Diversité sociale et logiques territoriales

Les espaces topographiquement différenciés des pentes et de la plaine étaient donc aussi, depuis le début de l’extension urbaine liée à l’industrialisation, des espaces socialement divisés : les hauteurs avaient dès le départ retenu les cadres de l’industrie voire quelques représentants du monde des classes moyennes et la plaine était réservée aux ouvriers, tandis que l’ancien chemin rural retenait les derniers agriculteurs. Le monde des classes dirigeantes 81 était effectivement bien représenté par les résidents des villas de la rue Montvert qui avait conservé le nom de l’ancien domaine médiéval et de son petit château. Sur les huit ménages recensés en 1911, quatre des chefs de ménage étaient des cadres supérieurs qui louaient ces maisons à d’autres Lyonnais, la plupart chefs d’entreprise dans le secteur du bâtiment et qui avaient certainement construit eux-mêmes ces habitations en vue de leur location. Ainsi en 1912, Joseph Gagnieu, charpentier, demeurant rue Bugeaud et Louis Boretti, plâtrier, domicilié rue Pierre Corneille, possédaient chacun une maison aux 5 et 7 de la rue Montvert qu’ils louaient à deux ingénieurs. Quant à Pierre Artru, menuisier, il était le propriétaire de deux maisons aux 4 et 6 de ladite rue, habitées en 1911 par les familles de deux cadres commerciaux. Trois de ces quatre ménages employaient une domestique. La dernière employée de maison recensée dans la rue Montvert avait aussi été engagée par un ingénieur. La plus petite des maisons déclarées au cadastre était celle d’un employé, propriétaire résident, et comptait sept ouvertures, mais ce type de résidence restait minoritaire dans la rue. La plus vaste demeure était occupée par l’un des ingénieurs et on avait dénombré vingt-sept ouvertures. Les plans au 1 / 500e 82 laissent deviner des maisons bourgeoises, parfois avec dépendance, entourées de jardins d’agrément aux dimensions appréciables et comportant des arbres qui transformaient certains de ces jardins en petits parcs. La moyenne des revenus nets imposables indiqués dans la matrice cadastrale est supérieure pour les propriétés de la rue Montvert existant avant 1912 à la moyenne de ce même revenu calculée sur l’ensemble des propriétés bâties recensées dans l’espace total considéré. En fait, résidaient là majoritairement, près de leur lieu de travail, les cadres de l’industrie et du négoce qui avaient accompagné la marche des établissements industriels vers l’est de la ville. L’étude détaillée de la population du chemin de Monplaisir à Saint-Alban aboutirait au même résultat, si ce n’était le maintien des jardiniers et autres maraîchers au fur et à mesure qu’on s’éloignait du centre de Monplaisir.

Je n’ai pas réalisé une étude exhaustive de la population à partir des listes nominatives du recensement de 1911, me contentant d’inclure dans la base de données un échantillon de cent douze ménages, choisis, après une lecture générale des listes, parmi des rues aux profils sociologiques et urbains différents. J’ai relevé les informations fournies par le recensement pour les ménages du chemin de Croix Morlon à Saint-Alban, la rue Monvert, la rue Longefer et la rue du Quartier neuf. Le graphique suivant a été réalisé à partir de l’étude des groupes professionnels de l’ensemble des cent douze chefs de ménage.

Graphique 2. :
Graphique 2. : Répartition des chefs de ménage selon leur groupe professionnel en 1911

