Comment les Remillieux sont entrés en guerre

La nécessité de reprendre le cours de la vie allemande de Laurent Remillieux s’impose d’autant plus dans la perspective de l’observation de cet infléchissement. Le 24 juillet 1914, Laurent et Emilie Remillieux quittaient Cherbourg à bord du S.S. Imperator, qui les transporta jusqu’à Hambourg. Ils regagnèrent ensuite en train la Poméranie. Ils s’arrêtèrent à Rostock, puis visitèrent la ville universitaire de Greifswald. Pour finir, ils s’embarquèrent sur un bateau qui les ramena sur l’île de Rügen. Mais dès le dimanche 2 août au matin, ils quittaient en toute hâte Baabe. La guerre les avait surpris et les forçait à abréger leurs vacances. Leur retraite précipitée illustrait de façon exemplaire les propos de Paul Lévy sur le reflux des Français, fin juillet 1914, aux postes frontière, reflux qui « a donné une idée de l’ampleur insoupçonnée qu’avaient pris les voyages et séjours en Allemagne » 573 . Si les Remillieux se démarquaient des autres Français, ce n’était peut-être que par la date tardive de leur retour. Laurent Remillieux avait maintenu un départ prévu pour le 25 juillet et attendit la nouvelle de l’ordre de mobilisation lancé le 1er août pour rebrousser chemin. L’intérêt que l’abbé Remillieux portait à l’Allemagne n’expliquait pas à lui seul l’insouciance face au danger de la guerre, que révélait l’évolution des événements depuis le 23 juillet et l’ultimatum de l’Autriche à la Serbie. Surprise et insouciance sont en fait les deux termes employés par Jean-Jacques Becker, dans son étude de l’opinion publique au printemps-été 1914, pour caractériser les réactions et les sentiments des Français placés sous la menace de la guerre au mois de juillet 1914 574 . Mais la tragédie de la guerre désormais imminente prenait un autre relief pour l’abbé Remillieux, car la relation qu’il entretenait avec l’Allemagne s'était muée en passion exclusive et l’on ne saurait envisager son entrée dans la guerre en ce mois d’août 1914 sans une étude préalable des positions adoptées dans les années qui précédèrent immédiatement le déclenchement du conflit sur le front occidental. Ces positions restent essentielles dans la compréhension des attitudes et des choix de Laurent Remillieux dans les premiers mois du conflit mondial et sur un plus long terme.

Comment Laurent Remillieux était-il parvenu, pendant toutes les années qui avaient précédé la guerre, à s’accommoder de la menace nationaliste et de la montée des tensions, qui compliquaient périodiquement les relations entre la France et l’Allemagne ? Si le patriotisme belliciste et revanchard, issu de la défaite de 1870 et de ses conséquences, s’était apaisé dans les années 1890, la volonté allemande de domination mondiale, la Weltpolitik de Guillaume II, avait renouvelé le débat, autrefois focalisé sur la ligne bleue des Vosges. Les systèmes d’alliance à l’œuvre l’élargissaient aux problèmes européens. Laurent Remillieux semblait conscient de l’évolution alarmante des relations européennes et s’y intéressait, avec le souci de connaître et de comprendre l’actualité, souci qu’il voulait partager avec Emilie, en partie parce que la question d’Orient était inscrite au programme d’histoire du baccalauréat qu’elle préparait.

‘« Les événements qui se déroulent actuellement dans les Balkans sont d’un palpitant intérêt. C’est une occasion unique d’apprendre à connaître à fond la question d’Orient. […] Intérêt humanitaire, puisque cette maudite question d'Orient peut d’un jour à l’autre être le prétexte d’une guerre. Intérêt historique naturellement. Intérêt religieux : toute la question de l’Islamisme s’y rattache. […] Enfin intérêt actuel. La connaissance de l’histoire permettrait aujourd’hui de comprendre d’abord le bafouillage épars des quotidiens, de se former une opinion sur la guerre et de penser sur ce thème dont tout le monde parle. » 575

Mais la question n’était que rarement soulevée en termes de rivalités franco-allemandes dans les lettres qu’il envoyait à sa famille. C’était avec Louis qu’il abordait le plus facilement le sujet, comme lors de cette évocation de la seconde crise marocaine, à la fin de l’été 1911 :

‘[Relatant une promenade à bicyclette le long des côtes écossaises]
« Magnifique ! Malheureusement, le sombre aspect des nombreux bateaux de guerre, postés ici pour défendre les côtes en cas de complications marocaines, nous ont fait souvenir qu’hier encore d’après les journaux anglais des prévisions de conflit armé circulaient à Paris et à Berlin. Dieu veuille nous préserver d’un tel fléau. Que deviendraient petit Père et petite Mère, et toi, mon Louis et Jean ? » 576

La crainte de la guerre qu’exprimait ici Laurent Remillieux le rapprochait de la majorité des Français mais, contrairement aux autres, il ne dénonçait pas les agissements du gouvernement de Guillaume II. Il renvoyait dos à dos Paris et Berlin. Pourtant, il avait manifesté le même été sa fidélité à la patrie.

‘« Et mon Louis charmant dans son calme et sa sérénité ; nous aimons à l’entendre nous raconter la vie de caserne. Si tous les soldats français étaient comme lui la Patrie pourrait être fière de ses enfants. Son lieutenant l’a fait appeler cette semaine et après une conversation pleine de sollicitude, il lui a dit qu’il tenait à ce qu’il passe sergent à la classe et reste dans sa compagnie. Louis trouve ça tout simple, mais pas moi !... » 577

En fait, au moment où Louis remplissait ses obligations militaires à Lons-le-Saunier, dans le Jura, l’expression de son patriotisme servait de tremplin à celle de sa fierté fraternelle. Son inquiétude s’attardait toujours pour finir sur le devenir de sa famille en cas de guerre, ses deux frères pouvant être appelés lors d’une mobilisation générale.

