Instauration de la TPU et redéfinition de l’intérêt économique communautaire

Une première commission spéciale est mise en place fin 1999 par le Grand Lyon afin d’étudier les conditions d’application de la TPU et d’exercice des compétences à l’échelle intercommunale. Sa mission est de proposer pour fin 2000 des modalités pratiques d’organisation de cette réforme dans l’agglomération. Le problème de la TPU est ainsi réglé assez rapidement, selon un calendrier de mise en œuvre s’étalant jusqu’à 2008 et une organisation de la péréquation financière entre les municipalités définie sous la forme d’une dotation de solidarité communautaire, allouée par le Grand Lyon à chaque commune en fonction de sa contribution à l’accueil des activités économiques. Elle consiste essentiellement à reverser aux communes une subvention proportionnelle au montant de taxe professionnelle que son territoire recèle.

En revanche, le changement de mandature en 2001 suspend momentanément les réflexions concernant la question des nouvelles compétences et la clarification des compétences déjà exercées. Cependant, si la mise en place de la TPU confère au Grand Lyon une nouvelle légitimité d’intervention dans le champ économique, elle le contraint aussi à préciser l’articulation des actions communautaires avec celles des communes membres. Une nouvelle commission spéciale est donc créée début 2002, chargée de poursuivre les travaux engagés lors du mandat précédent. Son premier objectif est d’actualiser les compétences déjà exercées par le Grand Lyon, notamment en matière de développement économique, afin de permettre la sécurisation juridique des actions développées durant le plan de mandat 2001-2007 au regard du cadre légal.

Elle est ainsi amenée à prendre en considération le principe de spécialité, lié au statut particulier des EPCI qui ne bénéficient que d’une compétence d’attribution contrairement aux collectivités territoriales qui disposent d’une compétence générale. Cela signifie concrètement que le Grand Lyon ne peut régler par ses délibérations que les affaires qui sont officiellement de sa compétence, c’est-à-dire celles qui lui sont expressément confiées par les municipalités membres, et non toute question d’intérêt public local comme c’est le cas pour les communes. La commission spéciale est également amenée à se pencher sut le principe d’exclusivité, qui régit la répartition des compétences entre les différents niveaux d’institutions publiques. Il induit que toute compétence ou partie de compétence transférée à l’organisme communautaire ne peut plus être exercée par les municipalités sur le périmètre considéré.

Certaines compétences peuvent en effet être partagées entre le niveau communal et le niveau intercommunal, à condition que soit clairement définie la ligne de partage permettant la répartition des tâches entre les deux niveaux institutionnels. Cette définition du mode de partition de la compétence est permise par la notion d’intérêt communautaire, qui renvoie à l’échelle territoriale pertinente de gestion d’une problématique d’intervention particulière, correspondant dans le cas lyonnais à celle de l’agglomération, c’est-à-dire au périmètre institutionnel du Grand Lyon. La détermination de l’intérêt communautaire pour chaque domaine d’activités partagées, dont font partie les actions de développement économique, est réglée par un vote du conseil communautaire puis un arrêté préfectoral, et non par un simple transfert de compétences de la part des communes. Elle suppose au préalable que soit réalisé un méticuleux travail d’inventaire des interventions engagées conjointement par l’organisme communautaire et les municipalités en matière de développement économique, afin de lever les incertitudes et les difficultés juridiques quant à la répartition des rôles et des missions.

Un audit est donc commandé au Cabinet de consultants privé KPMG fin 2002 (KPMG, 2003). Il doit permettre de remédier d’un point de vue légal à l’ambiguïté historique concernant la légitimité de l’exercice de la compétence économique par le Grand Lyon, de préciser les contours relativement flous de ce domaine d’action et de valider juridiquement les versements financiers réalisés par le Grand Lyon à ses différents partenaires dans la cadre de l’exercice de cette compétence. L’étude est réalisée sous la forme d’une enquête auprès des communes de l’agglomération, visant à recueillir leur avis sur le niveau pertinent et le mode de relation souhaité avec les services du Grand Lyon pour chaque type d’actions de développement économique 258 .

