Le drame vécu par ces deux paroissiens ne parvenait à la connaissance de leur curé qu’à l’occasion du baptême de leur deuxième enfant. On ne connaît pas les circonstances de la perte ni les conditions dans lesquelles avaient été vécus les premiers jours du deuil. Ce premier enfant était-il né à l’hôpital ? Avait-il été baptisé ou ondoyé ? Avait-on organisé pour lui des funérailles religieuses ? Si ces cérémonies avaient été célébrées, elles avaient eu lieu en dehors de la paroisse, dans l’anonymat peut-être de la chapelle de l’hôpital. Les parents avaient affronté la douleur de la perte dans la solitude de leur couple, accompagnés au mieux de l’affliction de la proche famille. La visite du prêtre à leur domicile leur permettait enfin d’inscrire l’événement qui avait bouleversé leur vie personnelle et familiale dans le cercle paroissial. En reconnaissant leur souffrance, le responsable de la communauté paroissiale accédait à la demande implicite contenue dans le changement d’attitude qui avait été remarqué lors du baptême de leur fille. Par l’inscription du nom de l’enfant mort et de quelques mots d’amitié sur le livret, il marquait concrètement la réalité de l’existence de cet enfant et son intégration dans le groupe paroissial. Par ses efforts de réconfort, par la consolation qu’il tentait de leur apporter à travers l’envoi de deux images souvenirs, il recevait leur douleur de parents dans la communauté des croyants de leur quartier. Il accordait en fait à leur deuil, probablement demeuré longtemps dans la sphère du privé, une reconnaissance sociale qui pouvait en favoriser la traversée.
La problématique du deuil et du rapport entretenu par les vivants avec leurs morts a déjà été explorée dans le troisième chapitre retraçant l’histoire de la fondation paroissiale. Il s’agissait alors de comprendre comment les deuils vécus pendant la Première Guerre mondiale avaient alimenté le projet religieux de Laurent Remillieux et d’analyser l’articulation qui relierait les deuils personnels et familiaux touchant les fondateurs de Notre-Dame Saint-Alban aux deuils éprouvés par les habitants du territoire paroissial. Les pratiques liées à la mort, la liturgie des funérailles célébrées dans la paroisse de l’abbé Remillieux surtout, ont aussi suscité une abondante littérature chez les fervents de Notre-Dame Saint-Alban et chez les promoteurs du renouveau paroissial, littérature qui a déjà été en partie commentée dans le chapitre précédent. Deux thèmes principaux en ont été dégagés : la focalisation sur ce type de cérémonies d’une partie des changements liturgiques, et les circonstances favorables à « l’évangélisation » d’une population détachée de la religion que les velléités missionnaires leur prêtaient. Le père Chéry débute le chapitre consacré aux funérailles par une critique de la fonctionnarisation et de la laïcisation des services funèbres, incluant dans « un ensemble administratif » 612 les prestations des Pompes funèbres et la cérémonie religieuse facultative. Cette situation se développait particulièrement dans les grandes villes. Pour que son lecteur puisse prendre la mesure du résultat, le dominicain laisse la parole à Laurent Remillieux et rapporte une expérience d’enterrement vécue par le curé de Notre-Dame Saint-Alban dans une autre paroisse que la sienne. Les éléments du texte qui ont été soulignés correspondent aux principales critiques visant la pratique formaliste que connaissaient les paroisses urbaines traditionnelles. Ils s’opposent point par point aux changements introduits à Notre-Dame Saint-Alban.
‘« Il s’agissait d’anciens paroissiens, commerçants aisés, bons chrétiens, extrêmement éprouvés. Deux deuils récents et tragiques : la mère est veuve, elle a de nombreux enfants, elle a perdu récemment un petit-fils, elle enterre aujourd’hui un fils de 24 ans.La sclérose de la liturgie paroissiale justifiait le détachement religieux des foules urbaines et les critiques des non pratiquants. La description en contrepoint des cérémonies se déroulant à Notre-Dame Saint-Alban valorisait le renouveau liturgique, source de renouveau religieux. Rattachée aux aspirations missionnaires, la nouvelle liturgie des funérailles faisait de la paroisse, en ce moment privilégié, le lieu de la conversion possible. Le père Chéry résume les arguments déjà employés par Robert Flacelière et sans cesse développés par l’abbé Remillieux 614 .
‘« S’il est un moment où le ministère sacerdotal peut s’exercer avec une efficacité particulière, c’est bien celui où le deuil a frappé dans une famille, posant d’un coup à ceux qui restent les plus grands problèmes de la destinée, de la nature de l’homme, de l’au-delà, de Dieu… A ces heures douloureuses où l’on cherche, souvent dans les ténèbres, une réponse aux questions qui se pressent, où les consolations humaines sont souvent si dérisoires, où l’on s’interroge aussi secrètement sur sa propre fin, le prêtre peut faire entendre la voix du Christ. Il a des chances d’être entendu et de toucher les fibres religieuses qui demeurent. A chaque enterrement, il y a un certain nombre de personnes qui ne mettent les pieds à l’église que dans ces circonstances. C’est une occasion magnifique d’évangélisation ! Et les familles elles-mêmes, dans combien de cas sont-elles chrétiennes ?… Le contact personnel du prêtre avec elles, auprès de la dépouille mortelle, puis à l’église, dans la célébration de la liturgie des funérailles, peut valoir toutes les prédications, s’il est ce qu’il doit être. » 615 ’Le récit de la « conversion » de Victor Grignard venait clore à chaque fois la démonstration. Le professeur Grignard était une personnalité connue du monde scientifique lyonnais : doyen de la Faculté des Sciences, directeur de l’Ecole de Chimie, membre de l’Institut, il résidait, depuis le milieu des années 1920, tout près de l’église de Notre-Dame Saint-Alban, rue Volney. Dans l’histoire racontée par Laurent Remillieux, il était dit non chrétien, contrairement à son épouse et à son fils, Roger, qualifié pour sa part de « très chrétien ». C’était certainement pour les accompagner qu’il participait aux fêtes paroissiales et se montrait lors de la kermesse, mais lui comptait parmi les non pratiquants qui ne se posaient pas la question du « surnaturel ». Sa conversion fut celle d’un baptisé accédant enfin à la vérité de la foi. L’abbé Remillieux et, à sa suite, le père Chéry, en firent un cas exemplaire : le récit de la conversion répondait exactement aux intentions missionnaires attachées à la célébration des funérailles et mettait en scène les étapes de la conversion, du ravissement premier vécu lors d’un enterrement au sacrement de l’extrême-onction réclamé la veille de sa mort. Le but apologétique du récit servait alors moins le personnage du « converti » que l’œuvre pastorale accomplie par la paroisse missionnaire.
Le récit reproduit par le père Chéry, qui annonce une nouvelle fois « laiss[er] la parole au Père Remillieux », est découpé en six paragraphes 616 . Les quatre premiers correspondent aux quatre étapes de la conversion, le cinquième est consacré aux funérailles de Victor Grignard, le dernier comporte une conclusion attestant la connaissance que son milieu professionnel avait de son évolution spirituelle 617 . Venu assister aux funérailles d’une institutrice, Victor Grignard fut saisi par les rites accomplis par le prêtre, qu’il ne quitta pas des yeux, et par les paroles de l’Eglise qui lui étaient pour la première fois traduites. Laurent Remillieux avait perçu son trouble, qui lui fut bientôt confirmé par Augustine Grignard : son mari restait bouleversé par ces funérailles et lui en parlait sans cesse. Victor Grignard se confia ensuite directement à son curé, rencontré dans le tramway.