Laurent Remillieux ne prêtait jamais à l’Allemagne le rôle de l’ennemie, comme s’il avait échappé à cet imaginaire collectif français, qui réservait encore une place au souvenir de la guerre de 1870 dans ses considérations sur l’ancien vainqueur. En effet, même si l’on suit Jean-Jacques Becker dans sa remise en question du renouveau du nationalisme français, il n’en reste pas moins que l’idée nationale appartenait au registre conceptuel des Français, particulièrement à celui de cette élite intellectuelle que représentaient les voyageurs français en Allemagne. Le goût marqué par les Français pour les œuvres wagnériennes s’était ainsi affaibli et entaché d’une suspicion à l’égard d’un auteur dont on reconnaissait désormais la gallophobie et le nationalisme belliqueux à travers sa glorification de l’Allemagne 578 . L’art de Wagner et sa nationalité étaient devenus l’objet de querelles violentes, lesquelles n’effleuraient jamais les appréciations de Laurent Remillieux. Le romantisme était pourtant bien un caractère fondamental de l’idéologie politique qui marquait le nationalisme allemand. En fait, Laurent Remillieux ne concevait même pas l’Allemagne comme une entité nationale.

‘« Louis, ne va pas t’imaginer que les Prussiens sont si patriotards ! L’empereur, les militaires, les gens riches : naturellement !! Mais le peuple assez peu : la jeune génération n’a pas connu l’ivresse de la victoire et ne voit qu’une chose […] : le populo est gros Jean comme devant. » 579

Certes, et tous les historiens s’accordent sur ce thème, le traumatisme de la guerre de 1870 n’affectait pas la génération de Laurent Remillieux, mais le militarisme allemand avait pris d’autres dimensions, que l’abbé Remillieux ne prenait pas la peine de relever. Son souci n’était pas non plus d’opposer deux Allemagne, comme étaient enclins à le faire les Français germanophiles, qui s’obstinaient, pour tenter de sauver leur relation avec l’ennemi héréditaire, à différencier une Allemagne d'hier, celle des romantiques, philosophe et artiste, et une Allemagne d’aujourd'hui, gouvernementale, fonctionnaire et militaire 580 , pouvant recouper une Allemagne du Sud « pacifique et sentimentale » et une Prusse conservatrice à la raideur toute militaire 581 . Laurent Remillieux ne ressentait pas cette aversion envers l’Allemagne du Nord, ses voyages l’y ramenaient chaque année.

Ces quelques phrases dévoilent en fait qu’au-delà du domaine des relations internationales, qui finalement ne l’intéressait pas en soi, Laurent Remillieux discernait d’autres enjeux. L’étude de son vocabulaire politique et social montre qu’il ne percevait jamais qu’une société allemande divisée, en proie à des conflits d’intérêts, dressant l’Etat et les classes sociales qu’il incarnait contre « le peuple ». Le « peuple » allemand était trompé par ceux qui le gouvernaient, les riches et les puissants, tout comme le « peuple » français. L’abbé Remillieux n’avait pas saisi la spécificité du nationalisme allemand qui visait à intégrer tous les Allemands dans une communauté du peuple, la Volksgemeinschaft, qui annihilerait les conflits de classe agitant la société, la Gesellschaft 582 . D’autres voyageurs français avaient proclamé le pacifisme du peuple allemand et s’étaient attachés à rejeter les ardeurs guerrières du pays sur les responsables politiques au pouvoir. Mais ils étaient conscients de l’adhésion de l’ensemble de la population aux intérêts nationaux. Les députés du Zentrum eux-mêmessoutenaient en 1913 les grands projets de l’armée et de la marine. Le parti catholique s’intégrait ainsi comme « parti national » dans l’Empire de Guillaume II 583 . Depuis son premier voyage à Berlin, l’abbé Remillieux prêtait une attention particulière à l’action du parti catholique. Mais il s’intéressait en fait davantage à ses méthodes et à son organisation en parti de masse qu’au contenu de son message politique. Il avait été impressionné par les réunions organisées dans les quartiers de Berlin pour entrer en contact avec la population et former la jeunesse à la réflexion politique et sociale. Jamais il n’avait semblé percevoir l’évolution du Zentrum sur la question nationale.

De plus, suivant les enseignements du catholicisme social, Laurent Remillieux cultivait le paradoxe. Il fréquentait des milieux sociaux privilégiés, ceux des universitaires, des professions libérales ou de la bourgeoisie d’entreprise. Il en partageait les voyages, les loisirs et les préoccupations culturelles. Mais en même temps, il se sentait proche de ce « populo ». Il révélait encore ici l’abomination de la bourgeoisie, qui transparaissait ailleurs dans les critiques dont il accablait ses élèves de Roanne. Le discours de l'abbé Remillieux définissait une mystique du peuple travaillant et souffrant, sans incarner une nation aux intérêts communs. Pour lui, l’intérêt des peuples transgressait encore les frontières. Son internationalisme rejoignait plutôt les analyses des socialistes 584 : on constate une proximité objective des idées dans leur refus de la guerre. A la suite de Jaurès, les journalistes et écrivains socialistes avaient répandu, au tournant du siècle, l’image de la « bonne » Allemagne, celle du travail et des sociaux-démocrates, qui saurait s’opposer aux menaces du militarisme prussien et du capitalisme 585 . Les campagnes pacifistes des socialistes internationalistes se développaient avec la montée des tensions et répondaient au bellicisme agressif des nationalistes, les deux courants restant minoritaires au sein de la population française. Cette dernière s’accordait cependant avec les socialistes sur le caractère odieux de la guerre et le pacifisme n’excluait pas forcément le patriotisme. Mais la pensée de Laurent Remillieux restait ici aussi singulière. Elle s’inscrivait dans un nouveau contexte européen marqué par l’affrontement des impérialismes et prenait une tournure plus radicale. Il suivait dans la presse les agissements des antimilitaristes, guidés par Gustave Hervé, qui animait avec son journal, La Guerre Sociale, la tendance insurrectionnaliste et antipatriotique du Parti socialiste 586 . Comment expliquer les prises de position de l’abbé Remillieux ? En dépit de l'ascension sociale de sa famille, on a vu qu’il restait marqué par les contradictions des classes moyennes. Sa spiritualité franciscaine expliquait l’anticapitalisme et ses engagements sillonnistes, la dénonciation du conservatisme social et religieux. Mais quelle était la part de sa propre réflexion et celle des influences extérieures ? D’où provenaient ces dernières et comment son histoire personnelle pouvait-elle éclairer les décalages qui le maintenaient toujours en marge, alors qu’à partir de la seconde crise marocaine les relations franco-allemandes entraient dans une ère de plus fortes tensions ?

