CHAPITRE 1 : Des héritiers du Sillon lyonnais

Le 18 juillet 1912, à neuf heures, le mariage religieux de Victor Carlhian et de Marie de Mijolla était célébré par le Père de Mijolla, à la chapelle paroissiale de Saint-Georges, deux mois et demie après la bénédiction de leurs fiançailles dans la basilique de Fourvière. Le soir, quatre-vingt-dix de leurs amis prenaient part à la réception organisée par les nouveaux époux dans leur appartement, quai de Bondy. A huit heures et demi, les invités se rassemblèrent autour des mariés pour porter une série de toasts en leur honneur. L’abbé Jean Remillieux et Raymond Thomasset prononcèrent deux allocutions, auxquelles répondit un discours de Victor Carlhian. Emilie Remillieux intervint à son tour pour dresser le panégyrique de la mariée. Et une adresse finale de l’abbé Laurent Remillieux conclut le temps des paroles. Une plaquette tirée à cent cinquante exemplaires préserva le souvenir de cette soirée où « les âmes purent librement fraterniser en mettant en commun leurs souvenirs les plus chers, leurs désirs les meilleurs, leurs aspirations les plus nobles » 7 . Réalisée par l’imprimerie coopérative de « La Source », cette plaquette rassemblait les discours qui louaient l’engagement sillonniste de Victor Carlhian et son œuvre au service de la cause, ainsi que l’action de son épouse dans les cercles féminins du même Sillon. Elle parut grâce au financement de plus d’une centaine de souscripteurs, dont la liste était reproduite dans les dernières pages et qui avaient aussi cotisé pour la commande d’une sculpture en bronze. Cette plaquette nous introduisait en fait dans le milieu sillonniste survivant à la condamnation de 1910 et dressait le bilan d’années de militance, tout en évoquant la réorientation en cours des anciens sillonnistes. Les allocutions plaçaient en exergue le rôle et l’action de Victor Carlhian, héros du jour, l’aîné et le guide du groupe sillonniste lyonnais.

La mémoire attachée à Notre-Dame Saint-Alban a toujours associé la fondation paroissiale à l’épopée du Sillon lyonnais 8 . Le groupe des sillonnistes s’était constitué tardivement à Lyon, pas avant la fin de l’année 1905, et il avait gardé des dimensions restreintes 9 . Sa difficulté à s’imposer dans l’espace catholique lyonnais s’expliquait en partie par la concurrence que pouvait représenter la Chronique Sociale de Marius Gonin, dans les champs du catholicisme social et de la démocratie chrétienne 10 . Les débuts de la militance sillonniste s’étaient d’ailleurs, dans un premier temps, confondus avec les activités des cercles d’études de la Chronique et la séparation fut douloureusement acquise. La condamnation du Sillon en 1910 et la soumission du groupe lyonnais garantirent l’avantage pris par la Chronique. En fait, les reproches adressés par l’institution ecclésiale aux sillonnistes lyonnais ne relevaient pas seulement d’une inquiétude politique. A Lyon, les dirigeants du sillon local, Victor Carlhian en premier lieu et surtout, avaient tissé des liens avec les « milieux modernisants » 11 et contrevenaient ainsi, plus gravement encore, à l’ordre de l’Eglise catholique.