Il permet d’approcher la structure sociale de la population présente en 1911. Il sera complété par une analyse de la répartition des groupes professionnels dans l’espace des quatre voies envisagées. Le graphique fait apparaître la domination du monde du travail manuel, regroupant les ouvriers, les manœuvres et cette catégorie ambiguë des ouvriers-artisans, certainement majorée par le fait que n’est pas précisé, dans les listes nominatives consultées, le nom des employeurs. On n’a donc aucun moyen de savoir si le menuisier recensé rue Longefer travaillait comme salarié dans une grande entreprise, pour le patron d’une petite affaire ou à son propre compte. Les chiffres suggèrent simplement la formation d’un quartier industriel et artisanal au détriment des activités agricoles. Les emplois offerts par le secteur secondaire mobilisaient plus de la moitié des chefs de ménage. Les agriculteurs et les salariés de l’agriculture occupaient encore une place notable, puisqu’ils composaient 15 % de l’échantillon. Les calculs aboutissent sensiblement au même résultat si l’on restreint l’échantillon aux limites stricto sensu du futur territoire paroissial, c’est-à-dire si l’on en exclut les ménages résidant en deçà du 35 de la rue Bataille : le groupe des agriculteurs passe à 19 % alors que celui du monde du travail manuel recule de quatre points, passant de 56 % à 52 %. On n’enregistre aucun autre changement. Le monde des classes moyennes, qui arrivait en troisième position, était représenté par des employés, désignés sans précision par ce simple terme, des commerçants ou salariés du petit commerce et quelques rares cadres administratifs moyens. Les cinq membres du groupe intitulé « classes dirigeantes » relevaient non pas du groupe logé par Jean-Luc Pinol au sommet de la hiérarchie sociale mais de celui des « cadres supérieurs ». Tous les cinq se retrouvaient dans la rue Montvert. En revanche, dans les rues Longefer et du Quartier Neuf, se concentraient les trois-quarts des individus appartenant au monde du travail manuel. Enfin, seuls trois individus classés dans le groupe agriculteurs n’étaient pas domiciliés chemin de Croix Morlon. Ces trois remarques nous introduisent dans l’étude des logiques spatiales de l’organisation sociale du territoire paroissial, logiques que confirmèrent les évolutions de l’après-guerre.

L’ensemble de données le plus exhaustif a été rassemblé pour l’année 1921 en prévision du travail cartographique que nous voulions réaliser. Le choix de conduire une étude plus précise du territoire paroissial au début des années 1920 a été commandé à la fois par les contraintes imposées par les sources disponibles et par l’objectif de connaissance que j’avais déterminé. En effet, la seule série complète et cohérente au niveau chronologique de plans au 1 / 500e dont nous pouvions disposer était constituée par les épreuves datant de 1920, 1921, 1922. Les reconstitutions de la totalité du territoire paroissial à des dates ultérieures devenaient impossibles avant la fin des années 1940. Et encore devaient-elles être exécutées au prix de certains ajustements car les différentes parties du territoire avaient été cartographiées à plusieurs années d’écart. Les expériences que nous avons menées pour analyser la pratique religieuse dans les années 1930 ou pour rendre compte de l’évolution de l’espace urbain dans les années 1940 restent donc très partielles. Mais le travail effectué sur le début des années 1920 permettait aussi d’envisager le territoire paroissial au moment de la fondation de Notre-Dame Saint-Alban et donc de revenir sur les premiers temps de la rencontre entre les animateurs de la paroisse et les paroissiens. Les premières années furent décisives quant à la mise en place du projet paroissial. Il semblait alors pertinent de tenter de retracer le plus précisément possible le contexte local dans lequel s’inséra ce projet catholique imposé de l’extérieur, et d’en cerner les enjeux sociaux qui conditionnaient aussi la participation des différents groupes à la vie paroissiale. Pour réaliser une étude cartographique qui dégage les particularités des divers espaces sociaux déjà pressentis, il fallait renseigner précisément chaque bâti et notamment ceux qui étaient réservés à l’habitat. Il était indispensable d’inclure dans la base de données le plus grand nombre de ménages repérables dans les listes nominatives de 1921 et de croiser encore ces informations avec d’autres sources, comme celles procurées par les matrices cadastrales ou les registres d’impôts. Le traitement statistique des données est resté très rudimentaire : toutes les virtualités de la base de données constituée sont loin d’avoir été explorées, non seulement par manque de compétence et de temps, mais aussi parce qu’il n’était toujours pas dans mon propos de lancer une étude exhaustive d’histoire sociale. En conséquence, les efforts ont d’abord porté sur ce qui permettrait à terme de dégager un portrait moyen du paroissien comparé à l’ensemble de la population du territoire paroissial, et sur ce qui était nécessaire à la réalisation du dossier cartographique.

La structure sociale de ce territoire avait finalement peu changé en dix ans, si l’on exceptait la situation des agriculteurs sur lesquels on ne reviendra pas. Les calculs, réalisés cette fois sur un échantillon de 424 ménages, montrent toujours la domination du monde du travail manuel sur les autres groupes sociaux.

