La mort au front

Il ne s’agit pas bien sûr d’exploiter de façon exhaustive les sources que j’ai pu rassembler sur les années de guerre, mais de toujours rapporter leur étude à l’exigence déjà exprimée : comment l’expérience de la Grande Guerre avait-t-elle influé sur les projets et la vie de ceux qui l’avaient vécue et contribué à les conduire à la fondation de la nouvelle paroisse de Notre-Dame Saint-Alban ? En quoi leur pratique du catholicisme et, au-delà, leur rapport à la religion, aux autres et à eux-mêmes en furent-ils modifiés ? Laurent Remillieux ne participa jamais aux combats et ne connut pas personnellement la sociabilité du front ni les pratiques religieuses des soldats, si liées à l’omniprésence de la mort violente. Il les vécut cependant à travers les témoignages de ses frères et rien ne dit qu’il ne les a pas reçus, d’une certaine manière, en héritage, après la mort de Jean et celle de Louis. L’essentiel résidait toutefois dans ces dernières. La mort de ses frères, leurs circonstances, leurs conséquences quant à son histoire familiale et personnelle, le précipitèrent dans un deuil impossible à surmonter. Même si la création paroissiale peut en partie apparaître comme la sortie d’un travail de deuil, comme le moment où, ce travail de deuil effectué, Laurent Remillieux serait capable de réinvestir une énergie psychique dans une nouvelle réalisation, bien des indices nous laissent à penser le contraire et nous amèneront à renouveler l’interprétation de son action en tant que curé de Notre-Dame Saint-Alban. Mais avant d’approfondir cette analyse et d’apporter à la démonstration des preuves convaincantes, il faut bien écrire l’histoire de l’expérience de la guerre, de la mort qu’elle charrie et de la survie incertaine, expérience vécue tant au front par les soldats mobilisés qu’à l’arrière par leurs familles et leurs amis. 616 L’étude a été réalisée ici essentiellement sur la base de deux corpus, d’abord à partir des éléments fournis par le chapitre IV de la biographie de Jean Remillieux, intitulé « Vie militaire – La mort », qui réunit des fragments d’un journal qu’a tenu Jean Remillieux entre le 21 août et le 10 septembre 1914, des extraits de lettres écrites la plupart du temps à sa famille et des témoignages de soldats ou de leurs proches, des lettres de Louis aussi retraçant la mort de son frère 617 . Louis Remillieux a par ailleurs livré une correspondance, conservée en partie seulement, mais les lettres qui me sont parvenues forment un ensemble très cohérent de février à octobre 1916. Sur les deux dernières années de guerre, celles qui ont suivi la mort des deux frères, les informations deviennent plus rares. Les lettres de Joseph, le plus jeune des fils Remillieux, lui aussi mobilisé, n’étaient notamment pas incluses dans les papiers familiaux auxquels j’ai eu accès, ses enfants les ayant peut-être classées avec d’autres documents. Il faut donc se méfier de cette répartition inégale des sources qui nous engage à survaloriser les deux premières années de la guerre, mais elle est en soi très symptomatique d’une suspension du cours de la vie après octobre 1916. La documentation disponible ne reprend réellement qu’à partir de l’automne 1918, alors que les négociations à propos de la fondation paroissiale avaient commencé.

Le 21 août, le régiment d’infanterie du sergent Jean Remillieux était engagé sur le champ de bataille dans les environs de Lunéville où il devait affronter la poussée allemande. Le journal, commencé au premier jour de l’engagement, relatait quotidiennement l’enchaînement des opérations militaires et les péripéties des combats. Les notes même brèves insistaient sur la violence des assauts. Après des heures de marche ponctuée par les canonnades et éclairée par les lueurs des incendies, après la traversée de villages abandonnés par les femmes et les enfants, terré dans une tranchée qui tenait lieu de position défensive, Jean Remillieux subissait l’attente angoissée d’une attaque allemande. Cette attente est rompue le lundi 24 août au milieu de l’après-midi par un bombardement de cinquante minutes. Les premiers obus tombent aux abords immédiats de la tranchée. Quelques heures plus tard, à la chaleur étouffante du jour succède encore une fois la froide humidité de la nuit. A l’aube, les bombardements reprennent. Jean Remillieux reçoit l’ordre de quitter la tranchée à la tête d’une demi-section, il conduit ses hommes au devant de l’ennemi, sous la mitraille. La notion du temps s’efface tandis qu’à la fatigue des nuits de mauvais sommeil s’ajoute la tension du danger. Déjà la mort vient décimer les régiments engagés et l’on ne peut même pas prendre le temps de ramasser les blessés. La tentative de sortie se solde par un échec. Les premières positions françaises sont abandonnées. Après un repli effectué dans des conditions dramatiques, les gradés s’efforcent de rassembler leurs compagnies. On compte les morts et les disparus. Mais dès le soir, l’espoir revient quand on apprend que les Allemands reculent à leur tour. Et le lendemain, la troupe de Jean Remillieux tombe sur les premières dépouilles de l’ennemi.

‘« Jeudi 27 août. (Rozelieures). Avant le jour, on retourne prendre les positions de la veille. Puis, dans la matinée, en repassant à Einvaux, par un temps pluvieux, sur un sol affreusement détrempé, on prend la direction de l’est. Marche pénible et triste sur un champ de bataille où l’avant-veille, quand nous nous battions à Méhoncourt, les deux infanteries se sont abordées à la baïonnette. C’est affreux, affreux ! Et le bourg de Rozelieures, donc ! Indescriptible, ce village, deux fois bombardé, occupé et pillé par les Allemands, repris par les Français, fumant sur ses ruines et regorgeant ce soir de troupes harassées. 
Vendredi 28 août. (Combat de Gerbéviller). A 5 h. on quitte Rozelieures. Dans la matinée, notre marche prend l’allure d’une marche d’approche. On traverse une forêt épaisse ; le fracas des obus se fait plus distinct. A la lisière de la forêt, attente énervante sous la mitraille. Vers 4 h. on sort du bois ; en formation de tirailleur, on marche dans la direction du nord-est, sur un plateau dénudé. Ma compagnie est en réserve. Nous avançons sous les obus et les balles. De nombreux blessés des premières lignes traversent la nôtre. A notre tour, nous parvenons à la crête. Ma section l’échappe belle ; plusieurs obus éclatent à quelques pas, devant et derrière nous. A la nuit tombante, la bataille cesse. On se concentre dans un pré. Nuit froide et sinistre. Il pleut. Des blessés gémissent dans le val. Je dors à peine, la pluie me pénètre jusqu’aux os. C’est merveille que je n’aie pas encore attrapé quelque bronchite. » 618

Le journal se poursuivait ainsi jusqu’au jeudi 10 septembre, relatant l’angoisse et la souffrance des journées de combats, où la violence était vécue au ras du sol, dans son immédiateté, sans projection vers l’avenir possible, et des nuits toujours froides, qui n’apportaient aucun repos récupérateur et qui, fatalement, ramenaient le soldat vers le lieu de sa terreur radicale 619 . De cette violence du combat, tout était évoqué, le danger permanent et l’arbitraire de la mort, la mort qu’on recevait et qu’on donnait, une mort de masse dans l’anonymat du bombardement et de la fusillade, mais parfois aussi une mort individuelle dans un corps à corps avec l’ennemi, les cris des blessés qu’on ne pouvait secourir, l’odeur abominable des cadavres qui jonchaient le champ de bataille, l’épuisement enfin et la maladie qui guettait le soldat qui avait échappé, on ne savait pourquoi, aux balles et aux obus.