‘« Il vient à moi, encore ému : “ Les funérailles de Mme X***, mais c’était formidable ! C’est la réponse au problème de la vie que vous donniez là !… ”La maladie et la mort d’une cousine reçue à leur domicile suscita un nouveau rapprochement. L’abbé Remillieux administra le sacrement de l’extrême-onction en présence de Victor Grignard et organisa les funérailles, dont les registres de catholicité gardent une trace à la date du 16 janvier 1927. Laurent Remillieux rapporte les réactions de son paroissien en mêlant encore au registre de l’émotion celui de l’interrogation intellectuelle sur le mystère de la vie, interrogation qui seyait au scientifique et se transformait manifestement en recherche spirituelle. Victor Grignard s’intéressa ensuite à une série de « six conférences sur le surnaturel », données par un oratorien 618 « dans une salle d’usine » du quartier, pour un public essentiellement ouvrier, au sein duquel se distingua, « au grand complet », « une cellule communiste voisine ».
‘« Grignard suivait avec une attention passionnée. “Le surnaturel existe-t-il ?” tel était le thème traité. A la sortie, il m’aborde, me prend la main : “ Mon cher Curé, comme c’était intéressant ! et dire que ce sont des questions que je ne connais pas ! Mais je vais m’y mettre, je vais travailler… ”. Nous sommes restés dans la rue jusqu’à deux heures du matin pour discuter avec des incroyants. »’Mais le « tournant » décisif fut marqué, en 1935, par la maladie qui frappa le professeur et le laissa diminué pendant de longs mois. Au cours du mois de novembre, l’abbé Remillieux dit lui avoir rendu plusieurs visites à la clinique où il était hospitalisé pour une opération de la dernière chance. Le prêtre prit l’initiative d’une entrevue « intime », qu’il obtint par l’intermédiaire du fils. Victor Grignard se savait condamné et le prêtre reçut sa confession, dernière étape de son retour dans l’Eglise.
‘« “ Je vais très mal. Ma femme me parle d’une opération… Je suis chimiste ; je sais ce que j’ai ; c’est la fin… Vous vous rappelez ces funérailles ? et la réunion où le père Dieux parlait du surnaturel ?… J’avais constaté mon ignorance. Depuis j’ai travaillé. Maintenant je suis prêt. Au nom du Père… ” – Une magnifique confession, celle d’une âme droite qu’on avait laissée dans la méconnaissance totale du christianisme. »’L’administration du sacrement de l’extrême-onction demeurait implicite. Le lendemain, Victor Grignard mourait. Ses funérailles furent célébrées le 16 décembre 1935 et la cérémonie se déroula selon le rituel établi à Notre-Dame Saint-Alban, en présence de la communauté paroissiale et des représentants des mondes scientifique et politique de la ville.
‘« Messe émouvante, comme celle qui avait été au point de départ de sa conversion ; communions nombreuses. A la sortie, l’Abbé Lacroix, vicaire à la paroisse, aujourd’hui Vicaire général, s’entend demander : “ Qu’est-ce donc que ce rite ? Est-ce catholique ? ” »’Au moment où il rédigeait l’essai promis à Francisque Gay, Laurent Remillieux s’était déjà félicité d’avoir pu échapper, lors de cet enterrement, aux « préjugés » et aux « routines » qui entouraient « trop de funérailles mondaines, étouffant la prière, la vraie prière des chrétiens », et d’avoir réuni autour du défunt la « famille spirituelle », plus essentielle à ses yeux que « tout ce que [la] ville compt[ait] de personnalités scientifiques ou officielles » 619 .
Dans l’histoire de Notre-Dame Saint-Alban racontée par Laurent Remillieux, le personnage de Victor Grignard assume seul la preuve de l’efficacité du renouveau liturgique appliqué aux funérailles. Erigé en modèle, son exemple n’est pas corroboré par d’autres cas semblables 620 . De plus, il ne répond même pas aux intentions du projet missionnaire à l’origine de la paroisse. Au contraire, la « conversion » de Victor Grignard, représentant d’une élite sociale et culturelle résidant dans le quartier Montvert, pourrait au contraire servir à démontrer la caducité d’un projet conçu pour la ville ouvrière. Mais reprendre la lecture imposée par Laurent Remillieux et les promoteurs du renouveau paroissial, même pour en déterminer les enjeux et les limites, ne permet pas d’épuiser la question de la renommée acquise par les funérailles célébrées à Notre-Dame Saint-Alban. Les mêmes textes peuvent être reconsidérés et réinterprétés à la lumière d’autres grilles de lecture. Dès les débuts de la paroisse, les sources accordent une place essentielle à la célébration des funérailles et au culte des morts. Le troisième chapitre a donc déjà mis en œuvre la problématique d’une fondation paroissiale associée aux morts de la Grande Guerre. Les papiers qui datent des années 1920 jusqu’au milieu des années 1930 621 rassemblent de nombreuses invitations aux messes données pour les défunts, des exhortations lancées au groupe paroissial à se resserrer autour de ses morts chaque fois que l’événement tragique de la disparition de l’un de ses membres surgit, des appels réitérés à la participation des paroissiens aux funérailles célébrées pour les morts de l’Institut médico-légal, qui sont autant d’occasions de traiter du thème des rapports entretenus par la religion avec la mort et par les croyants avec leurs morts. Si, dans les années 1940, les sources se focalisent désormais en partie sur le thème d’une liturgie renouvelée des funérailles, qui participerait de la définition d’un nouveau modèle paroissial, elles continuent parallèlement à développer la plupart des thèmes qui occupaient la vie paroissiale dès les années 1920. De la même façon que quand il s’agissait d’un baptême ou d’un mariage, les doubles des registres paroissiaux, en consignant les notes du clergé sur le déroulement des funérailles, nous renvoient par réfraction tout un discours sur les attentes et les attitudes face à la mort et au deuil des membres les plus engagés dans la communauté paroissiale, comme sur celles des pratiquants occasionnels.
La conversion de Victor Grignard à la foi catholique avait été présentée par Laurent Remillieux comme l’aboutissement d’une quête spirituelle. Au centre des préoccupations du scientifique, se posait la question du « surnaturel », celle qui débattait des problèmes des origines de la vie et de ses fins dernières, du destin d’une humanité, fragile parce que vouée à la mort, et de sa possible survie dans un au-delà qui l’accueillerait après une vie terrestre. Les réponses qu’offrait le christianisme étaient certes susceptibles d’apaiser les craintes existentielles de Victor Grignard et des croyants qui fréquentaient l’église paroissiale. Mais lors de la célébration de funérailles et dans les autres rites accomplis pour le culte des morts, l’Eglise catholique ne produisait pas seulement un discours sur les mystères de la vie et de la mort, visant à satisfaire les besoins spirituels de ses fidèles. Les liturgies chrétiennes de la mort et des funérailles ont toujours tenté de prendre aussi en compte les besoins humains de ces derniers. Elles ne célèbrent jamais « une mort abstraite et anonyme, mais la mort très concrète, personnelle, unique, d’un homme, d’une femme, d’un enfant, qui laisse derrière lui des proches dont la blessure est indicible » 622 . Pour dire « le moment unique et ineffable vécu alors aussi bien par celui qui “trépasse” que par son entourage », elles s’appuient « sur des paroles de Dieu », mais utilisent « un langage humain » 623 . C’est ce « langage humain » et cette prise en compte des « besoins humains » qu’il s’agit d’interroger, dans le but de montrer qu’à Notre-Dame Saint-Alban, la religion assumait, dans les funérailles et le culte des morts, un rôle comparable à celui qui a été mis en évidence au cours du développement sur la célébration de la vie à travers les baptêmes et les mariages. Comment la liturgie de la mort intégrait-elle à son tour le sacré dans des pratiques sociales ?
