Des premiers sillonnistes au réseau

D’après les sources dont nous disposons, en 1905, les sillonnistes lyonnais avaient donc prié Victor Carlhian de prendre la direction de leurs groupes à Lyon pour assurer la coordination de leurs activités, les aider à étendre leur implantation et favoriser les liens avec les autres groupes sillonnistes du diocèse et entre ces Sillons locaux et le Sillon central. Et en effet, à partir de cette date, le Sillon de Lyon allait regrouper « peu à peu, sous l’impulsion de Victor Carlhian, les éléments d’un vaste Sillon régional, sans en porter le titre » 92 . Cette remarque nous indique déjà que, si des groupes sillonnistes existaient bien à Lyon avant 1905, le recrutement allait ensuite s’élargir. Finalement, la liste des souscripteurs publiée dans la plaquette réalisée en hommage à Victor Carlhian pourrait peut-être rendre compte de l’état final de ce réseau. Aucune étude exhaustive ni précise n’a pu être conduite sur les sillonnistes lyonnais, d’abord parce que la structure informelle du groupe, comme l’absence de listes d’adhérents, empêche une approche prosopographique efficace. Gatien Goyard a dressé une liste de militants et sympathisants du Sillon, d’après les relevés des souscripteurs publiés dans L’Eveil démocratique et des informations livrées par les témoignages oraux recueillis 93 . Elle offre l’inconvénient de ne pas pouvoir isoler les militants actifs des simples sympathisants et de laisser une part trop grande à l’arbitraire de la mémoire des témoins interrogés. Elle reste de plus incomplète, puisque d’autres sillonnistes lyonnais ont pu être identifiés alors qu’ils n’étaient pas mentionnés dans cette liste. Ces quelques sillonnistes supplémentaires ne devaient sûrement pas bouleverser l’estimation de Gatien Goyard ne voyant dans ce mouvement aux effectifs limités qu’une « minorité de catholiques lyonnais » 94 . De même, la liste permet de repérer des noms qu’on retrouvera parmi les souscripteurs de la plaquette offerte à Victor Carlhian pour son mariage, et donc de confirmer l’hypothèse de départ d’une écrasante présence sillonniste dans l’entourage des futurs fondateurs de Notre-Dame Saint-Alban. Et parce qu’elle indiquait pour un nombre suffisant d’individus leur qualité, elle a aussi autorisé Gatien Goyard à dresser les contours du groupe sillonniste lyonnais et à définir sa composition sociale. Après avoir noté « la part très faible des ouvriers », il distinguait trois catégories : « les employés, les professions intellectuelles, libérales et indépendantes et les étudiants » 95 . Il rejoignait ainsi les conclusions de Jeanne Caron sur la surreprésentation des classes moyennes dans le recrutement des Sillons locaux. Les éléments biographiques des individus qui nous intéressent particulièrement ne font que confirmer la formation dans les écoles catholiques des sillonnistes lyonnais et leur participation passée ou présente à des œuvres paroissiales et, de la même façon, on retrouvera souvent le cas de ces sillonnistes « anciens élèves des Frères des Ecoles Chrétiennes », qui ont « constitué le noyau de nombreux cercles » 96 , ne serait-ce qu’à travers l’exemple des frères Remillieux.

Le cas de Raymond Thomasset illustre mieux ces propos généraux 97 . Son père, fabricant de médailles à Vaise, était issu d’une famille installée dans la région lyonnaise depuis le début du XIXe siècle. Le premier des Thomasset dont la mémoire familiale a conservé le souvenir était un tailleur de pierres, qui avait quitté le Limousin pour venir à Couzon au Mont d’Or. Sa réussite professionnelle l’avait conduit à exercer des fonctions politiques au niveau de la municipalité. L’ascension sociale était bien confirmée quand on atteignit la génération du père de Raymond Thomasset : à la tête d’une petite entreprise, ce dernier habitait à Vaise, quai de l’Industrie, une maison en pierre et possédait une deuxième résidence à Montchat. Malgré le décès précoce du père, les frères et sœurs de Raymond Thomasset parvinrent tous à des situations confortables : membres de professions intellectuelles et libérales (un médecin et un journaliste parti en Amérique) pour les frères ou ayant épousé des chefs de petite et moyenne entreprise pour les sœurs (un entrepreneur de maçonnerie et un fabricant d’apéritifs liqueurs), les Thomasset appartenaient à ce monde très large des classes moyennes voire de la moyenne bourgeoisie. Raymond Thomasset, né en 1883, fut scolarisé dans une école catholique privée à Lyon, St-François de Sales, puis suivit les cours de l’Ecole de tissage. La profession indiquée sur les documents sillonnistes le classait parmi les employés de commerce. Dans son témoignage, son fils, Paul Thomasset, expliquait son entrée dans le mouvement sillonniste par sa rencontre avec Elie Vignal. Né en 1885, celui-ci, originaire de l’Ardèche, était venu à Lyon compléter lui aussi sa formation à l’Ecole de Tissage 98 . La location d’une chambre rue de Flesselles, dans le 1er arrondissement, avait introduit Raymond Thomasset dans le cercle d’amis du futur beau-frère d’Elie Vignal et il fut ainsi amené à fréquenter ce dernier. C’est ainsi en tout cas que Paul Thomasset a retracé l’itinéraire qui avait amené son père à la militance sillonniste. Il n’a jamais livré d’information sur son parcours religieux, si ce n’est le choix des parents pour l’école privée qui renseignait déjà sur leur appartenance au camp catholique. De quelques documents ultérieurs, des éléments d’une correspondance qui lia Raymond Thomasset à Laurent Remillieux entre 1909 et 1914, on peut peut-être déduire certaines hypothèses. Une lettre de 1912 évoquait notamment la fréquentation du cercle paroissial de l’Annonciation, paroisse créée à Vaise en 1861 99 . Que cette fréquentation ait été antérieure à la militance sillonniste paraît probable. Raymond Thomasset, catholique pratiquant et membre des classes moyennes, avait circulé dans des lieux et parmi les hommes où recrutait le Sillon lyonnais. Il en était l’un de ses représentants exemplaires.

