L’engagement et la militance

Jusqu’en 1905, la Chronique et le Sillon avaient travaillé ensemble à la formation de la jeunesse catholique et leurs groupes d’études se réunissaient dans les mêmes congrès nationaux. Mais les tensions, révélant des conflits de personnes et d’intérêts, comme des conceptions différentes de la structure interne des mouvements, s’aggravèrent en 1904 pour provoquer une rupture irrémédiable entre l’organisation de Marc Sangnier et celle de Marius Gonin. « L’histoire de la séparation du Sillon d’avec la Chronique sociale, qui [s’est étendue] de l’été de 1903 à février 1905 » a été racontée par Jeanne Caron 28 . Cette dernière explique que la rupture a coïncidé avec « l’effort de mise en place de groupements exclusivement sillonnistes » 29 . Elle répondait en contrepartie au désir d’autonomie de la Chronique lyonnaise, qui condamnait toute tentative d’absorption et restait attachée au fédéralisme de son organisation. Les Lyonnais de la Chronique refusaient aussi la « personnalisation trop marquée dans le Sillon » 30 . Christian Ponson, en comparant les formes du militantisme des sillonnistes les plus impliqués avec celles de l’engagement des membres de la Chronique, laissait percevoir un autre problème. Certes, « les affinités de pensées évidentes » 31 ont continué à marquer la proximité des deux mouvements au sein du catholicisme social après 1905 et à expliquer la persistance des relations entre les deux mouvements lyonnais, mais « dans l’ensemble, les sillonnistes semblent avoir vécu un engagement plus complet » 32 , engagement qu’ils n’ont pas hésité à inscrire dans les combats syndicaux et politiques, loin de la démarche volontairement apolitique de la Chronique.

Si l’on s’en réfère au témoignage de Maurice Villain, qui a publié en 1965 un ouvrage sur Victor Carlhian 33 , le parcours de ce dernier illustre parfaitement l’émergence des groupes sillonnistes au sein de la Chronique jusqu’à la refondation officielle d’un Sillon lyonnais indépendant. D’abord affilié à la Chronique du Sud-Est et à la Fédération des Cercles d’études de Marius Gonin, il aurait rencontré Marc Sangnier probablement lors d’un congrès national des cercles d’études organisé par le Sillon. Il aurait ensuite participé au pèlerinage qui conduisit les sillonnistes à Rome, en compagnie de plusieurs membres de la Chronique dont Marius Gonin 34 , et au cours duquel Marc Sangnier obtint une audience de Pie X. Maurice Villain insiste sur le congrès qui s’est tenu à Lyon en février 1904, certainement parce que ce fut le fameux congrès qui cristallisa les discordes qui minaient la collaboration entre la Chronique et le Sillon, et place le pèlerinage et l’audience papale dans la suite de ce troisième congrès. Il associe en fait les deux événements qui auraient déclenché la vocation sillonniste de Victor Carlhian (il « reçut l’étincelle » de ce voyage à Rome 35 ) et l’auraient bientôt mis en demeure de réaliser un choix entre son activité à la Chronique et un engagement sillonniste exclusif. La participation de Victor Carlhian au pèlerinage de 1904 est confirmée dans une lettre qu’il écrivit à sa femme pendant la guerre 36 . Mais si l’on en croit plutôt le témoignage de Jean Carlhian, fils aîné de Victor Carlhian, son père aurait découvert le Sillon lors de ses études parisiennes, dès la fin des années 1890 37 . Cependant, contrairement à ce qu’avance Roger Voog dans une notice biographique 38 , il n’aurait pas adhéré au Sillon à ce moment-là, mais après son retour à Lyon. On rejoint alors la version de Maurice Villain.

En 1905, la rupture consommée, à l’appel de Marc Sangnier, un groupe du Sillon local se sépara de la Chronique, décida de refonder une section lyonnaise du Sillon et demanda à Victor Carlhian d’en prendre la direction. Maurice Villain sollicite le témoignage de Victor Carlhian lui-même pour rappeler ce tournant d’une vie consacrée jusque-là à penser le monde, à en rechercher une intelligence toute conceptuelle, et qui bascula en 1905 dans l’action collective. Le texte qu’il cite a été écrit à l’occasion du trentième anniversaire de Louis, l’un des fils Carlhian, et certifie le rôle joué par Victor Carlhian dans la renaissance du Sillon lyonnais :

‘« Trente ans, c’est le plein de la vie ; c’est l’âge où j’acceptais de fonder le Sillon lyonnais et où je lui consacrais toutes mes pensées et toutes mes forces ; en recevant en retour du don que je lui faisais une inappréciable formation humaine. Sans le Sillon je fusse devenu un cuistre, en entendant par là la prédominance des ratiocinations intellectuelles, l’ignorance des sources profondes de l’action humaine, la primauté donnée à une intelligence conceptuelle sur le donné réel. » 39

A trente ans, Victor Carlhian abandonnait donc une vie entièrement vouée d’après lui aux préoccupations intellectuelles, pour entrer dans le monde réel de la militance sillonniste, parce qu’on lui avait demandé, à lui industriel, d’assumer la direction du groupe lyonnais. Jean Carlhian estime que sa présence procurait au Sillon « la caution bourgeoise » qui allait l’aider à s’imposer dans les milieux catholiques lyonnais 40 et le placer dans la tradition du « Sillon rassurant », voulue par Marc Sangnier 41 . Victor Carlhian était-il vraiment le bourgeois qui saurait se faire accepter des hommes d’œuvres de la société lyonnaise et permettre ainsi au Sillon de rivaliser avec la Chronique ? A suivre son itinéraire particulier, on pourra aussi comprendre ce qui l’a poussé de son côté à accepter le rôle qu’on a voulu lui confier.