Il ne s’agissait là que des premiers engagements mais le récit de Jean Remillieux annonçait déjà toutes les atrocités de la Grande Guerre. L’impasse à laquelle aboutit la guerre de mouvement donna une nouvelle orientation aux opérations militaires. Dès l’hiver 1914-1915, tout le long d’une ligne de front presque immobile, les soldats s’enterrèrent dans des tranchées, vivant désormais au rythme des longues attentes entrecoupées de bombardements et brisées par des offensives aussi meurtrières qu’inutiles. Les lettres de Louis Remillieux racontaient la faim et le froid, le manque de sommeil et l’inconfort, la saleté et le voisinage des rats et autres parasites. La famille avait bien conscience des épreuves traversées par les soldats, du moins de leur situation matérielle. On s’inquiétait de la neige qui, en 1914, était tombée dès le mois de novembre, la mère tricotait de grosses chaussettes de laine et on faisait parvenir aux deux frères des chemises et des ceintures de flanelle. On espérait améliorer leur quotidien par du tabac, du chocolat, des coings confits, du savon, et les protéger des parasites par des lotions et de la fièvre typhoïde par des cachets car on savait que les soldats en campagne mouraient aussi de maladie. On fabriquait même des jeux et Louis Remillieux remercia une fois ses sœurs de s’être procuré un jeu d’échecs. Chaque colis envoyé par la famille ou par l’œuvre lyonnaise du Petit Paquet était fêté à son arrivée, il devenait une occasion de prouver la solidarité du front par son partage, ainsi que le révèlent des extraits de lettres de Jean Remillieux mis en valeur par son biographe, mais une occasion aussi d’améliorer une situation toute personnelle comme le notait, sans culpabilité, la correspondance de Louis Remillieux en 1916. Les nouvelles reçues de l’arrière, que Louis quémandait avec insistance, constituaient également ce fil ténu qui le reliait à son ancienne vie et lui permettait encore d’espérer en des jours meilleurs. Il imaginait alors le retour à la paix, son mariage, des enfants, la vie, comme Jean avait imaginé tout au long de l’hiver et du printemps 1915 la fin de la guerre qui le ramènerait à son ministère et à Croix-Luizet. Les lettres qu’ils écrivaient à leur famille montraient leur incapacité à entreprendre le deuil de leur vie passée : forcément, en dépit de tout ce qu’ils vivaient, le cours normal de la vie reprendrait. C’était du moins le message qu’ils transmettaient à ceux qui les aimaient, car même si la pensée de leur propre mort devait les hanter, elle ne pouvait être exprimée à la famille. L’indicible, le sacrifice consenti de leur vie, n’appartenait pas au registre de la correspondance familiale. On ne parlait que de survie. On savait bien pourtant que les sous-officiers, menant leurs hommes à l’assaut des lignes ennemies, étaient les premiers exposés.

La mort était donc là, malgré tout. Il fallait lui trouver raison et consolation pour essayer de l’accepter. Les Remillieux tentaient comme les autres de répondre à la lancinante question de la signification de leurs souffrances. Pourquoi se battait-on ? Même si Jean Remillieux s’inclinait devant le sentiment majoritaire des Français d’être victimes d’une agression allemande, l’histoire des Remillieux et la relation à l’Allemagne que le frère aîné avait imposée à toute la famille l’empêchaient de voir en la guerre cette croisade que les autres Français menaient contre une Allemagne incarnant la barbarie et le mal absolu, contre des ennemis « sans foi ni loi » coupables des pires atrocités 620 . Laurent Remillieux a pris soin d’ailleurs de sélectionner des passages du journal de son frère évoquant sa mansuétude à l’égard de blessés allemands relevés sur le champ de bataille, et auprès desquels il aurait été autorisé à se rendre pour leur offrir son ministère.

‘« L’un, grièvement atteint, se déclare évangélique ; l’autre, moins touché, se déclare catholique, et, sans vouloir se confesser, à cause du peu de gravité de son état, répond bonnement à mes questions : Landwehr, bavarois, 31 ans, marié depuis 5 mois. Les larmes aux yeux, il me remercie des égards dont son malheur est ici entouré… » 621

Vision idyllique d’une guerre où l’ennemi, retrouvant une identité personnelle et une âme, aurait été traité avec respect, où l’on aurait accordé un prix à la vie et au salut de cet ennemi, idéal très éloigné d’une réalité où les blessés étaient souvent achevés parce qu’on ne prenait pas le risque de faire des prisonniers. La haine était gommée du discours des Remillieux sur la guerre dont on ne retenait finalement que l’incompréhensible apocalypse du champ de bataille. Le passage le plus « agressif » qu’on trouve dans la correspondance de Louis Remillieux reste très en deçà de la violence habituellement observée quand il s’agissait de nommer l’ennemi et de décrire ses agissements. Même si la lettre datée de mai 1916 visait avant tout à rassurer sa mère sur sa situation, elle manifeste une magnanimité certaine à l’égard de ceux que Louis désignait le plus souvent comme ses « vis-à-vis » et seul le terme de « Boches » laisse percer la violence de la guerre.

‘« Ne vous inquiétez pas : notre secteur est toujours assez calme : beaucoup d’avions seulement, à cause de la proximité de Metz. Les Boches manifestent leur activité de façon… assez pacifique. Ils nous ont affiché à 800 mètres de notre tranchée un communiqué qu’ils jugent sans doute très avantageux ; ils ne deviennent vraiment pas très difficiles ! » 622

Les Remillieux combattaient pourtant, eux aussi, au nom de leur foi et de leur patrie, pour Dieu et pour la France, dont les symboles étaient plusieurs fois réunis dans la brochure consacrée à Jean Remillieux : dans un même paragraphe avoisinaient la Marseillaise et la messe, l’étole noire, plus souvent que l’étole blanche, jetée sur l’uniforme, le discours sur l’héroïsme patriotique du soldat tué et les prières du service funèbre. La biographie composée par Laurent Remillieux a retenu les actions héroïques accomplies aux avant-postes, magnifiant le courage exemplaire que l’abbé Jean Remillieux montrait sous le feu à la tête de sa section et qui lui valut de nouveaux galons et les félicitations de ses supérieurs. La croix de guerre vint récompenser le commandement d’une attaque victorieuse qui aboutit, le premier mars 1915, à la reprise d’un village. Promu au grade de sergent-major puis de sous-lieutenant, Jean Remillieux laissait éclater ses talents de meneur d’hommes. Prêtre catholique, combattant comme tous les citoyens de la République mobilisés, il offrait sa vie et sa foi, et son sacrifice patriotique pouvait réhabiliter l’Eglise catholique aux yeux des soldats qu’il conduisait au feu. Ce récit de type hagiographique publié en 1917, préfacé par Mgr Lavallée, contribuait « à prouver combien la “rumeur infâme” était fallacieuse », « la foi et le dévouement » de cet homme d’Eglise consolidait « le ciment d’une union pertinemment qualifiée de “sacrée” » 623 . Le même thème était développé dans la notice biographique parue dans la Semaine religieuse du diocèse de Lyon quelques mois après la mort de l’abbé Jean Remillieux 624 , dont on retrouverait la reproduction dans le Livre d’or du clergé diocésain de Lyon 625 . Dans un style convenu et selon un schéma normatif, la notice retraçait l’enfance du prêtre en insistant sur une vocation très précoce, résumait les années de formation au séminaire, avant d’en venir au temps du service militaire présenté comme un épisode essentiel de la jeunesse de Jean Remillieux. Après l’ordination, on passait en revue les différents aspects qu’avait pris son ministère, à l’Institution Notre-Dame des Minimes, à la chapelle de la Sainte-Famille de Croix-Luizet et à la colonie de Chapareillan, devenue pour l’occasion une très consensuelle « colonie lyonnaise ». L’appartenance du prêtre au réseau sillonniste s’effaçait pour ne pas nuire à l’exemplarité revendiquée par l’institution ecclésiale. Mais ensuite, pour l’auteur de la notice, « l’histoire d’une année de guerre comme celle que fit l’abbé Jean Remillieux ne s’écri[vait] pas ».

