le biais de ses attributs spécifiques, qui constitue la ressource centrale de son propre développement économique. Les différentes fonctions du territoire urbain font office de moteurs pour le développement économique local, grâce à leur mise en valeur au travers des politiques publiques, pour servir de support à la production d’externalités positives attractives vis-à-vis des agents économiques (entreprises, investisseurs, travailleurs qualifiés,etc.). Ce phénomène relatif à l’évolution des politiques économiques est l’une des principales caractéristiques du nouveau modèle de régulation de l’économie instauré depuis la survenue de la crise dans les années 1970. Il s’accompagne également d’une survalorisation des activités économiques innovantes, exigeant un fort capital de matière grise et une importante dimension technologique, et de la logique de l’innovation de manière générale (voir supra, 1ère Partie, Section 1).
Dans l’agglomération lyonnaise, l’inflexion en ce sens est donnée dès la fin des années 1980 par l’élaboration du nouveau schéma directeur, qui consacre l’adoption de la démarche stratégique et l’ouverture de la sphère politique à l’enjeu économique (voir infra, Section 2), ainsi que par l’arrivée de M. Noir à la tête de l’exécutif communautaire. Celui-ci s’attache en effet à faire émerger de véritables politiques d’agglomération, conçues de manière transversales et complémentaires, au service du développement économique de la métropole. L’accent est ainsi mis sur le réaménagement des espaces publics centraux et la mise en valeur esthétique et environnementale de la ville (Plan Lumière, Plan Bleu, Plan Vert). L’amélioration de l’image urbaine doit favoriser l’attractivité économique et touristique de Lyon : cette logique est prolongée par l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO sous la mandature Barre.
La culture est également convoquée, dans sa dimension de prestige et de capacité de rayonnement, pour favoriser le développement économique et l’internationalisation de Lyon. Le renforcement des grands équipements culturels existants de l’agglomération sert de pilier au développement de grands événements culturels, comme les biennales ou les festivals (déménagement de la Maison de la Danse dans les anciens locaux du théâtre du 8ème, rénovation de l’Opéra et du Musée des Beaux-Arts, réhabilitation de la halle Tony Garnier, etc.). Dès 1990, une campagne publicitaire ciblée sur les élites new-yorkaises vend ainsi la Biennale de la Danse de Lyon « Un siècle de danse américaine » outre-Atlantique 234 , relayant les efforts pionniers de l’ADERLY dans ce domaine.
Cette volonté politique d’intégrer la promotion culturelle dans la stratégie de développement économique et internationale de l’agglomération lyonnaise se traduit notamment par l’importance des investissements réalisés en matière d’équipements culturels sous la mandature de M. Noir. Une telle convocation de la culture au service du développement économique territorial est directement imputable à l’influence des milieux économiques lyonnais auprès du pouvoir politique local (voir supra, Section 3).
Il existe une certaine stabilité des orientations stratégiques en matière de politique culturelle au fil des mandats successifs. Le renforcement du potentiel d’équipements et d’évènements autour du choix de la culture vivante (opéra, art contemporain, danse, musique) apparaît comme une constante stratégique des politiques de communication et de développement touristique de la municipalité lyonnaise : création du Musée d’Art Contemporain et réhabilitation d’une friche militaire pour accueillir les activités de création artistique (Les Subsistances) sous le mandat Barre ; festivalisation et médiatisation d’une fête religieuse et traditionnelle lyonnaise (Les Illuminations du 8 décembre, devenues Festival des Lumières), lancement d’un nouveau lieu de création et de diffusion dans une friche portuaire réhabilitée (la Sucrière) et d’un festival de musique électronique (Les Nuits Sonores) sous la mandature de G. Collomb.
Un autre aspect est révélateur du rapprochement entre développement économique, internationalisation, culture et tourisme selon une logique de marketing urbain et d’attractivité par le développement des loisirs marchands (voir infra, Section 2) : la diversification depuis les années 1980 des postes de vice-Présidents communautaires ayant un lien plus ou moins direct avec la culture et le rayonnement économique de la métropole. Au début des années 1990, il n’y a qu’un vice-président chargé de la stratégie d’agglomération et un vice-président chargé des relations économiques internationales, qui s’intéressent indirectement aux questions culturelles et économiques. Sous la mandature de R. Barre, ces vice-présidences se précisent : Rayonnement international, congrès et tourisme ; Définition d’une stratégie de développement d’agglomération et implantation des grands équipements structurants (notamment culturels) ; Développement économique et grands projets 235 .