En dehors de toute littérature secondaire, on a tout de même retrouvé un document fondamental qui livre un témoignage autobiographique retraçant l’itinéraire des engagements de Victor Carlhian et son cheminement spirituel, de l’enfance aux années de maturité 42 . De ce récit synthétique d’un demi-siècle de vie, qui fut l’objet d’un exposé présenté aux membres de la section de l’Association du Mariage Chrétien réunis à Notre-Dame Saint-Alban en 1929, on retiendra, pour l’instant, l’attention portée aux événements qui ont scandé la jeunesse et les premières années de la vie adulte de Victor Carlhian, événements qui ont marqué les tournants de son existence avant 1914. L’intérêt de ces confidences réside aussi dans la perception que leur auteur avait de lui-même et de son temps. Certes, on doit se méfier de ce regard rétrospectif, qui tend à projeter des sentiments et des pensées forgés après la Première Guerre mondiale, et investis des repères de 1929, sur un passé qui a disparu et qu’on regarde avec nostalgie. On gardera la même méfiance envers l’idéalisation de ce passé : ainsi, le monde de la petite enfance est magnifié selon un processus très commun qui prive le passé des défauts du présent.

‘« Comme il paraissait simple le monde que nous avions trouvé devant nos yeux, il y a cinquante ans. Il conservait encore l’armature de la vieille société. Les campagnes étaient encore peuplées et traditionalistes ; les foyers abritaient des enfants et la gaieté était répandue dans l’air. » 43

Mais Victor Carlhian est lui-même conscient des procédés de reconstruction qui subvertissent les souvenirs et il confie à ses auditeurs sa perplexité quant aux limites de la lucidité de son introspection et quant à la fiabilité de ses conclusions.

‘« Lorsque je cherche à me replacer, à trente ans de distance, dans mes sentiments d’alors, je suis perplexe, car comment ne pas les colorer de ce que la vie vous a appris. On est exposé à se souvenir des sentiments qu’on aurait dû avoir et non de ceux que l’on a eus. » 44

De plus, si notre objectif est de comprendre les origines de Notre-Dame Saint-Alban, le témoignage qui met en abyme la vie d’un de ses fondateurs, pour aboutir à la définition de son projet d’apostolat social et à sa réalisation partielle à travers la paroisse, devient essentiel.

Le père de Victor Carlhian, Simon Carlhian, né en 1839 à Château-Queyras, dans le canton d’Aiguilles (Hautes-Alpes), avait emprunté les chemins de la migration qui le conduisirent avec bien d’autres Queyrassins dans l’une de leurs destinations privilégiées, la ville de Lyon 45 . Qu’il ait débuté « dans une affaire de dorure dont il devint le principal associé » 46 ou qu’il montât « alors une entreprise de dorure qui fabriquait des fils d’or et d’argent » 47 , son départ avait été sûrement motivé par la volonté d’améliorer sa position sociale et financière et son itinéraire fut finalement marqué par une ascension réussie. Son union avec Jeanne Bosq, lyonnaise originaire de Mornant, donna naissance à deux enfants seulement, témoignage du néo-malthusianisme d’une bourgeoisie montante (contrairement au tableau de la société de 1879 dépeint par Victor Carlhian et déjà cité) et non moins catholique, à l’orée de la Troisième République. De son enfance, Victor, né en 1875 après une fille, avait apparemment conservé le souvenir des combats qui opposaient les Républicains opportunistes aux catholiques, exclus de la République depuis 1879. Pour le quinquagénaire qu’il était devenu en 1929, la découverte de la foi dans ces années 1880 restait inséparable de la lutte à mener pour « défendre les autels » et, même si ces souvenirs semblaient contaminés par la réalité plus violente vécue au moment des lois anticléricales du début du XXe siècle, on peut deviner certains éléments de la politique opportuniste menée à l’encontre des écoles catholiques pour enraciner le sentiment républicain grâce à l’école publique : les « noirs païens » 48 de l’enfance de Victor Carlhian évoquaient irrésistiblement les hussards noirs de la République.

Les études secondaires de Victor Carlhian se déroulèrent dans le cadre de la pension des Frères maristes de Saint-Genis-Laval. Après son baccalauréat, gagné par l’enthousiasme des progrès des sciences expérimentales et encouragé par les chercheurs chrétiens qui proposaient une alternative au scientisme, il opta résolument pour la filière scientifique. Il obtint une double licence en mathématiques et en sciences physiques aux Facultés catholiques de Lyon, avant de partir pour la capitale préparer un doctorat, d’après Maurice Villain 49 , ce que son propre témoignage confirme, en précisant qu’après le service militaire, il était parti à Paris « continuer ses études » 50 . Jean et Louis Carlhian pensent qu’il avait au contraire réalisé toutes ses études supérieures à Paris. Ce déplacement s’explique peut-être par l’association de ces études parisiennes avec l’événement qui cristallisa les divisions de la société française et focalisa la mémoire de Victor Carlhian sur ces « deux années de folie » 51 vécues dans la capitale au cours de l’Affaire Dreyfus. Avec le recul du temps, l’affaire judiciaire désormais résolue et les passions à son sujet éteintes, la justesse de son choix lui apparaissait évidente. Mais déjà en 1898, Victor Carlhian avait été sans état d’âme dreyfusard pour défendre la justice contre l’erreur, les valeurs morales contre les errements et les perversions d’une autorité qui se « prétend[ait] infaillible » 52 alors qu’elle versait dans le « déni de justice » 53 .