‘« Ce fut un don continuel de toute sa personne, à ses hommes, à ses camarades qui le vénéraient et qui l’admiraient pour son beau talent mis au service de l’Eglise, des âmes et de la France. » 626

Les sentiments patriotiques de Jean Remillieux, qui le poussaient à défendre une République ennemie de la foi quelques années auparavant, n’excluaient pourtant pas une analyse religieuse de la guerre que partageaient la plupart des croyants : la guerre punissait les hommes de leurs péchés, les exhortant à l’expiation 627 . Laurent Remillieux reprenait le thème en reproduisant des sermons prononcés sur le front qui en appelaient à la reconnaissance des fautes passées, plus sous-entendues qu’explicitement définies. Jamais par exemple la Séparation des Eglises et de l’Etat n’était mentionnée. Le prêtre missionnaire que Jean Remillieux voulait être retenait au contraire parmi ces péchés le détachement religieux qui avait éloigné les hommes de Dieu et de son Eglise. L’esprit de jouissance l’avait emporté sur l’esprit de foi qui sauvait l’âme des perditions d’une civilisation matérielle.

‘« Mes chers camarades […], la guerre dure. Il faut l’utiliser pour l’amélioration de vos âmes. Au moment où nous allons recommencer des opérations actives, voici une vertu que vous pourrez aisément pratiquer : la mortification. Qu’en avez-vous fait dans la vie civile, vous que le baptême et une certaine pratique religieuse ont rendus les disciples de Jésus crucifié ? La poursuite excessive d’un bien-être, parfois criminel, est la loi du grand nombre. Pour atteindre ce bien-être, combien ont violé les lois du mariage, restreint volontairement le nombre de leurs enfants et, notons-le au passage, préparé ainsi, en l’affaiblissant la France jusque dans son sang, l’agression dont nous sommes victimes ? […] L’occasion se présente de réparer, d’entraîner vos volontés à savoir résister demain aux tentations de la veille. Le bien-être du cœur et du corps n’est pas excessif dans les tranchées. Loin des vôtres, vous avez froid, vous êtes mouillés, vous mangez sans nappe, et le reste. Endurez ces petites misères avec joie, en les unissant aux grandes souffrances rédemptrices de N.-S. J.-C. » 628

Les paroles de Jean Remillieux censuraient l’atroce réalité des combattants des tranchées, mais l’idée était bien que les hommes étaient châtiés par là où ils avaient péché. Ils connaissaient le dénuement matériel et la souffrance physique quand ils avaient désiré le confort et le plaisir, ils mouraient quand ils avaient refusé de donner la vie. La dénonciation catholique de la restriction des naissances rejoignait sur ce point le discours nataliste des nationalistes, confortant l’union de Dieu et de la patrie. L’épreuve de la guerre serait source de rédemption, du mal sortirait le bien. Les soldats se battaient pour assurer à la génération suivante, à leurs enfants, un avenir meilleur lié à une France qu’on referait chrétienne.

‘« Certes, il y a bien des tristesses. L’autre matin, une grand’ garde signale qu’une patrouille a eu un blessé. Je demande aussitôt de partir avec les brancardiers et le médecin. Nous ramenons un pauvre enfant, déjà blessé deux fois en août. Pendant que, sous les obus, revient le triste cortège, je l’exhorte de mon mieux, mais sans éveiller d’écho. Son cœur, sous l’emprise de la douleur physique, n’a sans doute jamais été atteint vraiment par l’idéal chrétien. J’ai administré cependant l’extrême-onction. Quelle triste mort !…
Or, malgré tout, c’est une France meilleure que nous enfantons. Chaque fois […] que je puis célébrer la Messe, je répète au Bon Dieu que j’accepte volontiers la mort pour nos enfants, les élèves des Minimes, et mes petits colons. Ils seront demain des hommes ; leur route, par la guerre, aura été débarrassée de tant d’obstacles ! » 629

Au nom de cet espoir et de leur salut, parce que Dieu le voulait, les soldats sauraient accepter le sacrifice de leur vie. Les textes de Jean Remillieux véhiculaient aussi le message de « cette école doloriste du catholicisme où l’imitation de Jésus ne pouvait s’illuminer des miracles et de la résurrection qu’en privilégiant les souffrances de la Passion » 630 . Mais cette imitation de Dieu incluait aussi la promesse de la résurrection, triomphe définitif de la vie sur la mort, ultime consolation offerte par l’espérance chrétienne aux victimes des tueries de la guerre.

La religion était donc source de consolation. Jean Remillieux, combattant parmi les citoyens de la République, restait le prêtre qui procurait cette consolation à ceux qui souffraient 631 . Et c’était cette fonction qui primait dans les récits agréés par l’institution. Les documents déjà cités ont montré qu’il avait été particulièrement sensible à l’abandon moral et affectif des blessés et des mourants sur le champ de bataille. Son journal et ses lettres revenaient sur son impuissance à secourir ceux que la mort fauchait brutalement ou qu’on était obligé de sacrifier pour tenter de survivre. Le devoir du prêtre était d’accompagner les mourants, les conditions de la guerre le privaient de son ministère. Laurent Remillieux retiendrait néanmoins des confidences de son frère tout ce qui rappelait son rôle de prêtre. Les aumôniers militaires, trop peu nombreux, n’officiaient pas seuls sur le front. Les extraits que Laurent Remillieux avait sélectionnés pour la publication s’étendaient sur les confessions des soldats entendues la veille des combats ou sur le sacrement de l’extrême onction volé à la mort abjecte, sur les funérailles religieuses célébrées au lendemain d’attaques toujours tragiques dans des cimetières de villages détruits, sur ces funérailles de morts inconnus ou méconnaissables pour qui l’on priait, sur les messes dites aux intentions des morts du régiment. Jean Remillieux annonçait à son frère que la guerre ramenait à la religion les hommes qui se battaient dans la proximité constante d’une mort arbitraire.

‘« La veille de la Toussaint, je confessai un grand nombre de soldats ; plusieurs revenaient au Bon Dieu après six, dix, quinze ans d’oubli… Dans le même petit village, à 2000 mètres des tranchées de première ligne, on organisa une soirée artistique. Jamais la Marseillaise ne me parut si émouvante… Dimanche dernier, tout le bataillon assistait à la messe. Mercredi matin, j’ai célébré un service funèbre pour les morts du régiment. Tout cela procure de grandes consolations… » 632

Laurent Remillieux reproduisait avec empressement son observation car il voulait croire en ce réveil religieux, véritable témoignage de la poursuite de l’œuvre missionnaire de Jean, qui avait été l’aboutissement de leur vocation. A Pâques 1916, une lettre de Louis Remillieux ajouterait à ses arguments.