Sa correspondance a déjà permis au cours du premier chapitre d’identifier aisément les lectures où il puisait ses sources d'information et d’analyse. On sait qu’il recevait Le Sillon et qu’il était aussi abonné à L’Eveil démocratique puis à partir de 1910, à La Démocratie. Ces lectures étaient complétées par celle de L’aiguillon, publication des sillonnistes lyonnais. Les sillonnistes parisiens avaient même sollicité du Lyonnais germanophile une collaboration journalistique : Georges Hoog lui demanda une revue des « choses d’Allemagne », qu’il pourrait lui faire parvenir chaque semaine ou chaque quinzaine 587 . Laurent Remillieux montrait une adhésion apparemment sans faille aux idées sillonnistes et à la personnalité de Marc Sangnier. Il se référait très souvent à ses discours, porté par l’exaltation de la démocratie et la volonté d’apporter des solutions à la question sociale. Mais il est temps de voir maintenant combien ses commentaires sombraient parfois dans des amalgames qui ne rendaient pas forcément compte seulement de la pensée politique et sociale sillonniste, mais soulignaient aussi la spiritualité et la formation cléricale de l'abbé Remillieux.

‘« Enfin par le catholicisme, la démocratie pourra s’imprégner un peu de l’esprit de sacrifice, de justice et d’amour et par là nous faire une société un peu moins marâtre pour le plus grand nombre de ses enfants, une société un peu plus semblable au royaume du Père vers lequel nous aspirons.» 588

L’aspect politique des engagements sillonnistes, pourtant de plus en plus important, n’entrait pas dans les préoccupations de Laurent Remillieux. Ses analyses restaient résolument religieuses et sociales, et c’était sous cet angle qu’il considérait les clivages de la société. Ce fonctionnement intellectuel joint à sa passion de l’Allemagne éclairait son refus, voire son inaptitude, à observer, ou même à reconnaître, les problèmes liés aux questions nationales.

C’était bien sur ce point que se marquaient ses divergences avec les sillonnistes. Son accord était complet quand le Sillon soutenait les revendications démocratiques et le mouvement social en Allemagne :

‘« As-tu lu dans L’Eveil démocratique quelque chose sur les événements si intéressants de la semaine dernière à Berlin ? Le pouvoir contre le droit. Vive la profonde révolution dans les âmes ! Vive le droit de vote pour tous ! Vivent les soixante travailleurs berlinois au chômage ! » 589 ’ ‘« Je suis avec beaucoup de joie le mouvement démocratique que mènent en Allemagne avec tant d’entrain le Centre et les socialistes. » 590

De la même façon (mais était-ce vraiment en toute conscience politique ?), il pouvait signaler à Louis et à Marie la reprise de Biberpelz, œuvre de Hauptmann, dont la première représentation avait eu lieu en 1893 à Berlin 591 . Le sujet de cette réflexion sur la condition humaine, fondée sur les événements qui avaient accompagné la répression des socialistes dans les années 1880, relevait d’une critique sociale et politique qui rejoignait les préoccupations des anciens sillonnistes en ces années. Marc Sangnier et ses collaborateurs avaient toujours porté sur l'Allemagne un jugement sévère, qui ne s’expliquait pas par les souvenirs de la guerre de 1870 et de la défaite, mais par l’ambition et l’autoritarisme de Guillaume II. Ils n’hésitaient pas à proclamer leur volonté de soutenir les forces démocratiques menacées, ni à prendre parti pour les opprimés des régimes autoritaires, aussi bien les Juifs victimes des pogroms de Nicolas II que les catholiques polonais de Prusse orientale, victimes de la germanisation brutale 592 . A partir de 1912, les anciens sillonnistes regroupés pour l'essentiel dans la Jeune République renouvelaient leurs critiques envers les actions de l’Allemagne, ce que ne supportait plus Laurent Remillieux.

‘« Dans La démocratie, il y a un rédacteur qui écrit des idioties sur l’Allemagne, qui sont complètement fausses. Mais vous savez comme tous les Français sont bornés là-dessus. » 593 ’ ‘« La semaine dernière, Sangnier a fait une grande conférence sur la Pologne. Il est incroyable comme lui et les autres conférenciers ne savent rien de l’Allemagne. Un Polonais a dit des idioties que le public a pris comme la pure vérité. » 594

Sur ce thème, L'abbé Remillieux s’écartait complètement des autres voyageurs français, qui dénonçaient la politique de soumission infligée par les Prussiens aux Polonais et les violences morales et physiques qui l’accompagnaient 595 . Le développement du pangermanisme se réalisait aussi à l’encontre des minorités nationales de l’Allemagne wilhelmienne, dans la continuité de la politique bismarckienne qui avait toujours privilégié le renforcement de l’unité de l’Empire 596 . La Posnanie renfermait notamment une proportion importante de Polonais catholiques, rebelles à la politique prussienne, qui tentait de germaniser les territoires et leur population. L’Eglise catholique polonaise, par la voix de ses évêques, avait appelé à la résistance.