L’absence d’organisation très structurée, propre au mouvement sillonniste, contrarie les tentatives de redonner à chacun une place fixe et une fonction bien définie au sein du réseau. Les seuls renseignements précis sont fournis par la déclaration d’association en préfecture datée du 6 mars 1908 100 . Le Sillon lyonnais, « société d’éducation et d’instruction populaire », avait pour objet « l’instruction et l’éducation démocratique de ses membres et du public » et siégeait « 21 rue Vieille Monnaie » à Lyon. Son conseil d’administration était composé de cinq personnes : un président, Victor Carlhian ; un vice-président, Raymond Thomasset ; un secrétaire, Elie Vignal et apparemment deux trésoriers, Joseph Vitte et Aimée Cardon. La mention de la profession ou du statut de ces seuls membres illustre de façon exemplaire la composition sociale de l’ensemble des sillonnistes, puisqu’elle met en scène trois employés de commerce (Victor Carlhian ne dirigeait pas encore l’entreprise de son père), un étudiant et une institutrice. Par ailleurs, Gatien Goyard est parvenu à repérer une division des sillonnistes en quelques groupes selon le genre et les âges, organisation qui relevait parfois d’une spécificité lyonnaise. Ainsi le « Sillon des vieux » était « né d’une idée d’Alfred Vanderpol » et regroupait en plus de ce dernier « Monsieur Remillieux, père des abbés Jean et Laurent, et Joseph Serre » 101 , donc des hommes nés avant 1870. Le Sillon lyonnais avait aussi mis en place « une école de formation sillonniste pour les jeunes, qui fonctionnait pendant les vacances, et des “ cercles de gosses ”, pour préparer la relève » 102 . Le groupe des dames du Sillon s’intégrait dans le schéma sillonniste classique. Les hommes se retrouvaient soit dans le cercle de Perrache, soit dans celui des Terreaux, deux implantations géographiques qui demeuraient dans le cadre de la Presqu’île et donc dans le centre de la ville. Gatien Goyard note ensuite le rôle des prêtres, souvent jeunes, parfois même simplement séminaristes, et il donne les noms de l’abbé Fatisson, ceux de Jean et Laurent Remillieux, « deux prêtres qui marquèrent les sillonnistes », et celui de Joseph Lavarenne 103 , qui fut d’ailleurs le condisciple de Laurent Remillieux au séminaire de philosophie d’Alix avant d’être ordonné prêtre à l’automne 1909, la même année que Jean Remillieux 104 . En 1907, l’abbé Fatisson était consigné dans l’ordo comme auxiliaire de la paroisse Saint-Polycarpe, dans le quartier des Terreaux. Mais parallèlement à ses fonctions officielles, il aurait assuré la direction spirituelle des cercles sillonnistes. L’abbé Jean Remillieux allait jusqu’à signer des éditoriaux dans L’Aiguillon.

Ces quelques remarques aiguisaient la curiosité. Après avoir relevé plusieurs des noms que j’allais retrouver dans la suite de l’histoire de Notre-Dame Saint-Alban, j’avais remarqué l’insistance à mettre en valeur la présence des frères Remillieux et le signalement du concours de leur père. La question se posait de savoir comment la famille Remillieux en était venue à fréquenter les cercles sillonnistes et quel y était son degré d’implication. De plus, s’il était intéressant de comprendre comment étaient recrutés les sillonnistes lyonnais, on ne pourrait jamais remonter l’intégralité des filières de recrutement : il apparaissait en effet difficile de lever l’anonymat de tous les souscripteurs de la plaquette offerte à Victor Carlhian et de suivre l’itinéraire de chacun, ce qui n’était d’ailleurs pas le sujet de la thèse en cours. En revanche, à partir des traces retrouvées parfois au hasard du dépouillement des correspondances privées, d’autres fois en consultant les fonds de l’Institut Marc Sangnier, on pouvait reconstituer des itinéraires exemplaires. Le plus efficace était alors de concentrer les recherches sur la famille Remillieux, puisqu’on avait réuni une abondante correspondance familiale, qui portait justement sur les années 1905 à 1914 et renseignait sur tous ses membres, leurs activités, leur engagement et leurs sentiments vis-à-vis du Sillon. En raison des liens particuliers qui avaient été tissés entre Victor Carlhian et les Remillieux, ce choix ramenait évidemment à l’exploration des origines sillonnistes de Notre-Dame Saint-Alban. Enfin, la présence à Roanne de Laurent Remillieux nous mettait en contact avec un autre groupe de sillonnistes du diocèse de Lyon, ce qui permettait d’envisager le réseau des sillonnistes à une autre échelle.

