2 – De l’Allemagne à Notre-Dame Saint-Alban

Dans l’ouvrage de Jean-Claude Delbreil sur Les catholiques français et les tentatives de rapprochement franco-allemand (1920-1933) 824 , l’engagement de Laurent Remillieux est saisi dans son immédiateté, dans sa diversité et dans toute sa ferveur. Son nom est mentionné dès la première partie de l’étude, consacrée aux « pionniers du rapprochement » des années 1919-1925 et une notice lui est réservée au titre des « initiatives diverses », exposées dans la troisième partie qui porte sur la période pré-hitlérienne 825 . Son action multiple et son insertion dans différents réseaux du rapprochement franco-allemand sont soulignées pour montrer l’originalité de son apport : Jean-Claude Delbreil écrit que le curé de Notre-Dame Saint-Alban mêla la réflexion spirituelle menée sur l’universalité de l’Eglise à ses activités paroissiales et qu’il se donna comme l’un des « agents de liaison » des catholicismes français et allemand. Tout au long de son ouvrage, l’historien propose des explications qui permettent de replacer cet engagement au sein du catholicisme français des années 1920. Ainsi, quand il commence par distinguer un groupe de catholiques marginaux refusant, dès 1919, le patriotisme de droite qui a rallié la majorité, nous conduit-il à réfléchir sur la position des anciens sillonnistes. Laurent Remillieux semble avoir suivi le combat de Marc Sangnier pour la paix 826 et celui de la Jeune République bien représentée dans son entourage. Puis quand Jean-Claude Delbreil met en exergue la thèse de l’internationalisme et de l’universalisme, il insiste sur l’analogie de la pensée d’un prêtre ultramontain avec la doctrine officielle du Saint-Siège. Mais il ne faut pas oublier que Laurent Remillieux, prêtre catholique français, marginal au sein de la majorité patriote, se démarquait aussi de la minorité à laquelle il appartenait par son action en faveur du rapprochement franco-allemand. Son combat pour la paix et l’Allemagne, mené à partir de 1919, ne figurait pas dans sa vie comme une rupture après l’expérience de la guerre. Nul tournant n’est à chercher dans la pensée de Laurent Remillieux sur l’Allemagne à cette date. L’une des originalités du parcours du curé lyonnais se définit ici : l’engagement de cette minorité de catholiques donna à Laurent Remillieux l’opportunité de renouer les liens qu’il avait tissés avec l’Allemagne avant la Grande Guerre. Contrairement à beaucoup d’autres, son engagement n’était pas né du constat des conséquences tragiques de la guerre. Il s’inscrivait dans la continuité plus longue de la problématique qui avait défini une des logiques de sa vie avant 1914. Là réside encore l’intérêt d’une analyse s’attachant à la personnalité de Laurent Remillieux : en définitive, comme tout au long des aspects biographiques développés au cours de la thèse, il s’agit de mesurer l’écart qui éloignait le curé de Notre-Dame Saint-Alban des prises de position des différents groupes dans lesquels il œuvrait, cet écart qui le singularisait et qu’il fallait rapporter tout autant à son statut, à sa formation, à son lien avec l’institution, qu’à son histoire personnelle.

Notes
824.

Jean-Claude Delbreil, Les catholiques français et les tentatives de rapprochement franco-allemand (1920-1933), Université de Metz, S.M.E.I., 1972, 254 p. L’ouvrage est la version abrégée d’une thèse de doctorat de 3e cycle soutenue à la Sorbonne en juin 1969.

825.

Ibid., p. 192-193.

826.

L’Institut Marc Sangnier a consacré à ce thème une journée d’études le 26 septembre 1997, dont les actes ont été publiés sous le titre Marc Sangnier. La guerre, la paix (1914-1939), Paris, Institut Marc Sangnier avec le concours du Centre d’histoire des sociétés, Université de Picardie-Jules Verne, de l’Ecole doctorale « mondes contemporains », Université Paris IV-Sorbonne, du journal Ouest-France, 1999, 233 p. Trois contributions ont retenu mon attention : Jean-Claude Delbreil, « Le contexte français et européen des débuts de l’action internationale de Marc Sangnier après la 1ère guerre mondiale, p. 21-51 ; Olivier Prat, « La paix par la jeunesse », p. 55-81 ; Winfried Becker, « Le Pacifisme sous la République de Weimar et ses liens avec Marc Sangnier et Bierville », p. 171-195.