« Quittant la problématique de la loi-contrôle, jugée trop contraignante au regard de la liberté à laisser tant aux acteurs économiques qu’aux pouvoirs municipaux, la planification urbaine semble donc servir d’instrument de positionnement stratégique » (Offner, 1990, p51). Une des fonctions du SDAL est peut-être ainsi de jouer le rôle d’une étude de marché, de faire l’état des lieux de la situation économique du territoire local et de suggérer les créneaux porteurs pour le développement économique local (Offner, 1990). Il devient alors un prétexte commode et légal pour la puissance publique intercommunale, qui cherche à gagner une nouvelle place dans le système d’acteurs local comme énonciatrice d’une expertise économique et surtout comme médiatrice et leader parmi les différents partenaires impliqués dan la conduite de la politique de régulation économique territoriale (voir infra, Section 3). Elle doit cependant recourir à des expertises extérieures (AGURCO, organismes économiques, consultants) pour déployer cette nouvelle planification stratégique, dont elle ne maîtrise pas les savoir-faire nécessaires.
Toutefois, le SDAL reste largement incantatoire concernant la problématique économique en tant que telle (filières, structures productives, etc.). Il ne propose pas tant des orientations pour l’intervention économique à proprement parler que pour l’amélioration de l’environnement général des activités économiques sur le territoire. Il consiste ainsi essentiellement à identifier les sites stratégiques prioritaires de l’agglomération, sur lesquels doit se concentrer l’action publique urbaine (aménagement, régénération urbaine, etc.). Il pointe également les principales fonctions économiques lyonnaises à développer, en les rattachant au double objectif international et métropolitain, en lien notamment avec la réalisation ou le renforcement des grands équipements et infrastructures de l’agglomération.
Le processus d’adoption de la démarche pragmatique et managériale par les planificateurs, sous l’influence des acteurs économiques, dans l’agglomération lyonnaise se réalise donc sans reléguer l’aspect aménagiste et urbanistique au second plan. Il fait plutôt de l’urbanisme et de l’aménagement spatial des instruments mis au service de la création de richesses et de la valorisation des atouts du territoire, c’est-à-dire de véritables facteurs de développement économique à part entière, mobilisables par les pouvoirs publics locaux pour agir en matière de régulation économique territoriale en période de crise économique et d’exacerbation des logiques de concurrence entre les villes (Sidrot, 1988). « Plus qu’un abaissement relatif de l’enjeu spatial relativement à l’enjeu économique, c’est plutôt de nouvelle articulation qu’il convient de parler : le spatial et l’économique sont et seront – au triple niveau des concepts, des pratiques et des processus de décision – entremêlés et interdépendants 286 . C’est la fin de l’autarcie du spatial et déjà maintenant l’ère de l’économico-spatial » (TETRA, 1987, p.7).
Cette ouverture de l’action publique à la complexité et la globalité du monde des entreprises passe ainsi par son ancrage dans l’espace local, qui devient parte prenante de la logique de création de valeur et d’amélioration de l’attractivité différentielle. Elle correspond donc à une forme de territorialisation de l’action économique, les facteurs du développement économique étant désormais inscrits dans le territoire.
Toutefois, durant la période croissance et de domination de l’Etat central sur l’organisation et les modalités de la régulation économique territoriale, l’urbanisme et l’aménagement sont déjà mis aux service de la politique économique, ils en constituent même le levier principal dans l’agglomération lyonnaise (voir supra, 2ème Partie). Cela conduit donc à relativiser la prétendue nouveauté de la démarche stratégique en termes de méthode de mise en œuvre du développement économique. La nouveauté réside plus en revanche dans la soumission des autres champs d’action publique à la logique dominante du développement économique. La recherche de la transversalité et de la globalisation de l’intervention publique locale au service du développement économique territorial correspond en effet à un mode d’action inédit. On ne le rencontre que dans l’autre champ de politique publique qui émerge également au cours des 1980 de manière territorialisée : la Politique de la Ville, destinée à faire face aux problèmes multiples des quartiers d’habitat social (Estèbe, 1999).
L’articulation nouvelle entre la planification sectorielle, par secteurs d’activités et/ou par fonctions urbaines, et la planification spatiale offre cependant de nouvelles perspectives à l’action publique locale, notamment dans le champ en pleine structuration du développement économique. Elle sert notamment de guide conceptuel et de légitimation méthodologique pour l’orientation résolument stratégique et de soutien aux filières d’activités innovantes, conférée à l’intervention des services économiques du Grand Lyon dans la seconde moitié des années 1990 (voir infra). Elle sert également de cadre à l’adoption pratique de la démarche de projet urbain dans la conduite opérationnelle de la mise en œuvre des politiques urbaines sur le territoire.
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