EPILOGUE : Paroisse en guerre : les suites logiques de l’histoire

Quand il évoque l’épisode de l’installation de Hans Wirtz en Suisse, Régis Ladous explique que la « Maison internationale » de Vitznau « servit de refuge ou d’étape pour les militants chrétiens qui, à l’instar d’Egon Formans, avaient été internés en 1933-1934 dans une prison ou un camp de concentration, puis expulsés hors du Reich » 1 . Il place cette histoire au cœur du deuxième paragraphe d’une partie de son article, intitulée « 1933-1939 : l’entrée en résistance ». En insistant sur les « démarches répétées » de Laurent Remillieux, sa médiation assurant le succès de l’entreprise, il en fait l’un des premiers acteurs catholiques français de cette résistance spirituelle puis active au nazisme qui devient la thématique essentielle des cinq pages suivantes de son étude. Puis le texte glisse vers les autres responsables du mouvement Compagnons et retrace essentiellement les liens entretenus jusqu’à la guerre avec les anti-nazis rencontrés au temps de la militance pour le rapprochement franco-allemand, tout en donnant un aperçu des analyses lucides de Joseph Folliet sur la situation des catholiques allemands après 1935. La partie se termine par la mention des convictions anti-munichoises de Georges Hourdin, « ami et compagnon de Folliet, collaborateur de Temps présent et de l’Aube » 2 . Une conclusion partielle, servant de transition à un développement sur une résistance active pendant la Deuxième Guerre mondiale, résume sa thèse : « Associé à leur éducation démocrate – pacifiste, ce genre de contact développa chez les CSF un esprit de résistance qui se manifesta après l’Armistice » 3 . Il peut ensuite, dans la partie consacrée à la « Résistance franco-allemande à l’occupation nazie », dégager « du côté CSF » « deux groupes : l’équipe de Témoignage chrétien, et les activistes / propagandistes de Notre-Dame Saint-Alban » 4 , au premier rang desquels il place Laurent Remillieux.

‘« Du côté de Notre-Dame Saint-Alban, l’atmosphère devint parfaitement surréaliste. Au presbytère, il était plus facile de rencontrer un rescapé des Brigades internationales ou un Juif russe qu’un prêtre auvergnat. De l’activité multiforme de Remillieux et de ses compagnons, on ne retiendra ici que ce qui dérive directement de ses responsabilités et de son expérience d’aumônier in partibus des CSF : son art d’associer les exilés catholiques allemands à la propagande anti-nazie et aux actions de résistance. » 5

Les conclusions ne résistent pourtant pas à l’examen des sources.

Il a déjà été démontré que le partage des expériences au sein d’un groupe n’excluait pas la divergence des itinéraires individuels. Il reste impossible d’assimiler Laurent Remillieux à la lucidité politique du journaliste de Temps présent et de L’aube. Il ne s’agit évidemment pas de prêter au curé de Notre-Dame Saint-Alban la « complaisance équivoque envers l’Allemagne hitlérienne » qu’accorde Régis Ladous à « nombre de Français » qui, pour sauver « la paix à tout prix » préférèrent « pactiser avec le nazisme ». Le nazisme n’appartenait tout bonnement pas au monde dans lequel évoluait Laurent Remillieux, à son univers mental, alors que ses séjours en Allemagne se poursuivaient au cours des années qui voyaient la mise en place de la dictature et la radicalisation du régime national-socialiste. Une lettre adressée au Cercle Saint-François d’Assise le 18 octobre 1933 annonçait la présence du consul d’Allemagne et de son épouse lors d’une réunion qui se tiendrait pendant la « semaine Viollet » 6 . Laurent Remillieux y voyait une nouvelle occasion d’affirmer les progrès de la réconciliation franco-allemande et de poser le problème de la paix.

‘« En relation étroite avec l’angoissant problème de la Paix, je vous signale la réunion familiale du lundi soir 23. Nous aurons au milieu de nous Mr le Docteur Strohm, Consul d’Allemagne et Mme. Vous savez peut-être par le journal qu’il est rappelé à Berlin pour « exercer de hautes fonctions ». Nous prendrons congé de lui, il prendra congé de nous. Je suis certain que ce sera une perspective ouverte sur le problème si douloureux qui nous passionne, celui de la Paix dans notre Occident, troublé par tant de passions collectives égoïstes. » 7

Joseph Folliet a évoqué les liens que Laurent Remillieux a entretenus avec ce consul d’Allemagne pourtant protestant 8 . Il note par exemple qu’il fut reçu officiellement à l’école paroissiale à l’occasion de lettres et de jeux envoyés par des enfants allemands aux petits Lyonnais. Joseph Folliet explicite aussi les « hautes fonctions » pour lesquelles le consul fut rappelé à Berlin.

‘« C’était un brave homme, sincèrement pacifique et ami de la France : il eut, par malheur, après l’avènement du nazisme, la malencontreuse idée de se laisser embrigader dans l’équipe d’Otto Abetz. »’

Joseph Folliet laisse entendre que le ralliement du consul au pouvoir hitlérien pouvait coïncider avec un pacifisme sincère. Cherche-t-il dans cette interprétation a posteriori le moyen de protéger Laurent Remillieux et d’expliquer l’absence de discernement politique que révélait cette volonté de maintenir des liens cordiaux en dépit du virage que prenait l’Etat hitlérien ? En fait, pour comprendre l’attitude de Laurent Remillieux vis-à-vis de l’Allemagne nazie, il faut à la fois la replacer dans le contexte de la France pacifiste des années 1930 9 et renouer les fils de son histoire personnelle.

Le curé de Notre-Dame Saint-Alban semblait ignorer les quelques mois de pratique politique qui avaient déjà permis à la terreur nazie de s’emparer de l’Allemagne. En cela, il ne se différenciait pas de la majorité des partisans de l’entente franco-allemande, que Jacques Bariéty a étudiés au moment de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, dans une contibution à un colloque qui s’est tenu en Sorbonne en 1987 10 . L’historien de l’Allemagne dresse le contexte de l’année 1932 en évoquant l’ouverture à Genève de la Conférence Internationale du Désarmement et montre dans un premier temps que, « dans la classe politique et dans l’opinion publique françaises, la question du désarmement et la crainte de manquer l’occasion de la consolidation de la paix par le désarmement l’emport[aient] sur l’observation du nazisme et la réflexion sur l’évolution de l’Allemagne » 11 . Puis il explique que la nomination de Hitler à la chancellerie le 30 janvier 1933 ne fut pas « perçue comme une césure » et que la classe politique ne se sentit pas tenue de réviser la politique allemande de la France. « Les discours et l’attitude rassurants » 12 du nouveau chancelier n’éveillèrent pas les méfiances et suscitèrent même les espoirs de nombreux partisans de l’entente franco-allemande. L’évolution de l’Eglise catholique allemande et de sa hiérarchie, multipliant les concessions jusqu’à la signature du Concordat en juillet 1933, troublaient plus encore le débat. Pourtant, dans les milieux catholiques allemands, des voix dissonantes s’étaient déjà élevées avant le 30 janvier 1933 pour dénoncer la perversité du national-socialisme et le comportement de certains catholiques. Le directeur de la Rhein-Mainische Volkszeitung, dont Laurent Remillieux était un lecteur, Walter Dirks, ne ménageait pas ses efforts en ce sens, tandis que le père Stratmann appelait au printemps 1933 au maintien des principes et s’élevait contre toute compromission 13 . Il n’en restait pas moins que la FDK avait toujours représenté une minorité de catholiques et qu’en dépit des liens privilégiés que Laurent Remillieux entretenait avec ses membres, il demeurait aussi en relation avec le catholicisme institutionnel aux positions plus réservées 14 .

Le 5 mars 1933, l’abbé Remillieux avait été invité à présenter un exposé sur le Zentrum devant les étudiants des Facultés catholiques de Lyon. Joseph Folliet rapporte dans sa biographie que la séance fut présidée par Charles Boucaud 15 . Un exemplaire dactylographié du texte de la conférence, annoté par Laurent Remillieux, a été conservé dans les Papiers Remillieux-Thomasset 16 . Le jour même avaient lieu en Allemagne les premières élections législatives organisées par le pouvoir nazi et les résultats n’étaient pas encore connus. Pour préparer son exposé, Laurent Remillieux avait sollicité ses amis allemands et il mentionnait dans son texte les informations et les avis recueillis auprès de Nikolaus Ehlen et d’autres, dont il taisait le nom. Deux lettres jointes au texte de la conférence apprennent que, par l’intermédiaire de Paulus Lenz, secrétaire de la FDK depuis 1930, il avait obtenu un contact avec un professeur de lycée, Josef Rüther, qui lui fournit une partie substantielle de son exposé 17 . Laurent Remillieux commença par définir les enjeux des élections du 5 mars 1933, en rapprochant la situation du Zentrum de celle du Parti Populaire italien au moment de l’arrivée au pouvoir de Mussolini, et par demander si le parti catholique allemand connaîtrait le même sort que son homologue italien, « désagrégé et étouffé par le dictateur Mussolini ». Les dictatures de Mussolini et de Hitler étaient associées au contexte de crise économique et à la montée des égoïsmes nationaux qui allaient à l’encontre des « liens de solidarité fraternelle » nécessaires à l’épanouissement de la « famille humaine » qui, elle, ne connaissait pas les frontières. Avant de proposer un historique du Zentrum, de ses principes et de ses combats sous le IIe Reich et de rappeler son rôle pendant la République de Weimar, Laurent Remillieux revint sur un entretien donné quelques jours auparavant à Berlin par son secrétaire général, M. Vockel, à un journal parisien. Il évoqua la censure qui avait frappé au milieu du mois de février les principaux organes de la presse catholique politique, dont le journal officiel du parti, la Germania. Les journaux socialistes avaient déjà été soumis à l’interdiction du pouvoir. Un peu plus tard dans son exposé, il fit une allusion aux « mesures extrêmement graves de répression » prises au cours de la dernière quinzaine. Les propos qu’il cita faisaient état de la propagande mise en œuvre par les nazis, véritable « bourrage de crâne, pratiqué par un gouvernement qui demand[ait] à se substituer à l’opinion publique ». Laurent Remillieux continua en rapportant les commentaires du journaliste parisien, dubitatif sur le succès des mises en scène hitlériennes dans ces manifestations officielles, dont « l’insipide uniformité » « écœur[ait] les plus résistants », à tel point qu’il ne croyait plus que « l’hitlérisme triomphateur » connaîtrait auprès de la foule des électeurs la même réussite que « l’hitlérisme souffrant et persécuté ». Le secrétaire général du Zentrum était lui-même persuadé de l’incapacité des nazis à recueillir une majorité absolue et, dans cette configuration, ne rejetait pas l’idée d’un gouvernement de coalition dans lequel figurerait son parti pour empêcher que le règne d’Hitler ne dégénérât en dictature. Parlant au nom de la jeunesse catholique allemande qu’il disait bien connaître, Laurent Remillieux se déclara peiné et scandalisé par la position adoptée. On ne pouvait pas attendre le salut de combinaisons politiques dans le Reichstag et l’abbé Remillieux reprochait au Zentrum de n’avoir cherché, pendant toutes les années de la République de Weimar, qu’à assurer la légalité constitutionnelle et d’avoir ainsi détourné de lui la jeunesse. Mais les jeunes hommes formés à l’école du pacifisme ne sauraient devenir « les disciples de Hitler » : « leurs buts [étaient] plus hauts, [étaient] plus humains, parce que essentiellement chrétiens ». Laurent Remillieux était allé chercher auprès de Nikolaus Ehlen la réponse au problème de la désaffection de la jeunesse pour le Zentrum. Sa soif de probité se heurtait aux stratégies et aux compromis liés à la gestion du pouvoir. Les vieux centristes étaient désormais « incapables de saisir les idées vivantes qui passionn[aient] la jeunesse » et, trop proches des nationalistes, de répondre à leur désir de paix. Selon le Docteur Ehlen toujours, le seul journal catholique qui avait grâce aux yeux de la jeunesse était le Rhein-Mainische Volkszeitung car, « radical dans son opposition à la guerre et à l’esprit de guerre », il défendait les mêmes idées qu’elle. Il revenait aussi sur les compromissions du Zentrum avec la bourgeoisie capitaliste et les grands propriétaires fonciers qui avaient finalement fait tomber le chancelier Brüning sur la question des terres qu’on aurait dû céder aux chômeurs 18 . Mais il ne croyait pourtant pas, lui non plus, à la victoire électorale des nazis : les catholiques qui avaient gardé en mémoire le Kulturkampf ne voteraient pas pour Hitler, ce qui expliquait la modération du pouvoir envers le parti catholique. Nikolaus Ehlen aurait préféré des attaques franches et dures contre ce dernier pour l’obliger à passer dans l’opposition et promettait une réaction de la jeunesse catholique si une alliance avec le NSDAP était passée. Laurent Remillieux termina son exposé en tentant d’expliquer l’engagement d’une partie de la jeunesse auprès des partis nationaux, garants de l’ordre, alors que les milieux du Zentrum étaient pour eux influencés par le marxisme et la démocratie, et de ces quelques jeunes catholiques qui avaient trouvé refuge dans le national-socialisme par souci de justice sociale. D’après lui, la conférence n’avait peut-être pas pris la tournure attendue par son auditoire : il avait refusé de relever seulement les « bons côtés » du Zentrum et avait porté un regard critique sur la formation politique allemande 19 . Les concessions acceptées depuis l’été 1932, dans l’espoir de sauver les prérogatives de l’Eglise catholique et pour ne pas mettre en doute le patriotisme des catholiques, avaient été soulignées. Mais finalement, ce qui était surtout reproché au Zentrum par le prêtre français était sa soumission à un Etat national, soumission qui portait ombrage à l’universalité de l’Eglise. On doit aussi retenir de ce long développement une réflexion placée comme un aparté par laquelle Laurent Remillieux revint à l’opinion « d’un vénérable professeur, prêtre d’âge mûr, très réfléchi, très intelligent » et qui lui disait que le Zentrum devrait se contenter de « s’occuper des questions religieuses, chaque député reprenant sa liberté dans toutes les autres questions ». Même s’il avait dénoncé les mesures répressives qui condamnaient les libertés, l’abbé Remillieux ne mettait donc jamais explicitement au premier plan la nécessité d’une défense de la démocratie.

Evoluant dans les noyaux de la sous-culture catholique allemande les mieux protégés de la pénétration de l’idéologie nazie, Laurent Remillieux se révélait incapable de prendre conscience du changement drastique des circonstances politiques et de la nature révolutionnaire du nazisme. Incontestablement, la question du sort des catholiques allemands se posait en ce début de l’année 1933 et elle devenait pour le curé de Notre-Dame Saint-Alban une préoccupation essentielle. L’abbé Remillieux confiait à la prière des fidèles de sa paroisse les « frères catholiques de langue allemande », car on ne pouvait savoir ce qu’étaient et allaient être pour eux les événements 20 . Cette réaction se conformait aux remarques les plus personnelles de sa conférence sur le Zentrum et revenait à affirmer, comme tout au long de sa vie, la primauté du spirituel et l’inanité de la scène politique. L’hitlérisme était assimilé à une dictature, certes abhorrée, mais qui ne semblait pas être devenue l’ennemie mortelle qui ruinerait ses espoirs de paix et subvertirait la société allemande. Joseph Folliet mentionne dans sa biographie une conférence ultérieure, dont le sujet avait cette fois été « l’hitlérisme ». Lui-même juge le texte décevant.