A la défense des intérêts catholiques, Laurent Remillieux préférait pourtant la justification de la politique allemande. Et aux informations livrées et commentées par les anciens sillonnistes, il préférait dorénavant d’autres sources d’information, celles qu’offrait la presse allemande. Dès 1910, il confiait à Emilie que, pour répondre à la demande de Georges Hoog, il s’était abonné à la Kölnische Volkszeitung, grand journal catholique, et avait même commandé une feuille socialiste 597 . A l’automne 1912, il priait Louis et Marie de lui envoyer « des numéros du plus grand journal » de Leipzig et prenait finalement un abonnement au Tageblatt, Louis et Marie étant chargés de lui faire parvenir quotidiennement le numéro du jour. Au printemps 1913, Marie partit pour Berlin et fut préposée à l’envoi du Berliner Tageblatt. L’appréciation des questions internationales par Laurent Remillieux était influencée par la vision qu’en avaient les Allemands. Mais alors que les autres Français, qui accusaient la presse allemande d’être contrôlée par le pouvoir, révélaient sa francophobie et la façon dont elle l’entretenait dans l’opinion publique allemande 598 , l’abbé Remillieux n’évoquait jamais l’hostilité de cette presse à l’égard de la France. Il semblait épouser ses points de vue sans envisager le prisme, là aussi déformant, qui entachait les analyses.

Cela montrait une nouvelle fois qu’il avait échappé à l’idée nationale, de façon encore plus radicale que les membres du mouvement ouvrier lui-même, clamant pourtant son intention de s’opposer à une guerre commandée par les impérialistes, par les moyens les plus révolutionnaires, la grève générale en l’occurrence. Entre l’annonce de la mobilisation et la déclaration de guerre, le retournement du mouvement ouvrier était confirmé : il se ralliait à la défense nationale. Les positions prises par Gustave Hervé dans La Guerre sociale au cours du mois d'août 1914 symbolisait ce retournement, que Jean-Jacques Becker s’est attaché à expliquer après l’avoir décrit 599 . La figure du patriote révolutionnaire, issue du souvenir de la Commune et, au-delà, héritage de la Révolution française, appartenait au patrimoine culturel républicain. Le discours révolutionnaire français, relayé par le syndicalisme, proposait un autre modèle de relation à la patrie que celui de l'internationalisme. Laurent Remillieux s’était rallié à la République en adhérant au Sillon, mais avait-il eu l’occasion d’assimiler le discours patriotique qui lui était lié ? Certes, sa scolarisation dans les classes primaires des Frères des Ecoles Chrétiennes lui avait donné un accès aux valeurs patriotiques et nationales, dont les écoles confessionnelles se considéraient comme les dépositaires, en ce temps où les écoles de la République étaient injustement accusées d'être gagnées par la cause du pacifisme 600 . Pourtant, ces valeurs restaient exposées à l’idéologie contre-révolutionnaire et, à la figure du patriote républicain héritée de 1792, s’opposait celle du nationaliste de la nouvelle droite révolutionnaire, vers laquelle se dirigeaient les sympathies des catholiques prônant la défense de la nation française. Or, l'Action française apparaissait souvent comme la pire ennemie du Sillon. Laurent Remillieux, enclin aux amalgames, éprouvait des difficultés à établir des nuances. Enfin, en dépit du désir qu’il exprimait en 1902 à ses parents de réaliser son service militaire, il en fut exempté après avoir passé un examen médical à l’Hôpital militaire Desgenettes 601  : ses problèmes de vue l’empêchèrent, contrairement à ses frères, de fréquenter cet autre creuset républicain qui rassemblait des jeunes gens de tous milieux sociaux et les sensibilisait aux thèmes patriotiques. Or le premier chapitre sur les sillonnistes lyonnais a aussi montré combien cette expérience commune avait contribué à définir leurs choix d’adultes. L’attachement sentimental qui liait Laurent Remillieux à l’Allemagne et son mode de fonctionnement intellectuel, fondé sur une assurance qui écartait toute remise en question et sur une subjectivité dont il ne prenait jamais conscience, pouvaient désormais faire le reste.

Il pouvait finalement, sans état d’âme, se lancer à la fin du mois de juillet 1914 dans un autre périple en Allemagne et attendre la dernière minute pour rejoindre la France en guerre. Il pouvait, au mois de septembre 1914, nier les responsabilités de l’Allemagne dans le déclenchement du conflit 602 , alors que l’opinion publique s’était désormais ralliée à l’idée d’une guerre juste, celle que devait mener le défenseur du droit et de la patrie contre l’agresseur allemand 603 . Le trouble de l’abbé Remillieux devant la guerre ne tenait pas seulement à un amour inconditionnel de la paix ni à la hantise de perdre ceux qu’il aimait et qui partaient combattre. Il reposait sur la nature des relations qu’il avait nouées avec le pays haï par la majorité des Français. L’Allemagne avait mobilisé son énergie et cristallisé ses désirs. Il ne pouvait renier ce qui avait fait sa vie et entamer un premier deuil déjà impossible, celui de ses espérances allemandes. En ce mois d’août 1914 pourtant, l’urgence des événements commandait ses réactions. Le 3 août, Laurent Remillieux envoyait de Suisse un télégramme à sa mère qui était restée à Gravigny, dans l’Eure, après le départ de Louis, la rassurant sur les conditions du voyage de retour. A peine rentré en France, toujours en compagnie d’Emilie, il s’efforçait d’abord de retrouver Jean et Louis mobilisés dès les premiers jours et courait les rejoindre, le premier à Aix-les-Bains, le second à Lons-le-Saunier, où ils attendaient leur ordre de mission. Dans l’effervescence de la préparation du matériel et des hommes, on ne pensait qu’à réconforter les soldats et on se raccrochait aux solidarités qui unissaient pendant les temps heureux. A l’approche des dangers, la sociabilité sillonniste s’en trouvait réactivée. Henri Bruchon, l’animateur du groupe local de l’ancien Sillon de l’Est à Lons-le-Saunier, accueillait les Remillieux et partageait avec eux ces moments de sérénité toute relative avant le départ, le 22 août, de deux cent cinquante hommes du dépôt pour le 44e régiment d’infanterie en route vers le front 604 . L’inquiétude des Remillieux s’étendait aussi au sort de Raymond Thomasset, « versé au 45e chasseur » qui avait « combattu dans la région comprise entre Giromagny et Mulhouse » et avait dû se retirer « après avoir été très éprouvé » 605 . Or le lendemain de la bataille, on apprenait que Raymond Thomasset n’avait pas reparu et Laurent Remillieux se lançait, sans espoir selon lui, dans de multiples démarches pour retrouver sa trace, en laissant Marie dans l’ignorance de la situation. Dans ces conditions, sa correspondance ne livrait que le résultat de ses tentatives pour rassembler des nouvelles de chacun et rassurer tous les membres de la famille dispersée, sans se pencher sur les autres déchirements infligés par une guerre qui heurtait l’amour déclaré de Laurent Remillieux pour l’Allemagne.