Il est impossible de comprendre les réseaux de relations dont a bénéficié Notre-Dame Saint-Alban pendant l’entre-deux-guerres ni d’en concevoir l’étendue, sans revenir aux expériences initiales du réseau sillonniste. L’étude du groupe que formaient les sillonnistes lyonnais s’insère dans le cadre de la définition la plus générale qu’on peut donner d’une structure de sociabilité, « groupe(ment) permanent ou temporaire quel que soit son degré d’institutionnalisation, auquel on choisit de participer » 12 . Mais le petit groupe lyonnais était aussi intégré au réseau de sociabilité sillonniste qui s’étendait à une partie du territoire français. Ces liens, poursuivis en dehors des grands moments de la vie militante, étaient marqués à Lyon par un compagnonnage d’autant plus important que les sillonnistes étaient peu nombreux et se singularisaient des autres catholiques par leurs choix politiques et religieux. Les rapports militants furent renforcés par des relations personnelles et familiales qui contribuaient à structurer le groupe et à lui donner sa cohérence. C’est d’abord au sein de ce groupe qu’il faut saisir les fondateurs de Notre-Dame Saint-Alban et leurs futurs partenaires. L’analyse de leurs idées doit conduire bien sûr à mesurer l’écart qui les séparait des autres catholiques, et donc à décrire les positions qu’ils adoptèrent face à la République et à la crise moderniste, mais sans oublier de discerner ce qui les unissait tout de même aux expériences vécues par cette génération de catholiques, qui a dû affronter la Séparation des Eglises et de l’Etat, avant d’être exposée, avec les autres Français cette fois, aux menaces de la montée des nationalismes. Il apparaît aussi évident que le travail, s’il doit combiner plusieurs approches en allant voir du côté des historiens qui ont mis en valeur l’étude des réseaux de sociabilité ou le concept de génération 13 , focalisera souvent l’étude sur les futurs acteurs de la fondation paroissiale, pour commencer à en cerner les logiques individuelles.

L’hypothèse de recherche qui a guidé l’étude de la plaquette éditée en hommage à Victor Carlhian, à l’occasion de son mariage, a été fondée sur la supposition que ce document pouvait permettre de saisir les composantes et le fonctionnement du réseau sillonniste lyonnais, et surtout de le suivre après 1910, d’abord à partir des indices que livraient, essentiellement, les propos des intervenants sur leur auditoire, et donc sur les invités de Victor Carlhian et de Marie de Mijolla, puis à partir d’une étude de la liste des souscripteurs. L’identification des cent vingt-deux individus cités pouvait paraître difficile à mener, tant de noms n’évoquaient aucune résonance particulière. Mais dès la première lecture, on reconnaissait des personnalités importantes de l’histoire nationale du Sillon, comme Marc Sangnier, des acteurs notoires de l’histoire religieuse et politique, lyonnaise surtout, atteints au moment de leurs premiers engagements, de leurs premières entreprises, tels que Elie Vignal, Eugène Pons ou, dans un autre registre, l’abbé Joseph Lavarenne et, dans un autre lieu, François Perroux, ou s’imposant déjà comme d’éminentes figures intellectuelles, et on peut ici relever le nom de Joseph Serre par exemple. En fin de liste sont inscrits « les camarades de Bourg-Saint-Maurice (Savoie) » et « les camarades de Roanne ». C’est bien la mention de ces deux groupes sillonnistes qui a lancé l’hypothèse de recherche, en dépit de l’anonymat conservé, dans cette approche initiale, par le plus grand nombre des souscripteurs.

Déjà, les allusions directes ou voilées aux invités de la soirée donnée en l’honneur de son mariage par Victor Carlhian, comme la thématique des interventions de Jean Remillieux et de Raymond Thomasset, laissaient entrevoir la forte présence des anciens sillonnistes. Les propos les plus clairs furent tenus par Raymond Thomasset, directeur de « La Source », « au nom de tous les camarades et amis » 14 . Le terme de « camarade », qu’utilisaient les sillonnistes pour s’interpeller, est employé quatre fois, soit au singulier pour désigner Victor Carlhian, soit au pluriel pour évoquer le reste du groupe qui était convié à des « réunions », à des « causeries », à « des tournées collectives de propagande pendant lesquelles s’[était] forgée en [eux] l’âme commune qui [les] uni[ssait] encore si étroitement » à ce jour 15 . Et de rappeler encore les divers congrès qu’ils avaient tenus à Lyon. Une opposition temporelle marque le texte et l’organise autour d’un avant, tout entier voué au Sillon, et d’un après, où le groupe avait cherché à reconvertir ses activités militantes, la ligne de rupture passant implicitement par la condamnation de 1910. Mais ce sont les mêmes « camarades et amis » qu’on retrouve de part et d’autre. Leurs efforts se concentraient maintenant sur l’imprimerie collective de « La Source », sur la Colonie de Vacances de Chapareillan et, pour la plupart des jeunes militants, sur la Ligue de la Jeune République.