Tableau 1 : Répartition des chefs de ménage par catégories professionnelles en 1921
Catégories professionnelles Nombre de chefs de ménage Pourcentage de chefs de ménage
Industriels 7 1,65
Cadres supérieurs 9 2,12
Techniciens et cadres moyens 14 3,3
Employés 27 6,37
Services publics et assimilés 20 4,72
Petits commerçants 17 4,01
Ouvriers ou artisans 57 13,44
Ouvriers 131 30,90
Manœuvres 55 12,97
Agriculteurs 30 7,08
Retirés des affaires 55 12,97
Personnel de services 2 0,47

Cette domination s’était même renforcée puisque les ouvriers ou artisans, les ouvriers et les manœuvres représentaient dorénavant 57 % des chefs de ménage. Le constat concordait avec les résultats obtenus par Jean-Luc Pinol : en effet, la forte croissance des effectifs ouvriers lyonnais entre 1911 et 1921 avait surtout bénéficié « aux espaces de la rive gauche situés à l’est des voies ferrées » 83 . La progression était apparemment surtout due à la catégorie des ouvriers, mais on devait encore se méfier de la perméabilité des limites entre cette catégorie et celle des ouvriers ou artisans. Le monde des classes moyennes avait aussi connu un essor et il composait déjà presque un cinquième de la population. Cependant, on devait là aussi mettre en question ce chiffre qui cachait en partie la réalité des conditions sociales des 27 employés recensés. Ces derniers pouvaient très bien être salariés dans une usine et effectuer le travail d’un ouvrier, alors qu’ils se classaient dans le groupe des employés lors du recensement. Le monde des classes dirigeantes perdait presque un point, mais dans l’optique de l’analyse de la fréquentation paroissiale, on ne saurait oublier la présence des 9 cadres supérieurs et des 7 industriels présents sur le territoire de Notre-Dame Saint-Alban. Il faut enfin retenir le poids de la catégorie constituée par les « retirés d’affaires », le plus souvent des veuves âgées de plus de cinquante ans recensées comme ménagères et que j’ai décidé de classer dans la même catégorie que ceux qui se déclaraient comme retraités. L’image est finalement conforme à ce que l’on sait par ailleurs de la société des quartiers neufs de la périphérie urbaine et concorde donc avec les conclusions que Jean-Luc Pinol tire de son analyse de la ségrégation sociale étudiée à partir de l’espace résidentiel. La croissance démographique était bien alimentée, pour sa plus grande part, par des ouvriers venus travailler dans les usines qui s’installaient à l’est de Monplaisir et la mention de l’employeur dans les listes nominatives, quand elle existait, le confirmait largement. On y retrouvait toutes les entreprises qui ont été citées dans la première partie du chapitre.

La distribution spatiale des différents groupes sociaux au sein du territoire paroissial s’inscrivait dans la continuité des logiques déjà repérées pour l’avant-guerre. Les cartes 3a, 3b et 3c présentent la répartition des chefs de ménage appartenant aux mondes des classes dirigeantes, du travail manuel et des classes moyennes. Les situations des deux premiers groupes étaient diamétralement opposées, les membres du premier ayant élu les pentes comme lieu de résidence, et on les retrouverait aussi plus largement que les autres catégories sociales sur la grande rue de Monplaisir et sur l’avenue Esquirol, les membres du deuxième se concentrant dans le quartier du Transvaal. Les lieux de résidence des classes moyennes paraissaient moins cloisonnés et les cadres moyens recherchaient volontiers la proximité des cadres supérieurs, sans pour autant bénéficier du même type de logement. Les cartes permettent de montrer que les hypothèses que Jean-Luc Pinol a vérifiées à l’échelle des deux communes de Lyon et Villeurbanne se révèlent tout aussi valides à l’échelle du territoire paroissial : « l’inscription dans l’espace géographique » demeurait ici « une indication de la place occupée dans la hiérarchie sociale » et « plus la distance spatiale entre un groupe » et le monde des classes dirigeantes était « grande plus l’indice de dissimilarité relative était élevé » 84 . Je ne me suis pas aventurée dans le calcul de cet indice de dissimilarité dont Jean-Luc Pinol a expliqué en annexe les modalités 85 . La lecture des cartes me suffisait et c’est bien là un des intérêts du traitement cartographique : par rapport aux industriels et aux cadres supérieurs, la proximité était, sur ce territoire restreint comme sur l’ensemble urbain lyonnais, l’apanage des classes moyennes, tandis que les travailleurs manuels s’en trouvaient les plus éloignés, en compagnie du groupe marginalisé des agriculteurs.