De toutes les façons, Françoise Buclet a eu raison de retenir de ces années de formation qu’elles débutèrent dans des institutions religieuses pour se terminer dans une université d’Etat 54 . Cela signalait déjà le refus d’une société cloisonnée, où les catholiques continuaient de vivre dans un monde étanche qui ne rencontrait pas celui des républicains. Victor Carlhian avait expérimenté la perméabilité des frontières et choisi le ralliement à la République, qui mobilisait des volontés catholiques conformément aux exhortations de l’encyclique Au milieu des sollicitudes, publiée le 20 février 1892. Qu’il ait eu, dans ce contexte, un premier contact avec le Sillon naissant ne paraît pas étonnant. Le pontificat de Léon XIII avait rassemblé pour lui toutes les promesses d’une ouverture des catholiques au monde moderne et cette ouverture formait la condition nécessaire de la possibilité d’une reconquête religieuse, qui passerait par un apostolat social. L’encyclique Rerum novarum avait donné un sens à sa jeunesse et défini son appartenance à une nouvelle génération de catholiques :

‘« Qui n’a pas vécu dans cette aurore où nos jeunes eux entrevoyaient de victorieuses résurrections, ne pourra comprendre l’optimisme qui fouettait nos espoirs. Nous serions la génération qui délivrerait l’Eglise des cadavres auxquels on avait prétendu la lier, les ouvriers du renouveau chrétien dont la voix de Léon XIII était annonciatrice. […] Nos pères semblaient accepter comme une loi inéluctable du destin l’éviction de l’idée chrétienne dans le monde intellectuel et social ; ils paraissaient résignés à ce que le troupeau des fidèles s’éclaircisse chaque jour. Leurs ambitions religieuses se recroquevillaient comme une peau de chagrin. Les nôtres se voulaient audacieuses, et nous entendions bien porter notre foi jusqu’aux extrémités du monde et dans tous les domaines proclamer notre fierté de croire. » 55

J’ai volontairement valorisé dans la citation le terme de génération : Victor Carlhian l’utilisa trois fois au cours de l’évocation de ses souvenirs d’avant 1914 et chaque occurrence révélait son sentiment d’avoir appartenu à une génération bien spécifique du catholicisme français, enthousiasmée par l’espoir des ouvertures du pontificat de Léon XIII et blessée par les clivages de la société française, révélés par l’Affaire Dreyfus. On se situe parfaitement dans le cadre de l’analyse de Jean-Pierre Azéma constatant « qu’il y a des événements inauguraux que l’on peut dire générationnels puisqu’ils structurent toute une époque non seulement en donnant à ceux qui les ont vécus un cadre de représentations mentales complexes (ce que Michel Winock dénomme “un système idéologique”), mais surtout en provoquant et de façon durable des comportements propres, des pratiques politiques, sociales, culturelles, des réflexes singuliers, des refus, des défiances, des inclinations » 56 . Victor Carlhian s’était d’abord défini comme appartenant à la génération du ralliement et du catholicisme social, non pas bien sûr à la minorité qui avait préparé ces nouvelles directions fondamentales de l’Eglise catholique, mais à la jeunesse qui allait les mettre en pratique. La fougue de cette jeunesse et son désir de réconciliation politique et sociale se heurtèrent au regain des vieux démons républicains et à l’égarement plus novateur du nationalisme. L’arrivée au pouvoir des radicaux mettant en œuvre leur politique anticléricale et la menant jusqu’à son terme, l’expulsion des Congrégations et la Séparation des Eglises et de l’Etat, était analysée par Victor Carlhian comme un effet pervers de l’Affaire Dreyfus. L’Affaire avait aussi cristallisé l’expression d’un discours nationaliste et ses manifestations violentes. Sous-jacente à sa critique de l’exploitation passionnelle de la crise, la dénonciation de l’Action française et des autres ligues nationalistes, qui empoisonnèrent la vie politique française, apparaissait à peine masquée. Victor Carlhian y regrettait la division des « forces sociales et religieuses » 57 emportées par la haine.

‘« On connaît l’importance des répercussions politiques [de l’Affaire Dreyfus] ; la France coupée en deux, l’œuvre du « Ralliement » interrompue, la renaissance d’un anticléricalisme virulent qui chassera les Congrégations et détruira le Concordat, le nationalisme drainant les forces religieuses et sociales ; bref, tout l’effort d’une génération compromis […].’ ‘Chose curieuse : ceux qui s’étaient faits les champions de la Justice contre la raison d’Etat, vont devenir les protagonistes des droits souverains de l’Etat. Le jacobinisme que l’on imaginait périmé va refleurir avec son despotisme malfaisant et il empoisonnera aussi bien ceux qui s’en servent pour satisfaire leurs rancunes anticléricales que ceux qui s’y opposent et semblent le combattre.’ ‘C’est qu’on ne fait pas sa part à l’erreur. Mettre la patrie ou l’Etat au-dessus de tout, lui sacrifier la justice, c’est pervertir tout l’ordre des valeurs morales. La révolution dreyfusienne, commencée pour réparer un déni de justice, a finalement abouti à diviniser l’Etat et la patrie. Mais ce triomphe apparent va provoquer les réflexions de ceux qui de toute leur âme avaient cherché la vérité. » 58

