Accueil, promotion, internationalisation et rhétorique technopolitaine

L’ADERLY poursuit la gestion de l’observatoire de l’immobilier d’entreprise (voir supra, 2ème partie, Section 3) en l’informatisant au début des années 1980, afin d’améliorer la tenue des fichiers, l’accès à l’information et la meilleure perception des volontés de relocalisation des entreprises locales et de leurs besoins qualitatifs en matière de surfaces d’implantation. Toutefois, cette mission d’accompagnement des entreprises est rapidement stoppée à la demande des conseillers en immobilier et des commercialisateurs privés, qui constituent la principale source de renseignement de l’observatoire 326 . Ceux-ci se plaignent en effet de la concurrence implicite exercée par l’association à leur égard et souhaitent préserver leur marché : à la différence de l’ADERLY qui fournit quasiment gratuitement l’information sur l’offre disponible dans l’agglomération, les agents immobiliers vendent ce service à leurs clients ; en lui fournissant leurs fichiers régulièrement, ils bradent leur expertise très pointue du marché local et mettent en péril leur fond de commerce.

L’ADERLY poursuit en revanche les actions en faveur du développement des salons et des congrès à Lyon initiées en 1978, en menant des études de faisabilité et de détermination des différents types ou domaines de manifestations envisageables pour inscrire Lyon sur le marché des métropoles européennes. Elles sont complétées par des études comparatives internationales et nationales de Lyon avec d’autres grandes villes, menées conjointement avec l’AGURCO (voir infra). Un part importante de l’action de l’ADERLY est en effet destinée à améliorer l’image de la métropole lyonnaise vis-à-vis de l’extérieur et à renforcer sa notoriété. Le volet touristique et culturel de la politique économique fait notamment l’objet d’une attention croissante, afin de contrebalancer le déficit d’image de la ville dans le domaine des loisirs.

De nombreux argumentaires thématiques complètent les productions de l’association, destinés à répondre aux attentes des investisseurs potentiels en matière de possibilités d’implantation dans l’agglomération. La promotion économique du territoire local s’oriente toutefois vers une distinction qualitative, entre activités tertiaires d’un côté (publication d’annuaire et d’un guide des compétences des sociétés lyonnaises de services aux entreprises), et promotion de quelques filières industrielles de l’autre. L’association est également engagée depuis 1978 dans une démarche de suivi de l’évolution structurelle de l’industrie à l’échelle de la RUL, à la demande de la COURLY et des services de l’Etat. Les enquêtes qui alimentent le tableau de bord sont destinées à faire émerger une stratégie de développement à moyen et long terme pour la métropole lyonnaise.

La stratégie de communication et de prospection est précisée : elle s’appuie d’avantage sur l’effet d’entraînement et de séduction attendu des témoignages relatifs aux opérations de décentralisation et d’implantation d’établissements prestigieux déjà réalisées dans la région lyonnaise. Les « bons interlocuteurs » sont mieux ciblés dans les entreprises visées, et le plan média est renforcé par la mise en place d’une démarche de publicité directe, par envoi de courriers personnalisés aux responsables des firmes dans les principaux pays ciblés.

La fonction « Accueil » de l’ADERLY est également renforcée au milieu des années 1980, à travers un effort de personnalisation des propositions et de différenciation des prestations offertes par rapport aux autres villes concurrentes de Lyon. L’action de l’association dans ce domaine vise l’intégration des chercheurs, stagiaires et étudiants étrangers lors de leur séjour à Lyon 327 , ainsi que l’accueil du personnel des entreprises qui acceptent de décentraliser tout ou partie de leurs services décisionnels et de recherche.

A partir de l’évaluation des actions, la politique économique prend surtout un nouveau virage décisif à partir de 1984. Elle s’oriente en effet d’une part vers un positionnement sur le créneau de la haute technologie et des industries de pointe, en développant l’argument technopolitain, d’autre part vers un projet de contrat « Lyon, Ville internationale », procédure proposée par le rapport Arrighi de Casanova 328 sur les fonctions internationales des grandes villes françaises, dans le cadre de laquelle l’association veut négocier un contrat avec la DATAR susceptible de concilier la volonté étatique de relancer l’aménagement du territoire et le désir local de favoriser le développement économique (ADERLY, 1983).