‘« Je vous écris de notre village d’avant-postes où nous venons de relever, au soir de Pâques saintes et réconfortantes. Ce matin, messe de communion dans le bois dite par l’aumônier : plus de 150 hommes (presque un quart de notre bataillon) sont allés au Christ. A 9 h ½ messe solennelle avec harmonium que j’ai eu l’honneur de servir devant une assistance très nombreuse ; c’est vraiment consolant et encourageant de se sentir entouré d’hommes qui dans l’ensemble sont de braves gens ! » 633

Louis Remillieux ne paraissait pourtant pas dupe de la signification de cette forte présence masculine à la célébration de la fête de Pâques. Il n’évoquait pas des catholiques pratiquants mais des « braves gens » auxquels l’Eglise offrait peut-être ici, en plus d’une religion de la consolation, une structure de sociabilité qui les réunissait et régulait leur pratique, en opposition totale à l’anomie du champ de bataille.

Annette Becker a déjà montré que « pour tenir au front, pour vivre au milieu de la mort, les soldats avaient besoin d’assurances multiples. Celles de l’affection de leur famille, celles de la patrie, celles de la foi. Celles de la superstition. Loin de s’annuler les unes les autres, elles se renforçaient, dans l’horreur du conflit. » 634 Elle ne conclut pas pour autant sur la certitude d’un réveil religieux qui aurait ranimé la foi et la pratique du christianisme, renversant la tendance séculaire du détachement religieux. Des soldats affectés dans le régiment de Jean Remillieux ont témoigné du réconfort et de l’apaisement procurés par le ministère du prêtre. Laurent Remillieux a choisi des textes répétitifs qui racontaient les messes dites en plein air et dans des églises désaffectées ou en partie détruites. Il a voulu entraîner le lecteur à la suite de son frère dans les villages désertés de leurs curés mobilisés, où il s’affairait auprès des habitants pour leur proposer des offices, des prières, des sacrements, s’occupant tout particulièrement des enfants, dans une parfaite continuité avec sa vie antérieure. Dans cette publication cautionnée par l’autorité ecclésiale, la relation des pratiques religieuses du front s’inscrivait toujours dans le cadre d’une régulation de ces pratiques par un ministre du culte, comme si l’Eglise, l’institution officielle, contrôlait toutes les croyances de guerre, comme si Jean Remillieux n’avait jamais eu l’occasion de remarquer les autres facettes de cette « religion de l’urgence » qui incluaient notamment les pratiques superstitieuses déjà citées. « L’irrationnel » qu’avait fait surgir « la destruction guerrière » ne pouvait être entièrement canalisé par les institutions ecclésiastiques. Mais comment Laurent Remillieux ne pouvait-il pas mettre l’accent sur tout ce qui permettait à son frère de rester le prêtre qui œuvrait pour le bien et le salut des hommes ? Comment ne pouvait-il pas préserver ce qui avait fait leur raison de vivre ? Comment pouvait-il en fait accepter que son frère donnât la mort à la guerre ? Le devoir patriotique accompli en héros permettait à certains égards de transcender l’impitoyable réalité du prêtre combattant. D’une part, les premiers mois de la guerre autorisaient encore le maintien de cette « éthique de l’héroïsme, du courage et de la violence guerrière » 635 qu’allaient emporter les années de guerre suivantes dans les horreurs de la Somme et de Verdun. Le récit de Laurent Remillieux pouvait encore sauver son frère tué au mois de juin 1915 des tueries de la guerre à venir. D’autre part, la reconstitution des actions éclatantes qui avaient valu à Jean Remillieux ses promotions et ses décorations évacuait tout face à face violent avec les Allemands, l’intelligence et la ruse étaient les armes de Jean Remillieux qui vainquait sans anéantir son ennemi. Voici deux récits de la même attaque, cette opération menée le premier mars 1915 qu’on a déjà évoquée, et qui montrent la censure exercée par Jean Remillieux et son frère. Le premier récit est celui rapporté dans la biographie du prêtre, alors que le deuxième est constitué par le texte de sa citation à l’ordre de la division le 15 mars 1915.

‘« Je fais passer l’ordre aux deux sections déployées en éventail de ne pas tirer un coup de fusil et de mettre, à tout hasard, baïonnette au canon. Je tire moi-même mon revolver et je commande en avant, après avoir ordonné aux hommes de faire autant de bruit que possible, pour donner l’impression d’un effectif considérable. Trente secondes, pendant lesquelles on dévale en hurlant, et nous voici, sans avoir essuyé seulement vingt coups de fusil, sous les murs des vergers qui entourent le village. Les Allemands l’avaient abandonné… » 636

Peu importait ce qui s’était réellement passé, l’important était le message qui était volontairement véhiculé. L’épisode qu’on choisissait de raconter, explicitement et précisément, débarrassait la guerre de sa violence. Le texte officiel de la citation, plus concis et plus implicite, n’évacuait pourtant pas la possibilité de cette violence.

‘« Le premier mars a pris le commandement de sa section, après que l’adjudant chef de la section eut reçu l’ordre de se rendre au poste de secours, conduisant bravement l’attaque à la baïonnette sous un feu assez vif. » 637

Il n’était pas dit cette fois que les soldats n’avaient pas usé de leurs baïonnettes et que l’attaque s’était soldée par une victoire sans pertes. La loi générale l’emportait sur l’exceptionnel, à supposer seulement que celui-ci pût se produire. A la guerre, les soldats tuaient leurs ennemis, et Jean Remillieux, prêtre mais non moins soldat, était à la guerre pour tuer les Allemands ennemis de la France.

Mais de toutes les façons, sa propre mort allait effacer la mort qu’il avait lui-même donnée. Au printemps 1915, Louis Remillieux rejoignait son frère en Lorraine, dans le secteur de Lunéville, au 223e régiment, et le samedi 19 juin leurs deux compagnies étaient désignées pour mener une attaque de nuit contre une ligne de tranchées allemandes en avant du village de Reillon. Un bombardement violent des positions ennemies couvrait leur avance jusqu’aux fils de fer. Alors que la bataille faisait rage et qu’ils recherchaient tous deux le commandant pour lui transmettre ou recevoir des ordres, le hasard mit en présence les deux frères : c’est du moins la version qui aurait été donnée par Louis et qui fut rapportée par Laurent Remillieux. Jean, déjà blessé au pied, reçut alors une balle dans la poitrine. Louis Remillieux tenta de le protéger de la fusillade qui redoublait en l’installant dans une raie de champ. Une ou deux heures plus tard, des brancardiers l’évacuèrent au poste de secours installé à 1200 mètres de là, dans le village de Reillon. Un médecin décela la gravité de la blessure avant de le confier aux ambulanciers qui le transportèrent à l’hôpital de Lunéville. Le diagnostic fut confirmé par le chirurgien qui examina Jean. La balle avait perforé un poumon et la mort était désormais inéluctable. Il l’attendrait jusqu’à six heures du matin dans le lit d’une chambre d’hôpital militaire, soigné par une religieuse et un infirmier prêtre qu’il connaissait personnellement depuis le début de la guerre. Rien ne calmait les souffrances physiques qu’il endurait mais le prêtre soldat avait la consolation de recevoir, en toute lucidité, le sacrement des mourants. De plus, dans tous les textes qui ont reconstitué cette mort édifiante, l’extrême-onction venait enfin à bout des souffrances humaines.