Les audaces liturgiques de l’abbé Remillieux sont d’ailleurs à revisiter dans le cadre de cette interrogation. La promotion du renouveau paroissial disqualifiait les cérémonies célébrées dans les paroisses traditionnelles. La description d’un enterrement classique recueillie par le père Chéry auprès de Laurent Remillieux rejoignait les impressions que Jules Monchanin avait autrefois confiées à sa sœur 624 . On reprochait au clergé et aux pratiquants conformistes la froideur de leurs cérémonies formelles, vidées de leur sens, organisées comme des services marchands. Certes, les prêtres qui s’essayaient au renouveau liturgique liaient leurs efforts à la recherche d’une satisfaction des besoins spirituels des fidèles, qui ramènerait à l’Eglise la foule des détachés. La problématique de la reconquête des âmes irriguait tous les discours qui dénonçaient les pratiques traditionnelles. Pourtant, une deuxième lecture des textes de l’abbé Remillieux laisse entendre autre chose. Le texte suivant, déjà cité dans les quelques pages qui précèdent, est repris pour les besoins de la démonstration.
‘« Il s’agissait d’anciens paroissiens, commerçants aisés, bons chrétiens, extrêmement éprouvés. Deux deuils récents et tragiques : la mère est veuve, elle a de nombreux enfants, elle a perdu récemment un petit-fils, elle enterre aujourd’hui un fils de 24 ans.Les éléments soulignés peuvent évoquer certains aspects de la liturgie mais ils mettent surtout en évidence la déficience de la prise en compte des besoins humains, psychologiques, de cette famille en deuil. Les termes employés recouvrent en effet le champ sémantique de l’émotion. De plus, la dénonciation la plus virulente concerne ici la carence des relations humaines : la souffrance des survivants est ignorée à la fois par l’assistance et le curé. La passivité, l’absence de gestes et de paroles rejettent la famille en deuil dans la solitude de sa douleur et de son désarroi.
Dans sa dénonciation sans concession du formalisme rituel, Laurent Remillieux ne prenait peut-être pas la juste mesure du pouvoir apaisant que les rites de la liturgie des funérailles, même dispensés dans ces paroisses traditionnelles honnies, possédaient sur les proches du disparu. Le rituel lié à la mort qui y était mis en scène revêtait pourtant certains des aspects positifs, décrits notamment par Louis-Vincent Thomas dans un ouvrage consacré aux rituels funéraires et aux fonctions qu’ils remplissent auprès des vivants 626 . Dans ces lieux aussi, on retrouvait « la répétition d’un modèle cohérent et hors du temps » 627 , cautionné par « des croyances religieuses », qui garantissait « la destinée des croyants […] ici-bas et dans l’au-delà ». On ne pouvait nier « l’importance de la théâtralisation », l’église se transformant en cet « espace scénique » qui abritait des objets et un mobilier « lourds de symboles, soit par leur simple valeur emblématique, soit par leur fonction sacrée ». Les lourdes tentures noires, abandonnées à Notre-Dame Saint-Alban pour une plus grande simplicité des cérémonies, ne formaient pas seulement ce décorum stigmatisé parce qu’il entretenait les inégalités sociales. Pour les familles bourgeoises qui les réclamaient, elles restaient indispensables au rituel. En affichant leur différence par rapport aux autres groupes sociaux, elles marquaient concrètement leur existence sociale. Les en priver revenait peut-être à retrancher de ce rituel une part de son « pouvoir structurant » et sécurisant.
Mais le rôle que Laurent Remillieux assignait à la communauté paroissiale allait au-delà de ce cadre et de ce décor. Ce qu’il réprouvait en fait était la sclérose et l’appauvrissement d’un rituel, dont les fidèles ne comprenaient plus la signification symbolique, et qui risquait par conséquent de perdre sa fonction thérapeutique. En luttant contre la passivité de l’assistance, le curé de Notre-Dame Saint-Alban ne cherchait-il pas inconsciemment à préserver aussi « les interactions entre les protagonistes du drame et le consensus qui les uni[ssai]t », sur lesquels reposait justement « le sens du rite » ? En recommandant la participation de l’assemblée aux paroles et aux gestes rituels, aux chants et à la communion, ne s’efforçait-il pas de restituer au rite son « efficacité symbolique » ? On n’en était pas encore à la suppression du Dies irae, ce qui dessinait d’ailleurs une des limites du changement liturgique, mais Laurent Remillieux, comme autrefois Jules Monchanin, critiquait la façon dont il était joué et chanté et regrettait l’émotion qui aurait traduit les sentiments des vivants 628 . En retirant cependant les ornements noirs et en mettant l’accent « sur les liens qui uniss[ai]ent les vivants aux morts et les vivants entre eux », on plaçait déjà « le rituel sous le signe de l’espérance et de l’apaisement », allégeant sa dramatisation. En renonçant aux différentes classes d’enterrement et en uniformisant le cérémonial funéraire, on imposait une démocratisation du rituel. La modernité religieuse de Notre-Dame Saint-Alban ne devait donc pas seulement être lue en termes de quête spirituelle. Face à l’immixtion de la mort et à la menace de « néantissement » de l’individu et du groupe que cette dernière représentait, elle offrait au croyant la consolation et l’espérance qui l’aideraient à dépasser l’angoisse de la mort et la douleur de la séparation, et elle participait des stratégies sociales qui tentaient de maintenir le lien social et l’intégrité de la communauté des paroissiens.
Les invitations aux messes célébrées pour les défunts, qui ont été conservées parmi les papiers Colin et qui ont déjà été utilisées dans le cadre de la problématique d’une fondation paroissiale liée aux morts de la Grande Guerre, livrent à elles seules bien des éléments de la démonstration. Elles présentent encore l’intérêt de remonter aux premiers temps de l’histoire paroissiale et donc de montrer la continuité des préoccupations liées au culte des morts, en les détachant de la question du renouveau liturgique, du moins telle qu’elle a été posée dans les années 1940. Annonçant le décès d’un paroissien, elles replacent le disparu dans sa vie quotidienne et le relient au tissu relationnel de son quartier, puis évoquent les circonstances de sa mort. Paroles de consolation et d’espérance, promesses de survie et de retrouvailles destinées aux survivants se succèdent ensuite. L’essai rédigé au milieu des années 1930 par Laurent Remillieux insiste déjà sur des thèmes plus proches de ceux développés par les promoteurs du renouveau paroissial. Délaissant le problème de la « déchristianisation », on retiendra du manuscrit l’obstination à réclamer la présence de tous les membres de la communauté paroissiale et leur participation à la communion, lors de la messe célébrée le jour des funérailles, et les pages consacrées au traitement réservé aux morts de l’Institut médico-légal.
