Conclusion de section

Au terme de cette première section, il est donc possible d’affirmer qu’il existe une véritable politique publique de développement économique dans l’agglomération lyonnaise, pilotée par le Grand Lyon depuis le tournant des années 1980 et 1990. Elle traduit un double processus de territorialisation de la régulation économique au niveau local, qui s’opère selon deux phases successives renvoyant à des niveaux scalaires distincts.

Il s’agit bien d’une politique publique locale, dans la mesure où son existence est limitée à l’initiative des pouvoirs publics locaux de l’agglomération lyonnaise, c’est-à-dire celle des municipalités au début des années 1980 et surtout celle du Grand Lyon à partir des années 1990. Elle est directement liée à la perte de centralité de l’Etat dans le système d’acteurs local et à son renoncement à conduire des politiques de régulation économique territoriale à l’échelle nationale suite à la survenue de la crise (voir supra, 2ème Partie, Section 1), phénomènes concrétisés depuis par les transferts de compétences opérés avec les lois de décentralisation et la réorganisation de la coopération intercommunale.

Le territoire de l’agglomération, voire celui de la métropole lyonnaise à l’échelle de la RUL, est défini comme l’espace problématique de la régulation économique territoriale, formé autour de la construction d’enjeux collectifs en matière de compétition interurbaine, d’attractivité économique et d’impératif de développement concurrentiel. Ceux-ci sont intégrés politiquement par les responsables du Grand Lyon, et justifient en partie l’attitude hégémonique de la structure intercommunale au sein du système d’acteurs local.

La première étape de la territorialisation de la politique économique consiste ainsi en un transfert de la préoccupation de développement économique du niveau national au niveau local entre 1982 et 1992, à travers sa prise en charge par les pouvoirs publics de l’agglomération lyonnaise selon une logique de décentralisation institutionnelle, voulue et organisée par l’autorité étatique. La deuxième phase de territorialisation de la régulation économique est en revanche plus locale et impulsée exclusivement par l’organisme communautaire, bien que certaines cautions justifiant son intervention lui soient encore conférées par l’Etat central, via l’attribution de la taxe professionnelle par exemple. Elle consiste en une réorganisation partiellement décentralisée des services économiques du Grand Lyon, destinée à renforcer le pouvoir politique de l’organisme communautaire, à améliorer le pilotage d’ensemble de la politique économique et à faciliter sa mise en œuvre sur le territoire.

L’attribution de la compétence de développement économique aux organismes intercommunaux en 1992 entraîne donc l’inscription de l’enjeu de la compétitivité économique territoriale dans l’agenda politique local et la mise en place officielle de services techniques communautaires qui lui sont expressément dédiés. Toutefois, le Grand Lyon n’attend pas le feu vert officiel de la loi ATR pour se saisir de la problématique de la régulation économique territoriale dans l’agglomération. Les premières formes d’organisation administrative communautaire consacrées à la mise en œuvre d’actions en faveur du développement économique local existent en effet dès le milieu des années 1980. De la même façon, les effets d’annonce politique et l’émergence de l’impératif économique au cœur des plans de mandats précèdent également l’attribution légale de la compétence. L’officialisation complète de cette nouvelle compétence par le vote du Conseil communautaire est en outre très tardive (début des années 2000) : elle montre que la volonté des responsables politiques locaux d’agir dans le domaine de l’économie est largement indépendante du cadre légal, et bien plus déterminante que celui-ci pour expliquer l’émergence d’une telle politique publique dans l’agglomération lyonnaise.

Outre un programme d’action explicite dans le champ de l’économie, défini et conduit par les autorités publiques du Grand Lyon, l’analyse de la régulation économique territoriale dans l’agglomération lyonnaise laisse donc également apparaître une stratégie politique clairement affichée par les exécutifs qui se succèdent à la tête de l’organisme communautaire pour assurer son portage. Celle-ci repose sur une logique de renforcement administratif des prérogatives d’action des services techniques communautaires dans le champ du développement économique. L’organigramme est ainsi étoffé et remanié à plusieurs reprises, afin de couvrir un panel d’interventions toujours plus large : externalités de substrat, externalités de notoriété, externalités de connexion (Cauquil, 2000). Le rôle des communes comme des structures de représentation des intérêts économiques se trouve notablement diminué par les développements récents des missions de la DAEI, qui intègrent non seulement la gestion des surfaces d’activités mais aussi la promotion des filières stratégiques et l’animation territoriale.

Il s’agit maintenant d’interroger les modalités et logiques d’ouverture de l’action publique aux enjeux du développement économique et aux méthodes stratégiques issues de la sphère des entreprises, afin d’analyser les avancées mais aussi les difficultés des services techniques communautaires dans la mise en œuvre de cette nouvelle politique économique territorialisée. Les sections suivantes amènent ainsi des éléments complémentaires à la démonstration engagée concernant la réalité de la politique de régulation économique territoriale dans l’agglomération lyonnaise, notamment en matière de renforcement du caractère flexible et pragmatique de l’action publique, de mise en avant des démarches managériales et de réorganisation du mode de gouvernance pour gérer la multiplicité des acteurs en présence.