‘Quatre heures du matin, à l’hôpital de Lunéville.
« L’abbé Remillieux y reçut l’extrême-onction avec une piété édifiante. Les souffrances qui depuis le début avaient été terribles, se calmèrent, il faiblit et bientôt s’endormit pour aller rejoindre au ciel son père bien-aimé. Sur son lit de mort, il reçut la croix de la légion d’honneur. » 638

Jean Remillieux échappait finalement au destin de la mort de masse. Et surtout, son frère avait reçu l’autorisation de partir avec lui du champ de bataille et l’accompagnait dans son agonie. A la demande de Louis, son corps serait exposé dans la chapelle mortuaire pendant la messe dominicale. Les obsèques seraient célébrées le surlendemain par l’abbé Gabriel Bérardier, aumônier de sa division, vicaire de la paroisse lyonnaise de l’Immaculée Conception avant la guerre.

La scène de la mort de Jean Remillieux, telle qu’elle était relatée dans sa biographie, avait su concilier les exigences religieuses et familiales des Remillieux. Deux références au père marquaient plus encore la façon dont la famille se réappropriait son mort. C’était une consolation de savoir que l’agonie de Jean Remillieux n’avait pas eu lieu dans la solitude et la violence du champ de bataille, fin intolérable que subissaient d’innombrables blessés et qui aggravait la douleur des familles en deuil. C’était une consolation de savoir que son corps avait été préservé dans son intégrité, promesse de résurrection. Ce corps reposait désormais dans un cercueil de plomb et, pour Louis, c’était encore une consolation de savoir qu’une tombe existait sur laquelle on pourrait se recueillir.

‘« Pendant que l’on refermait hermétiquement et pour toujours le cercueil de plomb, j’avais l’impression d’être devant une châsse qui renferme les reliques d’un saint. Comme cela, c’est bien. Ses restes sacrés seront à l’abri de toute atteinte, en attendant la résurrection glorieuse… Je suis parti très consolé… » 639

Louis repartait effectivement au combat avec la possibilité peut-être d’entamer le deuil de ce frère dont il avait partagé les souffrances et qu’il avait accompagné dans la mort.

Mais Laurent Remillieux qui recevait la nouvelle de cette mort et qui la vivait dans l’absence, dans une absence certainement coupable puisque lui, le frère aîné, n’avait pas été mobilisé, pouvait-il aussi entamer ce deuil ? Pour lui, « les procédures de préparation au deuil [avaient été] supprimés, comme [avaient été] supprimés tous les rites qui d’ordinaire accompagnaient les premiers moments de la perte » 640 . Tout au plus, alors qu’on l’avait chargé du récit de la vie de son frère, les circonstances de la blessure de ce dernier et de la mort qui s’ensuivit lui permettaient de proposer une scène édifiante, la scène d’une belle mort, sainte et patriotique, la mort d’un héros et d’un martyr qui revit la Passion du Christ. Le texte renforçait les intérêts de l’Union sacrée. Il montrait aussi une nouvelle fois à l’historien que l’héroïsme du sacrifice ne servait pas seulement d’exutoire aux convertis du catholicisme ou aux militants de l’Action française 641 , et qu’il touchait même des catholiques qui s’étaient toujours méfiés des engagements nationalistes. Mais ce récit aux finalités politico-religieuses ne comblerait jamais le manque ressenti. La guerre avait non seulement volé à Laurent Remillieux son frère mais l’avait aussi privé de la mort de ce frère, porteur de ses espérances et de son avenir. D’ailleurs, il aurait bien du mal à réunir les documents et à préparer la brochure tant sollicitée à la fois par l’évêché et par les proches du disparu. Il accumulerait les retards, prétextant ses multiples activités qui prenaient tout son temps et les soucis de l’arrière. Sa correspondance elle-même devenait très irrégulière et Louis se plaignait de ne pas recevoir de nouvelles de Roanne. Les lettres de Louis revenaient souvent sur la brochure en préparation, rappelant son frère aîné à leur devoir d’honorer la mémoire de Jean, disant sa propre impatience et les attentes des camarades du 223e régiment. Il espérait la publication pour l’anniversaire de la mort de Jean et face à un premier ajournement, il recommandait à Laurent de ne pas encore la retarder pour attendre une permission qui lui permettrait de relire les épreuves.

Sur le front, on rendait un culte au sous-lieutenant Jean Remillieux, on le nommait pendant les offices et on priait en commun pour lui. La messe anniversaire célébrée à son intention le 20 juin 1916 réunit ses anciens camarades du 223e régiment autour de Louis. Et puis, au hasard des rencontres et des conversations, on évoquait sa mémoire, on rappelait le prêtre et le soldat qu’il avait été. Le 2 février 1916, Louis était en mesure d’envoyer au reste de la famille deux photographies de la tombe de Jean prises par des brancardiers. La sociabilité du front organisait ce premier « cercle de deuil » 642 qui contribuait à prendre en charge le deuil personnel de Louis Remillieux. C’était une des raisons pour lesquelles ce dernier accepta difficilement une nouvelle affectation, en avril 1916, qui le séparait de ceux qui avaient connu Jean. Il apprit ensuite avec regret « la dissolution du glorieux 223e » à la fin du mois de mai 1916 643 . Quant à Laurent Remillieux, il affrontait seul, à l’arrière, sa propre souffrance et celle, plus terrible encore, de sa mère, dans l’impuissance d’une situation qui lui avait totalement échappé.

En février 1916, on retrouvait le bataillon de Louis Remillieux quelque part entre Nancy et Pont-à-Mousson. Alternaient dorénavant les jours passés au bivouac, installé dans un bois, et la relève d’autres soldats dans les tranchées, mais des tranchées « tranquilles », où il ne se passait jamais rien de grave à en croire les lettres rassurantes qui parvenaient à sa mère et à ses sœurs. La vision édulcorée que Louis Remillieux renvoyait de la guerre réussissait presque à en effacer la violence.

‘« Tout notre bataillon est actuellement au bivouac dans un bois, entre Pt.à.M… et N…y : plus agréable qu’un cantonnement, car ce camp est merveilleusement organisé ; rien n’y manque. Ce matin, l’abbé Bérardier a dit la messe sur l’autel du camp, dressé en plein air avec beaucoup de goût. D’ici peu de temps peut-être, nous irons prendre les tranchées ; pour vous dire ce qu’elles valent, il faudrait en avoir fait l’expérience. Vous pouvez en tout cas être plus tranquilles que lorsque nous étions à R…. » 644