‘« Clairvoyante du point de vue religieux, ne cachant aucun des dangers spirituels de l’hitlérisme et défendant le Concordat que venait de signer Pie XI, mais sans illusion sur l’avenir de ce texte, elle demeure, au point de vue politique, superficielle ; le Père Remillieux ne découvre pas les mythes proprement hitlériens et il confond, pratiquement l’hitlérisme avec le fascisme et le totalitarisme. » 21

Prisonnier de sa formation et d’une vision du monde informée par une lecture spirituelle, Laurent Remillieux ne disposait pas des outils intellectuels qui lui auraient permis de mener une analyse politique du nazisme. Il se soumettait aux choix de sa hiérarchie et justifiait à la fin de l’année 1933, auprès de ses paroissiens, la politique d’obéissance civile suivie par le Saint-Siège.

‘« En retirant les prêtres, les catholiques militants des partis politiques et de l’action politique, comme ce fut le cas en Italie et en Allemagne, les Souverains Pontifes ne considèrent pas comme étant sans importance la prospérité temporelle des sociétés civiles. Ils nous apprennent à remettre chaque chose à sa place : la politique des partis, d’où sortent tant de divisions, en dessous ; bien au-dessus sous le signe de la royauté du Christ, la grande politique qui enseigne aux citoyens, aux classes sociales et aux peuples, en vue du bien général, la grande vertu de la collaboration dans la charité universelle. » 22

Ignorant donc la nature du danger, Laurent Remillieux persévérait dans sa quête pacifiste, comme se poursuivaient entre 1933 et 1935, au sein de tous les milieux pacifistes, les tentatives de réconciliation allemande. Encore travaillée par le traumatisme de la Grande Guerre, la France, qui se devait à ses anciens combattants, refusait d’envisager la possibilité d’un nouveau conflit 23 .

Invité par ses amis catholiques qui tentaient de maintenir leurs associations, Laurent Remillieux poursuivit en Allemagne, au moins jusqu’en 1935, ses activités de conférencier. Des lettres datées de février 1933 24 évoquent les préparatifs d’un déplacement imminent : Essen, Frankfurt, Darmstadt et Freiburg furent les principales étapes de ce voyage effectué quelques jours après la nomination de Hitler au poste de chancelier du Reich. Partout des responsables ou des membres de la FDK attendaient Laurent Remillieux et devaient l’héberger. Paulus Lenz avait programmé la série de conférences par lesquelles il devait présenter le travail pacifique des catholiques français. Son intervention principale se déroula à Essen le vendredi 11 février 1933. Le 7 février, le chef de la section locale de la FDK avait écrit à Laurent Remillieux après avoir appris de Paulus Lenz que le prêtre français risquait de retarder son voyage 25 . L’événement avait été précédé d’une intense activité de propagande et plusieurs centaines de tickets d’entrée avaient été vendus. Un article du Friedenskämpfer avait annoncé la conférence qui se tiendrait à 8 heures du soir, dans le foyer catholique, sur le sujet : « Le service militaire obligatoire et le refus du service militaire en France ». Wilhelm Allmang prévenait Laurent qu’il devait maintenir à tout prix son intervention car s’il ne venait pas, « ce serait le coup le plus dur que [leur] mouvement [aurait] jamais connu » à Essen. Après l’ouverture de la conférence par Wilhelm Allmang, quelques mots d’introduction furent prononcés par le Dr. Nikolaus Ehlen. Un article du Friedenskämpfer daté cette fois du 14 février 1933 résume les propos tenus par l’orateur français et assure du succès du rassemblement : les participants ne se dispersèrent qu’aux environs de minuit et un grand nombre de nouvelles adhésions furent enregistrées. L’enthousiasme de Laurent Remillieux et son engagement affectif sont perçus par l’auteur de l’article. Le prêtre français décrivit les actions concrètes réalisées au sein de sa paroisse en faveur de l’amitié franco-allemande et insista sur le climat de confiance qu’il fallait créer par l’instauration de relations individuelles. On parviendrait ainsi à rompre avec l’attitude d’hostilité qui marquaient encore les comportements de nombreux de ses compatriotes. Il évoqua les milieux de la démocratie chrétienne française favorable au pacifisme et mentionna un nouveau journal catholique, L’aube, qui défendait leur cause. Il était dit que des hommes de bonne volonté se rassemblaient dans tous les pays pour faire triompher l’idée de paix « avant qu’une nouvelle guerre [ne fît] éclater le monde en flammes et en gaz toxique », allusion transparente aux violences honnies de la Grande Guerre. Mais l’article qui avait annoncé la conférence avait été beaucoup plus incisif et plus politique que les déclarations d’intention de Laurent Remillieux. Il dénonçait l’attitude « tragique » des « responsables » qui « ne vo[yaient] pas où [pouvaient] mener l’entraînement militaire de la jeunesse, la romantique du tir et les idylles des jeux de guerre ». Même si des chrétiens n’écoutaient pas les avertissements des évêques et des papes, il ne fallait pas en rendre responsable l’Eglise. L’article appelait à la mobilisation des catholiques qui devaient réagir avant qu’il ne fût trop tard. Plus ils seraient avisés, plus grande serait leur responsabilité. La FDK les conviait à une autre réunion, le 15 février, qui se tiendrait dans un bistrot d’Essen et qui accueillerait un nouveau prêtre français pour continuer à évoquer la paix franco-allemande. Un témoignage de Leni Hauser Brendel, qui travailla comme secrétaire dans le bureau paroissial de Notre-Dame Saint-Alban en 1934-1935, évoque quant à lui l’intervention qu’aurait effectuée au cours de ce même voyage Laurent Remillieux à Frankfurt, toujours sur le refus du service militaire, sujet dangereux à ce moment-là commente-t-elle 26 . Selon une lettre envoyée par Laurent Remillieux à Wilhelm Allmang le 28 février 1933, le public de Frankfurt aurait été constitué d’« académiciens (personnes ayant fait des études supérieures) », tandis qu’à Bensheim, dans une autre rencontre, il se serait adressé spécifiquement à la jeunesse.

La FDK plaçait Laurent Remillieux dans un des cercles de la résistance chrétienne au pouvoir nazi. Mais si le mouvement antihitlérien pouvait encore s’exprimer en ce mois de février 1933, la répression s’abattit très vite sur lui. La position internationale de l’Allemagne avait radicalement changé. « En politique étrangère, l’ère Stresemann était bel et bien terminée ». En effet, le 14 octobre 1933, « le chancelier avait annoncé que l’Allemagne se retirait des discussions de Genève sur le désarmement ainsi que de la société des Nations » 27 . Pendant l’année suivante, Hitler se lançait à « la conquête du pouvoir total » et à l’issue des « crises de l’été », « l’Etat du Führer était en place » 28 . En décembre 1934 cependant, les espoirs pacifistes de Laurent Remillieux demeuraient intacts. Il expliquait à une Compagne de Saint-François que Marie Annequin était restée deux mois en Haute-Silésie pour « pénétrer dans le milieu de là-bas » et qu’elle retournerait en Allemagne, dès qu’elle le pourrait, continuer l’œuvre commencée 29 . Le 24 décembre, il avertissait Sylvie Mingeolet de son prochain départ pour l’Allemagne : une nouvelle tournée de conférences était prévue et il lui recommandait « chaudement cet apostolat » en précisant cependant qu’il ne savait pas ce qu’il pourrait faire 30 .

‘« Mes visites commenceront à Karlsruhe auprès de notre ami Hans Wirtz, chez qui je coucherai mercredi soir. Ensuite, j’aurai, tout en participant à des réunions nombreuses, en y parlant, à calmer l’effervescence de quelques-uns et de quelques-unes afin que l’œuvre de Vitznau soit enfin entièrement comprise. »’

Le 8 janvier 1935, Laurent Remillieux commençait et terminait la lettre écrite à Gustave Desbuquois par quelques commentaires sur son séjour en Allemagne 31 .

‘« Je reviens d’Allemagne où on m’avait demandé dans des groupes de jeunesse pour faire quelques conférences. Il est bon de travailler à la paix sans avoir à en parler explicitement… L’action commune des chrétiens cherchant le royaume de Dieu établit une collaboration immédiate, une collaboration qui est, en fait, une œuvre de paix efficace. »’ ‘« Pendant huit jours en Allemagne, dégagé de mes soucis quotidiens, je n’ai fait que parler, que penser… »’

Le même jour, il évoquait à Sylvie Mingeolet le « beau programme…effarant » que lui avait préparé pour ce séjour une de ses anciennes secrétaires allemandes. Mais c’est une lettre envoyée à une autre Compagne qui contient les remarques les plus précises sur le voyage qu’il venait d’effectuer.

‘« Il me faudrait des pages pour raconter ce que j’ai fait pendant les huit jours passés dans l’ouest de l’Allemagne. J’ai parlé en public plusieurs fois. Une fois au moins devant un grand public dans une réunion qui avait été déclarée à la Police. Cette circonstance donnait un demi-caractère d’officialité. Ce fut très bien. » 32

Ces trois dernières phrases sont les seules allusions à la situation politique intérieure de l’Allemagne que l’on peut trouver dans toute la correspondance conservée de l’abbé Remillieux pour les années du pouvoir nazi entre 1933 et 1939. Jamais plus la répression, qui avait fait partie du tableau de l’Allemagne de février 1933 esquissé pour sa conférence sur le Zentrum, ne serait même suggérée.

Le reste de la lettre écrite à Henriette Duhourcau donnait des nouvelles des anciennes secrétaires paroissiales et racontait les péripéties de Hans Wirtz qui attendait toujours les autorisations officielles pour s’installer à Vitznau. Les préoccupations de Laurent Remillieux concernaient le projet d’édification d’ « un centre de vie franciscaine, de travail en commun » qui « contribuerait à mettre un peu d’ordre dans la confusion des idées et des tendances » 33 , mais on attendait vainement des allusions à la situation personnelle de Hans Wirtz au sein de l’Allemagne nazie. L’avant-dernière trace retrouvée d’un voyage de l’abbé Remillieux en Allemagne date de juin 1936. Dans une courte missive datée du 26 du mois, il avisait Sylvie Mingeolet qu’il se rendrait à Freiburg pendant la deuxième semaine de juillet. Au tout début de l’année 1937, si la ville de Freiburg était encore évoquée, nul voyage ne semblait envisager. Laurent Remillieux souhaitait s’entretenir avec Sylvie Mingeolet au sujet de Cläre Barwitzky qui terminait sa formation d’auxiliaire paroissiale. On comprenait que les relations maintenues au sein de l’Allemagne nazie étaient en rapport avec le séminaire d’Aides Paroissiales. Le 4 février 1939, il écrivait au pasteur Lucien Marchand pour lui proposer de venir le rencontrer à Belfort à l’occasion du séjour qu’il avait prévu d’effectuer à Freiburg. Mais à partir de l’automne 1936, alors qu’il était devenu impossible d’aller parler de paix en pays nazi, son énergie était investie dans de nouveaux voyages et dans une autre cause, celle de l’œcuménisme spirituel, dont on a montré cependant les liens avec sa passion de l’Allemagne et son pacifisme. Les premiers contacts avec les pasteurs de la Suisse alémanique s’établirent en octobre 1936, le premier Groupe des Dombes se réunit en 1937, comme si cet enchaînement chronologique manifestait la continuité des engagements de Laurent Remillieux. Sa reconversion n’était que la poursuite du même combat par d’autres moyens. Il n’était nullement question de se rendre à la réalité politique, le discours du désir continuait à dominer ses actions.

« La phobie de la guerre » avait « atteint son point culminant » au cours de ces années 1930 et elle était partagée par nombre de ses compatriotes 34 . Entre le printemps 1935 et l’été 1936, Hitler avait pourtant déjà miné l’ordre européen instauré par le Traité de Versailles et par le Pacte de Locarno en rétablissant le service militaire obligatoire et en remilitarisant la Rhénanie. Au cours du mois d’août 1936, Hermann Platz avait commenté amèrement ces faits à son jeune invité français, Louis Carlhian, et ce dernier se souvient que l’Allemand « déplorait l’immobilisme du gouvernement français » :

‘« Du bluff, disait-il, une promenade militaire qu’un régiment français aurait pu facilement interrompre en refoulant les quelques unités qui y participaient. Ainsi, vous encouragez Hitler, où s’arrêtera-t-il dans son projet de démolir le Traité de Versailles ? » 35

A partir de mars 1938, avec l’Anschluss, Hitler entamait le processus de rattachement des « Allemands de l’étranger » au Troisième Reich. L’annexion de la région des Sudètes en Tchécoslovaquie se soldait par une nouvelle reculade des diplomaties française et anglaise. L’espoir d’avoir encore écarté la fatalité de la guerre était salué « avec satisfaction » par une « France presque unanime ». Il n’est alors pas étonnant que, peu après la signature des Accords de Munich, dans la nuit du 29 au 30 septembre 1938, le curé de Notre-Dame Saint-Alban confiait à ses paroissiens son soulagement qui, loin d’être un « lâche soulagement » 36 , était le cri sincère d’un pacifiste jusqu’au boutiste, préservé de la réalité par sa lecture spirituelle du monde.

‘« La guerre aurait été non seulement un non sens devant la raison, mais elle aurait été surtout un crime contre la chrétienté ou ce qu’il en reste. Si la chrétienté n’est qu’une ruine ou un souvenir pour nos Frères d’Asie et d’Afrique, c’est une réalité située dans notre Occident. La guerre allait être un scandale, le scandale énorme qui aurait éclaboussé les chrétiens et, à travers eux, le Christ lui-même.
Sa charité, sa grâce qui sont l’essentiel du christianisme auraient été encore un peu plus dévastées peut-être.
Personne en Occident n’avait le droit de vouloir cela. Tous avaient le devoir de considérer l’ampleur du mal, afin de s’en détourner avec une volonté forte.
Ce qui est vrai pour l’Occident, pris dans son ensemble, est vrai, et de la même manière, pour chacun des groupes nationaux qui le composent. Ceux dont l’intelligence ne dépasse pas les bornes d’une frontière toute proche auraient été contraints de penser aussi : la guerre c’est la confusion […] c’est l’emploi païen de toutes les forces spirituelles […] c’est l’anéantissement de tout ce qui est art, beauté, richesse […]. C’est la fin de la France, la fin de toutes les autres nations occidentales.
Incroyants ou chrétiens, nous ne pouvions pas le vouloir. Nous ne pouvions même pas nous y résigner. » 37

Le mal absolu revêtait le visage de la guerre et si les Européens n’avaient pas su l’éviter, ils auraient précipité la fin de leur civilisation chrétienne. Dans la vision apocalyptique de ce monde en guerre, les valeurs païennes régnaient au milieu du chaos. Dans la lettre qu’il envoya au pasteur Marchand le 14 octobre 1938, Laurent Remillieux raconta qu’on avait parlé de la guerre pendant la rencontre d’Erlenbach et que son spectre rodait toujours parmi eux. Mais c’était une consolation de savoir que leur « ministère de charité, par le fait même de son exercice, s’oppos[ait] à [elle] » 38 .