Dans la correspondance familiale des Remillieux, le Sillon n’apparaissait guère avant l’automne 1907. Dès lors, l’engagement des fils Remillieux paraissait acquis. Aucun indice de leur rencontre avec les groupes sillonnistes n’a pu être relevé au cours des années précédentes, peut-être tout simplement parce que la correspondance est moins abondante pour cette période. Mais il faut aussi tenir compte du fait que les relations épistolaires s’organisaient autour de Laurent Remillieux, auteur ou destinataire quasi unique des lettres. Le point de vue qu’on a sur la famille reste donc partiel. Et justement, ce ne fut pas Laurent Remillieux qui s’investit le plus dans la cause sillonniste et on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y vint plus tardivement que son jeune frère, Jean Remillieux, qui passait au contraire pour le militant le plus actif et le plus convaincu de la famille. Par recoupement avec d’autres sources et par déduction, on peut imaginer que l’entrée dans le mouvement se joua pour eux l’année précédente. Ce fut sûrement à l’automne 1906 que Jean Remillieux, alors élève en troisième année au grand séminaire de philosophie de Sainte-Foy-lès-Lyon, intégra l’un des groupes de sillonnistes lyonnais. En effet, on possède par ailleurs un témoignage direct de la présence d’activité sillonniste dans les nouveaux bâtiments du grand séminaire 105 , dans lequel est évoquée l’ampleur de l’intérêt manifesté pour le Sillon par un nombre non négligeable de séminaristes. Ce témoignage est apporté par Francisque Gay qui, à l’automne 1905, était entré en première année audit séminaire 106 .

Francisque Gay était né à Roanne, en 1885. Son père y avait d’abord fondé une « entreprise de plomberie couverture », activité qu’il compléta par un fonds de quincaillerie. La maladie interrompit sa scolarité à l’Ecole des Frères Maristes de Charlieu et en 1899, après avoir été reçu aux épreuves du Certificat d’Etudes, il entra à Lyon en quatrième au collège « Aux Lazaristes », où il demeura jusqu’à l’obtention du baccalauréat. Le récit des années de l’enfance et de l’adolescence de Francisque Gay, écrit par Alain Terrenoire, son petit-fils 107 , est émaillé des difficultés dues à une santé fragile et la seule mention d’un quelconque enthousiasme, qu’on est enclin à attendre de la jeunesse, est à relier au souvenir d’une retraite vécue au sanctuaire de La Saussaie. Mais à partir de 1903, un événement donné comme décisif vient briser le cours subi de sa vie et lui donner le relief qu’il pouvait espérer.

‘« C’est en l’année 1903 qu’un événement capital lui donna un élan capable de dépasser sa fréquente tristesse, et qui lui procura une passion qui orientera toute sa vie. […] C’est en 1903, en effet, que Francisque Gay entendit pour la première fois Marc Sangnier. Il fut aussitôt saisi d’enthousiasme pour ce grand orateur, à la parole ardente, qui luttait pour le rapprochement de l’Eglise et de la Démocratie.
Francisque Gay comprit qu’il avait trouvé son maître et qu’en le suivant il donnerait à sa vie le sens apostolique auquel il aspirait. Il prit contact avec le Sillon et voulut faire partie de cette phalange de jeunes chrétiens, consacrés à la « Cause », la cause, disaient-ils, du Christ et du Peuple. » 108

Si la rencontre décisive avec le Sillon intervint nettement plus tôt que dans le cas de Victor Carlhian, elle est revêtue du même pouvoir et le récit qui en est fait la met en exergue, comme celui d’une conversion qui révèle le sens à donner à une vie. Un séjour à Paris concrétisa son désir d’appartenir désormais au Sillon. De retour à Roanne, en 1904, il prenait contact avec le Sillon de Lyon, « à l’occasion d’un Congrès » 109 , toujours certainement ce congrès qui cristallisa les oppositions entre le Sillon et la Chronique, et il fondait « lui-même sans tarder le Sillon de Roanne, avec Pierre Morel et quelques militants » 110 . Laissons de côté pour l’instant le Sillon de Roanne et Pierre Morel, qu’on retrouvera au moment de la nomination de l’abbé Laurent Remillieux comme professeur à l’Institution Saint-Joseph de Roanne. Suivons plutôt Francisque Gay dans sa volonté de réaliser une vocation ecclésiastique, d’abord au petit séminaire de Notre-Dame de Joubert où il se lança dans l’étude du latin et du grec, puis, après un nouveau séjour parisien en tant qu’employé de la librairie Bloud, au grand séminaire de Lyon. La réalisation de cette vocation, contrariée à la fois par l’opposition de ses parents et ses ennuis de santé, le conduisit donc à Lyon au moment où les sillonnistes lyonnais réorganisaient leur mouvement sur l’injonction du Sillon central. La présence de Francisque Gay, militant déjà actif et convaincu, allait leur donner un élan supplémentaire et leur ouvrir les portes du séminaire.

Le 13 mars 1906, Francisque Gay avertissait Maurice La Mache des progrès rapides du Sillon au séminaire. Le groupe informel qui réunissait les sympathisants sillonnistes comptait déjà huit séminaristes, « presque tous […] des premiers de cours » et qui étaient parmi « les plus estimés des directeurs et de leurs confrères à la fois » 111 . Trois étaient abonnés au Sillon depuis huit jours et un à L’Eveil démocratique : ce résultat ponctué de points d’exclamation expliquait la joie ressentie par Francisque Gay et confiée à son ami. La lettre suivante, du 21 avril 1906, confirmait les progrès des sillonnistes.