Dreyfusard par amour de la vérité et de la justice en 1898, ayant de tout temps lutté contre le nationalisme qui avait gangrené les mouvements catholiques, Victor Carlhian souhaitait cependant en 1929 investir son engagement d’un recul critique. Il confiait le malaise qu’il aurait déjà éprouvé trente ans auparavant « en raison des dissonances qui [lui] révélaient la fêlure des opinions qu’[il] ne pouvai[t] pas ne pas partager » 59 . Et pour finir, à travers le rappel des conséquences politiques de l’Affaire, c’étaient les deux camps qu’il condamnait. Néanmoins, cette condamnation restait le produit d’une anticipation 60 . En cette fin de siècle, il se contentait de repartir pour Lyon à la recherche d’une troisième voie, qui lui permettrait d’affirmer son catholicisme dans la République.

En effet, un changement dans le cours des affaires de son père détourna sa vocation initiale d’une réalisation finalement proche. Il abandonna l’idée de tenter une carrière universitaire pour intégrer la maison familiale de dorures, en 1899 61 , après la mort de l’associé de Simon Carlhian. On a largement insisté sur le dilemme qui le tenailla alors, dilemme résolu au prix d’un sacrifice personnel imposé par le devoir filial, et dans son exposé de 1929, Victor Carlhian confiait son désarroi face aux nouvelles exigences professionnelles. On a beaucoup rappelé aussi, à cette occasion, les difficultés qu’il aurait dû surmonter pour parvenir à enseigner : alors que ses qualités littéraires servaient son écriture, le bégaiement qui affectait son élocution aurait nui à l’exercice d’une profession où il fallait dominer l’art oratoire. Et puis, comme le rappelle Jean Carlhian, le négoce familial était prospère, grâce notamment à son implantation sur le marché des Indes britanniques 62 , fait notable qu’a retenu la mémoire familiale. La possibilité de mener parallèlement ses activités intellectuelles a finalement permis à Victor Carlhian d’accepter le compromis. Entouré de collaborateurs qui géraient la fabrication et les aspects commerciaux de l’entreprise, il succéda pleinement à son père, après la mort de celui-ci en 1909, à la tête de la Maison Carlhian. Son investissement professionnel ne fut pas à la hauteur de ses premières ambitions en la matière. Il avait espéré appliquer à ses ateliers de fabrication les méthodes de l’organisation scientifique du travail, mais la tentative échoua. Victor Carlhian interpréta cet échec comme la preuve de son incapacité à intégrer la réalité du travail et de ses inerties 63 . En revanche, il n’abandonna jamais ses prospections mathématiques et il continua à suivre les recherches en cours sur le calcul intégral ou sur la mécanique ondulatoire, la théorie de la relativité, les hypothèses sur les structures de l’univers et de l’atome menées par les physiciens 64 . Sa passion pour Félix Klein l’amena même à partir en pèlerinage à Göttingen 65 , où le mathématicien allemand avait fondé son institut de mathématiques appliquées.

En 1929 pourtant, alors qu’il revenait sur cette inclination pour les sciences pures, il en dénonçait la vanité intellectuelle. Il ne pouvait oublier le plaisir pris à ces jeux de l’esprit qui sollicitaient la logique mais qui, orgueilleusement, procuraient l’illusion de « la toute puissance de la pensée, jugulant le réel dans le filet de la géométrie » jusqu’à prétendre « dresser les catégories de tous les possibles » 66 . La fascination pour un ordre géométrique idéal, relevant de la conception mathématique du monde des Anciens Grecs, avait éloigné Victor Carlhian du monde réel des « réalisations pratiques », un monde que gouvernait la « réalité psychologique » qui était « la première réalité » 67 . Englué dans la recherche des lois régissant la matière, il n’avait pu trouver l’homme, si ce n’était lors de l’expérience du service militaire qui l’avait amené, loin de toute spéculation abstraite, à côtoyer les hommes dans leur existence quotidienne. Projeté dans l’univers professionnel de son père, Victor Carlhian était de nouveau confronté au concret et à ses problèmes tangibles. Sa fréquentation de groupes d’études lyonnais, qu’il évoquait sans les nommer car cette fréquentation demeurait pour lui superficielle, semblait l’ouvrir malgré tout aux préoccupations des contemporains : il s’intéressait enfin aux questions politiques et sociales. En cela tout de même, il avait été préparé par les directives de Léon XIII. Son approche des problèmes restait cependant fort théorique puisqu’il les abordait par le biais des discours. Il découvrait les sciences humaines en train de se constituer, à travers les travaux de sociologie de Paul Bureau par exemple. Il portait aussi un intérêt nouveau à l’histoire, qu’il opposait à la « mathématique universelle » : là, il n’était plus question de chercher à comprendre le fonctionnement d’un ordre déjà établi une fois pour toutes ; il réalisait au contraire que les hommes étaient les acteurs de « la destinée du monde » et qu’ils avaient un rôle à jouer. Loin de la modélisation de l’univers et de ses lois universelles, il existait un monde réel, à l’échelle des hommes, sur lequel on pouvait agir 68 .