A partir du mois d’avril, il vanterait même le charme printanier de la nature et l’innocence des roses qui s’obstinaient à fleurir sur le champ de bataille. Il utilisait aussi l’humour pour désamorcer l’angoisse : des points d’exclamation ponctuaient la phrase qui prévenait sa mère qu’il serait désormais un poilu diminué en raison de l’interdiction notifiée aux soldats du port de la barbe, à cause du masque antiasphyxiant. Il assurait aussi sa mère et son frère aîné de sa pratique régulière, il ne manquait jamais une occasion de servir la messe dominicale. Il disait croire en la force des prières qui le protégeaient de la mort. Les heures qui s’écoulaient le laissant enfoui dans la terre au plus près des lignes ennemis demeuraient pourtant une expérience incommunicable. Elle dressait une barrière entre lui et les siens, alors qu’il avait pu partager sans restriction ses souffrances avec Jean. Entre eux, l’indicible n’existait pas puisque tous les deux savaient. Là, soumis au « pacte épistolaire » 645 , Louis Remillieux devait cacher la réalité à sa mère pour la protéger, compter pour elle les jours où il échappait à tout danger, la persuader qu’il était chanceux d’avoir été affecté dans un secteur calme, alors qu’on entendait le canon gronder à Verdun. C’était certainement dans cette perspective, en dehors des problèmes de censure frappant la correspondance des soldats, que son récit minimisait les opérations militaires, les patrouilles et les reconnaissances en petits groupes effectuées en rampant, revolver au poing, le long des positions allemandes. Même s’il confiait que la guerre était déprimante, il y avait là toujours moins de danger que sur le champ de bataille de Reillon où était tombé Jean. Evacuant « les moments d’extrême tension », Louis Remillieux insistait sur « les longues périodes pendant lesquelles les risques, sans jamais être nuls en première ligne, [étaient] beaucoup plus diffus, parfois même assez faibles » 646 . Le 14 mai, il annonçait avec joie son départ pour un centre d’instruction établi dans le fort d’un faubourg de Nancy : ces quinze jours de cours prodigués aux chefs de section l’éloigneraient des avant-postes. Le jour suivant, il atténuait la déception de voir ce départ reporté. Et quand il accéda enfin à cette formation à la fin du mois de juin, il décrivit à sa mère tout le « repos moral et physique » que lui procurait cette vacance 647 .

En fait, en dépit de ses efforts pour apaiser les craintes de sa famille, Louis confiait aussi malgré lui son épuisement psychologique. Pendant l’hiver et le printemps 1916, ses demandes pour l’envoi de paquets se renouvelaient, insistantes, et trahissaient son besoin d’être soutenu et réconforté. Il désirait un peu d’argent pour améliorer son quotidien alimentaire alors que les rations avaient été réduites, il commandait une pèlerine et un manteau, décrivant minutieusement l’objet de son besoin et les raisons de ses exigences, il réclamait la cantine de Jean et sa vareuse. La guerre le privait des siens et l’on sentait peser sur lui la solitude et l’isolement, de plus en plus mal supportés à mesure que ses demandes de permission étaient refusées à cause des urgences de la situation militaire. Le 19 août, dans l’impossibilité de revenir à Lyon, il priait Laurent de le rejoindre à Flavigny, le long de la Moselle, où sa division était en repos. Laurent ne pouvait pas partir avant le 5 ou le 6 septembre. Il insistait, demandait alors à Emilie ou à Marie de faire le voyage, tant il avait peur de repartir au front sans avoir revu un membre de sa famille. Ses lettres rapportaient aussi toutes les démarches entreprises pour obtenir le grade de sous-lieutenant, qui aurait auguré une amélioration de sa situation financière et donc matérielle, la présence d’une ordonnance, plus de pouvoir et en même temps l’assurance de soulager le budget familial. L’annonce de la réorganisation des troupes à la fin du mois de mai 1916 avait soulevé, en dehors du regret d’assister à l’éparpillement des anciens camarades de Jean, un autre problème, plus pratique. L’espoir de promotion s’éloignait car le nombre d’officiers nécessaires au commandement des bataillons diminuait désormais. Louis s’inquiétait de conserver pour le restant du conflit le grade d’adjudant qu’il avait acquis au cours du mois de mars et, dans les dernières semaines, presque toutes ses lettres abordaient la question. Chaque renoncement devenait plus pénible à accepter. La durée de la guerre alourdissait le choc traumatique déjà infligé par sa violence. A l’été 1916 pourtant, ses lettres exprimaient encore l’espoir, partagé par une grande partie de la population, d’une fin prochaine du conflit. Avec la nouvelle de la déclaration de guerre de la Roumanie contre l’Autriche, il voulait se persuader que les hostilités seraient arrêtées avant l’hiver 648 . De toutes les façons, il le fallait bien pour que la guerre pût l’épargner alors que Jean était déjà mort.

La vision que Louis Remillieux avait de l’avenir connaissait toutefois, peu après, un infléchissement et sa propre projection dans cet avenir était troublée par les doutes qui l’assaillaient désormais sur sa capacité à survivre.

‘« Que bientôt Joseph et moi, nous vous revenions enfin, prêts au labeur fécond du lendemain de la guerre. Groupés alors autour de Petite Mère et de toi, comme autrefois autour de notre cher Petit Père, activement, chacun dans notre sphère, nous ferons la France de demain, une France meilleure, régénérée par le sang et les larmes de ceux qui ont su en verser. Puisse le Bon Dieu, s’il veut que ce vœu se réalise, bénir bientôt par ta main nos foyers naissants ! La protection de nos chers disparus, ton apostolat, celui de Jean, leur assurera la fécondité… et la paix, la joie ! » 649

Je ne reviendrai pas sur la conviction que les soldats possédaient de préparer un avenir meilleur à leurs enfants, thème que j’ai déjà abordé précédemment. Je voudrais simplement attirer l’attention du lecteur sur le ton de cette lettre. Car deux mois après ce message encore confiant, qui donnait un sens au conflit et envisageait la sortie de l’horreur, les perspectives s’assombrissaient. Louis Remillieux en revenait à l’abnégation du soldat qui se soumettait aux desseins de la Providence, mais en envisageant explicitement cette fois son sacrifice.

‘« Hélas, je n’ose songer déjà aux satisfactions de l’après-guerre. Si la Providence veut que je revienne, il est bien certain que nos joies les plus réelles nous les trouverons encore dans la famille, qui pourrait bientôt se prolonger… L’art d’être grand-mère, notre petite Mère, j’imagine le possède de tout temps, et Emilie serait une tante très affectueuse et très aimée… Mais, nous ne sommes pas au bout de notre rude tâche, et nous avons besoin encore de toutes vos prières pour la voir s’achever. notre repos sera bientôt terminé ; nous ne savons pas encore si nous quitterons la région de Verdun. » 650

C’était en fait une des dernières lettres que la famille de Louis Remillieux recevrait de lui. Jusqu’au mois d’août 1916, il avait gardé l’espoir d’échapper aux tueries de Verdun et les lettres de l’hiver et du printemps derniers mesuraient justement sa chance à l’aune de son éloignement du champ de bataille de Verdun 651 . On ressentait la hantise d’apprendre le déplacement de son bataillon vers ce lieu par dessus tout redouté en cette année. Et quand au mois d’août la crainte se transforma en évidence, le besoin urgent de revoir les siens s’imposa. Mais il ne songeait pas seulement au danger qu’il encourait personnellement. Le cas de Joseph le tourmentait aussi depuis plusieurs mois. En mai, alors que celui-ci terminait une formation d’artilleur dans la région parisienne, Louis entreprenait des démarches pour appuyer son affectation prochaine. Il désirait le faire venir dans le 14e régiment de Tarbes qui marchait toujours avec le sien, donc dans son secteur, moins dangereux que celui de Verdun dans lequel étaient engagés de plus en plus de soldats. Les pertes énormes et la dureté des combats y exigeaient un renouvellement des bataillons et des recrues. Louis appréhendait surtout l’emploi de Joseph aux crapouillots des tranchées. Fier de son petit frère qui sortait de l’école militaire dans un bon rang et avec d’excellentes notes, il ne songeait qu’à préserver sa vie. Il l’imaginait finir la guerre officier d’artillerie, une situation qui influerait positivement sur sa carrière. Mais il apprenait rapidement que Joseph en avait décidé autrement. Il ne suivait pas les conseils de son frère qui le poussait à demander une affectation dans les obusiers de 240, des pièces qui se trouvaient à une assez grande distance de la première ligne. Au contraire, après un séjour à la Valbonne et un mois d’instruction à Bourges, Joseph était envoyé à la fin du mois d’août dans le secteur de Verdun et rejoignait justement les crapouillots des tranchées. Louis recevait cependant des nouvelles rassurantes qui lui fournissaient un ultime alibi pour mentir à sa mère et la préparer au départ, programmé pour le 2 septembre, de son propre régiment à Verdun.