Victor Carlhian appartint au contraire au « petit courant de résistance à Hitler, à l’expansionnisme allemand et à la politique de paix à tout prix » bien qu’il soit difficile de le classer parmi les « bellicistes » 39 qui tentèrent de faire entendre leur voix sur la scène politique française. Homme de réseau toujours, il réagit en essayant de mobiliser les intellectuels et les militants catholiques des cercles qu’il fréquentait, espérant les voir jouer un rôle de relais auprès de l’opinion catholique. Ses positions antimunichoises sont connues grâce à un dossier contenant une correspondance échangée avec le colonel André Roullet, Jacques Chevalier et Francisque Gay entre le 3 et le 24 octobre 1938 40 . La première lettre est adressée au colonel Roullet qu’il avertissait d’une réunion dont il avait pris l’initiative pour discuter de la situation « non point sur le plan diplomatique et politique mais uniquement sur le plan moral » 41 . La violence des propos était à la mesure de sa condamnation de la lâcheté française et du « parjure » commis par la signature des Accords de Munich.

‘« Je veux ignorer momentanément si les trahisons de l’intérieur et de l’extérieur obligeaient les gouvernants à gagner quelques semaines ou quelques mois de paix précaire. Je me place uniquement sur ce que la crise nous a permis de lire dans le fond des âmes de nos compatriotes, appartenant certes à tous les partis, mais plus nombreux peut-être là où ne nous attendions pas à les trouver. A l’intervalle d’une génération, 33 ans, quelle liquéfaction morale s’est opérée dans la même partie de la bourgeoisie où, à propos du Maroc (1905) où aucun devoir certes ne nous appelait, on parlait d’honneur. Aujourd’hui où nous étions liés par les devoirs les plus sacrés, on traite de bellicistes ceux qui, pacifistes de toute leur âme et depuis toute leur vie, ne conçoivent la paix que dans la justice et le droit.
Je n’entends donc point discuter avec nos amis sur les événements mais sur les états d’âme que nous avons vu se manifester à la lueur de ces événements, non point en catimini mais dans la presse, dans les conversations (bureaux, salons, parloirs, etc.) et qui exprimaient le sentiment abject qu’on ne se battrait pas pour les Tchèques, tout en admettant fort bien que les Tchèques meurent pour les Français.
Cette acceptation tranquille d’un parjure, ce reniement insolent de la tradition de notre race nous imposent le devoir, nous qui voulons être fidèles à la vocation de la France cœur de la chrétienté, à restituer les vertus humaines sans lesquelles toutes nos espérances chrétiennes s’effondreraient. On ne se passe pas des vertus humaines, pour être chrétien il faut d’abord être homme. »’

Ce que Victor Carlhian proposait à ses amis se refusait cependant à l’action politique et demeurait dans la tradition de l’action spirituelle et intellectuelle qu’il avait menée depuis le Sillon. Pour résister, il n’imaginait pas former une ligue, un parti, élaborer un programme ou un système, mais travailler « à l’infusion d’un esprit, ou plus exactement de plusieurs esprits pour qu’ils s’équilibrent dans le vouloir-vivre des individus et des groupes qui entend[ai]ent travailler au réveil moral » du pays. La foi en Dieu de Victor Carlhian, sa vision d’une France missionnaire et chevaleresque comme son idéal démocratique l’obligeaient à se dresser contre l’ignominie du nazisme qui foulait à ses pieds les droits de l’homme et des peuples, et anéantissait les plus faibles. Des « esprits nouveaux », qui étaient ceux du communisme, du fascisme et du nazisme, il retenait la nécessité du travail d’équipe, de la discipline, de la victoire de la virilité et de la force sur le sentimentalisme. S’atteler à fédérer les hommes de bonne volonté en mettant en relation les groupes entre lesquels existait une « communion morale » devenait une priorité pour construire une pensée qui irriguerait la résistance au nazisme et à la déréliction de la société française. Parallèlement, il s’agissait d’œuvrer à l’éducation de la jeunesse dont une partie avait tout perdu car ses éducateurs n’avaient pas compris que leur tâche devait s’accomplir non « en dehors de la vie mais dans la vie, et que certaines âmes ne [pouvaient] trouver le spirituel qu’à l’occasion d’un idéal temporel ». L’antinomie avec le texte de l’abbé Remillieux, écrit sous le coup de l’émotion, était totale : l’évaluation de la situation internationale, les valeurs qu’il revendiquait, les termes employés éloignaient Victor Carlhian des prêtres qui refusaient à la jeunesse la possibilité d’ « apercevoir Dieu à travers » « des idéaux humains ».

Victor Carlhian envoya une copie de sa lettre à Jacques Chevalier qui la lui renvoya avec ses observations. Chacun des arguments était sévèrement réfuté et le philosophe reprochait amèrement à son ami d’avoir basculé « avec de Kérillis et Paul Reynaud » dans le camp des communistes à la solde de Moscou. Il le priait de se rendre à son jugement car, introduit dans le cénacle de Lord Halifax, il connaissait mieux que lui les véritables enjeux des négociations de Munich, même s’il ne pouvait pas révéler toute la vérité à leur sujet. Les deux hommes continuèrent à s’affronter avec virulence dans les quelques lettres qui suivirent ce premier échange 42 . A l’anticommunisme obsessionnel de Jacques Chevalier, qui justifiait toutes les négociations et toutes les alliances avec ses ennemis, répondait l’analyse lucide que portait Victor Carlhian sur le danger mortel constitué par le nazisme pour les libertés individuelles et civiques. L’intellectuel catholique lyonnais rappelait les crimes commis par Hitler et renvoyait Jacques Chevalier à la lecture des ouvrages de Robert d’Harcourt 43 . Tous deux revenaient sur la Guerre d’Espagne, moment de bascule qui avait cristallisé leurs divergences 44 , et passaient en revue les faits politiques européens des deux dernières années au crible de leurs analyses respectives. Victor Carlhian terminait sa lettre du 7 octobre, jour de son anniversaire, en proclamant sa fidélité à une vie passée à servir sa foi et sa patrie.

‘« A 63 ans, dans l’alerte d’aujourd’hui, où je souffre par toutes les fibres de mon patriotisme chrétien, je crois que je dois travailler à maintenir la France, parce qu’elle est, en dépit de toutes les faiblesses de nos compatriotes, le front vivant du catholicisme et le foyer d’une civilisation humaine. »’

L’adhésion de Victor Carlhian à un esprit de résistance né avec la Guerre d’Espagne se plaçait dans la logique de son attitude dreyfusarde. Quand Laurent Remillieux s’accrochait à l’Europe chrétienne et à la défense des valeurs de l’Eglise catholique universelle, le laïc dévoilait la force de ses convictions patriotiques et confiait que dans cet attachement à la France se mêlaient inextricablement sa foi catholique et son idéal républicain.

Mis au courant du débat qui avait opposé Jacques Chevalier et Victor Carlhian, le colonel Roullet se déclara depuis longtemps sans illusion sur les positions du philosophe grenoblois et prêt à suivre l’initiative de son ami lyonnais 45 . Une lettre de Victor Carlhian à Francisque Gay, directeur de L’aube, datée du 11 octobre, résumait les propos tenus et les résolutions adoptées pendant la première réunion lyonnaise. Il avait été décidé de prendre contact avec tous les groupements susceptibles d’arrêter les mêmes positions sur les mêmes principes et de s’atteler à la rédaction d’une brochure permettant d’alerter l’opinion publique. Victor Carlhian demandait à ses amis parisiens où ils en étaient et si une action commune était envisageable. On ne connaît pas le destinataire de la dernière lettre du dossier, datée du 24 octobre 1938 et classée « confidentiel ». Elle venait rendre compte de la réunion du 21 octobre qui avait regroupé 25 personnes environ. Des noms étaient cités : Flory, Blondel, Archambault, Cochinal, Vignaux, Schumann, et les familiers de L’aube comme Bidault, Terrenoire, Boueil, Carité. Francisque Gay avait découragé ceux qui pensaient pouvoir rassembler les antimunichois dans une grande concentration et avait préconisé de limiter leur action aux « militants des groupements dont L’aube [était] le terrain d’union ». Le manifeste qu’il envisageait « n’était pas destiné au pays, mais aux militants des divers groupements d’inspiration chrétienne et de tendances démocratiques ». Les positions et les réactions des rédacteurs et des collaborateurs de L’aube au moment des Accords de Munich ont été étudiées par Françoise Mayeur 46 . L’historienne a analysé avec précision la polémique engagée à propos des hésitations qui avaient brouillé pendant quelques jours l’engagement antimunichois du journal parce que ce dernier ne voulait pas heurter les « lecteurs restés fidèles au pacifisme » 47 . Elle évoque aussi le recueil collectif La Tchécoslovaquie devant notre conscience et devant l’Histoire, « sorte de manuel devant servir à alimenter la réflexion, peut-être un débat entre militants, par les documents et les justifications qu’il apport[ait] », paru aux éditions de L’aube « probablement dans les premiers jours de novembre 1938 » 48 . Le document daté du 24 octobre 1938, conservé dans les Papiers Carlhian, nous introduit certainement dans une des réunions qui prépara la publication et laisse apparaître les différends qui opposèrent Lyonnais et Parisiens. Ces derniers reprochaient à Victor Carlhian son approche trop philosophique du problème, tandis qu’il critiquait leur souci de ménager leur clientèle catholique et leur intention d’en rester aux « formes connues du manifeste et du programme électoral ».

‘« [Nos amis parisiens] ressemblent un peu à ces prêtres que nous connaissons et pour qui prendre position sur le temporel signifie seulement élargir leur sacristie du côté du monde séculier.
[…]
Je ne renonce pas à l’idée que les chrétiens, qui ont autre chose à faire que du concordisme et de la conciliation, soient les animateurs d’une tâche temporelle placée sur le terrain de la stricte morale naturelle, où ils peuvent recevoir le concours de toutes les bonnes volontés affirmant les mêmes valeurs humaines. » 49

A la fin de la réunion, Victor Carlhian avait abandonné la partie. Il regrettait que l’action commune désormais projetée ne prît les formes qu’il avait envisagées pour elle, mais ne désespérait pas d’imposer un jour prochain ses vues. En attendant, il retournait à la réflexion qui avait animé sa pensée pendant tout le cours de sa vie et persévérait dans ses tentatives de rendre les catholiques à leur société.

Mais les événements allaient se charger de laisser pour un temps encore les catholiques à leurs prêtres et à leur Eglise institutionnelle. La guerre n’avait finalement pu être évitée. Laurent Remillieux vivait ses premiers mois entre désespoir et aveuglement. La drôle de guerre confirma l’incapacité du prêtre pacifiste à penser la guerre. Au nom d’un universalisme chrétien, il continuait à se rêver « apatride » 50 et confiait au pasteur Marchand, en décembre 1939, son ultime prière face à la catastrophe.

‘« Depuis quelques semaines, il semble que dans les milieux où l’on pense, on se préoccupe un peu de la paix. Pour moi, c’est ma grande préoccupation.
La guerre est un fait, hélas ! comme vous le dites si justement. Nous marchons dans un chemin étroit et difficile. Mais après ? Avons-nous une conception chrétienne des relations entre les peuples ? Pour ne pas l’avoir eue à temps, les cadres de 1919 ont été brisés par les puissances du mal.
Si nous ne prions pas ; si nous ne montons pas plus haut que la guerre ; si l’amour du Christ et de son Corps Mystique n’est pas le grand Amour des chrétiens, nous allons être menacés du même malheur, cette fois, beaucoup plus grave encore. » 51

Laurent Remillieux ne cherchait pas à analyser les causes de la guerre ni son déroulement. Elle était là, tragique, et il ne pouvait que continuer à lui opposer sa prière pour l’Unité, qui seule anéantirait les égoïsmes nationaux destructeurs. Sa pensée demeurait très imprégnée de l’analyse que l’autorité romaine avait proposée du premier conflit mondial. Se rejouait à ses yeux le suicide de l’Europe civilisée. C’était la guerre en elle-même qui menaçait mortellement la civilisation et c’était donc elle qu’il fallait combattre par la prière œcuménique encore au mois d’avril 1940.

‘« Prier […] pour l’Unité. Or, comme vous le pensez, comme je le pense moi-même et comme le pensent beaucoup d’autres, “ il n’y a pas de Paix possible sans un retour urgent à l’Unité dans un christianisme pleinement vécu… Cette vérité est aveuglante… ” ». 52

Tout à son désarroi, le prêtre catholique se réjouissait pour l’heure de savoir son ami pasteur sous l’uniforme, pour accomplir son ministère d’aumônier et faire œuvre de missionnaire auprès des militaires et des « âmes travaillées ». La tâche pastorale devint aussi son refuge quand s’écroulèrent les cadres des sociétés militaire et civile. Dans le choc de la défaite et le trouble des années d’Occupation et de Vichy, l’institution paroissiale offrit aux catholiques pratiquants la pérennité d’un repère social en même temps que le réconfort de la religion. La guerre et les choix de Lucien Marchand lui donneraient une autre destinée. L’opinion protestante avait elle aussi dans sa majorité ressenti le soulagement qui avait saisi la plupart des Français après les Accords de Munich. Et face à l’occupant nazi et à la collaboration de Vichy, les protestants comme les catholiques se divisèrent pour emprunter la voie de l’acceptation ou celle du refus. Pierre Bolle a évoqué le refus du régime de Vichy et la lutte contre l’occupant nazi de Lucien Marchand dans un rapport sur les Eglises protestantes et les mouvements de jeunesse pendant la Seconde Guerre mondiale 53 . Réfugié dans la Drôme à Dieulefit, le pasteur de Belfort reprochait à Henri Eberhard et à Marc Boegner leur soutien au régime de Vichy et à la personne du Maréchal. Rentré clandestinement à Belfort en juillet 1941, il participa à la résistance spirituelle par la prédication. En juillet 1942, il fit partie du rassemblement des responsables de la Jeunesse Evangélique Luthérienne de Montbéliard au Bois de la Thure, près d’Etobon. Il y retrouvait trois autres pasteurs, René-Jacques Lovy, Etienne Mathiot et Paul Buchsenschutz, tous très engagés contre le nazisme. Pendant toute la durée de l’Occupation, il aida des juifs belges et des prisonniers hollandais à passer en Suisse et cacha des responsables de mouvements de résistance traqués par la Gestapo. Dès le printemps 1944, il appartint au Comité Départemental de Libération. Le parcours de l’abbé Remillieux fut loin d’être aussi tranché.

