Jusqu’au début des années 1990, la difficulté de définir une stratégie cohérente et globale de régulation économique territoriale, en l’absence de compétence communautaire officielle en la matière, est contrebalancée par l’utilisation de l’urbanisme et de l’aménagement comme des moyens indirects de favoriser le développement de activités économiques, essentiellement tertiaires dans la ville centre et industrielles dans le reste de l’agglomération. Les quelques zones d’activités de Lyon dédiées exclusivement aux entreprises industrielles par le SDAU de 1978 (Gerland et Vaise) sont ainsi progressivement réorientées vers l’accueil des activités tertiaires ou technologiques face à la pérennisation de la crise et à la désindustrialisation massive qui l’accompagne.
D’une manière plus générale, les principaux sites stratégiques identifiés par le SDAL font l’objet de démarches de projet urbain à vocation économique, visant la refondation des bases productives de l’agglomération : soit autour des activités tertiaires, technologiques ou marchandes (y compris autour des loisirs marchands) dans les zones péricentrales, soit autour des activités industrielles, technologiques et logistiques modernisées, dans les grandes zones d’activités situées dans la banlieue Est de Lyon (à Porte des Alpes notamment). Les opérations les emblématiques sont ainsi situées sur les sites technopolitains (Gerland), le Quai A. Lignon 292 , Vaise, le Confluent et la Part Dieu (prolongement du centre directionnel tertiaire autour de la gare TGV) (voir cartes n°4 et 5).
La COURLY gère l’urbanisme et l’aménagement en lieu et place des communes, mais confie le plus souvent la réalisation des ZAC à la SERL, bras exécutant historique des pouvoirs publics locaux en matière d’aménagement spatial, d’urbanisme et de réalisations d’équipements collectifs (voir supra, 2ème Partie, Sections 2 et 3). Au cours des années 1980, les opérations d’aménagement urbain de l’agglomération 293 sont ainsi pilotées en régie directe par les services techniques de l’urbanisme de la COURLY, concédées à la SERL ou à des opérateurs privés. Le service des Activités économiques et Concessions institué en 1984 s’occupe d’ailleurs expressément des relations avec les acteurs économiques privés qui participent à des opérations d’aménagement (industriels, grands groupes financiers, promoteurs immobiliers) (voir infra, Section 3).
Le développement des compétences internes de la COURLY en matière de maîtrise d’ouvrage d’aménagement conduit cependant à une situation assez conflictuelle, où le donneur d’ordre empiète de plus en plus sur les savoir-faire de son principal bras exécutant opérationnel. Prétextant le déficit financier chronique de nombre d’opérations, les responsables communautaires dessaisissent donc la SERL des principales réalisations urbanistiques à vocation économique à la fin des années 1980, pour les conduire en régie directe ou les confier à des acteurs privés. Ce divorce opérationnel entre la SERL et la COURLY permet aux services communautaires de l’aménagement urbain (DGDU) de récupérer la conduite d’un grand nombre d’opérations d’urbanisme dans l’agglomération et de développer encore plus leur savoir-faire en matière de conduite de projet.
Toutefois, les lourdeurs techniques et financières inhérentes à la conduite des opérations d’aménagement urbain en régie directe, comme les difficultés de gestion urbanistique liées à leur concession à des opérateurs privés plus soucieux de la rentabilité immédiate de leurs investissements que de la réussite fonctionnelle des opérations (voir infra, Section 3), conduisent les autorités communautaires à renouer avec les services de la SERL au milieu des années 1990. En outre, la survenue du krach immobilier en 1992-1993, résultant de l’éclatement de la bulle spéculative initiée à partir de 1985-1986 notamment autour du marché pléthorique de bureaux dans les grandes villes, n’est pas totalement étrangère à cette décision.