Les cartes 3c’ et 3c’’ montrent que la concentration était encore plus marquée pour les manœuvres que pour les ouvriers ou artisans, car on peut penser que ces derniers pouvaient parfois se rapprocher d’un petit patronat et développer une stratégie résidentielle qui les rapprocherait des classes sociales plus élevées. Dans la localisation des manœuvres, nous avons décidé de prendre en compte une rue qui n’avait pas été recensée en 1921 alors que son existence était par ailleurs attestée la même année : la rue Edouard Nieuport fut créée à la suite de l’installation des bâtiments de l’entreprise de construction électrique Paris-Rhône en 1915, dont les débuts ont été étudiés par Anne Sarrazin 86 . La fabrication des appareils électriques était assurée par 93 ouvriers en décembre 1915 mais l’effort de guerre entraîna rapidement une croissance des effectifs, évalués à plus de 800 en octobre 1918. La mobilisation des hommes sur le front imposa le recours à une main d’œuvre féminine, dont la part augmenta chaque année, et étrangère, encouragée de façon générale dans l’agglomération lyonnaise par le préfet Albert Thomas. L’embauche de « coloniaux » fut privilégiée. Ils constituaient une part importante des manœuvres de l’entreprise et, selon les recommandations du préfet, auraient dû être logés à proximité. La politique sociale que la société Paris-Rhône suivit pendant la guerre ne donna lieu à aucune opération de construction de logements, elle se contenta de réalisations plus limitées comme l’organisation d’achats en gros de produits de première nécessité. Mais les listes nominatives de 1926 signalent rue Edouard Nieuport la présence de plusieurs ouvriers employés à Paris-Rhône et recensent en particulier, au numéro 11 de la rue, plus de 40 manœuvres logés en garnis. La matrice cadastrale confirme la déclaration en 1921 de plusieurs constructions neuves rue Edouard Nieuport, notamment d’une maison appartenant à Claude Gérin, recensé en 1926 en compagnie de plusieurs ménages logés en garnis, et d’un magasin coopératif dont le propriétaire possédait aussi la Société Esnault-Pelterie, installée non loin de là, au 47 du chemin Croix-Morlon à Saint-Alban 87 . L’entreprise y logeait-elle une partie de son personnel ? Les garnis de Claude Gérin étaient-ils déjà loués en 1921 ? Certes, il était improbable que ces individus, s’ils existaient, fussent les « coloniaux » de la guerre puisque la majorité des travailleurs réquisitionnés avaient été rapatriés dans leur pays d’origine avant 1921, et ils n’étaient pas encore les nouveaux migrants algériens. On ne sait même pas en fait s’il pouvait s’agir d’étrangers. Mais finalement, après avoir croisé toutes les informations recueillies, nous avons conclu que cette rue abritait déjà les lieux de résidence de nombreux manœuvres au début des années 1920 et, certes par extrapolation, nous les avons fait figurer sur les cartes de 1921. Ce cas particulier montre tout de même les limites de l’exactitude du travail. Les listes nominatives pouvaient très bien de la même façon avoir omis d’autres individus, déjà présents sur le territoire paroissial en 1921, mais non recensés en raison de leur instabilité ou parce qu’ils appartenaient à un espace urbain qui émergeait à peine et qui était encore mal fixé.

La situation du personnel employé par les nouvelles usines et résidant sur le territoire paroissial apparaît tout de même assez particulière. On ne rencontre nulle part dans les listes nominatives de 1921 une telle concentration de manœuvres étrangers et même si la source avait laissé échappé une partie de la population, les omissions n’auraient pas fondamentalement changé l’image du quartier que l’on percevait. L’évolution de la composition socioprofessionnelle de la population au cours de la décennie suivante montre que la situation était d’ailleurs de plus en plus défavorable aux ouvriers non spécialisés. Le territoire conservait certes une majorité d’ouvriers, mais au sein de cette communauté le rapport entre les différents groupes d’ouvriers se modifiait, alors que le mouvement ascendant des classes moyennes se précisait.