Les réponses fournies par les communes expriment une certaine contradiction : celles-ci souhaitent en effet maîtriser l’intervention économique sur leur territoire et continuer d’orienter les politiques d’aménagement, mais également renforcer le rôle du Grand Lyon en lui confiant l’exercice de tâches nouvelles et la prise en charge financière de nombreuses actions (KPMG, 2003). Elles souhaitent aussi être fortement impliquées et associées aux interventions communautaires, par le biais d’une concertation étroite entre l’organisme intercommunal et le niveau local. Toute nouvelle organisation doit ainsi nécessairement reposer sur un positionnement très clair des services du Grand Lyon sur les compétences communautaires abandonnées par les communes, et sur une organisation collective qui renforce les liens entre le Grand Lyon et les élus locaux pour l’exercice de la politique économique de l’agglomération.

Sur cette base, l’audit préconise que l’échelon communal prenne en charge les politiques en faveur de l’emploi et de l’insertion, le commerce de proximité et de l’accueil et l’orientation des chefs d’entreprises ou porteurs de projets. Un rôle significatif dans la définition des politiques d’aménagement, dans la proposition d’actions économiques spécifiques et dans la relation avec les entreprises est en outre dévolu aux élus locaux. L’échelle communautaire est en revanche considérée comme mieux adaptée pour gérer l’immobilier d’entreprises, les zones d’activité, les politiques de filières, la politique technopolitaine, la création d’entreprise, l’animation du tissu économique et la promotion économique.

Pour les autres domaines d’intervention économique, le niveau pertinent dépend de la nature et de l’ampleur de l’action ou de la taille des entreprises concernées. Le Grand Lyon est ainsi appelé à se positionner sur un certain nombre d’actions territoriales liées au développement économique :

Afin de favoriser la collaboration entre les communes et les services du Grand Lyon, l’audit propose de faire exercer certaines compétences économiques à des structures intermédiaires de type associatif, grâce au recours à la sous-traitance. L’organisation territorialisée de l’intervention communautaire à travers la mise en place de « maisons de l’économie » s’inscrit également dans la recherche d’un dispositif global, flexible et pragmatique en faveur du développement économique local répondant à plusieurs enjeux.

Le premier enjeu est la proximité du Grand Lyon avec les élus locaux, les services municipaux et le tissu économique local, notamment en termes de lisibilité de l’action auprès de la « clientèle » d’entreprises (voir infra, Section 3). Vient ensuite la volonté de répondre aux besoins généraux des entreprises en intégrant les spécificités territoriales locales (soutien à l’entreprenariat, accompagnement du marché foncier et immobilier et des projets d’implantation, d’extension, de délocalisation des entreprises, animation du territoire par la mise en réseau des acteurs et la valorisation des savoir-faire).

Il s’agit aussi de répondre aux attentes spécifiques des acteurs publics – essentiellement municipaux – sur le territoire, en matière de requalification des zones d’activité, d’accompagnement de la restructuration de filières ou de grandes entreprises, de politique technopolitaine et de renforcement des liens entre implantation d’entreprises et gestion de la main d’œuvre locale. Enfin, le Grand Lyon cherche à mieux coordonner les projets d’aménagement de zones et la politique d’animation et de développement du tissu économique, c’est-à-dire les volets spatial et qualitatif de son intervention en matière de régulation territoriale de l’économie (voir infra, Section 2).

A travers cette proposition de territorialisation de la politique économique du Grand Lyon, l’audit ne fait que confirmer et légitimer, sous le couvert de l’expertise extérieure, une démarche expérimentée par l’organisme communautaire depuis la fin des années 1990, mais qu’il souhaite généraliser à l’ensemble du périmètre de l’agglomération au début des années 2000 à la faveur de la mise en place de la TPU. La clarification de la répartition des compétences de développement économique entre les niveaux communal et intercommunal apparaît donc comme un passage obligé pour légitimer le renforcement territorial de la politique économique du Grand Lyon et lui permettre d’asseoir de façon pérenne son leadership sur la régulation économique de l’agglomération.

Notes
258.

Innovation et politique technopolitaine, politique de filières, création d’entreprises, immobilier d’entreprises commercial et non commercial, maintien et développement du tissu économique, animation des territoires, zones d’activité, politique commerciale et artisanale, promotion économique, politiques en faveur de l’emploi et de l’insertion.