Il est difficile de retracer précisément l’attitude et la pensée de Laurent Remillieux pendant les années où il fut confronté aux événements de la Deuxième Guerre mondiale. Les sources disponibles, qui dépendent plus que pour un autre thème des travaux de Joseph Folliet, sont disparates dans leur composition et aléatoires dans leur chronologie. Si le biographe de l’abbé Remillieux a eu entre ses mains les bulletins paroissiaux des années de guerre, comme à son habitude, il n’en a conservé que des extraits choisis, qu’il a fait dactylographier. La correspondance de Laurent Remillieux est inexistante pour cette période. Dans ces conditions, les témoignages, là aussi rassemblés par Joseph Folliet, prennent une importance d’autant plus cruciale que les autres sources sont rares. Le biographe de Laurent Remillieux ne les a pas utilisés dans leur intégralité. A la lecture du chapitre concernant « l’épreuve de la guerre » 54 , on ressent la difficulté de l’auteur à retracer une attitude confuse que le prêtre a pu entretenir pendant les années du nazisme et de l’Occupation, la tentation de gommer certaines des controverses qu’il évoque en filigrane. Joseph Folliet tient pourtant à dire les ambiguïtés de son personnage, alors que son ouvrage paraît en pleine célébration d’un résistancialisme qui maintient Vichy et la collaboration dans l’oubli 55 . Pour comprendre les positions et les réactions de Laurent Remillieux face à la défaite, face à Vichy et à l’occupant allemand ou encore face à l’engagement résistant des milieux du catholicisme lyonnais fréquentés, il est certes nécessaire de les ramener aux comportements de l’ensemble des catholiques français et aux positions prises par sa hiérarchie 56 . Mais sa conformité à l’attitude générale, qu’il montra par exemple dans son adhésion à la Révolution nationale, tout comme l’aide qu’il apporta, dans la mouvance des cercles de résistants chrétiens qui œuvraient dans son entourage, aux persécutés du nazisme, Juifs et exilés politiques allemands, ne rendent pas compte à elles seules de son itinéraire dans la guerre. Pour comprendre ce que devint Laurent Remillieux pendant la Deuxième Guerre mondiale, pour ne pas prendre pour des incohérences des pensées et des actions qui défiaient les appartenances et les classements, il ne faut pas perdre le fil des logiques personnelles de sa vie.

Dans la Semaine religieuse et familiale du 2 au 9 juin 1940 57 , « Mr le Curé » s’adressa au « Seigneur » au nom de ses paroissiens les plus militants pour offrir leurs âmes en réparation des fautes commises. La guerre et ses atrocités avaient été la punition qu’ils s’étaient infligés pour ne pas avoir su répandre l’amour et la paix dans leurs familles, leurs quartiers, leurs milieux de travail. Pour avoir échoué dans l’œuvre missionnaire, parce qu’ils avaient manqué de générosité et de charité, ils avaient récolté la haine. Ils s’en remettaient désormais au Christ et demandaient à son amour d’accepter leurs péchés et de les purifier. L’anéantissement du mal servirait à agrandir son règne au monde entier. La protection de la Vierge Marie devait aussi accompagner la préparation du pélerinage de Rome, le pélerinage de la paix, qui participait du monde nouveau à construire sur les ruines de l’ancien monde paganisé. Les âmes jeunes et chrétiennes de Notre-Dame Saint-Alban se donnaient avec celles de tous les « frères » et de toutes les « sœurs », « de toutes les nations ». La prière devait demeurer « universelle » et monter de « tous les cœurs chrétiens », inlassablement elle persistait à réclamer la paix pour faire taire le « scandale » de la guerre 58 . En ce mois de juin 1940, puis au cours des mois suivants, Laurent Remillieux ne cherchait pas à poser un regard politique sur la défaite nationale et, alors que pour beaucoup de catholiques conservateurs 1940 apparaissait comme une revanche de 1936, il demeurait étranger au climat de guerre civile et à la dénonciation haineuse des ennemis qui auraient conduit à cette catastrophe. Comme pendant la drôle de guerre, sa pensée se concentrait sur la lecture religieuse d’une guerre européenne fratricide que le démon, « retranché dans l’âme collective de l’humanité », aurait imposé aux hommes et il exhortait ses paroissiens à tenter de déloger ce mal absolu par la prière, car contre le mal on n’obtiendrait la victoire qu’en employant des « moyens directement divins » 59 . En mars 1942, il s’inquiétait du péril qui menaçait la suprématie de la race blanche dans une vaste partie du monde et ne supportait pas l’idée de voir l’Occident perdre la direction des intérêts spirituels de l’Humanité 60 . La guerre sanctionnait l’échec des chrétiens : pour ne pas avoir su redonner à leur dieu le monde paganisé, ils avaient condamné à la perdition leurs frères séduits par les doctrines de violence et ils étaient maintenant entraînés dans le cataclysme. Alors fallait-il trouver le courage de constater que la source du mal était en eux et trouver le chemin de la rédemption 61 .

Dans ce monde rendu au chaos subsistait cependant l’espoir d’un renouveau. Les chrétiens qui arriveraient à trouver en eux la source du mal sauraient appliquer, en eux d’abord, le remède 62 . La reconnaissance de leur faute amenait à sa réparation, qui elle-même conduisait à la « Reconstruction » 63 d’un monde enfin redonné « à Dieu ». Mais pour parvenir à cette reconstruction, il était impératif de se garder « de tomber dans la routine religieuse », dans un conformisme, « dangereux ennemi de tout idéal » 64 . On retrouve constamment dans le discours du curé de Notre-Dame Saint-Alban et dans son action pastorale ce mélange d’une piété culpabilisante et des prémices d’un renouveau religieux caractéristique du catholicisme français tout au long de la Deuxième Guerre mondiale. Mais on comprend aussi combien Laurent Remillieux pouvait être prêt, dès juillet 1940, à se laisser séduire par les promesses de régénération de la Révolution nationale engagée par le chef de l’Etat Français, le maréchal Pétain, et flattant les valeurs conservatrices du catholicisme social. Selon lui, la guerre était terminée pour la France 65 . Les catholiques pouvaient alors se consacrer à un nouvel ouvrage. Le 14 juillet 1940, jour de la fête nationale, « Mr le Curé » appela ses paroissiens à soutenir la tâche de relèvement entreprise par le nouveau régime.

‘« Aujourd’hui Fête Nationale singulièrement émouvante après les événements de ces deux derniers mois.
Nos enfants, comme tous les enfants, tous les adolescents et toutes les adolescentes de la nation, se seront entendu dire par leurs maîtres et maîtresses, qu’il leur était demandé “de se donner de toute leur âme à la tâche du relèvement”. Ils auront été “invités au travail, à la discipline, à la confiance dans l’avenir de notre patrie”.
Tous les baptisés n’auront certainement pas manqué la messe aujourd’hui. » 66

Le discours qui célébrait l’alliance de la patrie et de la religion subvertissait la fête républicaine commémorant avec l’union nationale les valeurs de 1789. Laurent Remillieux choisissait de valider le discours pétainiste, en conformité avec les positions loyalistes de sa hiérarchie. Mais l’adhésion de Laurent Remillieux à Vichy et à son programme ne relevait pas d’un maréchalisme largement répandu parmi les catholiques pendant les premiers mois de l’existence du nouveau régime. On pourrait avancer qu’il appartenait, comme les principaux tenants ecclésiastiques de ce maréchalisme, à la génération des prêtres « formée au temps de l’anticléricalisme triomphant » 67 . Mais lui, contrairement à un cardinal Gerlier, ne pouvait pas se reconnaître dans le vainqueur de Verdun, car il n’était pas passé de la même façon « par l’épreuve, finalement réparatrice, de la “Grande Guerre” » 68 . Laurent Remillieux avait de la Première Guerre mondiale un autre vécu, celui d’un déchirement rendu encore plus insupportable par les morts qu’elle avait charriés. Son appel à une renaissance nationale qui sauverait la patrie, s’il formait une réponse adaptée au traumatisme de la société française ébranlée par la défaite, témoignait mal de sa vision du monde. La Révolution nationale était d’abord vécue comme un avatar de l’utopie missionnaire qui avait aiguillé, en dehors de son amour de l’Allemagne, l’autre partie de sa vie. La « Reconstruction » qu’il appelait désormais de ses vœux s’agrégeait à la recherche du christianisme exigeant qu’il continuait à dessiner pour son élite paroissiale.

‘« On demande partout des reconstructeurs. Nous déclarons : présents. La reconstruction solide ne peut se faire que sur la large et indestructible pierre fondamentale qu’est notre Christ.
Tous ceux et toutes celles qui ne vibreraient pas à ces appels, qui seraient dès maintenant décidés à demeurer en dehors du grand travail à fournir, tous les routiniers, tous ceux qui ne voudraient pas acquérir un idéal, tous les partisans, affichés ou honteux d’une vie facile, d’un christianisme à fleur de peau et au rabais, s’excluraient d’eux-mêmes, hélas, de notre fraternité. » 69

Le curé de Notre-Dame Saint-Alban, prêtre connu pour son ouverture aux autres, à la nouveauté, pour son rejet du conformisme, directeur de conscience qui exerçait un magistère moral, contribuait ainsi, par ses amalgames, à la confusion des esprits. C’était pourtant vers lui qu’étaient susceptibles de se tourner les paroissiens en proie au désarroi de la défaite, choqués par l’effondrement des structures des sociétés civile et politique, perdus entre l’ancien monde désagrégé et le monde nouveau à naître mais qui n’était encore que promesse.

Dès l’entrée en guerre, l’abbé Remillieux avait tenu à rassurer ses paroissiens en leur garantissant la permanence de l’institution paroissiale et de sa présence.

‘« Jusqu’à nouvel ordre je vais rester seul avec vous. Il y aura à assurer le service de la sacristie et de l’église, service lui-même très réduit.
Plus que jamais notre vie convergera vers un centre qui sera chaque matin la célébration de nos saints mystères.
Si par ordre supérieur nous devions quitter le quartier, la question au reste, que je sache, n’est pas envisagée, je serai, cela se conçoit, le dernier à le quitter.
Non moins, naturellement, je suis à disposition pour tous les services que je pourrai rendre. » 70

La ville était en guerre, la mobilisation avait privé le quartier de ses hommes jeunes et la paroisse n’avait plus de vicaire. L’église ne demeurait pas ouverte pour recevoir seulement le repentir des catholiques qui avaient rendu la guerre possible par l’insuffisance de leur prière, elle accueillait aussi la peur des familles désunies et la religion assumait son rôle de consolatrice tout en maintenant certains des repères de la vie sociale. Puis était survenue la défaite qui avait installé une paix trompeuse. Les citadins aux prises avec les difficultés du ravitaillement avaient vu affluer des familles inconnues jetées sur les routes de l’exode, des hommes qui étaient partis combattre demeuraient les prisonniers surpris et honteux de l’Allemagne victorieuse, la faillite du politique avait suivi le désastre militaire 71 . La paroisse contribua à accueillir les réfugiés français du printemps et de l’été 1940. Venus d’Alsace et de Lorraine, du Nord, les victimes de l’exode peuplaient de leur présence nouvelle les pages des registres de catholicité 72 . La religion doloriste s’exposait dans la célébration hebdomadaire du chemin de croix. Dans le désordre qui se substituait à l’ordre établi, dans les troubles de la vie quotidienne et dans l’incertitude de l’avenir, le curé remplissait son office religieux qui était aussi fonction sociale. Alors que la guerre brouillait les repères, il venait rappeler la norme religieuse et sociale et tentait de maintenir la cohésion de la communauté paroissiale. Il réclamait avec insistance la régularité de la pratique et le respect de la communion fréquente. Face à l’épreuve, la communauté paroissiale devait se montrer plus soudée et plus prête que jamais à répondre aux exigences d’un « vrai christianisme ». L’absence des hommes prisonniers en Allemagne et la disparition de ceux qui n’avaient pas survécu à la guerre avaient perturbé l’équilibre du groupe. On se retrouvait dans l’église pour remédier à la fragilisation de la communauté. En septembre 1939, chaque matin, les mobilisés du quartier étaient nommés pendant la messe 73 . On envoyait aux soldats des nouvelles de « leur Vinatier » et de « leur Transvaal lyonnais » et on avait obligation de leur montrer le « bon travail » qui était effectué « fraternellement » « en chrétiens ». Les absents devaient savoir que « les tireurs au flanc » avaient disparu, qu’ils s’étaient « convertis », et qu’à leur retour, ils n’auraient pas à « reconstruire ».

‘« La maison sera debout ; elle sera plus grande, sans doute plus belle. Comme il fera bon y retrouver sa place et dans la joie reprendre avec ardeur la tâche interrompue. » 74

En 1941, on priait le dimanche pour les prisonniers et on célébrait ainsi l’union des vivants, des morts et des absents. Les prisonniers de guerre devenaient aussi les parrains absents des nouveaux baptisés : c’était dire que leur place était conservée au sein de la communauté. Mais l’abbé Remillieux se chargeait à chaque fois de rappeler les conditions d’une prière efficace. Il reprochait aux mères et aux épouses restées seules les défaillances de leur vie spirituelle. Or quand les prisonniers seraient rapatriés, il faudrait leur offrir le retour à « une vie normale » qui devrait les plonger « dans une atmosphère spirituelle renouvelée » 75 . Les textes adressés aux paroissiens continuaient à mêler les deux registres de la culpabilité et du renouveau. Le double des registres paroissiaux de 1944 livre quant à lui bien des indices de la lutte du curé contre l’anomie de guerre qui sévissait parmi les habitants du territoire paroissial 76 . La multiplication des naissances hors mariage, les couples légitimes séparés et oubliés, les couples illégitimes qui se faisaient et se défaisaient au hasard des déplacements, des absences et des combats, formaient pour l’abbé Remillieux un éternel souci. Dans l’impossibilité du moment de vérifier les documents officiels pour tous ces couples, toutes ces femmes et tous ces enfants inconnus, réfugiés qui passaient ou s’installaient, il célébrait les mariages et accordait les baptêmes en se jurant de poursuivre l’enquête une fois le calme rétabli et de régulariser a posteriori les situations illicites 77 . Mais pour l’heure, il ne songeait pas à leur refuser les rituels de l’Eglise catholique, points fixes dans un monde qui se renversait, qui pouvaient les aider à apaiser leur solitude et à surmonter leur égarement. La guerre avait aussi accru la proximité qui existait entre la communauté paroissiale et son pasteur. Comme dans les textes qui avaient raconté autrefois la fondation de Notre-Dame Saint-Alban, le prêtre redevenait pauvre parmi les pauvres. Il partageait les dures conditions de vie de ses paroissiens, leurs problèmes d’approvisionnement en denrées alimentaires de première nécessité et leur recherche de combustible, il ressentait la même faim et la même soif mais ne s’en plaignait pas et les exhortait à s’en remettre à leur dieu. Il condamnait le marché noir sans s’apercevoir que le beurre dont il tartinait parfois sa tranche de pain ne provenait pas d’une transaction légale 78 . En février 1942, il demanda la permission de célébrer l’office du dimanche dans une salle de catéchisme chauffée car l’église glaciale était désertée. La contradiction se niche dans cette dualité : les constants rappels à l’ordre de pratiquants qui semblaient se défiler allaient de pair avec le dessein que l’on formait de faire naître un nouveau catholicisme. On vivait aussi une époque exaltante, les prémices d’un renouveau religieux qui se donnait comme une quête des origines. Le couvre-feu avait par exemple ramené les catholiques au christianisme des premiers siècles, quand des ombres fuyantes se faufilaient dans les ténèbres de la nuit pour gagner les accès des catacombes. Les circonstances paraissaient à Laurent Remillieux moins tragiques et moins dangereuses mais elles permettaient à ses fidèles de renouer avec l’antique tradition 79 .