Source : www.grandlyon.org
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D’autres SEM d’aménagement sont également créées par les pouvoirs publics locaux pour prendre en charge la réalisation de certaines grandes opérations complexes, ayant une dimension économique plus ou moins importante. C’est notamment le cas pour le réaménagement du Quai A. Lignon en 1987, mais la SEM Cité Internationale est toutefois éclipsée quelques années par le concessionnaire privé désigné par la mandature de M. Noir pour conduire le projet, avant de reprendre son rôle d’aménageur en 2000 (voir infra, Section 3). Le projet du Confluent lancé sous la mandature Barre occasionne aussi la création de la SEM Lyon Confluence, chargée de conduire l’aménagement des ZAC de l’opération. Ces deux projets ont également en commun la participation de signatures architecturales et urbanistiques prestigieuses (R. Piano, O. Bohigas, F. Grether), qui contribuent à leur donner une certaine aura médiatique sur le marché international des villes.
Ainsi, la technostructure communautaire lyonnaise construit progressivement son savoir-faire en matière de management stratégique du développement urbain au service du développement économique durant les années 1980 et au début de la décennie 1990, afin de coller avec les grands objectifs énoncés par les responsables politiques après la Décentralisation. Ne pouvant intervenir officiellement en faveur du développement économique, les services techniques en charge des questions d’aménagement opérationnel, d’urbanisme et des dossiers jugés stratégiques pour l’évolution de d’agglomération renforcent considérablement leur savoir-faire pratique dans le champ de l’aménagement urbain à vocation économique, essentiellement par le biais de la maîtrise d’ouvrage en régie directe des projets d’urbanisme opérationnel de Gerland et du Quai A. Lignon.
Ils découvrent également l’approche globale et partenariale de l’action publique et des politiques urbaines, déployée dans une optique très pragmatique d’accompagnement des efforts de positionnement de la métropole lyonnaise sur le marché concurrentiel des territoires économiques. La COURLY gère le volet urbanistique et spatial de l’aménagement au service du développement économique local (réalisation des surfaces d’activités), tandis que l’ADERLY s’occupe de l’action économique plus immatérielle (marketing, promotion, information, prospection, approche stratégique du développement territorial, animation). L’association et l’EPCI sont ainsi totalement complémentaires, la première rassemblant et mobilisant l’ensemble des acteurs concernés par l’économie dans la promotion économique du territoire et la définition d’une stratégie de développement, le second parachevant cette action en lui donnant une retranscription concrète et physique par le biais de ses compétences d’aménagement et d’urbanisme.
L’urbanisme opérationnel à caractère industriel, tertiaire ou commercial s’inscrit donc progressivement comme une extension des missions d’aménagement spatial plus classiques de la puissance publique locale. Il prend ses distances avec les pesanteurs de la bureaucratie administrative communautaire, en s’ouvrant à la logique de mission, plus stratégique, pragmatique et flexible. Cette mutation augure notamment de l’ouverture des services de la COURLY à l’action économique au début des années 1990, et plus largement d’un vaste processus d’évolution en profondeur de l’administration de gestion territoriale, reposant sur l’émergence de nouvelles fonctions et de nouveaux métiers (Martin, Novarina, 1989). Dans ce dispositif d’intervention publique locale centrée sur le développement économique territorial, « les frontières entre domaines de compétences des techniciens et des politiques tendent à s’estomper » (Martin, Novarina, 1989, p.125), tout comme la délimitation entre aménagement urbain et action économique.
Opération mieux connue depuis sous le nom de Cité Internationale, située sur le site de l’ancien Palais de la Foire de Lyon délocalisé en 1984 à Chassieu dans la banlieue Est (Eurexpo).
Plus d’une centaine au total, dont 92 ZAC (30 à Lyon, 4 à Villeurbanne, 26 dans le secteur Ouest, 32 dans le secteur Ouest) : 28 sont confiées à la SERL, 6 sont réalisées en régie directe, 42 par convention avec un opérateur privé). Source : Archives du Grand Lyon.