I - L’avènement de la méthode stratégique durant la décennie 1980

Les bouleversements survenus dans le couple régime d’accumulation / mode de régulation à partir du milieu des années 1970 (voir infra, 1ère Partie, Section 1) ont des répercussions importantes sur les modalités d’intervention des collectivités locales. Ils obligent en effet les pouvoirs publics locaux à opérer des choix en matière de régulation économique, notamment entre politique de grands équipements et opérations d’urbanisme ou d’aménagement plus légères, mais aussi à développer leur capacité d’expertise dans le champ de l’économie pour adapter l’action économique aux enjeux de développement économique du territoire local. Ils sont ainsi amenés à définir les nouveaux objectifs et moyens stratégiques d’un développement économique territorial plus qualitatif, adapté au nouvel environnement concurrentiel qu’impose le contexte économique d’ensemble.

L’enjeu de la régulation économique territoriale et de la gestion des territoires urbains se déplace notamment de la logique de l’aménagement et de la production d’équipements en contexte de croissance vers la logique de la création de valeur et de la production d’avantages comparatifs territorialisés en contexte de crise. Il s’agit désormais pour les autorités publiques locales de promouvoir un environnement économique attractif pour les entreprises, de différencier qualitativement le territoire local par rapport à ses concurrents et de positionner la ville sur le marché des localisations de firmes. L’enjeu européen et plus largement le défi de la mondialisation débouchent ainsi sur l’adoption d’une nouvelle démarche stratégique et globale d’intervention économique au tournant des années 1980 et 1990.

Les municipalités et l’organisme communautaire sont donc confrontées à un problème de méthode face au nouvel impératif de développement économique qui émerge au début des années 1980 : les élus et les techniciens doivent renoncer aux habitudes de travail construites durant les années de croissance (régulation et structuration de l’économie locale, par simple programmation spatiale de surfaces d’activités et d’équipements, gestion technique des services publics locaux) et trouver de nouvelles modalités de définition de la régulation économique territoriale (Biarez, 1983). Ils font également face à la nécessité de dépasser les simples actions d’incitation au développement économique par l’environnement des entreprises, très indirectes car relevant de la réalisation d’équipements lourds, ainsi que de l’urbanisme et de l’aménagement de l’espace dans une moindre mesure, afin de définir une stratégie de régulation économique territoriale fondée sur des interventions, non seulement plus directes et mieux adaptées au contexte de crise, mais aussi moins coûteuses financièrement et plus qualitatives.