Si les propos de l’abbé Jean Remillieux, le premier à prendre la parole, paraissent moins nets dans l’interpellation de l’auditoire, ils restaient tout aussi signifiants. Son discours n’était pas empreint de l’admiration pour « le grand frère », l’initiateur du groupe et de toutes ses actions, qui teintait les paroles de Raymond Thomasset. Il trahissait en revanche le caractère plus intime d’une relation : l’écriture lui confèret un ton personnel, proche de la confidence, alors qu’avec l’allocution suivante, on reste pour l’essentiel dans le domaine du public.

‘« En appelant […] à bénir [votre foyer] de la main d’un prêtre dont le seul titre à cet honneur est sa très vive affection pour toi, Victor, mais qui ne saurait oublier à l’ombre de quel idéal est née cette amitié, quelles espérances communes l’ont rendue tout à fait intime et fraternelle ; tu as signifié assez quels souvenirs vous vouliez, Marie et toi, qu’on rappelle ce soir et, au seuil d’une nouvelle période de vie, à quel passé vous entendiez, l’un et l’autre, rattacher les efforts, les joies, les peines, les victoires dont sera fait demain. » 16

Le langage du prêtre revêt aussi une dimension religieuse : le champ du politique, s’il perce dans les propos de Jean Remillieux, côtoyait toujours celui du sacré. D’ailleurs, l’abbé Remillieux, comme il l’annonçait, devait ensuite procéder à la bénédiction de l’appartement des nouveaux époux. Le terme de « camarade » était remplacé par celui d’ « ami », alors que Victor Carlhian dans sa réponse reprenait le vocabulaire utilisé par Raymond Thomasset et confirmait à plusieurs reprises qu’il s’adressait à ses « chers camarades », « venus si nombreux affirmer l’amitié que tant d’aspirations et de désirs communs [avaient] depuis si longtemps rendue indissoluble » 17 . L’abbé Jean Remillieux ne se comprenait pas dans le groupe des laïcs, militants sillonnistes.

Néanmoins, il avait partagé avec eux la même cause, le même « idéal ». Et finalement, la dualité temporelle relevée dans le texte de Raymond Thomasset apparaît aussi et structure, à sa façon plus littéraire, un discours qui reprenait l’itinéraire de Victor Carlhian. Un passé nostalgique se détachait d’un présent chargé d’espérance chrétienne au-delà de toute action. De ce passé, on avait dû faire le deuil et la souffrance éprouvée innervait son souvenir. Pourtant, pour Jean Remillieux, la personne de son ami et son amitié assuraient la continuité et permettaient à chacun de comprendre que les fruits mûris par le Sillon ne se réduisaient pas à ceux d’un combat politique et matériel. Le réseau d’affections qui s’était noué, grâce à Victor Carlhian, autour de l’expérience sillonniste, et là l’auteur du discours s’incluait dans le groupe, pouvait perdurer et être réinvesti dans de nouveaux apostolats.

‘« En dépit des sacrifices matériels que […] tu as accomplis pour permettre au Sillon lyonnais de vivre et de se répandre, nous plaçons bien plus haut les délicatesses que tu as prodiguées à tous ceux de nos amis dont les découragements, la solitude, la faiblesse ou les ardeurs sollicitaient cette incomparable aumône. Auprès de ces conseils, de ces affections tenaces, que sont les soirs glorieux et enthousiastes des congrès de jadis ? La fragilité de ces victoires s’est d’ailleurs montrée tout d’un coup, et, le Sillon mort, seuls ont continué de vivre les fruits de tes intimes et silencieuses délicatesses.
Ton mérite fut, depuis ce jour douloureux, de rester l’ami qui console et réconforte, quand tu sentais toi-même ton âme désemparée. Et c’est alors que la Providence, attentive à proportionner la grâce à l’effort, la joie à la peine, prépara, avec votre complicité heureuse, le foyer qui se fonde. » 18