Le couvre-feu tua pourtant ceux qui ne l’ayant pas respecté avaient été surpris par les troupes d’occupation et la guerre apporta aux habitants du territoire paroissial son lot de tragique et de danger. Après les soldats partis combattre en 1939, des ouvriers requis par le STO durent quitter leurs familles. Des personnes étaient en fuite, d’autres avaient été arrêtées, on ne savait trop pour quelles raisons, puisque le curé se contentait de parler « d’affaire politique » et que son espoir de les revoir était lié à sa volonté de poursuivre la tâche missionnaire entreprise à l’occasion d’un mariage ou d’un baptême. Les mois qui précédèrent la Libération de Lyon ou plutôt son évacuation par les Allemands, furent particulièrement éprouvants. Le quartier connut les rafles et les exécutions d’otages. Le 13 juin 1944, Roger Trotot, propriétaire d’une villa au 6 de la rue Volney, était fusillé avenue Rockefeller, victime de représailles allemandes à la suite d’un attentat à la grenade, perpétré par des résistants contre un camion militaire 80 . Le 19 août 1944, tous les hommes et les jeunes hommes du quartier étaient arrêtés par les Allemands et rassemblés dans les locaux du groupe scolaire Edouard-Herriot, rue Bataille. Quelques heures après, ils étaient libérés, à l’exception de quatre d’entre eux, gardés comme otages avant d’être exécutés. Les funérailles religieuses de Ferdinand Gay, laitier et marchand d’épicerie au détail 81 , mitraillé devant son magasin au 164 de la rue Bataille, en présence de sa femme et de ses deux jeunes enfants, eurent lieu le 23 août 1944. Trois cents personnes environ accompagnèrent la dépouille au cimetière. Les sources paroissiales ne livrent que peu d’informations sur les autres otages assassinés : l’un était un « Israélite » nouvellement établi dans la rue Seignemartin et l’autre, un Algérien musulman qu’on avait dit aussi « de descendance israélite » 82 . Le ministère rempli auprès de l’Institut médico-légal contribuait aussi à confronter de façon continuelle Laurent Remillieux aux réalités assassines de la guerre. Le bombardement effectué par les Alliés le 26 mai 1944 apporta la désolation sur les quartiers de Vaise, de Jean Macé et de Gerland. Les corps de nombreuses victimes furent transférés à la morgue sur le territoire paroissial : des funérailles furent célébrées dans l’église de Notre-Dame Saint-Alban et quelques-unes dans la salle de dissection de la Faculté de Médecine, en présence parfois de l’archevêque de Lyon. Elles sont commentées dans le double du registre paroissial par un Laurent Remillieux qui ne peut cacher son trouble ni la fascination morbide éprouvée face à ses corps déchiquetés et méconnaissables, qui le ramenaient inévitablement à la mort ignominieuse de son frère Louis. Ses précisions concernent les restes de plusieurs dépouilles mortelles déposés dans les mêmes cercueils, ce cercueil très court qui semblait être celui d’un enfant alors qu’il n’en était rien puisqu’il contenait un bras et une jambe d’une femme inconnue, ou encore cet autre qui rassemblait des débris humains venant de l’usine Olida de Gerland. Le cimetière, en partie touché par les bombes, avait pris lui-même un aspect lamentable que ne supportait pas Laurent Remillieux. Dans le contexte de la guerre, la mort qui se donnait et se recevait, brutale et violente, se disait crûment : on était tué, assassiné, mitraillé, les balles de revolver traversaient les poitrines et les corps étaient pulvérisés en débris par les bombes. Le discours traditionnel avait volé en éclats et le langage ne formait plus une barrière qui protégeait et consolait de la réalité de la mort. Les périphrases et les euphémismes habituels étaient encore utilisés mais ils étaient réservés à ceux qui, vieux ou malades, avaient eu le temps de se préparer à une mort attendue. Eux seuls partaient dans la confiance « de l’Eternité de Dieu », après avoir reçu « en pleine connaissance » « une bonne Extrême-Onction ». Leur « âme » pouvait alors « monter dans la paix au Ciel » 83 . Dans le registre de catholicité de 1944, les récits de la bonne et belle mort chrétienne des membres de la communauté paroissiale reculent devant ceux qui livrent une information journalistique sur la mort violente d’inconnus.

L’Institut médico-légal ramenait tout aussi durement Laurent Remillieux aux déchirements de la société française des années noires. De l’hiver à l’été 1944, le curé de Notre-Dame Saint-Alban célébra des funérailles d’hommes et de femmes liquidés par des groupes de résistants parce qu’ils travaillaient pour le compte des Allemands et/ou exerçaient des fonctions officielles dans la France de Vichy. Conseillère municipale traquée à son domicile, indicateurs de police pris dans des embuscades, gardes-mobiles tués en service commandé au cours de combats livrés contre des maquisards 84 , inspecteur de police abattu en compagnie du Commissaire parisien aux questions juives, les collaborateurs défilent dans les commentaires notés sur le double du registre paroissial, mais moins que les victimes des exactions allemandes et de la collaboration policière. Laurent Remillieux raconte ainsi les morts du chauffeur d’un camion, où avaient pris place quelques jeunes de la Résistance, arrêté, blessé et achevé par la Milice, d’un mécanicien-ajusteur victime des représailles d’une patrouille allemande après le meurtre d’un soldat allemand, d’un homme défenestré à son domicile où il cachait un jeune résistant, d’un ouvrier détenu à Montluc 85 pour avoir voulu échapper au STO. Il souligne la tristesse de ces morts violentes qu’il attribue à la confusion des temps, sans jamais chercher à hiérarchiser leur portée ou leur valeur. Il souligne la cordialité de la cérémonie organisée pour une employée à l’Hôtel d’Angleterre, mère de famille et veuve, retrouvée morte dans la rue, cérémonie qui se termina au cimetière en présence du directeur de l’Hôtel d’Angleterre et d’une délégation allemande. Il signale « l’ensemble très touchant » formé par les funérailles des deux gardes-mobiles précités au moment où, sur le terre-plein de l’Institut médico-légal, devant le fourgon qui allait emporter les deux dépouilles mortelles drapées de noir, leur Commandant et le Préfet régional adressèrent une allocution aux personnes présentes. Il retrace le parcours et l’élimination d’un comptable des Confitureries Lenzbourg, chef des jeunes de l’ « Europe nouvelle », et il confie l’intimité ressentie lors de la cérémonie pour laquelle s’étaient rassemblés les jeunes d’ « Europe nouvelle ». Dans les trois discours qui suivirent la prière de l’Eglise, prononcés dehors sur une tribune, « Dieu n’avait pas été absent ».

‘« On a l’impression que les groupes de jeunes auxquels appartenait M. Jean Méhay, jetés en pleine mêlée, devraient être mis en contact avec le Seigneur : “Père, pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.” Comment les joindre ? Au cimetière où il n’y avait que la famille et quelques amis, parmi lesquels Mr Duch, ce fut recueilli. Au cimetière même, M. Duch m’a fait quelques confidences qui justifient la nécessité de la mission dans ces milieux menacés par l’héroïsme païen. » 86

La mort à 17 ans d’un adolescent qui travaillait aux usines Lumière et qui avait été arrêté par les Allemands et emprisonné une dizaine de jours à Montluc n’ arrache pas à Laurent Remillieux des commentaires plus politiques. S’il est enclin à suivre l’appréciation de la sœur du jeune homme accusant un « Monsieur », arrêté en même temps et « qui avait sur lui de l’influence, qui l’avait enthousiasmé », il en revient vite à la très bonne foi » du garçon qui, le samedi avant d’être arrêté, « était allé se confesser et avait communié le dimanche » 87 . La mission était la seule réponse que Laurent Remillieux trouvait à apporter aux situations de violence au sein desquelles il ne cherchait pas à différencier les acteurs. Seul leur rapport à l’Eglise catholique et à la foi retenait son attention finale. Dans le récit d’un baptême célébré le 21 mai 1944, il décrivait la situation professionnelle des membres de la famille ou de leurs invités sans les commenter.

‘« Le grand-père, Mr Emile Secondo, est le parrain. Il travaille en ce moment à Düsseldorf où il repart demain. Il a un gros commerce à Marseille. […] Ils avaient invité des amis, Mr et Mme Chaud, 3 Impasse Jean Jaurès, jeune foyer. Mr Chaud est dans la Police ; il est presque toujours absent. »’

Après avoir livré ces quelques informations, l’abbé Remillieux retourne immédiatement à la nécessité de construire avec ces personnes, qui résidaient sur le territoire de Notre-Dame Saint-Alban, mais qu’il n’avait rencontrées qu’à la faveur de ce baptême, un lien durable qui les intègreraient au sein de la communauté paroissiale comme n’importe quelle autre famille de fidèles.

L’adjectif qualificatif « triste » recouvre le plus couramment l’appréciation des événements auxquels Laurent Remillieux était confronté par son ministère paroissial. La guerre était une tragédie qui s’imposait aux hommes et, même si on avait cru pouvoir nier avec l’armistice son existence, elle était devenue le cadre de leur vie. Mais Laurent Remillieux ne semblait pas en être un acteur conscient. Il la subissait sans vouloir agir dans l’un des camps qui s’affrontaient. Spectateur des terribles événements qu’elle déchaînait, il poursuivait la mission que lui avait confiée l’Eglise catholique universelle, sans juger, sans prendre parti, comme s’il était incapable d’une analyse ou d’une prise de position qui devait passer nécessairement par le politique. Cette position lui valut les reproches voire la méfiance de son entourage. Plusieurs faits le montrent et des témoignages le rappellent. Quand Cläre Barwitzky dut quitter Vaujany, il vécut son départ comme un abandon incompréhensible. En fait, les premiers groupes de Résistance s’étaient formés dans les montagnes et un prêtre réfugié du Nord, peut-être l’abbé Fauconnier 88 , ainsi qu’un séminariste au repos lui conseillèrent vivement de s’éloigner de Vaujany. A cause de sa nationalité allemande, elle se trouvait en danger et elle ne tarda pas à se réfugier à Lyon dans la paroisse de Notre-Dame Saint-Alban. Elle y retrouva les deux vicaires, l’abbé Fauconnier et l’abbé Glasberg, tous les deux engagés dans les activités de la Résistance. Dans ses mémoires, Cläre Barwitzky se souvient des relations tendues qui s’étaient alors instaurées entre l’abbé Remillieux et les autres occupants de la cure.

‘« Le Père Remillieux était désolé que je sois descendue de Vaujany. Il n’y voyait pas de danger. Il avait tant désiré qu’un séminaire d’Aides-Paroissiales soit fondé par moi à Vaujany. Il avait fait tant de sacrifices pour cela, qu’il ne pouvait pas comprendre que je lâchais ce projet. Il oubliait seulement que j’avais des papiers d’une Allemande, et que lui et les autres étaient Français. Il y avait des discussions violentes entre nous et lui. Quand je n’en pouvais plus, sachant bien que tous les engagés, moi compris, avaient très mal traité le pauvre Père Remillieux, le Bon Dieu nous a envoyé une solution. » 89

Cläre Barwitzky partit en effet rejoindre l’équipe de l’Aide aux Mères de Saint-Etienne, dirigée par Juliette Vidal et Marinette Guy, deux compagnes de Saint-François qui occupent une grande partie de la correspondance de Sylvie Mingeolet pendant toute la guerre. De la fin de l’année 1943 à la Libération, Cläre Barwitzky cacha trente enfants juifs dans des chalets à Chamonix, auparavant utilisés pour accueillir des séjours de colonies de vacances, puis dans un petit hôtel de la ville. Elle y demeura dans l’attente du retour des familles juives ou d’un placement des enfants jusqu’en avril 1945. Le titre de Juste des Nations a été décerné aux trois femmes pour avoir participé à plusieurs opérations de sauvetage d’enfants juifs, le 2 janvier 1969 pour les deux Françaises et le 20 mars 1991 pour l’Allemande, deux ans après son décès 90 . Nombreuses avaient été les Compagnes de Saint-François à basculer dans un engagement conforme aux valeurs qu’exprimait selon elles la solidarité chrétienne : à Lyon, à Saint-Etienne ou encore à Roanne, où œuvrait Alice Touzet, l’une des directrice de la Corporation Paysanne 91 , ces femmes s’inséraient dans les réseaux qui organisaient les filières tentant de soustraire les Juifs au génocide désormais programmé et soutenaient les activités de la Résistance spirituelle.

L’histoire d’Alexandre Glasberg est aussi racontée dans un livre consacré par Lucien Lazare aux « Justes de France » 92 . Juif ukrainien converti, il était arrivé en France en 1931. Il fut admis en 1932 à l’Institut catholique de Paris et fut rebaptisé sous condition le 8 juin 1933 chez les sulpiciens à la Solitude, leur maison de formation près du séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Après avoir passé quelques mois dans l’abbaye trappiste de Sept-Fons dans l’Allier, il entra au grand séminaire du diocèse de Moulins le 2 janvier 1934. A la rentrée d’octobre 1935, il entama ses études de théologie au Séminaire universitaire de Lyon, dont Louis Richard était alors directeur. L’ordination de l’abbé Glasberg se déroula dans l’abbaye de Sept-Fons le 24 septembre 1938. Sa première nomination l’envoya comme surveillant de la division des grands et professeur d’allemand à l’institution du Sacré-Cœur de Moulins, mais il obtint en 1939 son détachement du diocèse de Moulins et regagna ainsi Lyon. Il y retrouva un réseau d’amitiés construit au temps du Séminaire universitaire et dans le milieu des catholiques philosémites fréquenté lors de séjours parisiens 93 . Sa proximité avec les prêtres insérés dans les différents réseaux des intellectuels catholiques lyonnais décrits au cours du chapitre précédent le reliait déjà aux proches de la paroisse de Notre-Dame Saint-Alban. La guerre venait d’éclater quand Mgr Gerlier envoya Alexandre Glasberg seconder l’abbé Remillieux. Après l’Armistice, alors que Lyon devenait la véritable capitale de la zone « libre » et accueillait ceux qui fuyaient les troupes d’occupation et le totalitarisme nazi, « Juifs, antifascistes étrangers, rédacteurs de journaux parisiens devenus lyonnais, écrivains “engagés”, dirigeants de groupements interdits par les autorités occupantes, enseignants qui [avaient] pu se faire muter » 94 , l’abbé Glasberg s’imposa comme l’un des grands acteurs de la Résistance qui s’organisa au sein de ces milieux chrétiens. Il participa à la Résistance spirituelle en collaborant à la diffusion des Cahiers du Témoignage chrétien. Mais son engagement concerna avant tout l’action de secours et de sauvetage menée en faveur des proscrits. Parce qu’il avait remplacé dès octobre 1940 son curé au Comité interconfessionnel d’aide aux réfugiés, il se retrouva à intervenir en faveur des réfugiés et des internés de toutes les religions et nationalités. S’entourant d’une petite équipe résolue, il mena rapidement une lutte très concrète. Le vicaire de Notre-Dame Saint-Alban intervint directement dans les camps d’internement, comme celui de Gurs, pour sauver de la déportation des étrangers victimes de la vindicte des nazis et du gouvernement collaborateur, fabriquant des faux papiers, cachant des individus recherchés. Il fut ensuite avec le Père Chaillet le principal animateur de l’association « L’Amitié chrétienne », organisée dans les premiers mois de 1942. Il tenta alors de protéger les Juifs des dérives de la politique antisémite puis de les soustraire à la politique d’extermination dirigée par les nazis avec la complicité de Vichy. N’hésitant jamais à franchir les limites de la légalité, il organisa des filières lyonnaises de sauvetage des enfants juifs, montant au nez des autorités les opérations les plus risquées, comme celle conduite dans le fort de Vénissieux les 27 et 28 août 1942 avant le départ d’un convoi vers les camps de la mort via l’Allemagne. A la fin de cette année 1942, après avoir été condamné à mort par contumace pour avoir participé à des sabotages avec des cheminots de Franc-Tireur, Alexandre Glasberg dut quitter Lyon 95 . Réfugié dans le Tarn-et-Garonne, il prit en charge la paroisse de Leribosc que lui confia Mgr Théas et continua ses activités de résistance, notamment en relation avec le maquis d’Ornano justement replié à Leribosc à partir de la fin du mois de mars 1944 96 .