Tableau 2 : Répartition des chefs de ménage par catégories professionnelles en 1936
Catégories professionnelles Nombre de chefs de ménage Pourcentage de chefs de ménage
Industriels 13 1,21
Cadres supérieurs 38 3,54
Techniciens et cadres moyens 51 4,75
Employés 116 10,80
Services publics et assimilés 55 5,12
Petits commerçants 52 4,84
Ouvriers ou artisans 161 14,99
Ouvriers 318 29,61
Manœuvres 105 9,78
Agriculteurs 24 2,23
Retirés des affaires 116 10,80
Personnel de services 5 0,47
Divers 20 1,86

Les agriculteurs avaient continué leur régression : non seulement le pourcentage des chefs de ménage employés dans le secteur primaire avait diminué de façon drastique, mais ils étaient aussi moins nombreux. De 30 ils étaient passés à 24, ce qui signifie que les départs à la retraite sanctionnaient définitivement la fin de l’exploitation des terres des propriétaires fonciers, abandonnant, ainsi qu’on l’a déjà vu, leur domaine à l’urbanisation. Les classes dirigeantes avaient connu une augmentation à la fois en valeur absolue et en valeur relative, qui était due au groupe des cadres supérieurs beaucoup plus qu’à celui qui se situait au sommet de la hiérarchie sociale. D’ailleurs, le nombre des industriels était gonflé par des petits patrons souvent issus de l’artisanat, mais désormais à la tête d’affaires réunissant plusieurs employés et dont les installations avaient étendu leur emprise sur le quartier. Ils n’appartenaient pas au monde de la grande industrie mais ne se déclaraient pas moins comme « industriels » lors des recensements. L’essor des cadres supérieurs pouvait être directement lié aux nouvelles installations industrielles, comme à l’implantation d’un enseignement secondaire privé (le cours Pierre Termier) et d’un enseignement supérieur. Il ne faut pas oublier que les professions libérales et intellectuelles et les étudiants ont été regroupés dans cette catégorie. La diversification des activités de cette périphérie urbaine, les activités tertiaires relayant les activités secondaires à partir des années 1930, expliquait donc une partie des mutations sociales observées. Les classes moyennes rassemblaient dorénavant plus d’un quart des chefs de ménage présents dans la base de données. Les chiffres concernant les employés ont assurément été encore une fois majorés en l’absence de l’indication du nom de l’employeur sur les listes nominatives, mais la progression du groupe des techniciens et cadres moyens était significative. Elle renvoyait aussi aux transformations du monde du travail de l’entreprise industrielle. D’après les renseignements fournis par les listes nominatives, les travailleurs manuels ne constituaient donc plus que 54,4% des chefs de ménage et c’était la baisse de trois points du groupe des ouvriers non qualifiés qui expliquait le déclin, peut-être à relativiser en raison des imprécisions attachées à la dénomination des emplois occupés dans les usines. La légère progression des ouvriers ou artisans témoignait aussi des efforts de certains ouvriers s’établissant à leur compte. Les micro-entreprises étaient l’une des réalités du quartier du Transvaal, qui affirmait, à travers la dualité encore si caractéristique des structures économiques françaises, sa double spécificité industrielle et artisanale, le distinguant des banlieues ouvrières où les artisans étaient en net recul par rapport au prolétariat de la grande usine.

Notes
81.

Tous les développements d’histoire sociale reprennent la nomenclature socioprofessionnelle élaborée par Jean-Luc Pinol, op. cit., voir l’annexe 1.

82.

A.M.L., Série 4 S, Feuille 303, 1913 complétée en 1920.

83.

J.-L. Pinol, Les mobilités de la grande ville…, op. cit., p. 164.

84.

Ibid., p. 165-168.

85.

Ibid., Annexe 3 « L’indice de dissimilarité », définition et modalités du calcul.

86.

Mémoire de maîtrise déjà cité. On peut aussi consulter l’article tiré de ce mémoire, Anne Barre-Sarrazin, « Entreprendre en temps de guerre : Paris-Rhône (1915-1920) », Bulletin du Centre Pierre Léon d’histoire économique et sociale, 1996, 1-2, « Urbanisation et industrialisation », p. 41-57, article qui reprend les informations nécessaires au développement en cours. J’utilise ici les p. 30 et 31 qui évoquent le personnel de l’entreprise.

87.

Matrice cadastrale, A.D.R., 3 P 123 / 106, case 3288 et 3303.