La dernier toast, porté en l’honneur de la mariée cette fois, fut prononcé par Emilie Remillieux, la sœur de l’abbé Jean Remillieux. Elle justifia d’emblée sa prise de parole en expliquant qu’elle représentait « le Cercle » 19 et qu’elle s’exprimait au nom de « toutes » ; l’emploi constant de la première personne du pluriel après le paragraphe d’introduction tend à le prouver. Même si elle n’était qu’une « cadette », elle désirait remercier la « sœur aînée » qui avait su faire naître l’ardeur, discipliner les bonnes volontés et les mener vers des résultats tangibles, qui leur avaient permis de gagner la reconnaissance d’autres cercles féminins en dehors de Lyon. Les propos demeuraient donc centrés sur l’expérience sillonniste, même s’ils concédaient que les adhérentes du groupe des dames du Sillon n’étaient pas focalisées sur le combat politique et social et que leurs activités primordiales se déroulaient à un autre niveau. L’intervention de Marie de Mijolla dans le Cercle féminin du Sillon lyonnais semblait tardive, puisqu’elle était datée de 1909 par Emilie Remillieux. Mais justement, dans son intervention, la rupture de 1910 n’apparaissait plus traumatisante. Elle fixait aussi un avant et un après, mais alors que chez les hommes la nostalgie l’emportait et que l’après n’était sauvé que par l’enthousiasme de l’activisme (Raymond Thomasset) ou par la transcendance d’une recherche religieuse (Jean Remillieux), ici, la condamnation s’était ouverte sur une redéfinition positive des priorités :

‘« Déjà en 1910, ô merveille, une amie, étrangère à notre ville disait de nous : “ Les retardataires, les timorées, les réactionnaires que sont les Lyonnaises sont devenues vraiment très chic ! ”. C’est ton ouvrage, ma chère Marie, ouvrage de préparation encore, puisque, quelques mois après – et nous en sommes là – nous devions prendre pied sur le terrain qui est véritablement le nôtre. » 20

On peut se demander si l’assemblée ne comptait vraiment que des anciens sillonnistes, puisque souvent étaient évoqués par Raymond Thomasset « nos meilleurs amis lyonnais », « les personnes sympathiques à la Ligue de la Jeune République », « nos amis très dévoués », qui continuaient à s’opposer au « nous » des « camarades ». On le croira cependant car il ne s’adressait jamais directement à eux, mais les désignait comme une des cibles du prosélytisme des « camarades », assurément présents à la soirée de Victor Carlhian. Pourtant, cette façon de nommer ceux qui, sans participer aux activités militantes sillonnistes, auraient été des sympathisants aux idées sillonnistes et des soutiens du groupe lyonnais, laisse envisager que l’étude du milieu sillonniste lyonnais ne doit pas s’arrêter à celle de ses militants. Il faut y intégrer cette nébuleuse d’amis lyonnais dévoués, qui pourrait nous conduire à définir plus largement tout un milieu catholique, aux sensibilités religieuse et politique particulières. Ce n’est qu’une fois ce milieu défini, qu’on sera amené à le confronter aux autres tendances du catholicisme lyonnais, tout en ayant conscience que, loin d’un cloisonnement strict, des échanges et des liens se tissaient, sinon entre les groupes, du moins entre les individus, liens qui venaient complexifier les différents réseaux catholiques.

Finalement, les toasts portés aux nouveaux mariés lors de ce 18 juillet 1912, en nous introduisant dans le groupe des anciens sillonnistes réunis autour de leur mentor, auront commencé à dévoiler les composantes et le fonctionnement du Sillon lyonnais : des militants laïcs, au sein desquels on devine la coexistence de deux générations (dans le sens démographique de classes d’âge cette fois) qui n’ont peut-être pas connu le même devenir, des clercs, attirés par l’idéal sillonniste et qui ont accompagné, un temps, les laïcs et leur désir d’action, des femmes, des jeunes filles, souvent des célibataires, dont les activités et les œuvres parfois parallèles ont joint la cause sillonniste à celle de la femme catholique. Il faudra vérifier le rôle et la place de chacun pour savoir, notamment, si la responsabilité exclusive du groupe sillonniste attribuée à Victor Carlhian ne constitue pas un effet de grossissement dû à l’événement dont il était pour un jour le héros. On doit approfondir les thèmes esquissés, d’abord en se livrant à une étude des sillonnistes lyonnais à partir de la liste des souscripteurs de la plaquette imprimée par « La Source », sans oublier de s’attarder sur l’animateur du Sillon de Lyon ni de relier les Lyonnais aux autres groupes locaux et au Sillon national. Il s’agira aussi de s’enquérir du cours de la vie sillonniste, autrement dit de l’expérience militante, avant d'évaluer le trouble jeté par la condamnation de 1910 et de suivre, dans les tout premiers temps, la reconversion des activités du groupe lyonnais et de ses acteurs les plus notables quant à la future histoire de Notre-Dame Saint-Alban 21 . On ne dépassera guère ici les années 1911-1913, et c’est la première année du mariage de Victor Carlhian qui clôturera chronologiquement le développement.