On a souvent donné à Notre-Dame Saint-Alban le visage de la Résistance et l’article de Régis Ladous se place finalement dans une continuité historiographique. Mais cette posture revient à simplifier la réalité, à uniformiser les pensées et les actions de tous les acteurs paroissiaux et finalement à coller au mythe de la paroisse novatrice et marginale. L’attitude de Laurent Remillieux, son curé, ne se confond pas avec celle d’Alexandre Glasberg, son vicaire, et la mémoire du premier demeure ici très controversée. Certains témoignages dénoncent en effet ses compromissions avec l’occupant ou, du moins, les imprudences et les flottements qui montraient son refus à la fois des réalités et de l’engagement politique. Celui que Joseph Folliet a recueilli de Robert Flacelière, qu’on ne peut soupçonner de vouloir obscurcir la mémoire d’un prêtre admiré pour sa contribution au renouveau liturgique, aborde des faits troublants qui se déroulèrent pendant l’automne 1941. L’helléniste Robert Flacelière enseignait alors à la Faculté des Lettres de l’Université de Lyon et appartenait au petit groupe de professeurs qui n’hésitaient pas à dévoiler l’appui et même le concours qu’ils apportaient à la Résistance spirituelle. Il se remémore ici une conversation qu’il eut avec l’abbé Remillieux au moment où débutait l’aventure des cahiers clandestins du Témoignage chrétien.

‘« Je me souviens aussi particulièrement d’une de ses visites chez nous en 1940 (ou 1941 ?) alors qu’il était sollicité par les Nazis d’aller en Allemagne... Je lui lus intégralement le premier numéro du Témoignage chrétien clandestin qui venait de paraître : “ France, prends garde de perdre ton âme ”. Et je crois qu’il refusa d’aller en Allemagne, comprenant que, s’il est beau de travailler au rapprochement franco-allemand, il y a des circonstances où il vaut mieux s’abstenir. » 97

Ce premier cahier fut diffusé au cours du mois de novembre 1941. Ses pages entendaient alerter « tous les Français soucieux encore des valeurs humaines et chrétiennes » du « caractère foncièrement antichrétien de la mystique qui inspir[ait] le nazisme », des « procédés sournois de pénétration et de persécution employés par l’esprit hitlérien », enfin de « leur application en France » et des « résultats déjà obtenus » 98 . Après avoir démontré que le national-socialisme présentait un caractère plus dangereux que le communisme athée, le texte dénonçait la séduction perverse exercée sur les catholiques par l’idéologie de la Révolution Nationale, le choix insupportable de la collaboration d’Etat et les violences de l’antisémitisme. Avec cette lecture, Robert Flacelière entendait lutter contre la tentation du prêtre qui, croyant œuvrer comme tout au long de sa vie au rapprochement franco-allemand et favoriser la paix, aurait participé de fait à l’édification de l’Ordre Nouveau dans l’Europe occupée. François Varillon revint lui aussi dans un texte plus tardif sur les ambiguïtés de Laurent Remillieux vis-à-vis du nazisme, corroborant ainsi le témoignage de Robert Flacelière et toujours liant son absence de lucidité politique à son attrait pour la jeunesse allemande.

‘« Nous avions l’impression que le nazisme c’était la peste, sans nuances. Mais tout le monde ne s’en apercevait pas. L’abbé Remillieux, encore un pionnier lyonnais de cette époque, s’est laissé influencer par Vichy, impressionné par la discipline et le goût de vivre de la jeunesse allemande. » 99

En dépit des efforts de ses proches, les sentiments de l’abbé Remillieux à l’égard du régime de Vichy ou ses rêves de paix ne se modifièrent pourtant pas après 1942. Dans les cartons d’archives de la Chronique Sociale, ont été conservés le texte original du Père Remillieux et les différentes épreuves corrigées de la main de Madeleine Picard d’après les consignes données par l’auteur. Ainsi, quand à la page 154 de la version publiée on peut lire, après la définition d’un Laurent Remillieux résistant par « son refus du racisme et des idéologies hitlériennes, l’aide effective à ceux que traquaient la police, l’amitié fidèle à des hommes qui risquaient leur vie dans les organisations de résistance » :

‘« Il fut également “ pétainiste ”, si l’on veut dire par cet épithète que, comme de nombreux Français en zone Sud, il fit, un certain temps, confiance à la personne du maréchal et que, comme prêtre, il affirma la nécessité de l’obéissance aux justes lois du pouvoir légal, – ce qui ne l’empêchait point de désobéir à celles qu’il estimait injustes. »,’

on trouve dans la première version non corrigée :

‘« Il est non moins certain qu’il fut “ pétainiste ” [...], il affirma jusqu’au bout la nécessité de l’obéissance aux justes lois du pouvoir légal [...] » 100

Au printemps 1944, Laurent Remillieux ne semblait d’ailleurs pas plus conscient de l’exception idéologique du national-socialisme qu’à l’automne 1941. Les notes prises par Marcel Marchand lors d’une conversation avec son curé qui se déroula le 18 mai 1944 révèlent le refus de ce dernier d’examiner le national-socialisme indépendamment des autres idéologies que les chrétiens avaient eu à combattre depuis le XIXe siècle.

‘« Si l’on veut causer National-Socialisme, il faut causer communisme, libéralisme. Nous avons eu les encycliques, mais il faut remonter au Syllabus de Pie IX pour avoir une clé. »’

La référence à la condamnation de la société moderne était explicite et justifiait peut-être aussi son adhésion au projet politique et social de Vichy. Ailleurs, à l’étranger, le seul modèle qui attirait son regard était le Portugal de Salazar, sous réserve cependant d’accéder à de plus amples informations sur ce régime.

Le témoignage le plus intraitable à l’égard des ambiguïtés politiques de Laurent Remillieux est néanmoins constitué par celui que rédigea pour Joseph Folliet l’abbé Desjardins le 10 juin 1953 101 . Il avait pris connaissance depuis longtemps de l’appel à témoins lancé dans Témoignage chrétien et dans la feuille paroissiale de Notre-Dame Saint-Alban. Il expliquait sa réponse tardive par son souci d’éviter de soulever une polémique sur le sujet des relations du prêtre avec la Résistance et l’occupant allemand. Il ne s’était « pas reconnu le droit de faire un panégyrique et plutôt que d’être tenté de charger le Père Remillieux, mieux [avait valu] se taire ». Il craignait de paraître « sévère » et de décevoir son interlocuteur, bien qu’il pensât ne pas lui apprendre de nouveaux faits : ce qu’il avait à lui écrire, Joseph Folliet devait l’avoir déjà maintes fois entendu de l’abbé Félicien Fauconnier « qui était encore moins tendre que lui pour le Père Remillieux ». L’abbé Desjardins avait « connu le Père vieillissant, de janvier 1941 à février 1945 ». Il le déclarait sans ménagement « toujours pro-allemand » en dépit des circonstances de cette guerre d’un type nouveau voulue par l’Allemagne nazie, prêt à accepter une Europe hitlérienne, attitude qu’il prenait la peine de distinguer cependant d’une adhésion au régime hitlérien. C’était une nouvelle allusion à la tentation qu’avait pu éprouver Laurent Remillieux de travailler à l’ordre européen nouveau. Il lui reprochait surtout le manque de clarté de ses idées, de n’avoir pas systématiquement et en toute conscience couvert les activités de l’abbé Glasberg et d’avoir commis des imprudences pouvant mettre en danger le réseau de résistants gravitant autour de son vicaire.

‘« Le Père Remillieux n’ignorait pas l’activité du Père Glasberg. C’est certain même. C’est au début de 1941 que le Père Glasberg envoya le Père Remillieux au camp de Gurs pour une somme d’argent à remettre à un Juif en instance de départ pour l’Amérique. Quand le Père Glasberg fit sortir avec le Père Chaillet quatre-vingts enfants juifs, le Père Remillieux ne put qu’applaudir. Mais de là à approuver tout ce que le Père Glasberg disait ou faisait, il y a de la marge et le Père Remillieux n’a pas dû toujours combler la marge.
Il était toujours pro-allemand et […] son amour de l’Allemagne, de l’Europe unie lui fit même approuver – en partie au moins – les conceptions hitlériennes, je ne dis pas le régime lui-même.
Je lui ai reproché quelquefois de faire passer la charité avant la vérité. A mon avis, il n’avait pas toujours des idées très claires, il avait des intuitions de génie, mais pour les monnayer, les rendre acceptables et compréhensibles aux autres, c’était bien difficile. […]
Pour ce qui est de son attitude avec le Père Glasberg, il n’a pas couvert ses activités de façon formelle et continue. Il en parlait, oui, aux chrétiens (10 à 30) qui l’écoutaient le vendredi soir ou le Dimanche soir à l’église. Il en causait avec ceux qui passaient au presbytère de façon sympathique, mais ça n’allait pas plus loin. Et quand le Père Glasberg entra dans la clandestinité, je ne suis pas sûr qu’il n’ait pas poussé un soupir de soulagement.
Il y a même plus grave. Quand le secrétaire du Père Glasberg, le pauvre Donnet, se fit prendre fin juin 1944, si ma mémoire est fidèle, et fut abattu comme un chien dans la rue, on le transporta à Grange-Blanche et sa carte d’identité, je crois, portait l’adresse : 2 rue Antoine Chevrier. La police allemande arriva à la fin du repas de midi, demanda les clefs pour les comparer avec celles trouvées sur Donnet. Evidemment, ce n’était pas les mêmes. Le Père Remillieux était là. Il emmena les officiers dans son bureau. De ce qu’il me dit après, à moi et à sa sœur accourue pour savoir, il leur expliqua que Donnet avait dû être un aide du Père Glasberg, son ancien vicaire. “ Ah Glasberg qu’est-ce qu’il nous en fait voir celui-là ! ” s’écrièrent-ils. Si le pauvre Donnet n’était pas mort, un coup comme cela aurait poussé la Gestapo à le faire parler. [Commentaire manuscrit de Joseph Folliet : “ oui, mais il est mort ! ”]

Les reproches reposent à la fois sur des observations et sur des interprétations ou des supputations que conteste d’ailleurs Joseph Folliet. Lui retient des remarques du vicaire ce qu’il analyse comme des exagérations et des extrapolations. Sans entrer dans la polémique, retenons simplement qu’ils témoignent des dissensions qui régnaient au sein de la cure de Notre-Dame Saint-Alban, où s’affrontaient finalement deux générations de prêtres, comme le laisse entendre l’insistance de l’abbé Desjardins à dire qu’il avait connu l’abbé Remillieux « vieillissant », non « au temps de sa pleine activité, mais lorsqu’il déclinait ».

La lecture de l’ouvrage de Renée Bédarida sur l’histoire des Cahiers du Témoignage chrétien permet de poser le problème dans les mêmes termes. L’auteur a analysé les filières de recrutement et les points communs de ceux qui entraient dans la Résistance spirituelle : anciens sillonnistes, démocrates chrétiens, syndicalistes, Amis de Temps présent - Temps nouveau et anciens lecteurs de L’aube, militants de l’Action catholique spécialisée des milieux urbains, Compagnons et Compagnes de Saint-François. La question réside bien dans cette interrogation : pourquoi Laurent Remillieux n’a-t-il pas été, à l’image des nombreux clercs et laïcs qui l’entouraient, un membre actif des réseaux constitués autour de « L’Amitié chrétienne », structurant les filières de sauvetage des enfants juifs ou prenant en charge la diffusion des cahiers clandestins du Témoignage chrétien ? Tout comme l’institution, Laurent Remillieux, prisonnier de sa formation cléricale, obéit à une autre logique, celle de la primauté du spirituel. Il donne la priorité à l’Eglise missionnaire et à l’esprit de charité. L’absence de conscience politique s’accompagne de l’absence d’une réflexion sur l’engagement 102 . Les engagements des autres catholiques, lyonnais d’origine ou de circonstances, sont d’ailleurs restés individuels, dégagés de l’institution. Les différents itinéraires se construisirent à l’intérieur des réseaux fréquentés avant la guerre et renouvelés par l’arrivée des militants catholiques réfugiés ou repliés à Lyon. Une lettre envoyée par Joseph Chaine à Victor Carlhian, le lundi 17 avril 1942 certainement, en est l’un des témoignages, dont l’intérêt spécifique est d’intégrer cette fois le fondateur laïc de Notre-Dame Saint-Alban aux milieux résistants qui se forgeaient au croisement des différentes militances de l’avant-guerre.

‘« Monsieur,
Monsieur Robert d’Harcourt, de passage à Lyon, sera chez moi 32 rue de Trion, mercredi prochain 19 avril à 16 heures 30, pour une heure environ.
Il sera heureux de rencontrer quelques amis.
Je viens donc vous dire combien lui et moi serons heureux de vous voir, si vous êtes libre ce jour-là et à cette heure. On causera un moment ensemble. Je vous demande de ne pas me faire réponse, ni par lettre ni par téléphone. Vous viendrez si vous le pouvez.
Dans l’espérance que vous serez libre, je vous prie, Monsieur et cher Ami, de vouloir bien agréer l’assurance de mes dévoués sentiments. » 103

L’abbé Chaine précisait par une mention manuscrite que Victor Carlhian devait se rendre au rendez-vous dès 16 heures 30. Laurent Remillieux, pour sa part, est toujours resté en marge des activités résistantes, mais son action préalable dans le rapprochement franco-allemand, liée à son insertion dans des milieux qui ont largement basculé dans l’antinazisme puis dans la Résistance, ont pu fausser certaines présentations globalisantes des acteurs paroissiaux de Notre-Dame Saint-Alban. Dire ses ambiguïtés était possible dans la mesure où ces dernières n’excédaient pas ce qui pouvait être entendu par les catholiques partisans du renouveau paroissial qu’il incarnait à Lyon. On les expliquait par sa passion de la paix et de l’Allemagne et par son loyalisme vis-à-vis de l’Eglise institutionnelle. Mais il était plus difficile de rendre compte des attitudes qui dépassaient les limites que les fervents du modèle paroissial de Notre-Dame Saint-Alban lui fixèrent a posteriori. L’abbé Remillieux ne pouvait que demeurer dans le cadre imposé par sa hiérarchie.

Le témoignage de l’abbé Desjardins refuse pourtant de laisser supposer que son curé s’en tenait à ce cadre.

‘« Dois-je encore mentionner qu’ayant à lire un communiqué de l’Archevêché au sujet du S.T.O. ou de faits de ce genre, je me souviens très bien qu’il passa sous silence les deux ou trois lignes les plus importantes. Je me permis de lui en faire la remarque aussitôt la Messe finie mais il me répondit à peine.’

