II - L’intégration fonctionnelle des politiques urbaines

L’intégration fonctionnelle des politiques urbaines au service du développement économique s’amorce dans l’agglomération lyonnaise dès le milieu des années 1980, à la faveur de la mise en œuvre du premier Plan Technopole, lancé par les techniciens de la CCIL et de l’ADERLY en 1984 (voir infra, Section 3). Celui-ci se décompose en effet en deux volets complémentaires et étroitement imbriqués, l’un relatif au développement sectoriel des activités technologiques et des relations entre établissements d’enseignement supérieur, centres de recherche et entreprises, ayant une portée essentiellement qualitative, l’autre relatif à l’aménagement spatial de sites pour accueillir ces nouvelles fonctions sur le territoire de l’agglomération.

Ce second volet, plus matériel et physique, est pris en charge par les services d’urbanisme communautaires, tandis que les organismes économiques s’occupent plutôt de la dimension qualitative de promotion et d’animation des réseaux technopolitains locaux (voir infra, Section 3). Les parcs d’activités technologiques, ou technopôles, sont conçus comme la traduction spatiale des pôles de compétences technologiques lyonnais. Ils s’intègrent dans la politique technopolitaine lyonnaise tels les signaux urbains d’une ambition de développement 287 . Cette complémentarité intime entre dimension urbanistique et dimension fonctionnelle est permise par les relations étroites et la culture de l’action publique stratégique commune que partagent les principaux représentants des organismes locaux impliqués dans la régulation économique territoriale (voir supra).

La mise en révision du SDAU de 1978 qui débouche sur l’élaboration d’un nouveau document stratégique ayant une orientation résolument économique amène également de nouveaux enjeux dans la définition et la conduite des politiques urbaines (voir supra). Celles-ci sont désormais placées sous le signe du développement économique, de la concurrence interurbaine et de l’attractivité différentielle du territoire. Leur mise en œuvre est conditionnée par l’adoption de la démarche stratégique et d’une approche globale, transversale de l’action publique. Elles sous-entendent l’intégration fonctionnelle des différents champs d’intervention de la puissance publique sur le territoire, notamment de l’urbanisme et de l’aménagement spatial au service du développement économique.

Les services communautaires construisent progressivement leur savoir-faire en matière de planification, d’urbanisme et d’aménagement de l’espace, en essayant de les connecter toujours plus aux questions économiques à travers la démarche de projet urbain. La révision du POS menée par l’AGURCO pour l’adapter au nouveau contexte économique et l’implication plus directe des services communautaires dans la conduite des opérations d’aménagement considérées comme stratégiques pour le développement économique permettent à la puissance publique locale de limiter les effets de la spéculation foncière, de canaliser les opérations privées, de prévoir des zones de projet et d’assouplir les conditions d’implantations des activités dans le périmètre central, c’est-à-dire d’intervenir de façon plus ou moins directe dans le jeu de régulation économique territoriale en contrôlant mieux la production de surfaces d’activités pour les entreprises.

Une démarche de mission opérationnelle sur le terrain est mise en place pour encadrer l’action publique urbaine selon une logique de projet stratégique. Mais la montée en puissance des services économiques communautaires à la fin des années 1990 élargit progressivement la distance fonctionnelle et culturelle existant entre les volets spatial et économique de l’intervention. Cette dissension n’est qu’en partie résolue par la territorialisation de l’action économique au début des années 1990.

Celle-ci est en effet censée permettre d’intervenir en faveur du développement économique malgré la limite de compétences des services du Grand Lyon, en mêlant non seulement le niveau de l’agglomération et le niveau des sous territoires économiques qui la composent, mais aussi les interventions immatérielles (sur le fonctionnement de l’économie) et les interventions plus physiques (en matière d’aménagement de l’espace). La territorialisation de l’action économique combine deux logiques tantôt contradictoires ou complémentaires : selon un système global défini à l’échelle du territoire dans son ensemble et visant une action qualitative en direction des filières et des structures productives ; selon des systèmes individualisés et locaux définis à l’échelle des territoires locaux de l’agglomération lyonnaise, qui vise plutôt une action concrète de proximité relevant de conceptions aménagistes.

Notes
287.

Entretien réalisé avec P.-Y. Tesse (CCIL) en juillet 2004.