La reconstruction de son itinéraire intellectuel et spirituel par Victor Carlhian en 1929, fascinante puisqu’elle nous propose un accès direct à sa personnalité et à ses expériences, présente tous les inconvénients d’un discours extrêmement bien construit, qui piège son lecteur dans des enchaînements dont l’évidence rhétorique peut supplanter le déroulement réel du passé. Par exemple, la déconsidération des exercices purement intellectuels des sciences mathématiques était-elle le signe d’une conversion à l’apostolat d’un adepte du catholicisme social et de la démocratie chrétienne, désormais convaincu de la nécessité de l’action pour aider à la transformation de la cité, ou la marque d’une concession faite à la condamnation du modernisme et des idées avancées des sillonnistes, la part de soumission d’un homme attaché à préserver une intégrité intellectuelle qu’il plaçait, plus encore que dans des travaux scientifiques, dans ses conceptions philosophiques ? Ce mea culpa, qui remettait en question les années de jeunesse passées à se complaire dans les chimères narcissiques d’un plaisir cérébral, relevait d’une autocritique très sévère. Le temps des études est celui de la formation intellectuelle et non de la maturité. Que Victor Carlhian ait découvert une autre réalité sociale lors de son service militaire, qu’il ait rencontré les nécessités d’un engagement dans l’action collective, qu’il ait approfondi sa foi et mieux compris son christianisme après l’âge de vingt-cinq ans, tout cela n’avait rien d’extraordinaire : ces faits n’exhibaient pas pour autant une personnalité à la solitude vaine et égoïste, ils révélaient seulement une personne en devenir. Mais ce devenir avait été aux alentours de l’année 1903 capté par une vérité philosophique et c’était sous sa tutelle que Victor Carlhian plaçait le reste de sa vie, comme si le chemin parcouru depuis n’avait plus suivi qu’une seule ligne directrice.

En fait, dans ce récit, tout se passe comme si l’on assistait à la révélation d’une vie, à un basculement qui déterminerait une renaissance et qui permettrait d’atteindre à la fois le monde réel et la vérité de la foi. Le cheminement de Victor Carlhian vers la révélation doit se lire comme un récit de conversion : l’auteur applique rétrospectivement sur son parcours une grille de lecture, qui rend signifiantes les étapes de sa progression vers une foi fulgurante et agissante et vers un catholicisme social militant. Comme dans le cas des intellectuels convertis étudiés par Frédéric Gugelot, « la conversion véritable n’a peut-être pas suivi un cours aussi structuré mais le but apologétique du récit conduit ainsi à dégager des éléments phares, des passages obligés, des exemples très démonstratifs » 69  : ici, la découverte du « peuple » au service militaire ou l’entrée dans l’univers du travail notamment. Mais le moment précis où tout a basculé est réservé à une émotion qui reste d’une nature intellectuelle :

‘« J’étais attaché de toute mon âme à la Foi, et je n’étais cependant pas parvenu à l’essence du christianisme, qui nous prêche Jésus crucifié. Pour trouver Dieu, il faut accepter de ne plus s’appartenir. Je n’ai compris intellectuellement le renoncement que vers l’âge de vingt-huit ans.’ ‘[…] C’est dans les sombres jours du “ combisme ” et vers la fin d’un grand pontificat que, dans une lecture du Père Laberthonnière, je fus ébloui par la Croix du Christ Sauveur. Après plus de vingt-cinq années, je garde encore le frémissement de cette découverte qui me plaçait d’emblée au centre de la Foi chrétienne. Beaucoup de vues nouvelles sur l’Histoire et les questions sociales m’étaient graduellement apparues depuis cinq ans ; je m’étais retrouvé dans les aspirations de ma génération ; alors ce fut fulgurant. » 70

En 1901, l’oratorien Lucien Laberthonnière avait publié sa Théorie de l’éducation et deux ans plus tard paraissaient les Essais de philosophie religieuse. En dépit d’une lecture purement surnaturelle de l’accomplissement religieux lié à cette découverte philosophique, Victor Carlhian y découvrait certainement aussi une justification de son passage à la militance sillonniste. La philosophie de l’action que constituait alors le père Laberthonnière, suivant la voie ouverte par Maurice Blondel, mettait en place les catégories de pensée qui guideraient pour toujours sa réflexion et sa vie : la morale et la vérité que l’Autorité ne peut seule imposer à la personne. Parce que le philosophe chrétien montrait « l’accord profond entre le catholicisme et les exigences d’une véritable éducation » 71 , il autorisait à Victor Carlhian l’expérience sillonniste conciliant les impératifs de l’action et les tâches d’éducation.Le sillonniste lyonnais prenait ainsi parti dans le débat qui opposait les tenants de la pensée de la tradition à ceux d’une réconciliation du catholicisme avec la pensée moderne. Sa propre formation universitaire avait déjà dû le conduire à évaluer le décalage entre l’Eglise catholique et la culture moderne, et le temps du service militaire l’amener à observer ce monde nouveau devenu étranger aux catholiques. La conversion évoquée rétrospectivement dans la reconstitution de son itinéraire spirituel signifiait cette prise de conscience, précipitée par l’effervescence intellectuelle des années 1890 qui avait agité les mondes catholique et philosophique et qu’il avait côtoyée. Le passage de Victor Carlhian à l’action, concrétisé par son engagement sillonniste, offrait sa réponse à la question de l’adaptation des catholiques au monde moderne.