L’orientation de l’intervention en faveur de l’argument technopolitain émerge à Lyon en réaction à la médiatisation nationale des opérations de Sophia-Antipolis 329 et de la ZIRST de Meylan 330 au début des années 1980, qui relègue au second plan les efforts d’affichage de la métropole lyonnaise réalisés par l’ADERLY. Elle est également motivée par la montée en puissance de la concurrence entre les villes aux niveau national et européen, et par la suppression de l’agrément industriel en région parisienne, puis de celui portant sur les surfaces de bureaux, qui annulent l’avantage de Lyon sur Paris sur le marché des localisations industrielles et tertiaires en France (Biarez, Kukawka, 1986).

Le contexte de crise économique et d’exacerbation de la compétition entre les firmes fait en outre la part belle aux dynamiques d’innovation dans les nouvelles logiques de croissance et de développement (voir supra, 1ère partie, Section 1). L’objectif est donc de favoriser la valorisation des activités technologiques dans l’agglomération et le développement des entreprises innovantes, en s’appuyant sur le renforcement des relations entre les mondes de l’entreprise, de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Le Plan Technopole, approuvé par la COURLY, est piloté par la CCIL par le biais de l’ADERLY à partir de 1984-1985. Il s’agit d’imiter le modèle des technopôles français existants et des grandes technopoles américaines 331 , en combinant une triple stratégie d’aménagement de nouvelles zones d’activités sous la forme de parcs scientifiques, de sélection des entreprises candidates à l’implantation en fonction de critères d’innovation et de recherche technologique, et d’attraction de nouvelles implantations de laboratoires de recherche publics et de grandes écoles prestigieuses en jouant sur la nouvelle image économique de la métropole.

Le programme d’action est ainsi sous-tendu par des principes de transfert technologique et d’essaimage des laboratoires publics ou privés vers les PME-PMI, d’aménagement et d’animation de parcs scientifiques – ou technopôles – localisés à Gerland (Lyon 7ème), La Doua (Villeurbanne) et Lyon Ouest (à cheval sur Lyon 9ème et les communes périphériques), de prospection et d’incitation à la création d’entreprises innovantes. La première phase du plan consiste concrètement à aménager des structures d’accueil spécifiques sous forme de pépinières d’entreprises sur chacun des sites technopolitains de l’agglomération (voir infra, Section 2).

L’ambition de faire de Lyon une ville internationale constitue l’autre volet de la nouvelle orientation de la politique économique conduite par l’ADERLY, dans la continuité des efforts déployés depuis le début des années 1970 pour donner à l’agglomération une dimension métropolitaine. Toujours promue par les techniciens de l’ADERLY, elle s’appuie en grande partie sur les travaux de recherche et d’expertise de J. Labasse (1981 ; 1987), qui offrent une conceptualisation de la dimension internationale des villes appliquée à la capitale des Gaules.

Sur certains aspects, l’objectif international s’inscrit en complémentarité avec la promotion de la rhétorique technopolitaine : outre l’attraction des sièges sociaux et de grands centres internationaux 332 , l’implantation de grandes écoles comme l’ENS et le développement des établissements de recherche 333 participent en effet directement de la construction d’une nouvelle image de marque pour la métropole lyonnaise à l’échelle européenne voire mondiale, notamment dans les domaines de la science et des fonctions métropolitaines stratégiques.

Notes
326.

Ils s’organisent alors en créant la Section des Conseillers en Immobiliers d’Entreprises de Lyon (SCIEL).

327.

Dans le cadre d’accords passés avec le Centre International d’Etudiants et Stagiaires du Ministère des Affaires étrangères, les universités et grandes écoles lyonnaises, des grandes écoles étrangères et le Bureau International du Travail.

328.

Nous n’avons pas trouvé ce document, sans doute présenté au début des années 1980 au Conseil Economique et Social, ou alors s’agit-il de la référence suivante, qui reste cependant très vague sur la thématique internationale (Arrighi de Casanova, 1981).

329.

Zone d’activités vouée aux entreprises innovantes et aux établissements de recherche située dans l’arrière-pays de Nice, née à l’initiative de Pierre Lafitte (directeur de l’Ecole Nationale des Mines de Paris).

330.

Zone d’Innovation et de Recherche Scientifique et Technologique, située dans la périphérie de Grenoble. Elle est le fruit de l’initiative audacieuse de 3 élus de la commune de Meylan, appartenant à la communauté scientifique fortement représentée à Grenoble (CNRS).

331.

Route 128 près de Boston (Massachusetts), Silicon Valley près de San Francisco (Californie).

332.

Obtention de l’implantation à Lyon du siège d’Interpol, notamment.

333.

Centre International de Recherche sur le Cancer.