Le vicaire se plaçait clairement aux côtés des « tenants de la résistance spirituelle et patriotique » 104 qui exhortaient les jeunes Français à refuser leur participation à l’effort de guerre allemand, enjeu capital dans une guerre totale, et qui appelaient à une lutte active contre l’ennemi nazi. La loi sur le Service du travail obligatoire conforta les clivages. Désormais des militants catholiques, prêtres et laïcs, s’impliquèrent dans l’organisation de la résistance armée des maquis, creusant plus encore le fossé qui les opposait aux clercs fidèles au devoir d’obéissance au pouvoir légal. D’anciens scouts de la troupe paroissiale, s’enfuirent avec d’autres jeunes hommes du quartier. Pierre Dussap a presque entièrement consacré son témoignage à raconter ces temps héroïques, pendant lesquels, avec plusieurs de ses « vieux copains scouts », il a partagé les dangers de la Résistance 105 . Il connaissait les activités clandestines de ses patrons, qui planquaient des armes et des tracts gaullistes, mus par leurs sentiments patriotiques anti-allemands. L’un de ses employeurs fit d’ailleurs un séjour à Montluc. Pierre Dussap participa à la diffusion de ces mêmes tracts et aida à évacuer le matériel compromettant, lorsque les troupes d’occupation investirent le quartier peu avant leur retraite définitive. Il était en contact avec des résistants communistes du quartier, lui-même avait alors adhéré à la Confédération Générale du Travail, et il savait que des juifs se cachaient dans le voisinage comme dans la « Maison d’œuvres ». S’il connaissait l’engagement de l’abbé Glasberg, il affirme pourtant que les activités résistantes des jeunes paroissiens ne furent jamais mêlées à celles du réseau construit autour du vicaire. Il oppose les ambiguïtés de Laurent Remillieux à la clarté des positions d’Alexandre Glasberg mais dit de ce dernier qu’il était secret et n’avait que peu de contact avec les gens du quartier. Le S.T.O. apparaît comme l’événement qui fit basculer plusieurs de ses camarades. Réseau et territoire développaient leurs propres logiques de résistance, selon des temporalités et des modalités d’action distinctes. L’appartenance au catholicisme comme à une même institution paroissiale n’étaient pas le gage d’une action commune. Pierre Dussap souligne la proximité des anciens scouts avec les jeunes communistes, peu nombreux, en l’expliquant par l’exception du temps. L’insertion dans un même milieu professionnel et la solidarité générationnelle avaient conduit en fait à cette proximité, et les communistes avaient pu être des passeurs pour les jeunes catholiques à la recherche d’un engagement résistant, face à la passivité du curé de la paroisse.

Dans les derniers développements de son témoignage, l’abbé Desjardins ne cherche cependant pas à nier la difficulté de Laurent Remillieux à vivre les déchirements du temps et sa compassion à l’égard des persécutés.

‘De tout cela, certes, il souffrait.
Et cela n’empêche que, surtout entre 1941 et 1943, il instruisit plusieurs Juifs ou Juives adultes pour les préparer au Baptême. Les registres de la paroisse en gardent les noms.
Quand un samedi de juillet ou d’août 1944, tous les hommes du quartier furent arrêtés et conduits au groupe scolaire Edouard-Herriot et que cela se termina par la fusillade de quatre hommes dont M. Gay, le crémier d’en face, il eut le lendemain à commenter, devant la foule encore frémissante du crime de la veille, l’Evangile du Bon Samaritain. Ce jour-là il se surpassa. Et vous étiez sans doute aux funérailles de Gilbert Dru et de Francis Chirat quelques jours avant ou après. »’

Les funérailles de Francis Chirat et de Gilbert Dru se déroulèrent dans l’église de Notre-Dame Saint-Alban parce qu’elle était la paroisse de l’Institut médico-légal. Les dépouilles mortelles avaient été transportées à la morgue après avoir été exposées plusieurs heures sur le trottoir de la rue Gasparin où les deux résistants avaient été fusillés. Leur assassinat et la cérémonie de leurs funérailles ont été longuement racontés dans l’ouvrage biographique consacré à Gilbert Dru 106 , mais on s’intéressera ici aux commentaires rédigés par Laurent Remillieux et figurant dans le double du registre paroissial de 1944. Ils présentent les deux jeunes hommes comme les victimes d’une prise d’otages décidée en représailles d’un attentat commis contre les troupes d’occupation. Les deux biographies qu’il retrace ne renferment aucune allusion à l’engagement et aux activités clandestines des deux résistants, sauf à l’occasion d’une phrase qui évoque les circonstances de leur rencontre.

‘« Francis Chirat et Gilbert Dru se sont connus surtout cette année à propos de l’attitude qu’ils ont prises au cours des événements qui bouleversent la société »’

C’est d’ailleurs après cette remarque qu’il annonce le message venu de l’Archevêché et qu’il était chargé de transmettre aux familles des deux disparus.

‘« Le lundi soir, veille des funérailles, le Cardinal m’a appelé pour me charger de dire aux deux familles combien avec tout son cœur il leur était uni dans le tragique événement, souffrant d’être dans l’impossibilité morale de participer à ces funérailles. »’

Les visites que Laurent Remillieux rendit l’après-midi aux familles lui donnèrent l’opportunité de rapporter les paroles de consolation et de soutien du cardinal Gerlier. 107 Parmi les prêtres qui encadrèrent les funérailles, nombreux étaient ceux qui appartenaient au milieu résistant mais Laurent Remillieux justifie leur présence par la proximité religieuse qui existait entre eux et les deux disparus : ils apparaissent comme une référence uniquement pastorale. Ainsi, le père Varillon présida à l’Absoute tandis que le curé de la Nativité à Villeurbanne, chanta la Messe, le premier car il était l’initiateur du rapprochement avec le catholicisme de la famille protestante de Denise Jouve, fiancée à Gilbert Dru, le deuxième car il était le curé de Francis Chirat. L’abbé Remillieux insiste sur la foi, la pratique régulière et la militance au sein des organisations catholiques (J.O.C. surtout) des familles Dru et Chirat. Les autres informations énumèrent les souffrances que ces familles avaient déjà endurées à cause de la guerre. Les sentiments qui dominent le récit mêlent la compassion à l’exaltation de vivre une cérémonie religieuse exemplaire par le recueillement et l’implication liturgique de son assistance – Laurent Remillieux souligne en particulier le nombre important des communions et l’émotion masculine. Il décrit aussi le rôle qu’il tint dans la cérémonie : il traduisit les prières de la Levée des Corps et de la première procession de la maison à l’église, puis, placé vers la porte, il fit suivre la Messe et traduisit enfin les prières de l’Absoute. L’engagement résistant du milieu catholique qui venait proclamer son union et sa communauté d’esprit était bien sûr présent dans le récit de l’abbé Remillieux à travers la mention des choix de Francis Chirat et de Gilbert Dru, mais l’acte politique s’effaçait résolument devant l’acte religieux que signalait l’exemplarité de la cérémonie liturgique. A contrario, le curé de Notre-Dame Saint-Alban tint au cours de cette cérémonie une place secondaire et son retrait laisse supposer qu’il ne jouait pas un rôle central dans le milieu catholique résistant, qui célébrait aussi son combat avec la perte de deux de ses héros.

C’est ainsi que quand le nom de Laurent Remillieux est associé à une activité résistante, le personnage demeure toujours à la périphérie de cet engagement. Si la présence de Juifs et d’Allemands qui avaient combattu dans les rangs des catholiques pacifistes, parmi lesquels Paulus Lenz-Medoc fut le plus célèbre mais le moins significatif si l’on cherche à étudier l’implication du curé de Notre-Dame Saint-Alban dans la Résistance, est assurée par plusieurs sources, il est plus difficile de remonter à l’origine de cette présence. Qui de Laurent Remillieux ou d’Alexandre Glasberg, le vicaire inséré dans les réseaux lyonnais de la Résistance, prit l’initiative de cacher sur le territoire paroissial de Notre-Dame Saint-Alban les persécutés et les bannis du nazisme ? Quelle part accorder à Laurent Remillieux dans la dénonciation des horreurs de la persécution nazie ? A bien lire les souvenirs sur la Résistance chrétienne à l’antisémitisme qu’Henri de Lubac publie en 1988 108 , on tendrait finalement à lui redonner, dans certaines circonstances, le rôle de médiateur qu’il avait affectionné toute sa vie. Le père de Lubac consacre le chapitre IV de son ouvrage à la genèse et à la conception de la « Déclaration Chaine » réagissant au second Statut des Juifs promulgué par Vichy le 3 juin 1941 109 . L’alerte aurait été donnée par Paulus Lenz-Medoc, réfugié à Lyon après avoir quitté Paris au moment de l’invasion de l’été 1940. On lui avait proposé de donner un cours de littérature allemande à l’université et des leçons d’allemand aux étudiants du Séminaire universitaire. Il logeait près de l’église paroissiale, au 16 de la rue Laënnec 110 , mais ses fréquentations de l’université lyonnaise et du Séminaire universitaire élargirent le premier cercle relationnel dans lequel il pouvait s’inscrire par son passé de militant pacifiste issu de la FDK. Selon Henri de Lubac, ce fut néanmoins avec Laurent Remillieux qu’il commença à discuter de la réaction qui devait être opposée à la radicalisation de la politique antisémite de Vichy. « Il ne fallait pas que cette loi passât presque inaperçue comme celle de 1940, il fallait alerter l’opinion, réfuter les sophismes qui inspiraient ce nouveau statut des Juifs, et cela devait être fait par une autorité hautement reconnue. » 111 Ensemble ils s’entendirent sur la nécessité d’entreprendre une démarche auprès d’un membre de la Faculté de théologie et Remillieux prit alors contact avec l’abbé Joseph Chaine. Le projet de protestation fut effectivement préparé par un groupe de professeurs animé principalement par Joseph Chaine, soutenu par Louis Richard et Henri de Lubac, et le texte finit par circuler officieusement, car il ne reçut pas l’agrément des autorités des Facultés Catholiques. Laurent Remillieux avait suivi la réaction de son ami allemand et avait favorisé la rencontre de deux hommes qui pouvait s’entendre sur une contestation commune.

Sa participation aux conversions de Juifs, qui se multiplièrent dans le cadre paroissial notamment au cours de l’année 1941, semblent, de la même façon finalement, étroitement liée à la proximité qui existait de fait entre Notre-Dame Saint-Alban et le milieu résistant, construit à partir des réseaux du catholicisme lyonnais dans lesquels s’inséraient plusieurs des acteurs paroissiaux. Le passage à la Résistance des intellectuels catholiques gravitant autour de Victor Carlhian, des animateurs de la Chronique Sociale et des Compagnons et Compagnes de Saint-François fit de Notre-Dame Saint-Alban un lieu de la Résistance lyonnaise, d’autant plus actif que l’abbé Glasberg était devenu son vicaire et qu’elle accueillait désormais aussi l’abbé Fauconnier. La présence de Laurent Remillieux dans les cérémonies de baptêmes se déroulant au sein de la communauté de Notre-Dame de Sion, communauté investie dans la lutte contre la persécution des Juifs, a été relevée par Madeleine Comte 112 . Les registres de catholicité de Notre-Dame Saint-Alban conservent quant à eux la trace des baptêmes d’adultes ou d’adolescents, français ou étrangers originaires d’Allemagne, d’Autriche ou encore d’autres pays d’Europe centrale et orientale, ne résidant pas sur le territoire paroissial ou y résidant depuis peu. Aucune trace de faux certificats de baptême qui auraient pu être délivrés par les prêtres de la paroisse n’a été retrouvée et on peut alors se demander si les résistants catholiques liés à Notre-Dame Saint-Alban ne sont pas demeurés en-deçà d’un philosémitisme refusant la conversion des juifs en détresse, sans pouvoir cependant répondre à la question. Parmi les signataires des actes de baptême, on ne retrouve pas souvent le nom de Laurent Remillieux. Beaucoup plus nombreuses furent les cérémonies célébrées par Alexandre Glasberg et, même si ce dernier n’apparaît pas toujours comme le prêtre célébrant, sa présence est le plus souvent signalée aux côtés des autres intervenants. Parmi les noms figurant dans les registres, soit en tant que célébrants soit en tant que parrains, marraines ou simples témoins, on peut aussi lire ceux bien sûr des deux autres vicaires, l’abbé Fauconnier et l’abbé Desjardins, mais aussi ceux de l’abbé Joseph Chaine, de Robert et de Marie-Louise Flacelière, de Paulus et d’Hélène Lenz-Medoc, de Cläre Barwitzky, de René Biot, de François Perroux, de Joseph Vialatoux, de Stanislas et d’Agnès Fumet. Le rayonnement de Notre-Dame Saint-Alban dépassait celui de son curé mais ce dernier était peut-être d’autant plus utile qu’il continuait à conserver des relations d’entente cordiale avec les autorités de Vichy et les troupes d’occupation. Son refus du politique servait aussi bien les activités résistantes que ses imprudences et ses compromissions pouvaient les desservir.

Après avoir rappelé les épisodes les plus glorieux de l’histoire paroissiale, l’abbé Desjardins revient d’ailleurs sur ses zones d’ombre en questionnant à nouveau les ambiguïtés de Laurent Remillieux. Il dénonce cette fois son inclination à s’apitoyer, après la Libération du territoire, sur les vaincus de la guerre puis retrace, avec amertume, ses efforts pour accueillir au sein de sa communauté paroissiale des prisonniers de guerre allemands retenus sur le territoire de Notre-Dame Saint-Alban.

‘Faut-il dire partialité ? Double jeu ? Voyait-il lui-même bien clair dans son idée ? Je n’oserais l’affirmer. C’était toujours son amour de l’Allemagne qui l’inspirait. Lui qui n’avait jamais dit grand-chose sur les atrocités de la Gestapo et de la Milice, il s’enflamma et fulmina contre les excès – regrettables et inévitables – de la Résistance à la Libération.
Plus tard, quand des prisonniers allemands furent logés sur la paroisse, rue Bataille je crois, il en fit la portion choisie de son Troupeau, allant les voir au moins chaque semaine. Quand je suis venu au Congrès de Pastorale Liturgique à Lyon en 1947, j’ai assisté au mariage de Joseph Charlas et j’ai été un peu gêné d’entendre par trois fois le groupe des prisonniers de guerre allemands chanter quelque chose dans leur langue. ’

En ce mois de septembre 1944, l’abbé Remillieux avait en effet exhorté ses paroissiens à la clémence. Il avait relayé les paroles prononcées par le cardinal Gerlier condamnant les « représailles individuelles » et les « vengeances passionnées » 113 . Les haines qui déchaînaient l’épuration sauvage étaient assimilées par Laurent Remillieux aux « manques de charité », insupportables aux âmes chrétiennes, et il était dit que seuls les faibles se complaisaient dans le refus du pardon. Les thématiques de la piété culpabilisante ne s’étaient pas évanouies avec la Libération, elles étaient au contraire réactivées dans une nouvelle perspective de réparation. L’habituelle promesse d’un monde meilleur à venir exigeait sa part habituelle de mérite. Les ruptures événementielles se fracassaient sur la pérennité du discours.

‘« Dans la mesure où notre âme est chrétienne, nous sommes bouleversés par les haines et les manques de charité qui agitent le monde dans ses hautes sphères comme dans tous les milieux qui le composent, si humbles et si restreints soient-ils.
Pour réparer, pour mériter devant Dieu qu’un monde nouveau, meilleur que celui qui est ébranlé, surgisse enfin, ne serait-il pas sage et bon, chaque jour, en esprit de pénitence, de préparer et de réaliser, dans l’humilité de notre vie familiale ou sociale, un acte de bonté, de charité vraie envers ceux ou celles qui nous entourent, surtout s’ils ne nous sont pas naturellement sympathiques ? Si nous étions seuls, dans notre faiblesse, nous ne pourrions pas penser à de telles réalisations. Mais Dieu est avec nous. » 114

Un autre témoignage recueilli par Joseph Folliet 115 préfère encore employer le terme de charité à propos de Laurent Remillieux. « Sa charité incommensurable s’étendait à tous » et se trouve alors confirmée l’association des prisonniers allemands aux cérémonies paroissiales : ils assistaient souvent à la messe de communauté de 7 heures 30, à la fin de laquelle « le Père Remillieux entonnait en allemand un cantique à la Vierge, ce qui émouvait visiblement toute l’Assemblée ».