Notes
7.

Plaquette imprimée pour le mariage de Victor Carlhian et de Marie de Mijolla, « Hommage affectueux de leurs Amis reconnaissants à l’occasion de leur mariage », p. 6. Institut Marc Sangnier, Petits fonds, « Victor Carlhian ».

8.

Dans les chapitres consacrés à « La vocation sacerdotale » de Laurent Remillieux et à la mise en place de la paroisse, Joseph Folliet évoque l’importance des amitiés sillonnistes du prêtre et précise que ce fut « parmi les anciens sillonnistes qu’il trouva les premiers concours pour son œuvre paroissiale », J. Folliet, Le Père Remillieux…, op. cit., p. 31. Même si le rôle des sillonnistes est minoré face à celui de Laurent Remillieux, ils apparaissent dès qu’il s’agit de remonter aux origines de la paroisse. De la même façon, les témoignages d’anciens paroissiens ont toujours mis en exergue le fait qu’à ses débuts, la paroisse de Notre-Dame Saint-Alban était celle des anciens sillonnistes lyonnais.

9.

Un mémoire de maîtrise a été soutenu sur le sujet par Gatien Goyard, Le Sillon dans le Rhône (1904-1910), Maîtrise d’histoire contemporaine sous la direction de Jean-Dominique Durand, Université Jean Moulin Lyon 3, 1995, 212 p. Il propose une synthèse claire et pertinente sur la question et je m’y référerai à plusieurs reprises. J’ai revu certaines sources, étudiées par l’auteur, dans la perspective de mon sujet, notamment les papiers conservés par l’Institut Marc Sangnier à Paris (dont certains avaient été peu ou pas utilisés, comme la correspondance de Francisque Gay) et ceux contenus dans les Archives de l’Archevêché de Lyon et je les ai complétées par les papiers personnels des familles Remillieux et Carlhian que j’ai pu avoir à ma disposition. La correspondance privée des Remillieux m’a permis d’entrer dans des considérations moins connues, car plus personnelles. L’ouvrage de référence sur l’histoire générale du Sillon reste à ce jour le travail, déjà ancien, de Jeanne Caron, Le Sillon et la démocratie chrétienne (1894-1910), Paris, Plon, 1967, 798 p. Malheureusement, les documents que l’auteur cite dans ses notes et qui lui ont fourni les renseignements nécessaires sur le Sillon lyonnais semblent avoir disparu. Ils faisaient partie des papiers Carlhian confiés à Jeanne Caron et offraient des informations sur les sillonnistes lyonnais et sur leurs liens avec les autres sillons régionaux ou locaux et avec le Sillon central. Les journées d’études et les publications de l’Institut Marc Sangnier réactualisent l’histoire de ce mouvement et contribuent à ouvrir sur le thème de nouveaux chantiers de recherche. Ainsi des travaux sur les groupes sillonnistes locaux, souvent mal connus, ou sur le devenir de ces mêmes groupes ont été entrepris. Voir la journée d’étude, tenue en Sorbonne le 29 septembre 2000, sur le thème « Marc Sangnier en 1910. La lettre Notre charge apostolique et ses suites », et proposant une contribution de Vincent Rogard sur « Le devenir des groupes sillonnistes locaux ». 

10.

Voir Christian Ponson, Les catholiques lyonnais et la Chronique sociale. 1892-1914, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1979, 379 p. L’auteur propose un panorama du catholicisme lyonnais de la Belle Epoque, indispensable à qui veut se repérer parmi les multiples tendances de ce catholicisme. On peut alors mieux comprendre l’originalité des militants sillonnistes et mettre en perspective leur engagement politique, intellectuel et social.