La première étape que la liturgie de la mort définissait dans les invitations aux messes données pour un défunt s’attachait à l’accompagnement du mourant. Celui qui avait le temps de se préparer à l’idée de sa mort semblait partir apaisé, délivré de l’angoisse de la disparition et de l’inconnu. En l’aidant à se défaire du désir de la vie qui l’abandonnait, à renoncer aux êtres aimés et au monde et à accepter l’inéluctable, le prêtre facilitait le « travail du trépas ».
‘« Le 4 mai s’éteignait doucement et pieusement dans le Seigneur Mme Anne Paris. […]En rendant la mort acceptable, en lui donnant le visage de la sérénité, le prêtre apaisait aussi les craintes des vivants. Il éloignait d’eux l’horreur des images associées à la mort, celles de la décomposition et de la pourriture des corps aimés. Il écartait la panique qui s’emparait d’eux pendant l’attente du vide et du rien qui allaient se substituer à la vie. Le mourant avait le devoir de le seconder dans cette tâche en donnant à ses proches « le spectacle d’une mort édifiante ». Les textes suivants nous parlent toujours du mourant et des vivants qui l’entourent et ils expriment encore le souci du prêtre d’amener ses fidèles à accepter la mort qui s’impose. Ils mêlent au thème du renoncement consenti à la vie celui d’une mort que les vivants peuvent tolérer car elle ne fait plus peur. Les champs lexicaux attachés à la description effrayante de la mort s’effacent ou se diluent dans les images positives de la beauté, de la sérénité, voire du bonheur, puisque la joie recouvre même l’agonie, pourtant physiquement effroyable.
‘« Combien il est beau de contempler, dans la sérénité de leur soir, les vies qui ont consisté à se donner, comme se donnent les mères. Mme Morard avait appris à se détacher tous les jours d’elle-même par affection pour les siens. Son âge mûr s’était rajeuni de la jeunesse de ceux qu’elle aimait et quand vint le jour où il fallut tout quitter, elle y était préparée par la direction même de sa vie. Aussi accepta-t-elle la mort avec simplicité, sachant bien que ce qu’elle perdait n’était que la vie limitée, au-delà de laquelle son élan l’avait toujours portée. » 631 ’ ‘« La mort vint s’asseoir à son chevet. Elle comprit bien vite son approche et se prépara à l’accueillir non comme une étrangère dont la vision lugubre effraie, mais comme une amie secourable, pitoyable et pourvoyeuse d’éternité.Les paroles de consolation continuaient cependant, après le moment du trépas, à accompagner les survivants, tourmentés par l’idée de leur propre mort et anéantis par la douleur de la perte. L’espérance de l’au-delà exprimait un rêve de continuité qui s’opposait à l’angoisse de la disparition.
‘« Du moins, nous qui sommes chrétiens, avons-nous la constante et très ferme espérance de voir nos familles démantelées ici-bas, se reconstituer bientôt, par la miséricorde divine, dans l’éternel et bienheureux Au-delà. » 633 ’La croyance en une autre vie après la mort aidait les chrétiens à traverser le deuil qui les frappait. L’incroyant qui ne possédait pas la connaissance de l’éternité se retrouvait livré à un désespoir sans issue : parce qu’il ignorait que les vivants reviendraient des morts, il demeurait dans l’angoisse du « néantissement » de sa vie et donc dans le sentiment de son inanité.
‘« Pour l’incroyant la mort est un spectre dont on se détourne ; pour le chrétien, la mort, figure douloureuse puisqu’elle impose une séparation momentanée, est aussi et surtout messagère de béatitude. » 634Par un renversement du discours éclairé de la science, la vérité était portée par les croyances religieuses, qui justifiaient aux yeux du groupe paroissial le rituel. Les illusions et les errements se situaient du côté de l’incroyant.
Toutes les morts ne se ressemblaient cependant pas et il était beaucoup plus douloureux d’envisager les morts prématurées, vécues comme une injustice, que les morts des vieillards parvenus au terme d’une vie pleine et satisfaisante. Les deux textes suivants relatent le décès de deux paroissiens de 81 et 83 ans, en soulignant la facilité du passage de la vie à la mort et l’absence de regrets ressentis à la fois par le mourant et par ses proches.
‘« Quelle belle mort ! Si on peut appeler mort ce soupir un peu plus faible qui marque seul l’entrée d’un élu dans son triomphe ! Elle semble soulever le voile et nous montrer le commencement éternel de la béatitude ! Ce sont les sentiments ressentis près de la couche funèbre de M. de Laroue, autour duquel brille l’auréole de toute une vie de devoir. Et cela, c’est mourir ? Et nous craignons la mort ? Que Dieu est bon de nous donner de tels exemples et de tels soutiens ! Quand saurons-nous […] qu’il n’y a au monde qu’une chose à faire : bien vivre pour bien mourir ? » 636 ’ ‘« Il me semble la voir arriver auprès de Jésus, les mains pleines et n’ayant besoin d’autre témoignage que celui de son travail enfin achevé ; je crois l’entendre dire : “ Seigneur, la journée que vous m’aviez donnée est close ; Seigneur, vous êtes juste. Je suis lasse et je me suis lassée en travaillant pour Vous. ” » 637 ’La mort d’un enfant revêtait une tension autrement plus dramatique. Les paroles de consolation ne venaient qu’après la reconnaissance de la douleur légitime des parents, à laquelle s’associaient le prêtre et, par son intermédiaire, l’ensemble des fidèles fréquentant l’église paroissiale. Deux enfants de moins d’un an venaient de mourir et le prêtre rappelait l’attente et les espoirs de la grossesse, les moments difficiles de la naissance et des premiers mois, qui, une fois traversés, méritaient récompense. Le décès de ces deux enfants en bas âge ramenait les hommes à la précarité de la vie et à son ambivalence : lors de chaque passage, naissance ou décès, s’entrelaçaient la vie et la mort, dans une contiguïté dont rendait compte le discours religieux. Mais cette fois, la mort perdait sa beauté et sa sérénité et les images atroces du cadavre « pitoyable » ne pouvaient être rejetées aussi facilement. Il fallait en passer par la compréhension de « la douleur maternelle » et visiter intérieurement cette douleur pour que le discours de l’espérance puisse être reçu.
‘« Deux jeunes enfants de notre famille paroissiale […] furent récemment ravis à notre tendresse, enveloppés encore de leur robe baptismale.Heureusement, les cadavres pitoyables étaient transfigurés par la beauté et la douceur des anges. La connaissance intime de la douleur des parents, essentiellement de la mère, que dévoilent les mots de Laurent Remillieux, ne renvoie pas seulement à son expérience de prêtre mais aussi à son histoire familiale. Enfant, n’avait-il pas vécu, seul avec ses parents, la disparition d’un petit « ange » et le deuil de sa mère ?