Louis Remillieux passa la première semaine dans un cantonnement en arrière de la place forte. Le soir du 8 septembre, il allait « à la tranchée dans un coin assez agité du secteur » 652 . L’euphémisme destiné à rassurer, si cela était encore possible, sa mère, était accompagné des recommandations ordinaires : il ne pourrait pas communiquer de nouvelles pendant cinq ou six jours et il était donc inutile de s’inquiéter sans raison. Effectivement, il reviendrait de ce voyage en enfer que, pudiquement, il qualifierait de « journées assez dures » 653 . La répétition de l’expression « assez dur » dans les lettres qui suivent ce premier séjour dans les tranchées de Verdun, parfois dans la même lettre, montre cependant que le moral de Louis Remillieux était dorénavant beaucoup plus atteint. Même retenue et minorée, il livrait une confidence. En fait, le champ de bataille de Verdun ne comportait pas de tranchées en première ligne, les soldats se réfugiaient dans des trous d’obus mal reliés entre eux, s’enlisant dans la boue qui retenait les cadavres. L’isolement provoqué par la rupture des liaisons et des communications, la peur nourrie par l’intensité des bombardements et la proximité de l’ennemi, qui basculait souvent dans un abominable corps-à-corps, limitaient plus qu’ailleurs les chances de survie des combattants. Mais le bonheur de retrouver Joseph à son retour au cantonnement adoucissait momentanément la détresse de Louis. Il entrevoyait dans ces moments privilégiés, une promenade à cheval, un échange intime, l’assistance commune à la grand’messe à l’église, une compensation aux sacrifices imposés par la guerre. Fin septembre, la permission tant attendue lui était enfin accordée. Au retour, après avoir passé la nuit du 29 septembre à Bar-le-Duc, il regagnait Verdun en train. Avant de rejoindre son bataillon en deuxième ligne cette fois, il resta une nouvelle journée en compagnie de Joseph. Le 5 octobre, une autre rencontre se déroula dans les environs de Bar-le-Duc où le 333e régiment, celui de Louis, prenait quelques jours de repos, une dernière eut lieu le dimanche 22 octobre. Les témoignages qui évoquèrent les ultimes journées de Louis disaient tous sa résignation, que ce fût une conversation rapportée par Joseph ou une lettre envoyée à Henri Bruchon, qui en recopia un extrait à l’intention de Laurent Remillieux.

‘« Je ne veux pas partir prendre une part active de conquêtes sur le front de Verdun sans te rappeler mon souvenir affectueux et demander ces jours-ci le secours de tes prières. Dans ces affaires-là, si l’on veut faire tout son devoir, surtout comme chef de section, il est sage de faire à l’avance le sacrifice de sa vie. Je l’ai fait pour coopérer au grand et patient effort qui doit finalement libérer le pays, pour la France d’après, qui aura besoin de l’effort généreux de l’élite de ses enfants. Et maintenant, advienne que pourra ! Je pars très calme et prêt à tout. Je te remercie encore pour toutes les lettres encourageantes que tu m’as adressées au cours de la campagne, pour les vœux affectueux que tu m’as exprimés dernièrement, et te renouvelle ma bien sincère amitié. » 654

Le 25 octobre, Louis Remillieux était remonté au front, il était allé une dernière fois à la tranchée. Il avait pourtant survécu à l’attaque très violente de la veille qui avait permis aux Français de reprendre le fort de Douaumont et le terrain conquis par les Allemands depuis quatre mois. Il fut tué dans un de ces trous d’obus qui avaient alimenté son angoisse tout au long des semaines précédentes, lors de la contre-attaque allemande. Sa mort occuperait l’appendice de la brochure consacré à Jean Remillieux, rappelant d’abord son chagrin puis la consolation que les funérailles de son frère lui avait procurée, enchaînant enfin sur la souffrance plus terrible qu’infligeait aux survivants de l’arrière le nouveau drame.

‘« Quinze mois plus tard, personne n’eut une aussi douce consolation sur le cercueil de Louis Remillieux. Il n’eut pas de cercueil. Emporté brutalement par un obus, on ne saura jamais sans doute où reposent ses restes. » 655

Ces quelques phrases révèlent l’ampleur du déchirement ressenti par Laurent Remillieux, encore plus victime de « l’anomie du deuil de guerre » car, cette fois, il endurait aussi « cette douleur spécifique de l’absence des corps » 656 .

Peu de documents ont livré les réactions immédiates de Laurent Remillieux à cette deuxième perte tragique. La lettre de condoléances que lui écrivit Henri Bruchon s’ouvrait sur la récurrence des deuils qui frappaient la famille Remillieux et elle se terminait par des interrogations qui portaient sur les circonstances de la mort de Louis. Elle pointait bien par là les deux aspects les plus intolérables de la situation. Laurent Remillieux bâtit des stratégies pour tenter d’échapper à l’atroce réalité, il rechercha dans sa foi des issues pour supporter l’insoutenable. La brochure, finalement éditée en 1917, réunissait dans la mort les deux frères perdus et révélait les accommodements que Laurent Remillieux avait trouvés.

‘« Dans la tranchée bouleversée où il rendit le dernier soupir, il n’était pas seul. L’abbé Jean était là pour l’aider à bien mourir. Leur deux âmes, unies dans le même sacrifice, doivent l’être maintenant et pour toujours dans l’immortelle félicité. » 657

Le besoin d’accorder à Louis la « bonne mort » qu’il méritait, sans laquelle l’abbé Laurent Remillieux ne pouvait même pas songer à entamer un travail de deuil, passait par un déni de la réalité. Pourtant, ainsi que tant d’autres familles, il ne pouvait que deviner « la souffrance – extrême – des agonies au front » comme « la solitude animale et l’angoisse des agonisants » 658 , qu’assurément son frère avait lui aussi endurées. La brochure se terminait sur un dernier témoignage, renforçant tout à la fois l’impression de censure de l’expérience guerrière et le ton hagiographique du récit. « L’héroïsation du mort se mu[ait] en sanctification » 659  : on renouvelait pour lui le discours qui avait été construit pour Jean.

‘« Le capitaine G. écrivit :
“… Les saints ne sont pas faits pour rester longtemps ici-bas. Déjà le Bon Dieu a voulu que Louis rejoigne mon cher ami Jean, Là-Haut. On ne pleure pas ceux qui ont mérité et obtenu le parfait bonheur ; on regrette seulement qu’ils aient quitté cette pauvre terre où ils eussent pu faire encore tant de bien…” » 660

Mais si Laurent Remillieux ne pleurait pas ceux qu’il avait perdus, cela signifiait aussi qu’il refusait d’en faire son deuil. La réaction décrite par le capitaine G., et qui serait en fait la sienne, confirmait les observations des spécialistes du travail psychique du deuil expliquant que l’idéalisation du mort à la guerre entraînait « un surcroît de difficulté dans “la résolution du deuil” » 661 .

Notes
616.