‘« Nous avons constitué le premier petit noyau de sillonnistes : nous sommes sept… qui nous sommes entièrement donnés à […] la Cause. Une dizaine désire encore en faire partie… Tous comptent parmi les meilleurs séminaristes, mais je ne compte pas en prendre plus de quatre à cinq d’ici à la fin de l’année… Ce sera suffisant que nous nous développions nous-mêmes… » 112

Un groupe de sillonnistes était désormais organisé officiellement selon les normes du Sillon et il se structurait autour de Francisque Gay. Celui-ci voulait limiter le nombre des adhésions, dans la logique de la formation d’une élite qui respecterait l’idéal sillonniste : d’abord se transformer soi-même avant de songer à intervenir sur les autres. Le vocabulaire reprend les expressions favorites des sillonnistes : les séminaristes devenaient ces camarades qui forgeaient leur âme commune dans la chaleur de l’amitié. Mais ils intégraient aussi leur réflexion sur les revendications légitimes de leur temps à leur vocation de prêtre et cela les amenait tout de même à rétrécir le champ de leur action sillonniste. Ainsi les questions sociales n’étaient traitées que dans la perspective d’une définition du devoir du prêtre dans la société du XXe siècle.

‘« Mais à vrai dire notre prétention est moindre. Nous essayerons surtout de trouver dans le Sillon un moyen d’être meilleur séminariste. Tu ne saurais croire ce qu’un Idéal positif, précis, concret met d’énergies et d’unité dans une âme. Pour nous, « La Cause » se confond avec notre mission de futurs prêtres : c’est Jésus et les âmes que nous devrons amener à Jésus ; c’est cet apostolat que nous rêvons tous fécond et généreux… Nous sommes tous les sept bien unis dans le même désir intense d’être plus prêtres, c’est-à-dire plus apôtres et plus victimes. Ah ! comme l’on trouve des forces pour cela dans l’intime et chaude affection du Sillon ! » 113

Pourtant, en dépit de ces précautions, des dérapages pouvaient intervenir. Le 6 juin 1906, Francisque Gay avouait finalement sa crainte d’avoir réuni un groupe trop intellectuel, dont « la propagande un peu indiscrète » 114 risquait d’alerter la direction du séminaire. Effectivement, cette propagande remportait un certain succès auprès des séminaristes. Le 27 juin 1906, Francisque Gay annonçait à son ami que dorénavant ils étaient « neuf du Sillon au séminaire » 115 .

L’épisode de la formation d’un groupe de séminaristes sillonnistes a été relaté brièvement par Alain Terrenoire, qui ne lui prête pas le même succès. Lui retient plutôt la déception de son grand-père face à « des condisciples [qui] ne lui paraissaient pas assez surnaturels » 116 . Serait-ce la traduction du « trop intellectuel » qui avait nuancé l’enthousiasme de Francisque Gay ? Le jugement ne peut cependant pas infirmer la présence de séminaristes sillonnistes à Lyon en ce début de l’été 1906. Pendant les vacances, Francisque Gay assista à la Semaine sociale de Dijon et en octobre, il entra en deuxième année de séminaire. Mais à la fin du mois de décembre, en raison des difficultés suscitées par les lois contre les congrégations, le séminaire fermait pour un temps ses portes. Francisque Gay ne devait pas y revenir : de retour à Paris, il suivit un enseignement d’anglais en Sorbonne tout en s’engageant plus encore dans les activités sillonnistes. Néanmoins, pendant l’automne passé à Sainte-Foy-lès-Lyon, il avait pu rencontrer Jean Remillieux, lui-même inscrit en troisième année de séminaire. Ce dernier n’avait pas participé à la mise en place des groupes sillonnistes autour de Francisque Gay l’année précédente car, à ce moment-là, le service militaire avait interrompu le cours de ses études. En effet, ses deux premières années de séminaire de philosophie terminées à l’été 1905, à dix-neuf ans, il rejoignit la caserne de Bourg et remplit ses obligations militaires pendant une année, une année qui allait l’éloigner non seulement des engagements lyonnais possibles, mais aussi de l’univers clos et protégé du grand séminaire qui ne laissait filtrer que difficilement et parcimonieusement les problèmes du temps.

Certes, Jean Remillieux avait intégré, dès octobre 1903, selon le témoignage de son frère, un groupe de séminaristes « où s’agitaient les questions les plus diverses » 117 . Des conférences données par les séminaristes eux-mêmes précédaient la discussion et on reconnaît là le schéma des conférences d’œuvres proposées aux élèves des grands séminaires. L’intérêt pour les questions politiques et sociales s’était développé chez les « séminaristes sociaux », présents dans ces conférences qui les réunissaient dans un esprit nouveau depuis l’encyclique Rerum novarum. Ailleurs en France, de tels groupes avaient déjà pu laisser pénétrer les idées sillonnistes et devenir un lieu de rencontres et d’échanges sur les idées sociales les plus avancées du monde catholique. Mais les velléités de réflexion et d’ouverture sur le siècle des séminaristes se heurtèrent à des autorités conservatrices réservant à l’encyclique de Léon XIII une interprétation très étroite. Aucun enseignement social régulier et organisé n’était officiellement délivré, et les initiatives personnelles étaient finalement sanctionnées 118 . Ainsi, en 1901, Mgr Coullié interdit la circulation dans les séminaires du diocèse de Lyon de Trait d’union, la feuille de l’abbé Martin qui assurait le lien entre ces séminaristes sociaux depuis 1899. Même s’il rétablissait en même temps à Saint-Irénée la conférence d’œuvres supprimée en 1898, il signifiait par là sa réserve. Il redéfinissait aussi les limites de la réflexion et de l’action sociales des séminaristes, après la condamnation de l’américanisme, dont on a pu supposer qu’il exerça une influence sur les séminaristes 119 , et la publication de l’Encyclique Graves de communi.