L’animateur du Sillon de Lyon assuma pleinement sa fonction tout au long des années qui suivirent. Selon Maurice Villain, son ascendant sur les autres militants se renforçait 72 . Son inlassable disponibilité, sa capacité à galvaniser les troupes tout en modérant les ardeurs, sa contribution à la formation intellectuelle des jeunes militants, la réflexion qu’il n’avait pu abandonner mais qu’il poursuivait désormais sur la conceptualisation du mouvement sillonniste, le désignaient effectivement comme le guide des camarades lyonnais. Le 12 avril 1908, les rédacteurs de L’Eveil démocratique consacraient le numéro au VIIe Congrès national du Sillon. Les séances de travail de la deuxième journée avaient été organisées autour du thème « Le Sillon et les œuvres sociales » et avaient été ouvertes par la lecture d’un rapport de Victor Carlhian. Il avait désiré définir l’attitude pratique que les sillonnistes devaient observer face aux œuvres économiques et sociales avant de présenter quelques réalisations en cours. Son intervention avait replacé au centre de l’action sillonniste la nécessité de la diffusion des idées démocratiques, « sans lesquelles toute réalisation économique risquerait fatalement de demeurer inféconde », et celle de former avant tout les hommes destinés à habiter l’édifice démocratique qu’on allait ensuite bâtir. Sa conception de la tâche sillonniste mettait en exergue le souci de l’éducation populaire et s’accordait totalement aux objectifs prônés encore à cette date par le Sillon. Les quelques lettres conservées qui attestent ses rapports avec le Sillon central confirment que les directives et les informations à répercuter aux groupes sillonnistes lyonnais passaient par lui. En mai 1909, Henry du Roure sollicitait son aide pour recueillir les souscriptions en vue de la parution quotidienne de L’Eveil démocratique et, en annonçant une tournée de Jacques Rodel, lui demandait aussi d’organiser une réunion intime de camarades 73 . En octobre 1909, il répondait cette fois à des questions de Victor Carlhian touchant à l’organisation de la vente dudit quotidien à Lyon 74 . Et pour finir sur ce même sujet, en août 1910, un message du Secrétariat de la Rédaction des Publications du Sillon commandait à Victor Carlhian, « membre du Conseil national de L’Eveil démocratique, un article 75 .

Raymond Thomasset évoquait dans son allocution du 18 juillet 1912 tout le temps offert à la cause, ce temps nourri des amitiés et de l’action que Victor Carlhian avait recherchées au moment de son engagement.

‘« N’étais-tu pas comme un grand frère chargé de famille, autrefois, dans notre petit local du quatrième étage, au numéro 8 de la rue Sainte-Catherine ?’ ‘[…] C’était merveille pour nous de voir avec quelle richesse d’ardeur et de dévouement, tu nous conviais constamment à des réunions, à des promenades agrémentées souvent de causeries et toujours de pittoresque, à des tournées collectives de propagande […] Les congrès divers que nous avons tenus à Lyon doivent avant tout leur ampleur et leur éclat à ta largeur de vues. Tu ne t’es pas privé d’organiser grandement les manifestations de notre vie collective. » 76

Jean Remillieux avait aussi insisté sur l’aide financière que l’industriel en dorure n’hésitait pas à fournir pour soutenir l’organisation matérielle des activités du Sillon. Le bulletin du Sillon lyonnais, L’Aiguillon, qui parut du 15 août 1908 à septembre 1910, et dont le tirage a été chiffré à trois cents exemplaires en janvier 1910 77 , n’aurait pu survivre sans son soutien financier, alors que le nombre insuffisant d’abonnés remettait en cause chaque parution. Un local, connu sous le nom « Le Sillon » et qui accueillait les réunions des sillonnistes au 21 de la rue Vieille Monnaie, était loué en son nom personnel, le bail ne devant expirer qu’en 1913 78 . Les deux intervenants n’avaient pas manqué de souligner les qualités d’ouverture et d’accueil de Victor Carlhian. Il mettait son appartement, sa bibliothèque et tout ce qu’il possédait au service de ses camarades sillonnistes. Les temps de sa vie n’étaient en aucune façon cloisonnés et il recevait aussi bien les sillonnistes dans le bureau professionnel du 13 de la rue d’Algérie qu’il leur accordait des moments que d’autres auraient réservés à leur vie privée.

Il ne concevait d’ailleurs son engagement que dans le célibat et ses amis sont tous revenus, lors de la soirée de son mariage, sur une conversation qui s’était déroulée dans l’appartement de la famille Remillieux, lors de la veillée du 1er janvier 1911, et où chacun avait exposé sa conception des liens que pouvaient entretenir militance et vie familiale. Pour Victor Carlhian, les deux restaient alors assurément inconciliables et, dans la réponse qu’il apportait à Jean Remillieux et à Raymond Thomasset ce 18 juillet 1912, il revenait sur ce point de vue, avant de justifier sa conversion au mariage.

