Conclusion de section

Dans la métropole lyonnaise, la territorialisation de la régulation économique s’opère donc selon deux phases chronologiques distinctes, non seulement sur le plan politique (voir supra, section 1), mais aussi sur le plan technique du développement des modalités de mise en œuvre et des savoir-faire nécessaires.

La première phase, consécutive à la Décentralisation puis à la loi ATR, permet à l’instance communautaire de développer des capacités d’expertise sur les questions économiques (en interne et au sein de l’Agence d’urbanisme) et des compétences en matière de planification stratégique, de conduite de politiques urbaines, d’aménagement de l’espace et de gestion des services et équipements publics locaux. L’émergence d’une politique de développement économique pilotée par le Grand Lyon s’accompagne ainsi de l’acculturation progressive des services et des élus communautaires aux méthodes de gestion de l’action inspirées des techniques du management stratégique (Bouinot, Bermils, 1995). Celles-ci sont déclinées à travers des démarches de projet et par l’intégration fonctionnelle des politiques d’aménagement urbain et de développement économique, au service du développement global de la métropole et de son positionnement dans le jeu de la concurrence économique internationale.

La deuxième phase de territorialisation de la politique économique communautaire, plus récente, répond quant à elle au besoin de consolidation de la capacité d’intervention et du leadership politique du Grand Lyon dans la régulation économique métropolitaine. Elle s’inscrit dans une dynamique nouvelle de recherche d’un « entre-deux » territorial (Girault, Antheaume, Maharaj, 2002), permettant de dépasser les limites fonctionnelles et opérationnelles des découpages institutionnels existants : pluralité des organismes compétents et légitimes à intervenir dans la régulation économique métropolitaine, pluralité et contradiction éventuelle des enjeux de développement à l’échelle de la métropole et à l’échelle des territoires locaux qui la composent, difficulté des services du Grand Lyon à mettre en cohérence les différentes approches – spatiales et stratégiques – de l’action économique.

Ce processus d’innovation territoriale est ainsi destiné à renforcer la capacité d’intervention économique de l’organisme communautaire et son contrôle sur le système d’action collective. Il repose sur la mise en application opérationnelle du partenariat public/privé et des principes de l’action collective, à partir de l’invention d’une nouvelle maille territoriale à vocation essentiellement opérationnelle pour le moment, située entre le niveau communautaire et les communes, au plus proche des entreprises et des acteurs économiques. Le pragmatisme et la flexibilité sont au cœur du dispositif.

Ce qui se joue avec l’adoption et la mise en application de la méthode stratégique au cœur de l’action publique en faveur de l’économie, notamment par le biais de la planification urbaine, de l’aménagement de l’espace et de l’urbanisme – avec un rôle très important joué par des expériences pilotes comme celle de l’élaboration du SDAL ou de la conduite de projets urbains au travers des missions territoriales –, c’est donc l’intégration de la culture managériale et des modes de faire des entreprises par la puissance publique locale. Le recours à la sous-traitance, l’externalisation des tâches techniques ou de l’expertise économique nécessitant des compétences spécifiques auprès d’organismes extérieurs satellisés par le Grand Lyon participent aussi de cette recherche de flexibilité et de pragmatisme au sein de l’action publique en faveur du développement économique. La nouvelle territorialisation de l’action de la DAEI cherche ainsi à dépasser les fluctuations d’orientation et de contenus de l’action économique en intégrant ses différents volets et acteurs par le territoire.

Cette section montre donc une certaine victoire des conceptions méthodologiques libérales sur la gestion de la régulation économique territoriale, qui place l’enjeu économique au-dessus des autres champs de politiques publiques : « (…) le planning stratégique correspond à une rhétorique pratique visant à rendre acceptables, concevables de nouvelles modalités de l’action publique urbaine » (Padioleau, Demesteere, 1992, p.32). La démarche stratégique apparaît comme une méthode pour gérer, voire enclencher et faire accepter le changement dans les modes de faire de l’action publique. Il renvoie à la complexité du développement urbain dès lors que celui-ci se veut plus global et placé sous la domination de l’impératif économique, c’est-à-dire au service de l’intérêt des entreprises.

L’adoption de la démarche stratégique permet en outre de faire accepter l’idée de la participation active et plus ou moins directe des acteurs économiques dans la conduite de la régulation économique territoriale, voire le principe d’une intégration pure et simple de leurs intérêts par la puissance publique en charge de la politique de développement économique au niveau local (voir infra, Section 3).