A travers ces exemples, on aura déjà pu remarquer que les rituels liés à la mort évoqués dans les invitations distribuées aux paroissiens et conservées par le premier vicaire de Notre-Dame Saint-Alban, sont limités pour la plupart à deux moments particuliers : l’administration du sacrement de l’extrême-onction et la célébration de messes pour les défunts. L’abbé Remillieux ne disposait pas encore du pouvoir curial. Les premières funérailles inscrites sur le registre de catholicité ne furent célébrées que le 18 octobre 1924. Mais avant même l’érection canonique de la paroisse, le clergé desservant la chapelle de secours dépendant de Saint-Maurice de Monplaisir prenait soin des mourants et des morts du futur territoire paroissial. Ce dernier se déterminait déjà à partir du lien qui s’établissait, grâce aux rites accomplis, entre ses vivants et ses morts. Dans l’invitation suivante, Catherine Morard, décédée à 49 ans, était décrite comme une mère de six enfants, habitant le quartier 639 . L’abbé Remillieux exprimait ses regrets de ne pouvoir offrir à sa famille et aux catholiques de la « famille paroissiale » des obsèques sur le territoire qui leur appartenait.
‘« Une mère de famille, Mme Morard, vient d’être enlevée à la terre pour la véritable patrie. Les obsèques ont lieu ce lundi. On se réunira au domicile de la défunte, 58 rue Bataille, à 8 h ¾. La messe d’enterrement sera dite à l’église de l’Assomption ; après la messe, l’absoute sera donnée ; de là on se rendra au cimetière.Les morts étaient exclus de leur territoire au moment de leurs funérailles et cette exclusion ajoutait au chagrin. Le prêtre attendait avec impatience le moment où les vivants pourraient se réunir autour de leurs morts dans leur église. Ce serait l’une des raisons d’être du groupe paroissial que l’abbé Remillieux et son vicaire étaient en train de constituer : prendre en charge, dans le cadre de ce territoire, le rapport que toute société devait construire avec ses morts et célébrer l’union des vivants et des morts qui garantissait l’harmonie du monde.
En veillant par le culte qui leur était rendu à leur repos dans la paix, les vivants se conciliaient les disparus et s’attiraient leur protection.
‘« C’est ici que l’Eglise répond aux désirs des vivants et aux besoins des morts par un dogme d’admirable solidarité : la communion des saints. Nous pouvons par nos prières et nos épreuves sanctifiées, hâter le bonheur de nos chers disparus, et puisque nous le pouvons, nous le devons. » 641 ’Aux morts d’intercéder à leur tour pour leur assurer la vie dans un monde tout aussi pacifié.
‘« A l’approche de Noël, Anna avait mis sa confiance dans le petit Jésus, demandant autour d’elle de le prier, lui l’Enfant Dieu, pour elle sa créature et son enfant. Et Jésus l’exauça le 24 décembre, en la retirant de ce monde pour l’unir, sans doute dès le lendemain, jour de Noël, à ses anges, afin de chanter avec eux « la paix entre les hommes ». 642 ’La promesse de retrouver dans la vie éternelle Catherine Morard n’était pas la seule garantie accordée aux vivants. Grâce à la parole dite – dans la pratique des chrétiens le « disons-nous » ne se réduisait pas à un « pensons », chaque prière exprimait la croyance par le verbe –, la morte demeurait présente parmi les siens, elle continuait à voir et à entendre leurs joies et leurs peines, comme elle emportait une part d’eux avec elle.
‘« Si cependant nous nous affligeons, du moins est-ce avec retenue, car la foi nous oblige de bien espérer de ceux qui, comme elle, meurent dans l’Eglise et dans la communion des sacrements. Bien loin de la croire disparue sans retour, disons-nous au contraire qu’elle s’en est allée dans la patrie céleste où nous sommes sûrs que nous irons bientôt.Mais comme le laisse entendre l’emploi de la première personne du pluriel dans le texte qui précède ou dans la citation qui suit, l’union des vivants et des morts dépassait les limites du groupe familial, touché directement par la mort d’un de ses membres, pour englober l’ensemble des croyants appartenant à la communauté paroissiale en formation.
‘« Sur le chemin du Ciel, c’est en grand nombre que nous viendrons lui donner ce fraternel appui, puisque Dieu en accorde le pouvoir et en offre la consolation à sa famille et à nous-mêmes. » 644 ’Des années après, le curé de Notre-Dame Saint-Alban semblait avoir atteint son but. Son discours, désormais empreint du vocabulaire du renouveau liturgique, louait la « prière communautaire », gage et expression de cette union des vivants et des morts, qui tous ensemble composaient la « Famille spirituelle ».
‘« Pourquoi ce pèlerinage de la Famille Spirituelle aux tombes de ceux qui nous ont quittés ?Le rapport entre les vivants et les morts n’était cependant pas seul en question. Les liens tissés à l’occasion du culte rendu aux morts structuraient aussi le groupe des vivants et témoignaient de sa réalité. Dès le début des années 1920, l’abbé Remillieux réclama la présence de l’ensemble des pratiquants lors des messes célébrées pour les défunts et leur participation à la communion, acte qui affirmait symboliquement non seulement la solidarité entre les vivants et les morts, mais aussi l’union des vivants.
‘« Nous serons très unis, demain, au cours du Saint-Sacrifice, dans la salutaire pensée de la mort qu’illumine l’Espérance Sainte. » 646 ’Le groupe devenait le moyen de gérer une angoisse individuelle de mort et les textes plus tardifs insistaient encore sur la mission consolatrice que devait remplir le rassemblement de la « Famille spirituelle ».
‘« Quand c’est possible, pour les funérailles des meilleurs chrétiens ou de ceux que nous connaissons bien, nous essayons de persuader la famille de demander une heure assez matinale pour que la messe soit chantée devant la dépouille mortelle. Sans doute parce que ces funérailles où tout le monde prie, où tout le monde prend part aussi au Sacrifice, où presque tout le monde communie sont émouvantes et consolatrices, elles nous sont de plus en plus demandées par les familles chrétiennes. » 647 ’Mais l’exigence de Laurent Remillieux signifiait plus que la volonté de prendre en charge la douleur et l’angoisse des proches du disparu. L’angoisse de mort était partagée par tous les paroissiens et c’était cette angoisse collective qu’il fallait aussi gérer. Les rituels funéraires n’étaient pas seulement à envisager par rapport à l’individu. Leur fonction thérapeutique ne se résumait donc pas à calmer l’angoisse existentielle de chacun des membres du groupe paroissial. Les pratiques du deuil apparaissaient également comme des actes de sociabilité en ce qu’elles luttaient contre la perturbation introduite par la disparition d’une personne dans l’harmonie du groupe auquel elle appartenait, groupe familial d’abord, groupe structuré par les liens du voisinage ensuite, groupe paroissial aussi.
L’exemple suivant se focalise sur le déséquilibre familial causé par la mort du père, mais il commence par évoquer directement le groupe plus large des habitants du quartier. Parmi ces derniers, certains étaient inclus dans le groupe des paroissiens. Laurent Remillieux leur assignait un rôle actif dans la résolution du deuil des Bouvier, qui devait aboutir à la restructuration de la cellule familiale et au retour à l’équilibre, et qui aiderait à leur réinsertion dans le groupe des habitants du « quartier » auxquels ils appartenaient.
‘« Tous ceux qui appartiennent au quartier connaissent Monsieur Joseph Bouvier, père de famille de sept enfants, demeurant 11 rue Pierre Sonnerat. Dans la nuit de dimanche à lundi, sans que rien n’ait pu le faire prévoir pour aussi tôt, Dieu l’a rappelé à Lui. […]Chaque fois que disparaissait un membre d’un groupe particulier, un habitant du « quartier », un enfant des écoles paroissiales, un « camarade de l’Albanaise » ou un fervent de la « Famille spirituelle », l’abbé Remillieux sollicitait en fait la présence de tout le groupe à la messe des funérailles.
