Renouvellement urbain et développement économique

Parallèlement, la mandature de R. Barre définit une nouvel axe d’intervention pour la MDE, qui s’inscrit également en relation très étroite avec la politique de développement urbain communautaire : le lancement des premières opérations de requalification des zones industrielles aménagées dans les années 1960-70 (voir supra, 2ème Partie). Une dizaine de zones sont ainsi améliorées par la MDE à partir de 1996, notamment à Dardilly, Décines, Vaulx-en-Velin, La Mouche 302 , Meyzieu – Jonage, Corbas, Chassieu Mi-Plaine, Perica 303 , Vallée de la chimie, Craponne, Lyon Nord 304 et Lyon Sud-est 305 . Plus de quatorze millions d’Euros sont investis en cinq ans (1997-2002) pour requalifier onze parcs ou zones d’activités de l’agglomération (Lensel, Rouzies, Degrugilliers, 2002) (voir carte n°6).

La coordination globale des opérations de requalification est assurée au niveau central par la DGDU du Grand Lyon. Sur chaque site, des comités de pilotage politique et technique regroupent les élus communautaires et municipaux concernés ou les services municipaux et communautaires concernés 306 , la CCIL, les industriels locaux rassemblés en association et un paysagiste chargé de l’AMO 307 . Cette organisation en grande partie territorialisée et décentralisée préfigure largement celle qui est mise en place pour l’action économique de la DAEI au début des années 2000 (voir infra).

Il s’agit d’un moyen d’agir en faveur du développement économique local commode, concret et relativement facile à mettre en œuvre pour les services du Grand Lyon, qui souffrent encore de leur manque de savoir-faire spécialisé dans le domaine économique au milieu des années 1990. En effet, ce type d’action permet de mobiliser les compétences techniques plus traditionnelles de l’intercommunalité – aménagement spatial, urbanisme –, qui se trouvent au sein de la DGDU à laquelle appartient aussi la MDE, afin de répondre de façon visible et assez immédiate aux attentes des entreprises en matière de localisation sur le territoire. Il s’agit aussi, non seulement de coller aux besoins des entreprises en matière d’offre d’implantation et de répondre à leur attente concernant leur environnement urbain immédiat (desserte, signalétique, stationnement, etc.), mais également de redonner de la valeur marchande et économique à des surfaces d’activités en perte de compétitivité face à l’évolution du marché des localisations urbaines pour les firmes, tout en palliant la pénurie de foncier disponible en périphérie et les limites posées à l’extension urbaine, grâce à la reconquête des quartiers péricentraux frappés par la désindustrialisation.

Les opérations de requalification des zones industrielles sont en effet révélatrices du caractère limité des disponibilités foncières dans l’agglomération, comme les nouvelles opérations de réalisation de zones d’activités menées durant les années 1990, qui sont toutes situées aux franges du territoire communautaire (voir supra). Le périmètre central est en effet largement saturé, il n’y a plus de foncier disponible pour accueillir les activités économiques, notamment industrielles. Le problème est moins criant pour les activités tertiaires, il est même inversé un temps au début des années 1990 en raison de la crise immobilière qui laisse une offre de bureaux pléthorique en mal de demande…

Carte n°6 : Les zones d’activités en requalification du Grand Lyon
Carte n°6 : Les zones d’activités en requalification du Grand Lyon

Source : www.entreprendre.grandlyon.com

La mise en place par la MDE d’un dispositif d’observation de l’immobilier d’entreprise (bureaux, parcs d’activités) et du foncier industriel avec les professionnels en 1994 s’inscrit d’ailleurs dans ce contexte. L’enjeu est d’abord de gérer la crise immobilière, mais ce dispositif sert aussi de plus en plus à limiter les conséquences néfastes de la pénurie de foncier disponible à partir de la fin des années 1990, quand la demande reprend de manière très forte. La situation est en effet encore plus critique dix ans après, au début des années 2000, tant pour les implantations industrielles que pour les activités tertiaires.

Ces opérations de requalification peuvent être mises en parallèle avec les grands projets de régénération urbaine qui touchent zones de friches industrielles ou urbaines de l’agglomération, désaffectées ou inadaptées aux évolutions fonctionnelles de la ville post-moderne (voir supra). Les opérations de Gerland et de la Cité Internationale, lancées durant les années 1980, constituent les deux premiers grands projets de renouvellement urbain à vocation économique dominante réalisés dans l’agglomération lyonnaise après la Décentralisation. Elles accueillent respectivement des activités économiques et d’enseignement supérieur liées à la stratégie de développement technopolitaine pour la première (ENS Sciences et Lettres, entreprises liées aux biotechnologies), de grands équipements collectifs à fort rayonnement liés à la logique d’internationalisation de la métropole et des activités de loisirs marchands pour la seconde (siège d’Interpol, palais des congrès, Musée d’art contemporain, casino, hôtels, multiplex).