Laurent Remillieux avait lui-même participé à ce type de discussions à l’occasion de la constitution de petits groupes d’études au séminaire de philosophie d’Alix, sous l’impulsion de Jean Verdier qui en était alors le supérieur 120 . Des groupes de six à huit séminaristes se réunissaient pour traiter des questions que les futurs prêtres devraient aborder au cours de leur vie pastorale, dans les paroisses dont ils auraient la charge : cercles d’études, patronages, mutualités, coopératives, jardins ouvriers, éducation de l’enfant, etc. Laurent Remillieux, plutôt connu pour sa réserve, révélait au cours de ces réunions des facilités d’élocution et « des idées personnelles originales » 121 . Il faut peut-être se méfier de ce jugement rétrospectif, réinterprétant les années de formation de Laurent Remillieux à partir de l’opinion consensuelle qui se dégageait après sa mort, au moment où Joseph Folliet recueillait des témoignages en vue d’écrire la biographie du curé de Notre-Dame Saint-Alban. De toutes les façons, ses tendances qualifiées de démocrates par un de ses condisciples demeuraient mal dégagées d’une certaine ambiguïté.

‘« Comme idées, il s’affichait comme, disons démocrate, lui qui sortait d’un milieu plutôt bourgeois, mais il ne fallait pas chercher le fond car il prenait volontiers le contre-pied des idées émises par l’interlocuteur. » 122

Les positions de son frère apparaissaient plus clairement engagées du côté de la démocratie. Jean Remillieux choisit par exemple un jour d’étudier « l’influence de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen sur la mentalité contemporaine » 123 . S’il se préoccupait aussi « du mouvement et des doctrines de l’Internationale » pour tenter d’en montrer les erreurs et les espoirs utopiques, c’était bien pour proposer cette troisième voie sociale et politique qu’offrirait aux citoyens une société rechristianisée. Jean Remillieux avait donc été sensibilisé aux problèmes sociaux et politiques, mais cette formation, limitée et débarrassée des potentialités de sa dangerosité sociale par les filtres du séminaire, restait toute théorique. En son temps, Laurent Remillieux avait envoyé à ses parents une liste d’ouvrages à commander, ouvrages en vigueur dans les cours du séminaire de philosophie d’Alix, parmi lesquels on reconnaît les publications des abbés démocrates promoteurs d’un catholicisme social audacieux : le Manuel social catholique du chanoine Dehon et le livre de l’abbé Cetty sur Une paroisse ouvrière organisée faisaient partie des lectures conseillées 124 , en dehors de l’étude directe des grands textes pontificaux et notamment des encycliques sociales de Léon XIII, que Laurent Remillieux avait aussi réclamées à ses parents 125 . Laurent et Jean Remillieux avaient donc reçu au sein du grand séminaire une première initiation à la question sociale. Cela ne peut cependant suffire à expliquer le goût qu’ils développèrent pour cette question et il faut continuer à chercher ailleurs des explications. L’influence réciproque des deux frères jouait manifestement un rôle en attisant leurs préoccupations communes. Jean Remillieux amena aussi un nouveau souffle dans leur recherche d’une rencontre avec le monde moderne en dilatant les frontières de leur réflexion. L’interruption de sa formation par les obligations militaires l’arracha à l’univers fermé de l’institution ecclésiastique et le plongea dans une réalité sociale extérieure et moins virtuelle. C’était durant le service militaire qu’il rencontrerait effectivement la différence et la camaraderie, qu’il se persuaderait de la nécessité des tâches d’éducation et de la force du dialogue, tout ce qui orienterait désormais ses projets apostoliques. De retour à Lyon, il en aurait fini avec les attentes et les incertitudes de l’adolescence, il s’ouvrirait plus franchement au monde et à son temps.

Un témoignage reçu par Joseph Folliet en 1951 affirmait pourtant qu’en 1904 les Remillieux se trouvaient déjà en contact avec le Sillon, qui attirait à lui les séminaristes 126 . Elève cette année-là du grand séminaire avec Laurent Remillieux, l’abbé Ballandras confiait sa participation « au troisième congrès du Sillon ». Parce qu’il avait été hébergé à Lyon par la famille Remillieux, il avait pu

‘« suivre régulièrement, avec l’abbé Laurent, toutes les réunions. Le Sillon était alors en vogue et prenait chaque jour de l’importance. Séminaristes, nous en avions les idées et nous nous sentions prêts, futurs prêtres, à en suivre les directives pour les groupements de jeunes gens. » 127