‘« Je plaidais la cause des célibataires afin d’être plus libres, de lutter contre la laideur ou l’iniquité. […]’ ‘J’avais cru que le mariage détendait les énergies révolutionnaires de ceux qui rêvent d’un monde nouveau ; il me semblait être un embourgeoisement ; ses soucis et ses responsabilités ne me semblaient point convenir à ceux qui ont juré de s’indigner sans lassitude, d’espérer sans découragement, de n’avoir nulle tranquillité d’esprit et d’âme qu’ils n’aient crié à la laideur leur mépris et à l’injustice leur haine. Je pensais que pour combattre ces puissances malfaisantes […], il fallait être seul, libre d’immoler sa vie s’il était nécessaire, de mourir pour les écraser. » 79

Le célibat de Victor Carlhian pouvait sûrement s’expliquer par d’autres raisons mais, sans être dupe d’un discours qui ne livrait que la perception qu’il avait de lui-même et les raisons conscientes de son choix, il est intéressant de remarquer qu’il définissait là une possibilité pour un laïc de se consacrer à la cause de Dieu en se mêlant aux combats du siècle et qu’il entamait donc un débat dont la récurrence allait alimenter les réflexions de l’entre-deux-guerres, tout en promouvant de nouvelles attitudes laïques et en redéfinissant les rapports entre clercs et laïcs.

Notes
28.

J. Caron, op. cit., p. 245-254.

29.

J. Caron, op. cit., p. 246.

30.

La rupture entre le Sillon et la Chronique est aussi évoquée par C. Ponson, Les catholiques lyonnais…, op. cit., p. 79. Il y résume surtout le point de vue de la Chronique et de Marius Gonin. Il renvoie lui-même à l’ouvrage de Jeanne Caron et à un mémoire de Lucienne Dupraz, La Chronique des Comités du Sud-Est face aux problèmes sociaux, de 1892 à 1904 (Genèse de la Chronique sociale de France), D.E.S. d’histoire sous la direction d’André Latreille et Pierre Léon, Lyon, Facultés des Sciences humaines, 1963, 260 p., retraçant notamment les relations entre le Sillon et la Chronique, de 1900 à 1905.

31.

C. Ponson, Les catholiques lyonnais…, op. cit., p. 79.

32.

C. Ponson, Les catholiques lyonnais…, op. cit., p. 154.

33.

Maurice Villain a raconté les années de jeunesse de Victor Carlhian et celles de sa militance sillonniste dans Victor Carlhian, portrait d’un précurseur. 1875-1959, Paris-Bruges, Desclée de Brouwer, 1965, 174 p. L’ouvrage est bien sûr centré sur l’action de Victor Carlhian en faveur de l’œcuménisme et sur ses liens avec Paul Couturier, mais il laisse une part notable à l’environnement lyonnais et aux différentes activités de Carlhian. Tous les propos sur ses premiers engagements sont réunis dans les annexes consacrées respectivement à la « jeunesse » (p. 123-126), au « Sillon de Marc Sangnier » (p. 126-129), au « Sillon lyonnais » (p. 131-140) et à « Notre-Dame Saint-Alban » pour l’annexe IV (p. 141-152). Même si le récit de la vie et de l’œuvre de Victor Carlhian est conduit en toute subjectivité par un religieux mariste, disciple de l’abbé Paul Couturier et théologien de l’œcuménisme spirituel, il fournit des informations rendues précieuses par la perte d’une part importante des papiers privés de Victor Carlhian. Il n’est pourtant pas exempt d’erreurs et doit donc être confronté à d’autres témoignages. Sur Maurice Villain, on peut consulter la notice d’Etienne Fouilloux, dans le volume du Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine consacré à Lyon – Le Lyonnais – Le Beaujolais, sous la direction de Xavier de Montclos, Paris, Beauchesne, 1994, p. 416-417.

34.

J. Caron, Le Sillon et la démocratie chrétienne, op. cit., p. 269.

35.

M. Villain, Victor Carlhian, portrait d’un précurseur…, op. cit., p. 125.

36.

Lettre de Victor Carlhian à son épouse, datée du 4 novembre 1916 : « En 1904, sous les voûtes de Saint-Pierre de Rome, j’avais bien fait une sorte de dépouillement  ».

37.

Témoignage recueilli le 28 janvier 1995 et exploité par Françoise Buclet in Le Van, revue lyonnaise de bibliographie. 1921- 1939, Mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine sous la direction d’Etienne Fouilloux, Université Lumière Lyon 2, 1995, 260 p. Françoise Buclet présente une étude biographique de Victor Carlhian, directeur du Van p. 26-32. L’entretien avec Jean Carlhian est reproduit dans l’annexe 1, p. 196-202.

38.

Roger Voog, « Victor Carlhian », in Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine : Lyon – Le Lyonnais – Le Beaujolais, op. cit., p. 95-96.

39.

M. Villain, Victor Carlhian, portrait d’un précurseur…, op. cit., p. 125-126. L’auteur ne cite pas sa source.

40.

Propos tenus par Jean Carlhian le 28 janvier 1995, in Françoise Buclet, Le Van, revue lyonnaise de bibliographie. 1921- 1939, op. cit., p. 197.

41.

J. Caron, Le Sillon et la démocratie chrétienne, op. cit., p 207.

42.

Je n’ai pas eu accès au texte original, mais à sa version saisie sur traitement de texte, que m’a fournie Louis Carlhian. Le fils de Victor Carlhian a lui-même intitulé le document : Victor Carlhian, « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », Exposé fait devant des membres de l’Association du Mariage Chrétien, 1929, 19 p.

43.

Victor Carlhian, « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », op. cit., p. 2.

44.

V. Carlhian, op. cit., p.6.

45.

Les migrations des Queyrassins et leur mémoire ont été étudiées par Anne-Marie Granet-Abisset dans La route réinventée. Les migrations des Queyrassins aux XIXe et XXe siècles, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1994, 281 p.

46.

M. Villain, Victor Carlhian, portrait d’un précurseur…, op. cit., p.123.

47.