‘Pour le décès de Mme Morard :Les pratiques communautaires liées à la mort permettaient de pallierla perte du membre de ce groupe.Les rites avaient bien pour mission de réinstaurer l’équilibre du tissu relationnel de chacun des groupes et de maintenir leur cohésion 652 .
Si la réunion de toute la communauté paroissiale exprimait une solidarité envers ceux qui souffraient, elle concrétisait ainsi sa propre existence.
‘« L’assistance à ces messes de défunts, si nous n’en sommes pas absolument empêchés par un devoir d’état doit devenir pour nous une pieuse habitude qui marquera d’une façon très touchante quelle grande famille veut être Notre-Dame Saint-Alban. » 653 ’L’appel était même susceptible de dépasser les limites du groupe des pratiquants voire des croyants.
‘« Dans une famille, dans la nôtre, les douleurs et les joies rapprochent. Souffrir ensemble, jouir ensemble créent les liens les plus doux et les plus forts.En proposant aux incroyants de s’associer à la prière de l’Eglise catholique, le prêtre montrait sa volonté de créer, à partir du culte rendu aux morts du futur territoire paroissial et du partage d’un vécu, les liens qui contribueraient à fonder un espace socialisé au sein de la périphérie urbaine. Les textes datant du milieu des années 1930 montraient un repli des exigences de Laurent Remillieux. La « Famille spirituelle », était désormais la seule concernée par les invitations.
‘« Tous les chrétiens et toutes les chrétiennes susceptibles de s’associer par la prière aux funérailles entièrement chrétiennes de l’ami que nous avons perdu sont convoqués, par lettre personnelle. » 655 ’La restriction rendait compte de la modification des données démographiques et sociales du territoire paroissial. L’expansion de la population amplifiait son anonymat et il était devenu clair que la communauté paroissiale qu’avait désiré fonder le clergé de Notre-Dame Saint-Alban n’engloberait jamais tous les habitants. Le projet religieux redéfini à partir de la promotion du renouveau paroissial se recentrait sur une communauté plus étroite et les funérailles fournissaient désormais une occasion de tester la dynamique du groupe des pratiquants de Notre-Dame Saint-Alban, sa cohésion et sa disponibilité vis-à-vis des exigences pastorales de son curé.
Dans l’essai préparé pour les éditions Bloud et Gay, Laurent Remillieux présentait désormais l’assistance aux messes pour les défunts comme une pratique unissant les membres les plus fervents de la « communauté paroissiale ». Les parents et les amis du disparu recevaient toujours une lettre d’invitation qui leur proposait de se joindre à la « Famille spirituelle », mais ils ne formaient plus le centre de la célébration. Ils étaient exclus du « nous » qui désignait « l’élite paroissiale ».
‘« Nous tenons beaucoup à ces messes. Elles sont presque toujours la messe que nous appelons « la messe de la Famille Spirituelle ». Pour permettre aux Etudiantes Infirmières et Visiteuses d’y prendre part ainsi qu’aux personnes qui doivent être au travail à 8 h en dehors de chez elles, cette messe est célébrée chaque jour à 6 h 15.Les « défunts inconnus » étaient les morts de l’Institut médico-légal dont le clergé de Notre-Dame Saint-Alban avait la charge. Les prêtres de la paroisse et le noyau de pratiquants les plus engagés s’efforçaient de mettre en œuvre la charité de l’Eglise catholique et de remplir pour le mort inconnu les devoirs des chrétiens : l’accompagner dans sa dernière demeure et prier pour le repos et le salut de son âme. Comment imaginer abandonner au néant les dépouilles de ceux qui mouraient dans l’obscurité d’un acte criminel ou suicidaire ou dans la solitude de leur vie ?
‘« Dans la grande salle de la Morgue, quand nous nous trouvons devant la dépouille mortelle d’un frère ou d’une sœur en Jésus-Christ et en humanité, nous nous souvenons […] de ce que Jésus-Christ mourant sur la croix a éprouvé pour toutes les âmes douloureuses. Par ses souffrances et par sa mort, il a voulu les sauver toutes. Devant les pauvres cercueils, le même sentiment nous étreint. Parmi les âmes défuntes ce sont ces âmes-là qui sont les plus oubliées. Aussi est-ce à elles que nous nous devons davantage. » 657 ’Il fallait aussi recevoir la peine des proches de l’être emporté par une mort brutale ou réprouvée. Après la célébration de la messe, Laurent Remillieux invitait les quelques parents ou amis présents à prendre une tasse de café au presbytère et les écoutait parler du défunt. En leur ouvrant l’église paroissiale et le presbytère, il reconnaissait leur douleur personnelle et les aidait à inscrire cette dernière dans une communauté sociale. Il leur offrait finalement le premier lieu de sociabilité où pouvait être entamé le travail du deuil.
Les explications que Laurent Remillieux formulait pour ses futurs lecteurs insistaient surtout sur les perspectives « missionnaires » qu’impliquait la situation. De ce rapprochement découlaient parfois « la régularisation d’un mariage » ou un baptême. La participation aux cérémonies de Notre-Dame Saint-Alban déclenchait l’émotion propre à susciter la conversion ou le retour à l’Eglise. C’était en revenir à l’exemplarité du fonctionnement paroissial : la communauté de fervents créée par l’abbé Remillieux donnait à voir son rayonnement. Etroitement associées aux cérémonies mettant en scène l’union des fidèles de la paroisse, les funérailles célébrées pour la morgue municipale pouvaient encore témoigner des liens fusionnels qui structuraient le groupe paroissial et l’articulaient autour des conceptions de son curé. Cela apparaissait de façon éclatante quand la messe des funérailles coïncidait avec la messe communautaire dominicale, célébrée à 7 heures.
‘« Il n’est pas rare, surtout en été, que des funérailles venant de la morgue, soient fixées à cette heure matinale. Ce sont les heures dont personne ne s’accommode… Pour nous c’est une aubaine spirituelle. La prédication aura une portée plus profonde que d’habitude. […]La description de la suite de la cérémonie reprenait la liste des changements liturgiques introduits dans la paroisse, en insistant sur la traduction des prières et sur la participation active des fidèles. La charge d’aumônerie remplie auprès de l’Institut médico-légal servait les intérêts de la « Famille spirituelle » en permettant au groupe d’affirmer en cette occasion encore sa cohésion et sa différence.
On ne peut s’empêcher de noter l’ambiguïté qui troublait, ici comme dans d’autres situations exposées au cours du chapitre précédent, la finalité de l’action missionnaire : en œuvrant pour le salut des oublieux de Dieu, les membres de la communauté paroissiale travaillaient pour leur propre accomplissement spirituel. On assistait à leur ascension personnelle vers le Christ. Ce que nous ont appris les derniers développements, c’est, d’une part, que ce cheminement spirituel ne pouvait pas être réalisé en dehors du groupe qui abritait leurs croyances et leurs espérances et, d’autre part, que l’expérience vécue au sein de ce groupe ne revêtait peut-être pas la même signification pour tous. Utopie paroissiale, cette expérience devenait l’anticipation de la vie religieuse d’une communauté idéale, qui s’imposerait dans l’avenir rêvé par Laurent Remillieux. Mais le groupe des fervents de Notre-Dame Saint-Alban, qui, selon le discours diffusé par le clerc, devait vivre de ses valeurs et de ses pratiques religieuses, offrait aussi à ses participants une structure de sociabilité à même de satisfaire certains de leurs besoins sociaux : il vivait également de ses pratiques sociales.
