Conclusion de chapitre

L’intégration fonctionnelle des politiques urbaines au travers de la territorialisation de l’action publique permet donc au Grand Lyon de contrôler de plus en plus la mise en œuvre de la régulation économique territoriale dans l’agglomération lyonnaise. Face à l’incapacité technique et juridique de ses services d’agir en faveur du développement économique autrement qu’à la marge du fonctionnement de l’économie, l’autorité publique communautaire s’appuie sur la mise en application des approches stratégiques de l’action publique au travers de la démarche de projet urbain. L’aménagement spatial et l’urbanisme sont ainsi placés au service du développement économique dans les années 1980, selon une logique de valorisation urbaine et de marketing territorial relativement nouvelle par rapport à l’utilisation de ces mêmes domaines d’action à des fins de développement économique durant les Trente Glorieuses (voir supra, 2ème Partie, Section 1).

De 1985 à 1995 environ, la politique de développement économique locale déployée par l’organisme communautaire consiste essentiellement à aménager le territoire de l’agglomération lyonnaise et à l’équiper, selon une logique nouvelle de renforcement de l’attractivité territoriale et de création d’avantages comparatifs vis-à-vis des entreprises. La gestion pragmatique et flexible de l’action publique par le biais du projet urbain et des missions territoriales s’appuie sur la réorganisation des services techniques communautaires et l’approfondissement de leur savoir-faire opérationnel. Cette période correspond à une première étape, un premier niveau dans l’intégration fonctionnelle des politiques urbaines à des fins de régulation économique territoriale. Méthodologiquement, la production de surfaces d’activités, qui représente encore la majeure partie de l’intervention économique locale, est territorialisée à travers le développement d’une forme d’aménagement urbain adaptée aux impératifs d’attractivité concurrentielle et en cohérence avec l’enjeu économique.

Cependant, la volonté de mettre en place les ingrédients d’une véritable politique économique s’affirme à partir des années 1990, après l’attribution d’une compétence officielle au niveau intercommunal en la matière. Les services économiques communautaires sont en effet tentés de reproduire une forme de régulation économique territoriale plus stratégique et qualitative, sur le modèle de la politique sectorielle étatique des années de croissance (voir supra, 2ème Partie, Section 1). La DAEI s’ouvre ainsi largement à une approche du développement économique par filières, plus immatérielle et qualitative, mais beaucoup moins reliée à la dimension spatiale. Pour le Grand Lyon, l’enjeu est notamment de se positionner par rapport aux instances régionales et aux différentes agences spécialisées de l’Etat, qui sont très actives dans le champ du soutien à l’innovation et aux activités technologiques, de plus en plus porteur pour le développement économique (voir supra, 1ère partie, Section 1). La politique économique se trouve ainsi passablement coupée du champ de l’aménagement et de l’urbanisme, donc très peu territorialisée, alors que la vision managériale et purement stratégique devient prépondérante au sein des services économiques communautaires.

Face au constat d’échec relatif de ce type d’approche du développement économique au début des années 2000, la politique de régulation du Grand Lyon connaît finalement un nouveau revirement. Un nouveau dispositif territorialisé de gestion de la politique économique communautaire est mis en place. Il permet de recréer du lien entre les volets spatiaux assez classiques du développement économique – intervention à la marge du fonctionnement de l’économie mais qui reste le principal et le plus efficace levier d’action de la puissance publique au niveau local – et les volets plus qualitatifs de la logique stratégique et immatérielle des filières. Une organisation recourant à la sous-traitance permet en outre au Grand Lyon de pallier les carences de compétences de la DAEI et d’imposer son leadership au sein du système d’acteurs de la régulation économique territoriale (voir infra, Section 3).