C’est la version de Jean Carlhian, reprise par Françoise Buclet, op. cit., p. 27, et confirmée par un autre fils de Victor Carlhian, Louis Carlhian, lors d’un entretien réalisé le 22 février 1999. Cette version familiale diffère de celle de Maurice Villain par la volonté de mettre en exergue le désir de réussite sociale du grand-père et sa réalisation individuelle grâce à son esprit d’initiative. La version de M. Villain s’approche de façon plus réaliste des itinéraires reconstruits par Anne-Marie Granet-Abisset, qui insiste sur les liens de solidarité mettant en place des réseaux d’accueil et des associations facilitant les promotions individuelles. Voir le chapitre II de la deuxième partie : « Les chemins de la réussite ».

48.

Victor Carlhian, « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », op. cit., p. 2.

49.

M. Villain, Victor Carlhian, portrait d’un précurseur…, op. cit., p.123.

50.

Victor Carlhian, « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », op. cit., p. 5.

51.

Ibid., p. 5.

52.

Ibid., p. 5.

53.

Ibid., p. 6.

54.

F. Buclet, Le Van…, op. cit., p. 27.

55.

Victor Carlhian, « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », op. cit., p. 3-4.

56.

J.-P. Azéma, « La clef générationnelle », Vingtième Siècle, revue d’histoire, n° 22, avril-juin 1989, p. 4.

57.

Ibid., p. 5.

58.

Ibid., p. 5-6.

59.

Ibid., p. 6.

60.

On ne peut tout de même que remarquer la lucidité politique de Victor Carlhian et la force de ses analyses. Dans son récit de l’Affaire Dreyfus et de ses implications politiques, il met en exergue le clivage de la société française, qui s’institue autour des valeurs morales dont chaque camp se réclame. C’est finalement une analyse de la même nature qu’a proposée Michel Winock, dans une synthèse qui examine les enjeux de la crise. Voir Michel Winock, « L’Affaire Dreyfus », in La fièvre hexagonale. Les grandes crises politiques, de 1871 à 1968, Paris, Calmann-Lévy, 1986, rééd. aux Ed. du Seuil, 1987, 470 p., p. 141-191 p. Voir aussi du même auteur, « Les affaires Dreyfus », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 5, janv.-mars 1986, repris dans Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Paris, Ed. du Seuil, 1990, 446 p.

61.

C’est la date donnée par M. Villain, Victor Carlhian, portrait d’un précurseur…, op. cit., p. 123.

62.

Entretien avec Jean Carlhian, in F. Buclet, Le Van…, op. cit., p. 196.

63.

Les allusions à cet épisode de sa vie professionnelle se retrouvent dans « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », op. cit., p. 8.

64.

M. Villain, Victor Carlhian, portrait d’un précurseur…, op. cit., p. 123-124.

65.

Le terme de pèlerinage est employé par Jean Carlhian, certainement pour insister sur la passion de son père pour la recherche mathématique et sur son admiration pour Félix Klein. Entretien avec Jean Carlhian, in F. Buclet, Le Van…, op. cit., p. 196.

66.

Victor Carlhian, « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », op. cit., p. 4.

67.

Ibid., p. 4.

68.

Les idées et les citations de ce paragraphe sont extraites du même exposé, Victor Carlhian, « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », op. cit., p. 8-9.

69.

Frédéric Gugelot, Conversions au catholicisme en milieu intellectuel. 1885-1935, Thèse pour le doctorat d’histoire sous la direction du professeur Etienne Fouilloux, Université Lumière Lyon 2, 1997, 3 volumes, 1087 p., p. 428. La thèse a été publiée sous le titre La conversion des intellectuels au catholicisme en France. 1885-1935, op. cit..

70.

Victor Carlhian, « Un demi-siècle de vie. Mon itinéraire spirituel », op. cit., p. 10.

71.

Pierre Colin, L’audace et le soupçon. La crise moderniste dans le catholicisme français, 1893-1914, op. cit., p. 196. Le reste du paragraphe replace l’itinéraire intellectuel et militant de Victor Carlhian dans la perspective décrite par l’auteur tout au long de son ouvrage sur la crise moderniste et reprend notamment les clés données dans le premier chapitre intitulé « Modernisme et crise moderniste ».

72.

M. Villain, Victor Carlhian, portrait d’un précurseur…, op. cit., p. 135.

73.

Lettre de Henry du Roure à Victor Carlhian, datée du 25 mai 1909, A.A.L., Fonds Carlhian.

74.

Lettre de Henry du Roure à Victor Carlhian, datée du 5 octobre 1909, A.A.L., Fonds Carlhian.

75.

Lettre du Secrétariat de la Rédaction des Publications du Sillon à Victor Carlhian, datée du 27 août 1910, A.A.L., Fonds Carlhian.

76.

Plaquette imprimée pour le mariage de Victor Carlhian et de Marie de Mijolla, « Hommage affectueux de leurs Amis reconnaissants à l’occasion de leur mariage », p. 15-16.

77.

A.D.R., 4 M 253, Etat des journaux politiques, janvier 1910. Voir G. Goyard, Le Sillon dans le Rhône (1904-1910), op. cit., p.73.

78.

A.A.L., Casier Coullié, Dossier Sillon, lettre de Victor Carlhian au Cardinal Coullié (septembre 1910 ?).

79.

Plaquette imprimée pour le mariage de Victor Carlhian et de Marie de Mijolla, op. cit., p. 23.