11.

C’est ainsi que Victor Carlhian est envisagé par Etienne Fouilloux lorsqu’il explique que ce fut par lui que passa, dans le Groupe de travail en commun créé par Jacques Chevalier en 1920, l’héritage « du Sillon et des milieux modernisants lyonnais », Une Eglise en quête de liberté…, op. cit., p. 163. 

12.

La définition est empruntée à Jean-François Sirinelli, « Le hasard ou la nécessité ? Une histoire en chantier : l’histoire des intellectuels », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 9, janvier-mars 1986, p. 97-108, p. 103.

13.

En ce qui concerne les réseaux et la sociabilité qui leur est attachée, les travaux qui m’ont paru les plus à même de guider l’étude du réseau sillonniste lyonnais, sont centrés sur les intellectuels. On peut alors se référer au numéro 20 des Cahiers de l’I.H.T.P. de mars 1992, consacré aux « Sociabilités intellectuelles. Lieux, milieux, réseaux » et qui propose un état des lieux de la recherche en ce domaine au début des années 1990, multipliant les pistes de réflexion sur la notion de sociabilité dans ses différentes acceptions. On dispose désormais pour le concept de génération et son utilisation en histoire d’une abondante bibliographie, qui touche essentiellement les domaines de l’histoire culturelle, et particulièrement, encore une fois, celui de l’histoire des intellectuels. Le numéro spécial de Vingtième Siècle, revue d’histoire, sur « Les générations », n° 22, avril-juin 1989, me paraît constituer une bonne entrée dans ces problématiques. La définition de l’appartenance des sillonnistes lyonnais à une génération catholique doit servir à évaluer la distance qui les séparait des autres catholiques ou au contraire ce qui les unissait à eux. Le concept de génération a pu être récusé par des historiens pour les problèmes qui restent attachés à l’identification d’une génération et aux limites à lui donner, comme le fait valoir Pierre Nora dans son article « La génération », in Pierre Nora (sous la direction de), Les lieux de mémoire, Paris, Quarto Gallimard, 1997 (2e édition), Tome 2, p. 2975-3015. Mais l’historien confirme tout de même que le terme reste « une notion bien adaptée à l’intelligence d’un long et lourd XIXe siècle » (p. 2985) et précise qu’on  « peut enfin, s’attachant davantage au vécu des « groupes concrets », s’efforcer à des découpages plus fins » que ceux qui visent à opérer une solidarité horizontale qui traverserait toute la société. C’est dans ce sens que l’analyse sur « une génération de catholiques » sera menée. Cette analyse reposera évidemment sur des travaux d’histoire religieuse qui retracent l’histoire des catholiques dans la décennie précédant la Première Guerre mondiale. La voie ouverte par les tenants de l’histoire culturelle dans ces deux domaines a désormais été empruntée par les historiens du religieux, et surtout par ceux qui ont commencé à travailler sous la direction d’Etienne Fouilloux à une histoire des intellectuels catholiques, qu’il s’agisse de Frédéric Gugelot, La conversion des intellectuels au catholicisme en France. 1885-1935, Paris, C.N.R.S. Editions, 1998, 533 p., ou de Sabine Rousseau, La colombe et le napalm : des chrétiens français contre les guerres d’Indochine et du Vietnam, 1945-1975, Paris, C.N.R.S. Editions, 2002, 370 p.

14.

Plaquette imprimée pour le mariage de Victor Carlhian et de Marie de Mijolla, « Hommage affectueux de leurs Amis reconnaissants à l’occasion de leur mariage », p. 12. Institut Marc Sangnier, Petits fonds, « Victor Carlhian ».

15.

Ibid., p. 16.

16.

Ibid., p. 7-8.

17.

Ibid., p. 21-22.

18.

Ibid., p. 10.

19.

Ibid., p. 36.

20.

Ibid., p. 37-38.

21.

En effet, on veillera toujours à ne pas réécrire l’histoire du Sillon lyonnais, déjà présentée par Gatien Goyard, mais à focaliser cette histoire sur les futurs acteurs de Notre-Dame Saint-Alban.