D’abord réconforté tout de même par les jours passés avec ses frères, Laurent Remillieux assura, tout au long du premier mois de guerre, le relais au sein d’une correspondance familiale qu’on s’efforçait de maintenir régulière. En dépit de toutes les résolutions prises et inlassablement répétées, les échanges devenaient cependant plus aléatoires. A l’automne, Augustine Remillieux et Marie revenaient à Lyon habiter au 94 de la route de Vaux. A l’heure des premiers combats, alors que les premiers morts mêlaient leurs noms aux disparus et qu’étaient rapatriés les premiers blessés, alors qu’à Lyon étaient acheminés des prisonniers allemands, l’angoisse finissait par s’installer dans l’attente des nouvelles du front.

‘« Il pleut. Que deviennent les soldats ? Comme nous nous sentons unis à vous ! […] Une carte de Jean est arrivée ici hier. Elle est datée du mercredi 19 août et annonce que le 223 est parti jeudi matin 20 pour l’Est via Bourg, Lons, Besançon. […] Jean t’a donc précédé de quelques heures pour une destination inconnue. Où êtes-vous maintenant ? C’est angoissant. Nous prions bien et avons confiance. » 606

Le 29 août, Louis Remillieux, envoyé près d’Amiens, subissait en première ligne une charge de l’infanterie allemande. Blessé à la cheville, il était évacué sur Amiens qu’il quittait le 16 septembre au matin échappant de peu à la captivité. Cinquante-deux blessés français n’avaient pas eu cette chance et avaient été emmenés par les Allemands qui étaient entrés dans Amiens 607 . Pendant ces jours où son sort dépendait de la capacité du médecin français à convaincre le major allemand de l’état grave de ses patients, Louis Remillieux, qui avait retrouvé le neveu d’Henri Bruchon, imaginait avec celui-ci leur évasion. Après un séjour dans un hôpital situé près de Fleury-sur-Andelle, dans l’Eure, il fut rapatrié pour sa convalescence sur le dépôt de Lons-le-Saunier et retourna dans les tranchées en Alsace dès le mois de décembre. Henri Bruchon et Laurent Remillieux mettaient en commun leurs informations et c’était aussi l’occasion d’échanger des nouvelles des autres anciens sillonnistes et des jeunes républicains engagés sur le front 608 . L’avocat sillonniste avait connu Louis pendant son service militaire 609 , et l’amitié qu’il lui portait se renforça encore au moment où son propre neveu vivait avec le sergent Remillieux l’expérience commune du feu et des blessures. Cette circulation des nouvelles à l’intérieur d’un cercle de sociabilité était partagée par bien d’autres milieux touchés de plein fouet en raison de la jeunesse de leurs membres. Mais Laurent Remillieux réservait son inquiétude à ses frères et dans les quelques lettres conservées, hormis le devenir de Jean et de Louis, seul le sort de Raymond Thomasset était l’objet d’un intérêt, peut-être parce qu’il était déjà promis à sa sœur Marie et donc inclus dans le cercle familial.

Face aux risques encourus par ceux qu’il aimait, sa propre position, au cours des mois de novembre et de décembre 1914, le laissait d’ailleurs dans une expectative douloureuse et culpabilisante. Réformé, il n’avait pas été mobilisé en même temps que ses frères mais espérait encore être appelé. « Le conseil de révision » allait « venir [le] prendre » à Roanne, comme il le répétait dans les lettres envoyées à Jean. Il indiquait néanmoins également que son supérieur entreprendrait peut-être des démarches pour le garder, « arguant de sa réquisition pour les prisonniers » 610 . En effet, depuis le mois d’octobre, il était chargé de l’aumônerie des prisonniers allemands détenus à Roanne. Chaque semaine, il entendait les confessions et disait un sermon. Déjà à la fin du mois d’août, alors qu’il s’était rendu auprès de sa mère à Gravigny, ayant appris la présence à Evreux de blessés et de prisonniers allemands avec, parmi eux, « des officiers qui caus[aient] très volontiers », il avait demandé les pouvoirs religieux à Mgr Déchelette et s’était présenté à la préfecture comme interprète 611 . Il avait ainsi trouvé le moyen d’éviter une rupture totale avec l’ennemi en guerre, et bien qu’il renvoyât Jean à son « devoir » car « la France [avait] besoin de bons prêtres et de bons citoyens », il s’horrifiait au cours de la même lettre de la violence dont auraient été victimes les blessés et les prisonniers allemands par un excès de patriotisme dévoyé.

‘« Samedi dernier, 22 août, à Lyon, on a frappé des blessés allemands. Quelle horreur ! » 612

La rentrée d’octobre s’ouvrit sur une retraite « au milieu des culottes rouges et du cliquetis des armes » 613 . Là encore, Laurent Remillieux percevait la violence de la guerre à travers les blessés allemands, gravement touchés, qu’il visitait à l’hôpital de Roanne. Le 9 décembre 1914, Emilie apprenait finalement, avec soulagement, que le conseil de révision avait exempté son frère aîné. Ce dernier vivrait donc la guerre à l’arrière et ne pourrait jamais partager avec ses frères l’expérience des combats. Toute la famille s’en réjouissait, les femmes qui ne voulaient pas perdre encore un fils ou un frère, et ceux qui étaient déjà prisonniers des tranchées et qui préféraient que leur frère fût épargné et qu’il demeurât le soutien de leur mère. Mais Laurent Remillieux, lui, en fut-il soulagé ? Et même si ce fut le cas, comment put-il supporter ce soulagement tout en connaissant les souffrances de ses frères et en réalisant son impuissance à les soulager ?