En fait, si l’on considère comme exacte la date de 1904, on peut penser que l’ancien séminariste évoquait le fameux « troisième Congrès national des Cercles d’études et des Instituts populaires », qui se tint à Lyon en février et réunit pour la dernière fois le Sillon et la Chronique Sociale dans une organisation commune. On continue cependant à douter des affinités sillonnistes que Laurent Remillieux aurait révélées avant même la refondation du Sillon lyonnais. En effet, Jeanne Caron a montré que la réception du congrès parmi les Lyonnais fut largement défavorable aux sillonnistes et que les attaques les plus violentes à l’encontre de Marc Sangnier trouvèrent place dans la revue ecclésiastique le Trait de l’abbé Martin 128 , celle-la même qui avait été l’organe de liaison des séminaristes sociaux avant 1901. De plus, si Laurent Remillieux a bien suivi ce congrès de 1904, on préférera imputer sa présence à son intérêt pour les travaux de la Chronique Sociale sur la question sociale qu’à un improbable engagement sillonniste.

Dans la correspondance familiale, l’institution lyonnaise est mentionnée avant 1904. Une lettre de 1901 montre que la famille fréquentait à l’occasion la librairie de la Chronique du Sud-Est 129 et Laurent Remillieux a déjà formulé l’importance qu’il accordait à ces représentants du catholicisme social, accueillis parfois dans l’enceinte du séminaire de philosophie :

‘« Mercredi dernier nous avons eu Gonin qui a fait à la communauté une magistrale conférence sur la question sociale, qui pour ma part me trouble énormément. Le soir, avec l’abbé Colas, je l’ai accompagné à Anse. » 130

En 1906 encore, dans une lettre écrite à Jean, il s’enthousiasmait pour un dimanche après-midi passé en compagnie des membres de la Chronique et épousait les positions de ces derniers sur la Séparation, sujet qui avait été développé au cours de la réunion.

‘« C’est un volume que je devrais écrire si j’entreprenais de te conter notre après-midi de dimanche. Quelle belle jeunesse est venue fusionner avec nous ! Puisse notre Louis être comme tel et tel que j’ai vus là. Toutes les grandes idées philosophiques et sociales qui nous séparent d’avec tant de monde aujourd’hui, ont été traitées et discutées dans un échange de vues aussi amical qu’élevé. Qu’est-ce qu’un dogme ? Le primat de l’action… La séparation. Que penser de la résistance violente ? Rien. Pour nous les jeunes, prêtres et laïcs, notre rôle est de faire l’avenir en travaillant la main dans la main. Et pour ne pas rester dans la théorie pure on a essayé d’élaborer les grandes lignes d’un programme religieux, philosophique, social, politique… Puis de la musique (piano, chants). Enfin un punch qui se termina par des toasts vibrants de Gonin, Mr André, Crétinon, un étudiant laïc puis ecclésiastique. Intéressant au suprême degré. » 131

Les travaux de la Chronique sur la doctrine sociale de l’Eglise attiraient aussi Jean Remillieux. En août 1907, après sa troisième année de grand séminaire, fidèle à ses orientations de « séminariste social », il assista à la Semaine sociale d’Amiens articulée sur la question des « principes de l’économie chrétienne » 132 . Mais on peut déjà se demander si sa présence à Amiens n’était pas plus liée à son intégration au réseau sillonniste lyonnais qu’à son seul intérêt pour la Chronique. En effet, d’autres sillonnistes de Lyon, et plus largement du sud-est, suivirent aussi les conférences d’Amiens 133 . De toutes les façons, à la fin de l’année 1907, les deux frères semblaient avoir pris leurs distances et le jugement désormais porté sur la Chronique se calquait sur celui de l’ensemble des sillonnistes. Laurent Remillieux avertissait sa sœur Emilie des ambiguïtés de la Chronique :

‘« As-tu entendu que dimanche dernier, il s’est tenu un grand rassemblement de la Chronique au Cirque Rancy ? J’ai lu quelque chose au sujet du discours de l’avocat Tourret dans La Dépêche de Lyon. C’est beau et important, mais certainement, à la Chronique, on vit selon une ambiguïté, ce qui a naturellement pour conséquence que leur situation est de moins en moins claire, et aussi, bien entendu, qu’ils créent moins de bien. » 134

Les trois lettres distantes de plus de cinq ans laissent percevoir l’évolution des sentiments de Laurent Remillieux envers la Chronique Sociale et la rupture qui intervint entre 1906 et 1907 ne peut que confirmer l’hypothèse d’un engagement sillonniste tardif. Ces documents montrent encore que la Chronique et le Sillon recrutaient leurs militants sur des terrains semblables et que le passage dans la première institution pouvait avoir favorisé ensuite un engagement plus radical dans le second mouvement. Cela avait été apparemment le cas pour Victor Carlhian et l’histoire se répétait pour Laurent Remillieux. Mais pour ce dernier, la médiation de son frère s’imposait.

Notes
92.

J. Caron, Le Sillon et la démocratie chrétienne, op. cit., p. 227

93.

Deux listes qui concernent à la fois le Sillon féminin et le Sillon des hommes à Lyon ont été reproduites en annexe du mémoire de maîtrise. Voir Gatien Goyard, Le Sillon dans le Rhône (1904-1910), op. cit., p. 155-158.

94.

G. Goyard, op. cit., p. 34.

95.

Ibid., p. 34.

96.

