1 – Portrait de famille

Dans la matinée du 4 février 1999, je rencontrai Paul Thomasset, l’un des enfants de Raymond Thomasset et de Marie Remillieux, dans l’espoir de recueillir des informations sur l’histoire personnelle de son père. Mais au cours de la conversation, Paul Thomasset en vint à évoquer le souvenir de sa mère et me confia alors quelques impressions que la famille avait conservées sur les aïeuls des Remillieux. Les questions posées à propos de Raymond Thomasset concernaient son milieu social et familial et son engagement sillonniste. Spontanément, Paul Thomasset reprit le même thème quand il aborda l’histoire familiale de sa mère. Je connaissais quelque peu l’origine géographique et l’itinéraire social de la famille des parents de Marie Remillieux pour avoir suivi les différents membres de cette famille pendant près d’un siècle à travers les registres de l’état civil et les listes nominatives des recensements, mais il me paraissait intéressant d’entendre ce que la mémoire familiale, qui s’exprimait par l’intermédiaire du témoin, avait retenu de ce parcours. Peut-être parce que justement j’étais venue rappeler les aspirations démocratiques que ses parents avaient défendues au sein du catholicisme lyonnais, Paul Thomasset me renvoya aux préférences royalistes de la branche maternelle de la famille d’Augustine Remillieux. Les Berthet étaient « royalistes, très fervents et croyants » 255 . Cette affirmation, plusieurs fois répétée, étonnait son auteur, sûrement parce qu’elle lui apparaissait en contradiction avec les souvenirs qu’il avait livrés précédemment. Mais elle concordait finalement assez bien avec d’autres éléments trouvés par ailleurs : les inquiétudes manifestées par Augustine Remillieux lors de la crise moderniste, le ralliement tardif à la démocratie des Remillieux, ralliement qui n’était jamais apparu comme une priorité de leur engagement sillonniste, sont des points qui ont déjà été développés. L’ouvrage de Joseph Folliet indiquait également que « Mme Remillieux […] venait d’une famille rattachée à la « Petite Eglise » – cette chapelle schismatique, où survivaient le jansénisme et le légitimisme lyonnais » 256 . L’entretien avec Paul Thomasset finit de me persuader qu’on ne pouvait pas réduire l’intelligence de la personnalité de Laurent Remillieux, ou celle de son frère Jean, aux influences sillonnistes qui avaient marqué leur vie entre 1907 et 1910 essentiellement. Il était légitime et nécessaire de partir à la recherche du reste de leur histoire. Et il fallait d’abord retracer l’itinéraire de leur famille pour apprendre à connaître le milieu social dans lequel ils avaient évolué et dont leurs aspirations étaient redevables. Leur vocation sacerdotale et les formes qu’ils donneraient à sa réalisation ne dépendaient pas seulement de l’institution au sein de laquelle ils seraient formés. Elles appartenaient aussi à une histoire familiale dont il fallait élucider les logiques sociales.

Notes
255.

Paul Thomasset, Entretien du jeudi 4 février 1999.

256.

Joseph Folliet, Le Père Remillieux, curé de Notre-Dame Saint-Alban, Lyon, Chronique Sociale de France, 1962, p. 17.