L’ordre de mobilisation avait surpris Jean Remillieux à Chapareillan et il dut rejoindre directement Bourg pour apprendre son affectation au 223e régiment d’infanterie puis passer quelques jours à Aix-les-Bains, avant de partir le 20 août sur le front en Lorraine pour participer à la bataille des frontières. Le récit des derniers instants passés à la colonie, écrit par l’abbé Vallas et repris par Laurent Remillieux dans la biographie de son frère, paraît désormais bien banal.

‘« Le samedi 1er août, à 4 heures du soir, ordre de mobilisation générale. Elle nous surprend à Chignin, où nous étions allés en promenade. Le tocsin sonne dans tous les villages environnants. Nous voyons couler les premières larmes. Jean nous dit : “ C’est pour lundi ; je pars le deuxième jour ”. Nous rentrons à la colonie en silence et au pas cadencé. Est-ce la Guerre ? Confessions.
Dès le dimanche soir, Jean avait mis en ordre tous ses papiers et on lui avait préparé la musette du soldat. Ce soir-là, caillou et journal comme d’habitude, puis la prière du soir. Notre ami, que je regardais, chanta avec une grande ferveur les strophes dont le sens n’est tout à fait plein que si la mort se devine par delà le sommeil. […]
[…] Le lundi matin, il fit la petite méditation aux enfants. Je ne m’en rappelle plus les termes. L’idée principale était que la vie n’est rien, la mort peu de chose. Mon impression fut qu’il parlait, sans effort et sans éclats, de ce qu’il croyait vrai. Il célébra la Messe pour son père. A la fin du déjeuner, le colon-adjudant prit la parole, puis moi, puis lui. “ Je n’ai, à cet instant, commença-t-il, qu’un regret : partir sans embrasser ma mère… ” Une minute de silence, longue et pleine de larmes qui ne coulèrent que de nos yeux ; les siens demeuraient secs ; mais sa voix était paralysée. Ensuite ce furent des choses sur la colonie, sur la France, sur le sacrifice, sur Dieu, je ne sais plus lesquelles, mais simples. » 614

L’abbé Vallas avait conscience de proposer une reconstitution a posteriori des derniers jours de son ami à Chapareillan, et sa mémoire ne parvenait pas à retrouver avec exactitude les paroles prononcées. Ce qu’il avait retenu était bien plus des impressions et des sentiments, encore ces derniers étaient-ils eux-mêmes contaminés par l’expérience de la guerre qu’avait vécue le témoin, et le discours dominant qu’il avait intériorisé depuis les événements racontés. Ce récit avait été certainement commandé par Laurent Remillieux en vue de la publication préparée après la mort de Jean. On y retrouve pourtant l’enchaînement des émotions ressenties par la majorité des Français à l’appel de la mobilisation : la surprise, le désarroi et l’angoisse qui les étreignirent alors que le temps pressait et qu’il fallait tout quitter très vite pour répondre à cet appel impératif ; l’acceptation aussi et le sens du devoir qui les accompagna alors que les trains les emportaient vers leurs casernes de rattachement. Mais le texte de l’abbé Vallas appelle d’autres commentaires. Le destin tragique de Jean Remillieux planait sur le récit comme étaient décrites des attitudes que seule la longueur du conflit avait pu engendrer. Le « pas cadencé » des enfants répondait déjà à la question posée dans la phrase suivante : oui, c’était la guerre, et cette dernière exigeait le sacrifice ultime. Jamais ne transparaît ici l’espoir d’une guerre courte ramenant à leurs familles et à leurs amis des soldats en vie. En revanche est exprimée la ferveur du catholique mêlant à la défense de la patrie le combat pour Dieu. Et la suite de la biographie allait décliner sous tous ses thèmes la lecture religieuse de la guerre qui était ici annoncée.

A quelques jours de l’ordre de mobilisation générale, Victor Carlhian écrivait la première lettre d’une longue correspondance échangée pendant toutes les années de guerre avec sa femme, Marie de Mijolla, restée à Lyon avec leurs deux enfants. Affecté d’abord à une compagnie de dépôt cantonnée à Montélimar, il assistait au départ des hommes, plus jeunes, envoyés sur le front. Il livrait ses sentiments à son épouse d’autant plus librement qu’il la rassurait sur son propre sort et ses confidences révélaient une lucidité qui caractérisait bien le personnage. Victor Carlhian ne cherchait alors aucun arrangement avec une réalité qui promettait tristesse et violence et, avec résignation, acceptait de se préparer aux conséquences attendues de la guerre.

‘« Il est impossible que, la guerre finie, nos cœurs quoi qu’il advienne, victoire ou défaite, ne pleurent des êtres aimés. Oh ! comme notre génération a été éprouvée : nous aurons donc tout connu et tout se sera ligué pour anéantir les idées auxquelles nous croyions qu’est attaché le salut du pays. Combien nous retrouverons-nous pour refaire la France ? Dans ce cauchemar qui nous tourmente et qui semble un mauvais rêve, combien seront présents au réveil ?
Je suis un peu triste, mais il pleut, et tu sais l’influence d’un coin de ciel sur mon état d’âme. Et puis, je ne peux m’empêcher de songer que ceux que je vois ici vont peut-être à la mort dans quelques heures […].
Autour de moi, l’on cause, je demeure sceptique et tâche d’appeler à mon aide l’esprit critique pour dégonfler tous les bruits que l’on fait courir. […] Attachons notre imagination ; tâchons de comprimer les battements de notre cœur, d’être fort [sic] et courageux. Advienne que pourra, il faut que l’adversité ou le succès nous trouvent préparés à les subir. » 615

Au milieu de la tourmente, il restait cependant ancré sur la mission qui avait depuis quelques années offert un sens à sa vie : la reconstruction et le salut de la société française. L’irruption de la guerre venait interrompre l’œuvre entamée, mais fournissait une nouvelle fois l’occasion de côtoyer les membres de cette société et la proximité donnait des raisons d’espérer.

