2 – Les logiques sociales des usages paroissiaux du sacré

Le recours à la religion participait en effet de la création et de l’entretien des liens sociaux qui structuraient à différentes échelles les groupes d’habitants du territoire paroissial, quand ce dernier recouvrait l’espace vécu par les occupants de la périphérie urbaine. Le thème a déjà été abordé, au cours du chapitre précédent, du point de vue de l’intention missionnaire des animateurs de Notre-Dame Saint-Alban. Mais les usages que les paroissiens pouvaient faire des services et des équipements de leur paroisse ne correspondaient pas forcément au projet religieux et social qui leur était proposé. Ces usages reposaient sur d’autres logiques, qu’il convient d’analyser du point de vue cette fois du groupe paroissial, non plus entendu comme la communauté paroissiale rêvée par l’abbé Remillieux, mais comme l’agrégation d’habitants du territoire paroissial formant un groupe, à la composition et aux contours variables, et se retrouvant dans leur usage commun de la paroisse. Les pratiques religieuses et sociales répondaient parfois aux objectifs des promoteurs de la mission, mais quand elles semblaient leur échapper et qu’ils dénonçaient un usage formaliste et utilitariste du sacré, elles n’en demeuraient pas moins les témoins d’une forme de sociabilité se déployant dans la ville, et c’est leur caractère positif qu’il faut ici envisager. Autrement dit, la problématique, plus facile à mettre en œuvre quand il s’agit d’étudier les paroissiens engagés à divers titres dans les œuvres paroissiales, peut aussi servir de fil conducteur à la compréhension du recours au sacré chez des paroissiens détachés d’une pratique régulière et résistant aux velléités missionnaires de leur curé. C’est au cours de ce développement qu’on empruntera à des sociologues ou à des anthropologues certaines de leurs grilles de lecture pour aborder le fonctionnement de la communauté paroissiale, ses rapports à la mort ou à la ville, comme les usages que les habitants du territoire paroissial faisaient du religieux.