Les remarques de G. Goyard retrouvent les conclusions de Jeanne Caron. Les citations sont ici extraites de J. Caron, Le Sillon et la démocratie chrétienne (1894-1910), op. cit., p. 115.

97.

Les éléments biographiques recueillis sur Raymond Thomasset m’ont été confiés par son fils, Paul Thomasset, lors d’un entretien qui s’est déroulé le 4 février 1999. Les souvenirs concernant l’histoire familiale manquent de précision et n’ont pas été confirmés par une recherche documentaire. Mais ces limites sont largement compensées par le fait que l’entretien a tout de même livré un itinéraire familial exemplaire qui conforte les remarques sur le milieu social et le parcours des sillonnistes.

98.

Marc Météry, « Elie Vignal », notice biographique, in Xavier de Montclos (sous la direction de), Lyon - Le Lyonnais – Le Beaujolais…, op. cit., p. 415.

99.

Lettre de Raymond Thomasset à Laurent Remillieux , datée du 8 février 1912.

100.

A.D.R., 4 M 502.

101.

G. Goyard, Le Sillon dans le Rhône (1904-1910), op. cit., p. 41.

102.

Ibid., p. 42.

103.

Ibid., p. 43.

104.

Voir la notice biographique sur Joseph Lavarenne rédigée par Bruno Dumons, in Xavier de Montclos (sous la direction de), Lyon - Le Lyonnais – Le Beaujolais, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Paris, Beauchesne, 1994, p. 267-268.

105.

Jacques-Guy Petit, dans son étude consacrée aux années de formation de l’abbé Jules Monchanin, résume l’histoire des grands séminaires de Lyon au tournant du XXe siècle, La jeunesse de Monchanin, 1895-1925. Mystique et intelligence critique, Paris, Beauchesne, 1983, 276 p., p. 58-59. Il explique que « les Sulpiciens dirigeaient le séminaire de philosophie du diocèse de Lyon à Alix (Rhône) depuis octobre 1877. […] M. Verdier, supérieur d’Alix depuis 1898, constatant l’inadaptation des lieux […] fit construire un nouveau séminaire à Francheville […]. A partir d’octobre 1903, le séminaire est transféré à Francheville ». Il accueillit d’abord les deux années de philosophie, puis la première de théologie quand les locaux de Saint-Irénée, à Sainte-Foy-lès-Lyon, ne furent plus assez grands pour loger tous les théologiens. Le nouveau séminaire de Philosophie était bâti sur une propriété qui appartenait en fait aux deux communes de Sainte-Foy et de Francheville. Les correspondances de la famille Remillieux et de Francisque Gay mentionnent plutôt la commune de Sainte-Foy quand elles font référence au grand séminaire de Francheville. Et l’Ordo du diocèse de Lyon de 1905 mentionne le séminaire de philosophie en ces termes : «  séminaire de philosophie Sainte-Foy-lès-Lyon par Francheville ».

106.

Une partie de sa correspondance de jeunesse, et donc les lettres qu’il envoyait du séminaire de philosophie de Sainte-Foy-lès-Lyon à son ami Maurice La Mache, ont été rassemblées à l’Institut Marc Sangnier, dans le Fonds Francisque Gay, et c’est là que j’ai pu les consulter. Elles sont incluses dans le carton FG3, contenant des papiers sur le Sillon, la correspondance destinée à Maurice La Mache de 1905 à 1909, une correspondance plus générale entre 1905 et 1910, et la lettre de soumission après la condamnation pontificale et datée d’août 1910. Quatre lettres rendent compte de la présence de sillonnistes au grand séminaire de Lyon : elles sont toutes datées du premier semestre de l’année 1906.

107.

Toujours dans le fonds Francisque Gay de l’Institut Marc Sangnier (FG1), on peut disposer d’un résumé dactylographié de quatre pages, sur les années de jeunesse de Francisque Gay, rédigé par Alain Terrenoire et daté du 21 octobre 1972.

108.

Alain Terrenoire, « La jeunesse de Francisque Gay », p. 2-3, Fonds Francisque Gay, 1, Institut Marc Sangnier.

109.

A. Terrenoire, op. cit., p. 3.

110.

Ibid., p. 3. La fondation du Sillon local de Roanne n’a pas été étudiée à ma connaissance. Certains indices montreraient que l’individualisation des sillonnistes de Roanne aurait un processus qu’on peut retrouver ailleurs. Le dirigeant du Sillon de Roanne, Pierre Morel, est mentionné comme membre du bureau de l’Union générale de la jeunesse catholique française du Roannais, créée dans la dynamique de l’Encyclique Rerum novarum en 1902 et affiliée définitivement à l’ACJF en mai 1903. Voir Brigitte Waché, « Les lendemains de Rerum novarum dans la Loire », in J.-D. Durand,… Cent ans de catholicisme social à Lyon et en Rhône-Alpes, op. cit., p. 62-81. Ce serait donc encore à la suite du Congrès de 1904 qu’aurait eu lieu le reclassement de certains cercles d’études en groupes sillonnistes. Pierre Morel resta l’interlocuteur roannais du Sillon central (certaines de ses lettres ont été conservées à l’Institut Marc Sangnier) et après sa soumission en septembre 1910, il se chargea d’organiser le groupe de la Jeune République à Roanne.

111.

Lettre de Francisque Gay à Maurice La Mache, datée du 13 mars 1906 et envoyée du séminaire de philosophie de Sainte-Foy-lès-Lyon, Fonds Francisque Gay, 3, Institut Marc Sangnier.