Les itinéraires esquissés tout au long de ce chapitre ont confirmé que l’adhésion au projet religieux était loin de constituer la seule motivation des paroissiens les plus pratiquants de Notre-Dame Saint-Alban. Se reconnaître dans le projet religieux manifestait l’appartenance au groupe, mais le bénéfice de cette appartenance dépassait le champ du sacré. Le partage d’une expérience d’essence spirituelle nouait des liens qui s’exprimaient en dehors des célébrations religieuses. Il justifiait la solidarité qui se déployait dans les moments difficiles de l’existence, les échanges qui enrichissaient le quotidien, les rencontres qui alimentaient la vie sociale des individus, des couples, des familles. Il définissait des critères de choix relationnels, qui établissaient autant de repères au sein de la société que formaient les habitants du territoire paroissial. Une preuve supplémentaire pourrait être trouvée dans l’impression plusieurs fois éprouvée que l’appartenance à un groupe d’Action catholique ou la participation active à l’une des œuvres paroissiales prenaient plus d’importance dans la vie de certains pratiquants que la communion spirituelle recherchée par Laurent Remillieux. Quand ils évoquent les cérémonies célébrées à Notre-Dame Saint-Alban, les témoins rencontrés rappellent certes la ferveur particulière qui les enveloppait. Mais ils attribuent cette ferveur à la personnalité charismatique de leur curé et s’ils s’en réclament eux-mêmes, c’est surtout pour marquer leur différence vis-à-vis des autres paroisses et par là-même affirmer l’existence de leur groupe.
Mais il ne faut pas non plus perdre de vue la finalité du discours tenu par Laurent Remillieux sur sa paroisse ou ses autres destinataires. Dès la fondation de Notre-Dame Saint-Alban, la réalité paroissiale ne s’était jamais jouée exclusivement sur son territoire institutionnel. Nous avons pu le vérifier en étudiant les conditions de sa naissance, en définissant les enjeux et les modalités d’introduction du renouveau paroissial, en évoquant ceux qui revendiquaient le modèle proposé par l’abbé Remillieux et son équipe, ou encore en rencontrant dans les registres de catholicité certains des paroissiens extra-muros qui ont fait à l’extérieur de Notre-Dame Saint-Alban sa publicité. Comme dans le cas des paroissiens « officiels », leur participation au projet spirituel défini pour la communauté paroissiale, et donc leur usage du sacré dans un cadre territorial qui leur était étranger, pouvaient donner lieu à plusieurs interprétations. Ils disaient trouver à Notre-Dame Saint-Alban les formes accomplies d’une vie religieuse qui leur étaient ailleurs refusées. Les cérémonies célébrées répondaient à leur besoin de sacré et la pratique d’un catholicisme social ouvert sur un monde à convertir s’accordait à leurs valeurs sociales et politiques. Mais en venant s’inclure dans l’expérience spirituelle vécue à Notre-Dame Saint-Alban, n’exprimaient-ils pas eux aussi leur appartenance à un même groupe, non plus formé sur une base territoriale, mais à partir d’un réseau de relations, qui déterminaient les contours d’un milieu particulier du catholicisme lyonnais ? Il s’agit pour finir de retrouver ceux et celles que nous avons abandonnés pour explorer le fonctionnement du groupe paroissial constitué par des habitants de la périphérie urbaine, et de quitter un questionnement articulé autour du concept de territoire pour en revenir aux problématiques posées par les notions de milieu et de réseau.
En dernier ressort, l’analyse de la fréquentation paroissiale nous ramène donc à une élite de militants, non pas celle qui, résidant sur le territoire paroissial, s’engageait dans les œuvres paroissiales et répondait aux exigences de son curé, mais celle qui, venue d’ailleurs, trouvait dans Notre-Dame Saint-Alban un point d’ancrage spirituel. Fréquenter la paroisse de Laurent Remillieux devint pour ces individus un des signes de leur appartenance à un même groupe, un groupe lié par un idéal religieux et une vision commune du monde. L’ouverture de la paroisse à cet ailleurs du territoire institutionnel devait beaucoup à ses fondateurs et aux conditions de sa fondation. En identifiant les intervenants ponctuels, entraînés à Notre-Dame Saint-Alban par Laurent Remillieux ou par Victor Carlhian, et les paroissiens « extra-muros », comme on les appelait alors, on renouera avec les premiers développements de la thèse qui ont exploré le réseau du catholicisme social dans lequel s’inséraient nos deux fondateurs. Même absorbé par sa charge curiale, Laurent Remillieux continua à cultiver et à élargir son réseau relationnel, à s’investir dans de multiples causes, tandis que Victor Carlhian multipliait ses engagements intellectuels et religieux. La vie paroissiale de Notre-Dame Saint-Alban fut affectée par ces engagements, non seulement parce que certaines de ses réalisations en procédèrent, mais aussi parce qu’ils impliquèrent une dualité du public paroissial, de ses attentes et de ses exigences. Bref, sur le territoire paroissial se jouaient deux réalités, l’une qui s’insérait dans la vie sociale de la périphérie urbaine, l’autre qui était négociée loin de Notre-Dame Saint-Alban mais qui se reflétait en elle. C’est à la recherche de la deuxième de ces deux réalités que nous partons maintenant.
H. Ch. Chéry, O.P., Communauté paroissiale et liturgie…, op. cit., p. 131.
Laurent Remillieux cité par H. Ch. Chéry, O.P., Communauté paroissiale et liturgie…, op. cit., p. 131-132.
Laurent Remillieux revient à plusieurs reprises sur ce sujet dans l’essai écrit pour les éditions Bloud et Gay. Le chapitre 7, p. 33-43, développe notamment le thème des enterrements, occasion d’un apostolat de conquête. Robert Flacelière évoque l’enterrement « d’un savant célèbre, membre de l’Institut, détenteur d’un prix Nobel [sic] », après avoir mis en valeur les caractéristiques des funérailles célébrées à Notre-Dame Saint-Alban, in Renaissance liturgique et vie paroissiale, op. cit., p. 133-134. Si l’on peut tenter le rapprochement entre le savant évoqué par Robert Flacelière et Victor Grignard, on ne peut néanmoins pas lui attribuer un prix Nobel qu’il n’a jamais eu.
H. Ch. Chéry, O.P., Communauté paroissiale et liturgie…, op. cit., p. 129-130.
Ibid., p. 142-145.
Pour interpréter la structure de ce récit, on peut utiliser la grille de lecture appliquée par Frédéric Gugelot aux récits de conversion des intellectuels qu’il a étudiés au cours de sa thèse, Conversions au catholicisme en milieu intellectuel. 1885-1935, op. cit., voir le chapitre I, « Le récit de conversion : un genre apologétique particulier », de la troisième partie intitulée « Témoigner pour Dieu ».
On peut identifier l’oratorien en question, le père Dieux, prédicateur fort connu, spécialiste des réunions contradictoires. Voir la notice biographique qui lui est consacrée dans le tome 3 de Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain, « Marie-André Dieux, p. 791.
Dossier « Envoi Bloud et Gay », p. 47.