‘« Le moral est excellent ; c’est encore la caserne, mais avec quelque chose de grave et une note d’idéalisme que je n’avais point encore vue. La race est encore bonne et nous avons raison d’espérer que si nous pouvions triompher de ces deux misères honteuses : la débauche et l’alcoolisme, la France serait vraiment la France de l’histoire et de la légende, le pays chevaleresque et chrétien que nous, les démocrates, avons aimé et dans les destinées duquel nous avons eu confiance. »’

Les propos de Victor Carlhian inséraient, peut-être involontairement, les exigences de la reconquête catholique dans le discours dominant de l’heure sur la croisade guerrière à mener contre l’Allemagne. Ils formulaient un témoignage supplémentaire sur l’attitude des catholiques rejoignant l’Union sacrée qui scellait les forces divisées du pays contre l’ennemi commun. Mais si le discernement de Victor Carlhian n’avait pas été atteint quand il s’agissait d’affronter la situation de guerre, l’idéal qui orientait son action religieuse et sociale restait empreint des préjugés de son milieu social et culturel. De plus, il ne voulait percevoir le conflit que comme une parenthèse, certes terrible puisqu’elle arracherait à la mission des êtres aimés et utiles, mais qui se refermerait un jour forcément. Alors, après « le cauchemar », « au réveil », on reprendrait le cours de la vie et on poursuivrait la mise en œuvre de l’idéal défini la veille. Mais les nuits étaient aussi la vie qui continuait, il faudrait vivre en les intégrant et elles feraient que les lendemains ne ressembleraient pas pour Victor Carlhian aux jours passés. La guerre modifierait ses projets car il ne pourrait pas vivre et penser de la même façon sans les morts de la guerre. A partir du moment où les premiers tués le plongeraient dans le deuil, puis quand les soldats s’enliseraient dans les tranchées, les sentiments de Victor Carlhian évolueraient. L’acceptation qui prévalait dans sa première lettre laisserait la place à une colère impuissante, mais qui s’effacerait rapidement en le ramenant à une résignation douloureuse. Il serait aussi amené à concevoir l’avenir différemment et à élaborer de nouveaux projets marqués directement par les conséquences du conflit.

Notes
573.

P. Lévy, La langue allemande en France, op. cit., p. 163.

574.

Jean-Jacques Becker, 1914 : Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1977, 638 p.

575.

Lettre de L. Remillieux à Emilie, datée du 9 octobre 1908.

576.

Lettre de L. Remillieux à Louis, datée du 6 septembre 1911.

577.

Lettre de L. Remillieux à son père, datée du 9 juillet 1911.

578.

Cl. Digeon, op. cit., p. 393-396.

579.

Lettre de L. Remillieux à Louis, envoyée de Berlin et datée du 9 septembre 1908.

580.

H. Barbey-Say, op. cit., p. 289.

581.

Cl. Digeon, op. cit., p.495.

582.

Dans le développement consacré au nationalisme allemand à la fin du XIXe siècle, Sandrine Kott rappelle dans cette perspective l’évolution de l’emploi du terme Volk : « S’il pouvait encore, jusque dans les années 1880, désigner le peuple opposé aux nobles, il renvoie essentiellement, à partir de la fin du siècle, à un groupe ethnique défini par l’existence d’une langue et d’une culture commune, voire même par l’appartenance à une race commune ». Elle montre ensuite comment les associations porteuses de l’idéologie nationaliste, fondées par les notables, se transformèrent en organisations de masse. Le nationalisme agressif se diffusa alors dans une partie importante de l’opinion publique. S. Kott, L’Allemagne du XIXe siècle, op. cit., p. 175-176.

583.

Victor Conzemius in Histoire du christianisme, op. cit., p. 666. Voir aussi Alfred Wahl, Les forces politiques en Allemagne, XIXe-XXe siècle, Paris, Armand Colin, 1999, 368 p., p. 134, et Paul Colonge et Rudolf Lill (Sous la direction de), Histoire religieuse de l’Allemagne, Paris, Les Editions du Cerf, 2000, 441 p., chapitre XII rédigé par P. Colonge et intitulé « Les catholiques et l’intégration dans l’Allemagne wilhelminienne », p. 159-165.

584.

On peut voir ainsi qu’il ne fallait pas forcément « être un jeune étudiant germaniste, à l’esprit provocateur, confiant dans le rôle des socialistes antimilitaristes en faveur de la paix, pour oser ce type d’analyse ». (H. Barbey-Say, op. cit., p. 335.)

585.

Jacques Bariéty et Raymond Poidevin, Les relations franco-allemandes, 1815-1975, Paris, A. Colin, 1977, p. 156-157.

586.

Lettre de L. Remillieux à Emilie, datée du 1er décembre 1907. La lettre évoque le procès intenté contre Hervé pour les propos tenus dans son journal La Guerre sociale. Outre son antimilitarisme virulent, le journaliste y dénonçait la politique marocaine du gouvernement radical. Une biographie de Gustave Hervé a été publiée par Gilles Heuré, Gustave Hervé. Itinéraire d’un provocateur. De l’antipatriotisme au pétainisme, Paris, La Découverte, « L’espace de l’histoire », 1997, 366 p.

587.

Lettre de L. Remillieux à Emilie, datée du 24 novembre 1910.

588.

Lettre de L. Remillieux à son père, datée du 9 novembre 1907.

589.

Lettre de L. Remillieux à Emilie, datée du 26 janvier 1908.

590.