112.

Lettre de F. Gay à M. La Mache, datée du 21 avril 1906, Fonds Francisque Gay, 3, Institut Marc Sangnier.

113.

Ibid.

114.

Lettre de F. Gay à M. La Mache, datée du 6 juin 1906, Fonds Francisque Gay, 3, Institut Marc Sangnier.

115.

Lettre de F. Gay à M. La Mache, datée du 27 juin 1906, Fonds Francisque Gay, 3, Institut Marc Sangnier.

116.

Alain Terrenoire, « La jeunesse de Francisque Gay », op. cit., p. 4.

117.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux (1886-1915), Lyon, Imprimerie Veuve Paquet, 1917, 203 p., p. 39.

118.

Philippe Lécrivain évoque « l’entrée manquée des séminaires sur la scène sociale » dans sa contribution intitulée « La formation sociale dans les séminaires à la “ Belle Epoque ” », à l’ouvrage dirigé par Denis Maugenest, Le mouvement social catholique en France au XXe siècle, Paris, Les Editions du Cerf, 1990, 254 p., p. 115-150.

Marie-Thérèse Cloître a toutefois nuancé ce jugement en montrant l’importance des Conférences des Œuvres à travers l’exemple local du grand séminaire de Quimper, « “ Séminaristes sociaux ”, “ séminaristes démocrates ” : le cours de la conférence des Œuvres au grand séminaire de Quimper, 1885-1908 », in R.H.E.F., t. LXXVIII, 1992, p. 288-310. Le cours d’Œuvres aurait été « un lieu d’initiation économique, sociale et politique » qui aurait assuré la présence des clercs ainsi formés sur la scène sociale, écrit-elle dans sa conclusion. C’est aussi dans cet article qu’est montrée l’audience du Sillon chez certains séminaristes, qui faisaient pénétrer les idées sillonnistes dans les conférences et dont le militantisme déclaré déclencha les tensions avec les autorités diocésaines dès 1904.

119.

Philippe Molac, Les Sulpiciens à Lyon au XIXe siècle, Mémoire de maîtrise sous la direction d’Etienne Fouilloux, Université Lumière Lyon 2, juin 1995, 214 p., p. 149, s’interroge sur l’intérêt qu’ont pu susciter les thèses américanistes au grand séminaire de Saint-Irénée au tournant du siècle. Il rappelle aussi la demande formulée en 1901 par quelques séminaristes désirant former des groupes de réflexion sur la question sociale et précise que les conférences débutèrent au mois de novembre de la même année.

120.

La participation de Laurent Remillieux à des groupes de séminaristes s’intéressant à la question sociale lors de ses études au grand séminaire est révélée par trois témoignages envoyés en 1951 à Joseph Folliet par des condisciples du séminaire de philosophie d’Alix : témoignages de l’abbé André Poncet (25 février 1951), de l’abbé Ballandras (28 février 1951) et de l’abbé Louis Haro (5 mars 1951), tous trois curés dans la Loire, conservés au Prado parmi les papiers Folliet, carton Laurent Remillieux 1.

121.

Témoignage écrit de l’abbé Ballandras à Joseph Folliet, 28 février 1851.

122.

Témoignage écrit de l’abbé Haro à Joseph Folliet, 5 mars 1951.

123.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux (1886-1915), op. cit., p. 39.

124.

Lettre de L. Remillieux à ses parents, datée du 2 décembre 1901. Le manuel du chanoine Dehon était alors un classique qu’on retrouvait dans les bibliothèques des séminaires, l’un des ouvrages les plus lus par les clercs qui s'intéressaient à la question sociale. Voir Philippe Lécrivain, « La formation sociale dans les séminaires à la “ Belle Epoque ” », op. cit., p. 123. Les tendances sociales et démocrates de l’abbé Cetty ont fait l’objet de l’article de Raymond Mengus publié dans le même recueil de textes sous la direction de Denis Maugenest, « L’abbé Cetty (1847-1918). Une contribution alsacienne au discours social de l’Eglise. », op. cit., p. 23-48.

125.

Lettre de L. Remillieux à ses parents, datée du 5 mars 1902.

126.

Témoignage de l’abbé Ballandras daté du 28 février 1951, Papiers Joseph Folliet, Carton « Père Remillieux », 1, Prado.

127.

Ibid.

128.

J. Caron, Le Sillon et la démocratie chrétienne, op. cit., p. 250-251.

129.

Lettre de Laurent Remillieux datée du 5 décembre 1901.

130.

Lettre de L. Remillieux à ses parents, datée du 6 juin 1902, Papiers Remillieux.

131.

Lettre de Laurent Remillieux à son frère Jean, datée de 1906 (sans plus de précision), Papiers Remillieux.

132.

On le sait grâce à une carte postale envoyée par Louis Remillieux le 5 août 1907 à son « cher Jean » et adressée à « M. l’abbé Remillieux (à la Semaine Sociale), Ecole de théologie, 21 rue Porte-Paris, Amiens (Somme).

133.

G. Goyard, Le Sillon dans le Rhône (1904-1910), op. cit., p. 124.

134.

Lettre de Laurent Remillieux à Emilie, datée du 27 novembre 1907, Papiers Remillieux. Cette lettre fait partie de la correspondance familiale écrite en allemand.