Le dispositif politique est encore affiné à l’arrivée de G. Collomb, avec un vice-président chargé du rayonnement international de l’agglomération, un autre chargé de la relation entre développement économique et rayonnement international, et une vice-présidente chargée du développement et du rayonnement des activités de création. Une politique active de renforcement de l’organisation de salons et autres manifestations relevant du tourisme d’affaires est conduite parallèlement à la construction de la nouvelle salle 3 000 236 . L’exécutif a du toutefois revoir ses ambitions à la baisse suite à l’impossibilité de déplacer le complexe d’expositions Eurexpo à proximité de l’aéroport Saint-Exupéry et de la nouvelle ligne de tramway en projet (Leslys). Le principe politique en vigueur dans l’agglomération lyonnaise est donc celui de la transversalité entre les préoccupations économiques, internationales, touristiques et culturelles (Domaine, 2002).
Suite à la loi Chevènement (voir supra), la compétence d’animation culturelle et de gestion des grands équipements collectifs d’agglomération s’ajoute en outre au panel déjà très large des prérogatives légales communautaires. Au début des années 2000, la culture, jusque là domaine réservé des municipalités, entre ainsi de plein pied dans la stratégie politique globalisante du Grand Lyon au service du développement économique et international de la métropole. La culture, notamment dans sa dimension économique d’activité événementielle, de création et d’innovation, s’inscrit non seulement tel un pivot de la politique d’internationalisation et de marketing urbain, mais surtout comme un relais de la politique technopolitaine jusqu’ici principalement centrée sur le secteur industriel. Elle constitue également un pont facile à franchir entre les activités économiques à forte capacité d’innovation et de rayonnement, et les activités touristiques au sens large (congrès, salons, mise en valeur et animation du patrimoine local), qui font aussi une entrée remarquée dans la stratégie de développement économique lyonnaise.
Le mandat de G. Collomb marque ainsi le passage d’un cran supplémentaire dans la stratégie d’instrumentalisation des différents champs d’action publique locale au service du développement économique. Il s’agit désormais d’une logique d’intégration d’une partie de la culture dans la politique de développement économique et le système productif local, et non plus seulement d’utilisation de la culture à des fins de marketing territorial. Certains pans de la création culturelle et artistique lyonnaise sont en effet hissés au rang de véritable filière d’activités et d’excellence à promouvoir aux côtés des biotechnologies ou des activités chimiques. C’est notamment le cas du textile – habillement et de la bijouterie à travers la nouvelle politique Lyon Vision Mode, et des loisirs marchands – multimédia, intégrés dans le portefeuille local de spécialités économiques appuyées par l’action de la DAEI.
Ce phénomène est cependant loin d’être exceptionnel et propre à Lyon. On le retrouve en effet dans les politiques urbaines de la plupart des métropoles européennes, qui tentent avec plus ou moins de succès de revitaliser leurs anciens quartiers industriels ou portuaires, et leur base économique locale de façon plus générale, en s’appuyant sur le développement et la promotion des filières numériques, multimédias ou de la mode (Marseille et Lille en France, Anvers en Belgique, etc.). Ce choix politique de promouvoir des industries culturelles « high-tech », ancrées dans le territoire local sous la forme de districts culturels, traduit l’engouement des gouvernements urbains pour le développement de nouvelles activités économiques à forte teneur technologique et d’innovation, considérées comme motrices dans la production de richesses sur le territoire (Boino, 2004).
L’une des trois « fonctions leviers » du développement de la métropole, identifiées dans le plan de mandat communautaire de G. Collomb en 2001, inspirées par le projet d’agglomération « 21 priorités pour le 21ème siècle » établi sous la mandature de R. Barre, affirme la nécessité de « valoriser la culture et la créativité comme vecteurs d’actions économiques ». Le rôle de la DPSA 237 dans l’imbrication des politiques culturelle, touristique et de développement économique du Grand Lyon est prégnant et déterminant. La nouvelle démarche de prospective « Lyon 2020 », initiée en 2003 autour du rassemblement de plus de 200 acteurs de l'entreprise, de la culture, de la recherche, de l'université et du monde associatif, pousse ainsi encore la politique urbaine et économique lyonnaise dans cette direction (Millénaire 3, 2002 ; Algoé Consultants, 2004).
Elle est confiée à l’Agence Euro TSG, dirigée notamment par D. Trouxe, futur adjoint à la culture de R. Barre.
Ce poste est occupé par G. Collomb.
D’une capacité d’accueil de 3 000 places, elle est située dans le prolongement du palais des congrès de la Cité Internationale.
Ex-Mission Prospective Millénaire 3 sous la mandature Barre.