Lettre de L. Remillieux à Emilie, datée du 21 février 1910. Les revendications démocratiques manifestées à Berlin portaient sur une réforme du système de vote. La loi électorale de la Prusse avait en effet maintenu dans ce land un système électoral à trois classes, assurant la domination absolue des conservateurs et excluant partiellement les masses de la vie politique. S. Kott, L’Allemagne du XIXe siècle, op. cit., p. 161.

591.

Lettre de L. Remillieux à Louis et Marie, datée du 13 janvier 1912.

592.

Jeanne Caron, Le Sillon et la démocratie chrétienne…, op. cit., p 432. Un chapitre est consacré aux positions du Sillon dans les questions internationales, chapitre intitulé « Le Sillon entre le nationalisme et l’internationalisme ». J. Caron montre que les sillonnistes refusaient à la fois le nationalisme belliciste de l'Action Française et l'internationalisme, le pacifisme sans condition des partisans de Gustave Hervé. S’ils s'engageaient en faveur de la paix, ils ne s’opposaient pas à la guerre livrée pour « la conservation de l'idéal de justice » (Marc Sangnier, Discours I, p. 406-408). En 1908 par exemple, lors de la crise balkanique, ils s’indignèrent des efforts diplomatiques réalisés pour sauver la paix en maintenant un statu quo qui consacrait l’injustice.

593.

Lettre de L. Remillieux à Louis, datée du 20 janvier 1913. Louis travaillait alors en Allemagne, à Leipzig.

594.

Lettre de L. Remillieux à Louis, datée du 27 janvier 1913.

595.

H. Barbey-Say, op. cit., p. 337-338 et note 120 p. 344. Les châtiments corporels et l’interdiction de prier, qui aurait dû interpeller un prêtre catholique, sont violemment dénoncés.

596.

Jean-Claude Caron, Michel Vernus, L’Europe au XIXe siècle. Des nations aux nationalismes. 1815-1914, Paris, Armand Colin / Masson, 1996, 477 p., p. 297-310.

597.

Lettre datée du 24 novembre 1910.

598.

H. Barbey-Say, op. cit., p. 321.

599.

J.-J. Becker, op. cit., p. 405-410.

600.

Yves Gaulupeau « L'Eglise et la nation dans la France contemporaine. Le témoignage des manuels confessionnels (1870-1940) », in L'enseignement catholique en France, op. cit. p. 73-104. Jacques et Mona Ozouf ont montré cependant que les valeurs patriotiques restaient à l'honneur dans l'école républicaine, même si l'idée de patrie était désormais séparée de celle de guerre. Cf Jacques et Mona Ozouf, « Le thème du patriotisme dans les manuels primaires », Le Mouvement social, n°49, oct-déc. 1964, p. 5-31.

601.

Lettre de Laurent Remillieux à ses parents, datée du 22 octobre 1902.

602.

Témoignage écrit de l’abbé Vallas. Ce dernier rapporte des propos de Laurent Remillieux tenus peu après l’entrée en guerre : « Je rencontrai Laurent place Bellecour et lui communiquai mon indignation à voir l’Allemagne déclarer à la France une guerre depuis longtemps préparée. Je me heurtai à une incrédulité parfaite allant presque jusqu’à dire que la provocation venait de la France même. » Bien entendu, ce témoignage, parce qu’il repose sur la mémoire, doit être entendu avec précaution ; il semble néanmoins probable que Laurent Remillieux ait pu tenir ce discours.

603.

J.-J. Becker, op. cit., p. 329-332.

604.

Lettre de Laurent Remillieux à Jean, datée du 25 août 1914.

605.

Lettre de Laurent Remillieux à Jean, datée du 20 août 1914. Des ouvrages généraux m’ont permis de suivre les opérations militaires qui engageaient les régiments de Raymond Thomasset, de Louis et de Jean Remillieux et auxquelles me renvoyaient les allusions de la correspondance familiale et des autres documents consultés sur les années de guerre. Voir notamment, Anthony Livesey, Atlas de la Première Guerre mondiale. 1914-1918, Editions Autrement, 1996, 192 p.

606.

Lettre de Laurent Remillieux à Louis, datée du 25 août 1914.

607.

Lettre du neveu d’Henri Bruchon à ses parents, datée du 16 septembre 1914, dont le double a été communiqué à Laurent Remillieux.

608.

Lettre d’Henri Bruchon à Laurent Remillieux, datée du 23 septembre 1914.

609.

Jeanne Caron explique qu’ « avocat à Lons-le-Saunier, célibataire, l’un des représentants du “Sillon rassurant”, il avait fait de sa maison une hôtellerie gratuite pour les sillonnistes de passage et notamment, mais pas exclusivement, pour les séminaristes ou autres jeunes gens du Sillon qui faisaient leur service militaire à Lons-le-Saunier », in Le Sillon et la démocratie chrétienne…, op. cit., p. 207.

610.

Citations extraites des lettres de Laurent Remillieux à Jean, datées du 18 et 21 novembre 1914.

611.

Lettre de Laurent Remillieux à Jean, datée du 29 août 1914.

612.

Ibid. La situation des prisonniers allemands transitant par Lyon a été étudiée par Bruno Fouillet dans un article intitulé « La ville de Lyon au centre des échanges de prisonniers de guerre (1915-1919) », publié dans Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 86, avril-juin 2005, p. 25-42. L’auteur évoque l’inquiétude des autorités vis-à-vis des réactions de la population civile lyonnaise. La présence des soldats allemands était inscrite dans le quotidien de la ville. Les Lyonnais pouvaient assister à leur arrivée en gare de Perrache tandis que leur départ se faisait par la gare des Brotteaux, et Laurent Remillieux qui fréquentait aussi ces lieux de passage, put être en contact à plusieurs reprises avec eux. Au moins 23000 Allemands transitèrent ainsi, voire résidèrent, à Lyon sans interruption de mars 1915, date du premier échange, à la fin de l’année 1918.

613.

Lettre de Laurent Remillieux à Joseph, datée du 6 octobre 1914.

614.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 148-149.

615.

Lettre de Victor Carlhian à son épouse, datée du 4 août 1914.