Après la consultation d’un des premiers travaux de S. Audoin-Rouzeau, 14-18. Les combattants des tranchées, Paris, Armand Colin, coll. « L’histoire par la presse », 1986, 224 p., la lecture d’ouvrages construits autour de l’analyse d’expériences personnelles et familiales de la guerre a pu me donner des points de comparaison. Voir surtout de Stéphane Audoin-Rouzeau et Nathalie Garreau-Demilly, Maurice Gallé : vie d’un soldat, deuil d’une famille, 1914-1929, Mémo, 1998, 109 p. et dans le genre des publications qui ont donné la parole aux combattants, Paul Truffau, 1914-1918 : quatre années sur le front, carnets d’un combattant, Paris, Imago, 1998, 244 p., Avant-propos et notes de Françoise Cambon, Préface de S. Audoin-Rouzeau.

617.

Ibid., p. 151-198.

618.

Ibid., p. 156-157.

619.

L’expérience du combat des premiers jours du conflit relatée dans le journal de Jean Remillieux annonce déjà de nombreux traits caractéristiques de la Grande Guerre et rappelle tous les travaux renouvelant l’histoire de la bataille et menés autour du thème de la violence subie et infligée par les soldats. « Le champ de bataille était devenu à partir de 1914 le lieu d’une terreur beaucoup plus radicale qu’auparavant », in S. Audoin-Rouzeau, A. Becker, 14-18, retrouver la Guerre, p. 37. Les paragraphes qui analysent les témoignages de Jean et Louis Remillieux empruntent leur grille de lecture aux historiens de la bataille et de la violence de la Grande Guerre. L’ouvrage de Jay Winter et Blaine Bagett, 14-18. Le grand bouleversement, Paris, Presses de la Cité, 1997 pour la traduction française, 432 p. fournit une excellente introduction à ce thème, car il mêle au récit général des explications techniques, des témoignages de soldats et des photographies qui refusent toute censure de la violence de guerre et permettent donc une première prise de conscience de ce que fut « la guerre totale » et « le massacre », titres des chapitres 3 et 4.

620.

A. Becker, La guerre et la foi. De la mort à la mémoire, 1914-1930, op. cit., p 18-24.

621.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 156.

622.

Lettre de Louis Remillieux à Emilie, datée du 2 mai 1916.

623.

Citations extraites de A. Becker, La guerre et la foi…, op. cit., p. 36-37.

624.

Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 8 octobre 1915.

625.

Livre d’or du clergé diocésain de Lyon pendant la guerre 1914-1918, préfacé par E. Bornet, F. Lavallée, collab. L.J. Maurin, Paris Lyon, Emmanuel Vitte, 1922, 585 p., p. 193-199 pour la notice et p. 519 pour la liste des citations et décorations.

626.

Ibid., p. 197.

627.

Idée développée par A. Becker, La guerre et la foi…, op. cit., p. 32-34. Le fait que j’utilise systématiquement, dans le commentaire de la biographie de Jean Remillieux, cet ouvrage d’Annette Becker, première synthèse sur ces questions, ne saurait faire oublier que les thèmes étudiés ont été repris dans le deuxième chapitre de sa dernière publication cosignée par S. Audoin-Rouzeau, 14-18, retrouver la Guerre.

628.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 165-166.

629.

Ibid., p. 179.

630.

A. Becker, La guerre et la foi…, op. cit., p. 31.

631.

On retrouve le discours tenu sur Jean Remillieux dans d’autres récits relatant la participation de clercs à la Première Guerre mondiale. La revue Guerres mondiales et conflits contemporains a consacré un dossier aux « hommes d’Eglises dans la Grande Guerre », n° 187, Juillet 1997. Voir notamment les contributions de Jacques Fontana, « Le prêtre dans les tranchées, 1914-1918 », p. 25-37 et Marie-Claude Flageat, « Un aumônier jésuite dans la Grande Guerre : le Père Cléret de Langavant », p. 41-57. M.-C. Flageat a d’ailleurs soutenu une thèse sur les jésuites dans la Première Guerre Mondiale.

632.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 162.

633.

Lettre de Louis Remillieux à sa famille, datée de Pâques 1916.

634.

A. Becker, La guerre et la foi…, op. cit., p. 92. Les autres citations du paragraphe sont extraites des p. 92 et 93.

635.

S. Audoin-Rouzeau, A. Becker, 14-18, retrouver le Guerre, p. 40.

636.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 169.

637.

Livre d’or du clergé diocésain de Lyon pendant la guerre 1914-1918, op. cit., p. 519.

638.

Ibid., p. 199.

639.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 189.

640.

S. Audoin-Rouzeau, A. Becker, 14-18, retrouver le Guerre, op. cit., p. 245.

641.

A. Becker, La guerre et la foi…, op. cit., p. 26.

642.

Ibid., p. 232.

643.

Lettre de Louis Remillieux à sa famille, datée du 31 mai 1916.

644.

Lettre de Louis Remillieux à sa mère et à ses sœurs, datée du dimanche 13 février 1916.

645.

Expression utilisée par S. Audoin-Rouzeau dans la préface de Paul Truffau, 1914-1918 : quatre années sur le front, carnets d’un combattants, op. cit., p. 11. Ce « pacte épistolaire » oriente évidemment toute la correspondance de guerre de Louis Remillieux, d’autant plus que la majorité des lettres était adressée à sa mère. Il s’accordait une plus grande liberté de parole quand il écrivait à des amis, comme en témoignent les extraits de lettres adressées à Henri Bruchon.

646.

S. Audoin-Rouzeau, A. Becker, 14-18, retrouver le Guerre, op. cit., p. 43.

647.

Lettre de Louis Remillieux à sa mère et à ses sœurs, datée du 4 juillet 1916.

648.

Lettre de Louis Remillieux à sa mère et à ses sœurs, datée du 28 août 1916.

649.

Lettre de Louis Remillieux à Laurent, datée du 10 août 1916.

650.

Lettre de Louis Remillieux à sa famille, datée du 14 octobre 1916.

651.

On dispose sur l’enfer de la bataille de Verdun d’une abondante littérature qui mêle aux travaux des historiens, témoignages et ouvrages de vulgarisation. On trouve d’utiles précisions dans Claude Carlier, Guy Pedroncini (sous la direction de), La bataille de Verdun, Paris, Economica, 1997, 191 p., édition des actes du colloque international organisé par l’Institut d’histoire des conflits contemporains et le Comité national du souvenir de Verdun, les 211 et 22 mai 1996. Le livre de Gérard Canini, Combattre à Verdun. Vie et souffrance quotidienne du soldat, 1916-1917, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1988, 162 p., fournit des informations complémentaires plus orientées sur l’expérience de la violence spécifique infligée aux combattants français par les formes de la guerre menée à Verdun.

652.

Lettre de Louis Remillieux à sa famille, datée du 8 septembre 1916.

653.

Lettre collective de Joseph et de Louis Remillieux à leur famille, datée du 15 septembre 1916.

654.

Lettre de Louis Remillieux à Henri Bruchon, datée du 19 octobre 1916, citée dans une lettre du 11 novembre 1916, de H. Bruchon à Laurent Remillieux

655.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 199-200.

656.

S. Audoin-Rouzeau, A. Becker, 14-18, retrouver le Guerre, op. cit., p. 247.

657.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 202.

658.

S. Audoin-Rouzeau, A. Becker, 14-18, retrouver le Guerre, op. cit., p. 248

659.

Ibid., p. 253.

660.

Âme de prêtre-soldat. L’abbé Jean Remillieux…, op. cit., p. 202.

661.

S. Audoin-Rouzeau, A. Becker, 14-18, retrouver le Guerre, op. cit., p. 253.