Même si Laurent Remillieux écrit dans son essai pour les éditions Bloud et Gay, p. 41 : « Cette scène dont tous les fidèles sont les acteurs sincères a été souvent l’occasion d’une révélation pour les incroyants ou pour les chrétiens de surface ; plusieurs fois aussi, cette révélation a été suivie de conversion », hormis celui de Victor Grignard, il n’expose aucun autre cas précis.
Papiers Colin, Dossier « Envoi Bloud et Gay », copies d’extraits de bulletins paroissiaux conservés par Joseph Folliet, pour l’essentiel.
Philippe Rouillard, Histoire des liturgies chrétiennes de la mort et des funérailles, Paris, Les Editions du Cerf, 1999, 216 p., p. 110. L’auteur, moine bénédictin et docteur en théologie, insiste dès son introduction sur la prise en compte des besoins humains, psychologiques, par le discours et l’action de la liturgie chrétienne au moment du douloureux passage de la vie à la mort. Cette première citation est extraite de la première phrase de sa conclusion. La valorisation de cette dimension de la liturgie chrétienne de la mort montre son importance.
Ibid., p. 8.
Lettre de Jules Monchanin à sa sœur Nina, écrite à Roanne le 21 novembre 1918, A.M.L., Papiers Monchanin, 18 II, citée dans le chapitre précédent.
Laurent Remillieux cité par H. Ch. Chéry, O.P., Communauté paroissiale et liturgie…, op. cit., p. 131-132.
Louis-Vincent Thomas, Rites de mort. Pour la paix des vivants, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1985, 294 p. Parce qu’elle a aidé l’analyse à sortir du discours intra-catholique, la lecture de cet ouvrage a été essentielle dans la progression de la réflexion. Deux axes de lecture organisent le propos de L.-V. Thomas. D’une part, l’auteur pose comme hypothèse de travail que « le rituel funéraire répond à une exigence universelle » (p. 115), mais qu’il constitue aussi « un aspect clé » d’un « système culturel » et qu’en cela il « permet de saisir l’environnement social hic et nunc, par-delà des invariants universels » (p. 119). D’autre part, toute l’étude est animée par la thèse selon laquelle « la ritualisation, qui implique la socialisation, est une thérapie efficace de l’angoisse de mort » (p. 213). Les deux axes conduisent l’historien non seulement à intégrer une réflexion de type anthropologique à l’analyse historique, mais aussi à décloisonner les champs des histoires religieuse, culturelle et sociale.
Sauf mention contraire, les citations de ce paragraphe et du paragraphe suivant sont toutes extraites de l’avant-propos de l’ouvrage de L.-V. Thomas, p. 7-16.
La fin du paragraphe reprend certaines des réflexions développées par L.-V. Thomas autour des problèmes de la « laïcisation » et de la lutte contre la « déchristianisation de la mort », p. 102-103.
Invitation à une messe chantée à l’intention de Mme Anne Paris, datée du 27 mai 1923, Papiers Colin.
Invitation à une messe de requiem à l’intention de Mme Mallet, datée du 20 juillet 1924, Papiers Colin.
Annonce d’une messe chantée pour Mme Morard, datée du 20 janvier 1924, Papiers Colin.
Annonce d’une messe à l’intention de Mme Perraut-Novelle, datée du 2 mars 1924, Papiers Colin. Les passages soulignés le sont pour les besoins de la démonstration.
Invitation à une messe chantée pour le repos de l’âme de M. Ballet, datée du 19 octobre 1922, Papiers Colin.
Annonce d’une messe à l’intention de Joseph Trippier, non datée, Papiers Colin.
Invitation à une messe chantée à l’intention de Mme Terme, datée du 25 janvier 1925, Papiers Colin.
Invitation à la messe de funérailles de M. de Laroue, datée du 21 mai 1925, Papiers Colin.
Invitation à une messe pour Mme Cros, Papiers Colin.
Invitation, datée du 7 décembre 1924, à deux « messes des anges », célébrées pour Henri Magnin et Claudius Montagnon, Papiers Colin.
Elle a été recensée en 1911, avec son époux et cinq de ses enfants chemin de Croix Morlon à Saint-Alban, ancienne dénomination de la rue Bataille. On ne relève aucune trace de cette famille dans les listes nominatives de 1921.
Copie dactylographiée de l’annonce des funérailles de Mme Morard, datée du 13 janvier 1924, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.
Invitation à la messe célébrée à l’intention de M. le Lieutenant Emile Hautier, datée du dimanche 24 mai 1925, Papiers Colin.
Annonce de la messe des enfants célébrée en souvenir d’Anna Bouvard, datée du 13 janvier 1924, Papiers Colin.
Annonce d’une messe chantée pour Mme Morard, datée du 20 janvier 1924, Papiers Colin.
Invitation à la messe célébrée à l’intention de M. le Lieutenant Emile Hautier, datée du dimanche 24 mai 1925, Papiers Colin.
Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial, La Semaine religieuse et familiale, du 15 au 22 décembre 1940, Papier Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.
Invitation à une messe chantée pour le repos de l’âme de M. Ballet, datée du 19 octobre 1922, Papiers Colin.
Dossier « Envoi Bloud et Gay », p. 44.
Invitation à une messe de funérailles, copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial du 25 octobre 1927, Papier Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.
Annonce d’une messe chantée pour Mme Morard, datée du 20 janvier 1924, Papiers Colin.
Annonce de la messe des enfants célébrée en souvenir d’Anna Bouvard, datée du 13 janvier 1924, Papiers Colin.
Invitation, datée du 7 décembre 1924, à deux « messes des anges », célébrées pour Henri Magnin et Claudius Montagnon, Papiers Colin.
Cette problématique a constitué le fil directeur d’un colloque international organisé par le Département Santé et Société de l’Université Paris-Val-de-Marne et par l’équipe de recherches sur les traités de savoir-vivre en Europe du CRLMC de l’Université Blaise Pascal à Créteil les 21-22-23 mai 1992. Les actes du colloque ont été publiés l’année suivante, Savoir mourir, Textes réunis et présentés par Christiane Montandon-Binet et Alain Montandon, Paris, Editions L’Harmattan, coll. « Nouvelles Etudes Anthropologiques », 1993, 310 p. La publication qui réunit des communications d’historiens, d’anthropologues, de psychanalystes, permet de compléter, par des études de cas, l’approche plus synthétique proposée par l’ouvrage de L.-V. Thomas.
Annonce, rédigée par Laurent Remillieux et datée du 24 février 1924, de trois messes de défunts célébrées pour Mme Savignard, M. Teppe et M. de Mijolla. On remarquera, dans la continuité des réflexions développées dans le troisième chapitre sur le thème des conditions de la fondation paroissiale, que le culte rendu aux morts mêle aux cérémonies organisées pour les morts du territoire paroissial celles qui l’étaient pour les disparus des familles Remillieux et Carlhian. Ainsi, Marie Savignard, veuve, née en 1859, a été recensée en 1921 au 11 de la rue Montvert. Elle occupait alors un emploi au service des Contributions du Ministère des Finances. La même annonce réclame la présence des fidèles pour une messe célébrée à l’intention de M. de Mijolla, membre par alliance de la famille Carlhian.
Copie dactylographiée d’une invitation à une messe pour un défunt, datée du 16 janvier 1921, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.
Dossier « Envoi Bloud et Gay », p. 45
Ibid., p. 41-42.
Ibid., p. 35.
Ibid., p. 39-40.