Outre des modes de pilotage des projets opposés (l’une réalisée en régie directe, l’autre concédée à un opérateur privé), elles présentent également un bilan inégal en termes de surfaces d’activités mises sur le marché. Le quartier de Gerland offre en effet beaucoup plus de possibilités d’implantation pour les entreprises, notamment dans le cadre de l’aménagement du technopôle, que le quartier de la Cité Internationale, qui reste majoritairement dédié aux fonctions commerciales et touristiques d’accompagnement du développement économique métropolitain.

Sous le mandat de R. Barre, sont lancées les opérations de régénération urbaine de Vaise et du Confluent. Le plan de développement global de Vaise permet la réalisation de plus de 150 000 m² de nouvelles surfaces d’activités entre 1997 et 2005, réparties sur trois sites qui constituent autant de pôles économiques spécialisés autour d’une ou deux filières d’activités : le quartier de l’Industrie (numérique, textile) et le secteur Gorge de Loup/Berthet (formation), aménagés grâce à la procédure de ZAC ; le haut de la rue Marietton (concessionnaires automobiles). Le grand projet du Confluent, qui couvre tout le Sud de la Presqu’île, met plus de temps à démarrer : la réalisation de la première phase doit ainsi s’achever en 2015 et prévoit environ 90 000 m² de surfaces tertiaires. Les premières réalisations à vocation économique significatives ne portent cependant que sur l’aménagement d’un pôle commercial et de loisirs de 120 000 m², prévu pour 2007.

Malgré la pénurie de terrains disponibles pour réaliser des programmes immobiliers de bureaux ou aménager des surfaces d’activités pour les entreprises dans l’agglomération, il en va de même pour le dernier projet de ce genre lancé dans l’agglomération par la mandature de G. Collomb. L’opération Carré de Soie, située à cheval sur Villeurbanne et Vaulx-en-Velin, ambitionne en effet de remplacer les anciennes usines TASE 308 par un vaste complexe commercial de 55 000 m², accompagnant un nouveau pôle de loisirs de 7 ha aménagé entre l’hippodrome de Villeurbanne et le Canal de Jonage (école de sport, multiplex, bowling, etc.). Le projet ne comporte pas de programme immobilier de bureaux, en dépit d’une localisation géographique plutôt intéressante sur la future ligne de tramway Léa-Leslys reliant la Part Dieu à l’aéroport Saint Exupéry (voir carte n°2).

La politique de requalification des zones d’activités et de régénération économique des vieux quartiers industriels péricentraux de Lyon est donc poursuivie et amplifiée sous la mandature de G. Collomb, malgré l’absorption de la MDE par la DAEI en 1999. Entre 1997 et 2002, 14.3 millions d’Euros sont investis pour la requalification de onze zones d’activités de l’agglomération (DAEI, 2004). Cependant, le volet spatial de la politique économique du Grand Lyon ne devient au tournant des années 2000 qu’un axe mineur de l’intervention des services économiques communautaires. L’action foncière (constitution d’un patrimoine communautaire et revente des terrains à un prix avantageux pour les entreprises) est toutefois mise au service du développement des activités économiques, essentiellement pour permettre à des entreprises importantes de se délocaliser au sein de l’agglomération (Infogrames, SMI KOYO) 309 (voir infra, Section 3).

Le tertiaire marchand truste les principaux projets urbains de renouvellement conduits récemment dans l’agglomération lyonnaise, surfant sur la rhétorique grandissante de l’avènement de la société des loisirs et de l’accentuation des logiques de consommation (Davezies, 2004). Le marketing urbain sert ainsi le développement économique local en misant sur l’attractivité globale de la ville, tant vis-à-vis des entreprises que des individus (Ingallina, Park, 2005). Cette domination est notamment liée au choix politique local de faire de la culture et du tourisme des axes majeurs de la stratégie d’attractivité économique lyonnaise (voir supra, Section 1). Elle est également accentuée par le choix des services économiques du Grand Lyon de privilégier le secteur des loisirs marchands à la fin des années 1990, parallèlement au développement de la logique de soutien et de promotion des nouvelles filières d’activités considérées comme stratégiques, en lien avec la relance du Plan Technopole et la nette inflexion conférée à l’action économique communautaire en direction de la stratégie.

Notes
302.

Pierre-Bénite – Irigny – Saint-Genis-Laval.

303.

Rillieux – Caluire – Sathonay Camp.

304.

Neuville – Genay.

305.

Vénissieux – Saint Priest – Mions – Corbas.

306.

Economique, urbanisme, voirie, eau, assainissement.

307.

Assistance à Maîtrise d’Ouvrage.

308.

Textiles Artificiels du Sud-Est, fermées au début des années 1980.

309.

Bilan d’activités du Grand Lyon, rubrique Economie (1999, 2000).