Sa nomination comme vice-président du Comité de Libération, qu’il annonçait au cardinal Gerlier comme à ses paroissiens le 25 septembre 1944 116 , revêt alors une autre signification que celle d’une improbable reconnaissance de ses faits de résistance.

‘« Il y a deux semaines environ, au lendemain de la Libération, en dehors de toute question politique, religieuse ou autre, un Comité a été fondé dans notre quartier par quelques hommes dévoués très honorablement connus de tous.
Il s’agit seulement de donner une forme pratique à une entr’aide vraiment fraternelle entre tous les habitants du quartier, pour qu’entre nous et devant les Pouvoirs Publics nous puissions nous soutenir efficacement, qu’il s’agisse d’alimentation ou de tous autres intérêts légitimes et primordiaux.
[…]
Une réunion qui s’est tenue au Café Flant, rue Longefer et place du Transvaal, le mardi 5 septembre, composée de tous les hommes qui avaient pu être invités, a nommé à mains levées le Bureau dont le Président est le si dévoué Monsieur Lèbre. On était venu me chercher. On m’a demandé de partager la Vice-Présidence avec Monsieur Bardin, boulanger, rue Pierre Sonnerat. C’est à titre de Vice-Président que je vous écris. Je l’affirme, il ne s’agit nullement de questions religieuses. Si c’est moi, prêtre et Curé de Notre-Dame Saint-Alban qui vous écris, c’est seulement à titre d’habitant notre quartier depuis presque vingt-cinq ans.
Avec notre Président Monsieur Lèbre et les autres membres du Bureau nous sommes allés à a Préfecture. Le contact que nous y avons eu avec l’autorité compétente nous permet de nous situer dans le grand effort que comporte l Libération, celui du quartier des Nouvelles Facultés, en prolongement du Comité Officiel de Libération du 7ème arrondissement. » 117

De politique et de religion, il était pourtant fortement question dans l’érection de ce Comité de Libération de quartier et dans le choix consensuel de ses membres. Les différentes forces issues de la Résistance, porteuses d’un projet politique, négociaient et se partageaient la direction du pays. Alors qu’il s’agissait de pacifier une société déchirée et traumatisée par les années d’occupation et de collaboration, troublée encore par les combats de la Libération, l’oubli et l’esprit de conciliation participaient de la reconstruction politique. Le témoignage de Marcel Marchand évoque les autres catholiques, scouts ou adhérents du Mouvement Populaire des Familles, qui siégeaient dans le Comité local de Libération et qui avaient pu proposer d’y intégrer le curé de la paroisse. Marcel Marchand y représentait lui-même les syndicalistes de la C.F.T.C.. Les catholiques du quartier, et en premier lieu l’abbé Remillieux, auréolés des exploits des résistants de Notre-Dame Saint-Alban, bénéficiaient du mythe résistancialiste qu’avait commencé à forger le général de Gaulle tout au long de l’été 1944.

Notes
1.

R. Ladous, « Des chrétiens pour la paix : les Compagnons de Saint-François et l’Allemagne », op. cit., p. 146.

2.

Ibid., p. 147.

3.

Ibid., p. 148.

4.

Ibid., p. 148.

5.

Ibid., p. 149.

6.

L’invitation à venir partager la vie paroissiale de Notre-Dame Saint-Alban a déjà été utilisée dans le chapitre précédent. L’épisode a été raconté par Joseph Folliet, Le Père Remillieux…, op. cit., p. 227-228.

7.

Lettre de Laurent Remillieux au Cercle Saint-François d’Assise, datée du 18 octobre 1933, Papiers Remillieux.

8.

J. Folliet, Le Père Remillieux…, op. cit., p. 202-203.

9.

Sur le thème du pacifisme français voir la synthèse récente d’Yves Santamaria, Le pacifisme, une passion française, Paris, Armand Colin, 2005, 350 p. Sur la période qui nous concerne plus exactement on peut consulter la publication des actes d’un colloque tenu à Reims, les 3-5 décembre 1992, par le centre ARPEGE, Maurice Vaïsse (dir.), Le Pacifisme en Europe des années 1920 aux années 1950, Bruxelles, Bruylant, 1993, 455 p., comme le numéro consacré au « pacifisme de 1920 à nos jours » par la revue Relations internationales, N° 53, printemps 1988. Voir notamment l’article de Maurice Vaïsse, « Le pacifisme français dans les années 1930 », p. 37-52, et celui de Patrick de Villepin, « Plutôt la servitude que la guerre ! Le pacifisme intégral dans les années trente », p. 53-67.

10.

Jacques Bariéty, « Les partisans français de l’entente franco-allemande et la “ prise du pouvoir ” par Hitler, Avril 1932-Avril 1934 », in Jacques Bariéty, Alfred Guth, Jean-Marie Valentin (dir.), La France et l’Allemagne entre les deux guerres mondiales, Actes du colloque tenu en Sorbonne (Paris IV), 15-16-17 janvier 1987, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1987, 234 p., p. 21-30.

11.

Ibid., p. 22.

12.

L’ouvrage de synthèse de Jacques Binoche sur l’Histoire des relations franco-allemandes de 1789 à nos jours, Paris, Masson-Armand Colin, 1996, 324 p. rappelle les déclarations rassurantes de Hitler du printemps au mois de décembre 1933, p. 171-172.

13.

Voir Guenter Lewy, L’Eglise catholique et l’Allemagne nazie, New York, 1964, Paris, Stock, 1965 pour la traduction française, 358 p., p. 29, 33, 50.

14.

La travaux de Marie-Emmanuelle Reytier sur le catholicisme allemand et notammement sa thèse, Les catholiques et la république de Weimar : les Katholikentage en Allemagne, 1919-1932, soutenue en mars 2005 sous la direction de Jean-Dominique Durand, à l’Université Jean Moulin-Lyon 3,permettent de replacer dans le contexte de leur Eglise les militants démocratiques et pacifistes de la FDK. Voir aussi son article « Les Katholikentage dans l’entre-deux-guerres », 14-18 Aujourd’hui. Today. Heute, Editions Noêsis, février 1998, 1, p. 71-85, et sa contribution, intitulée « Les Katholikentage locaux entre 1933 et 1935 : entre résistance et soumission », à la journée d’études du CIERA (Centre interdisciplinaire d’études et de recherche sur l’Allemagne) sur les engagements résistants catholiques et protestants contre le Nazisme en France et en Allemagne, tenue le 21 mai 2003 à l’E.H.E.S.S.

15.

J. Folliet, Le Père Remillieux..., op. cit., p. 204.

16.

Texte dactylographié, intitulé « Conférence sur le Centre allemand », 41 p., Papiers Remillieux-Thomasset.

17.

Laurent Remillieux répondit à Josef Rüther, qui résidait à Brilon en Westphalie, le 25 mars 1933 en le remerciant de lui avoir fourni un rapport « long et exhaustif » pour sa conférence. Il lui affirme avoir porté un intérêt particulier aux renseignements qui concernaient les relations entre la jeunesse et le Zentrum. Il lui confie aussi que « la salle était pleine à craquer », que « la plupart étaient des non-croyants » et qu’il avait eu « l’impression que [la] conférence était réussie ». Quelques personnes de l’Action Française étaient présentes et elles avaient perturbé le déroulement de la conférence en posant des questions. Lettre conservée dans les Papiers Remillieux prêtés par la famille.

18.

Sur l’histoire détaillée de l’arrivée au pouvoir de Hitler, voir Ian Kershaw, Hitler, Tome 1 1889-1936 : Hubris, 1998, Paris, Flammarion, 1999 pour la traduction française, 1161 p., chap IX « La percée » et chap. X « Hissé au pouvoir ».

19.

Lettre de Laurent Remillieux à Josef Rüther datée du 25 mars 1933, Papiers Remillieux.

20.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 5 au 12 mars 1933, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado : « Aujourd’hui, nous prierons très spécialement pour nos frères catholiques de langue allemande. Pour eux, que sont et que vont être les événements ? C’est le secret de Dieu. Quoi qu’il arrive, restons très unis avec eux par la prière et le cœur. Chaque jour à la sainte messe disons avec une ferveur particulière la première oraison avant la communion, ainsi que nous l’avons fait vendredi dernier à la méditation. A la grande prière du Canon disons avec accent tout ce qui concerne l’unité intangible de l’Eglise. ».

21.

J. Folliet, Le Père Remillieux..., op. cit., p. 204-205. Aucun texte de cette conférence n’a été retrouvé et je n’ai pu aller sur le sujet au-delà de l’appréciation portée par Joseph Folliet.

22.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 31 décembre 1933 au 7 janvier 1934, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

23.

J. Binoche, Histoire des relations franco-allemandes de 1789 à nos jours, op. cit., p. 172-174.

24.

S’ils ne sont pas accompagnés d’autres précisions, les documents cités dans ce développement ont été retrouvés dans un dossier parmi les Papiers Remillieux prêtés par la famille Remillieux-Thomasset.

25.

Lettre de Wilhelm H. Allmang à Laurent Remillieux datée du 7 février 1933.

26.

Témoignage de Leni Hauser Brendel, non daté, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 1, Prado.

27.

Citations extraites de l’ouvrage de Ian Kershaw, Hitler, Tome 1 1889-1936 : Hubris, op. cit., p. 696.

28.

Expressions reprises du chapitre XII de la biographie de Hitler par I. Kershaw, Hitler..., op. cit., p. 744.

29.

Double d’une lettre écrite par Laurent Remillieux à Pauline Mojon, datée du 1er décembre 1934, Papiers Folliet, Carton Sylvie Mingeolet, Prado.

30.

Lettre de Laurent Remillieux à Sylvie Mingeolet datée du 24 décembre 1934, Papiers Folliet, Carton Sylvie Mingeolet, Prado.

31.

Double d’une lettre de Laurent Remillieux au R.P. Desbuquois, datée du 8 janvier 1935, Papiers Folliet, Carton Sylvie Mingeolet, Prado.

32.

Lettre de Laurent Remillieux à Henriette Duhourcau, datée du 24 janvier 1935, Papiers Folliet, Carton Sylvie Mingeolet, Prado.

33.

Ibid.

34.

J. Binoche, Histoire des relations franco-allemandes de 1789 à nos jours, op. cit., p. 185-186.

35.

Lettre que Louis Carlhian m’a adressé le 10 janvier 1999.

36.

J. Binoche, Histoire des relations franco-allemandes de 1789 à nos jours, op. cit., p. 185. L’expression fait référence à la réaction de Léon Blum aux Accords de Munich.

37.

Copie d’un extrait de la Semaine religieuse et familiale du 2 au 9 octobre 1938, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

38.

Lettre du 14 octobre 1938 adressée par Laurent Remillieux à Lucien Marchand, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 1, Prado.

39.

Sur ces bellicistes, voir J. Binoche, Histoire des relations franco-allemandes..., p.187-189.

40.

« Dossier Munich – octobre 1938 », Papiers Carlhian, A.A.L. Toutes les sources citées dans le développement qui suit sont classées dans ce dossier. Les lettres écrites par Victor Carlhian sont dactylographiées et ne comportent pas de signature finale, mais leur auteur peut être identifié grâce aux corrections manuscrites qu’il a apportées.

41.

Lettre de Victor Carlhian au Colonel Roullet, datée du 3 octobre 1938.

42.

Le dossier comporte trois lettres de Jacques Chevalier datées des 4, 10 et 19 octobre 1938 et une deuxième lettre que Victor Carlhian lui envoya le 7 octobre.

43.

Et notamment à l’ouvrage publié à Paris chez Plon au cours de l’année 1938 sous le titre Catholiques d’Allemagne, XII-325 p.

44.

Il existe un dossier rassemblant la correspondance échangée entre Victor Carlhian et Jacques Chevalier au moment de la Guerre d’Espagne et qui dévoile les positions des deux protagonistes.

45.

Lettre du colonel André Roullet à Victor Carlhian, datée du 9 octobre 1938.

46.

Françoise Mayeur, L’aube, étude d’un journal d’opinion, 1932-1940, Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, Armand Colin, 1966, 236 p., p. 147-155.

47.

Ibid., p. 154.

48.

Ibid., p. 151.

49.

Lettre de Victor Carlhian datée du 24 octobre 1938, « Dossier Munich – octobre 1938 », Papiers Carlhian, A.A.L.

50.

Le terme se trouve dans un passage du témoignage que Marcel Marchand a écrit pour Joseph Folliet, passage qui évoque le pacifisme de Laurent Remillieux : « Il m’a dit plusieurs fois que le prêtre devrait être apatride non pas tu le sais pour se “planquer” mais parce qu’il pensait je crois que l’Amour était bien géné par les humaines frontières ». Lettre de Marcel Marchand à Joseph Folliet, datée du 13 novembre 1949, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 1, Prado.

51.

Lettre de L. Remillieux datée du 27 décembre 1939, envoyée à Lucien Marchand, « Adjudant, E.M. 76ème Régiment Régional, Aspach près Altkirch (Haut-Rhin) », Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 1, Prado.

52.

Lettre de Laurent Remillieux datée du 10 avril 1940 et adressée à l’« Adjudant Lucien Marchand, Aumônier Auxiliaire, Formation 91.C.M. 72, Belfort », Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 1, Prado.

53.

Pierre Bolle, « Eglises et mouvements de jeunesse », Les protestants français pendant la seconde guerre mondiale, Actes du colloque de Paris, Palais du Luxembourg, 19-21 novembre 1992, réunis par André Encrevé et Jacques Poujol, Supplément au Bulletin de la Société de l’histoire de protestantisme français, N° 3, juillet-août-septembre 1994, p. 161-183. Pierre Bolle a utilisé un témoignage de Lucien Marchand, recueilli les 11 et 31 octobre 1976.

54.

J. Folliet, Le Père Remillieux..., op. cit., p. 153-169.

55.

On retrouvera ce contexte particulier de l’écriture et de la publication de la biographie dans les ouvrages qu’Henry Rousso a consacrés aux mémoires de la guerre et qui concernent particulièrement la relation qu’entretiennent les Français avec Vichy. Voir notamment Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Editions du Seuil, 1990, 414 p., coll. « Points histoire » ; H. Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, Gallimard, 2001, 750 p., coll. « Follio histoire » ; H. Rousso et Eric Conan, Vichy, un passé qui ne passe pas, Gallimard, 1999, 514 p., coll. « Follio histoire ».

56.

L’article d’Etienne Fouilloux, « Eglise catholique et Seconde Guerre mondiale », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 73, janvier-mars 2002, p. 111-124, propose une mise au point historiographique et méthodologique sur un sujet encore influencé par les débats contemporains. Ses développements sur les rapports entretenus par l’Eglise catholique avec Vichy, sur son attitude face à la persécution des Juifs, sur la résistance spirituelle et sur le procès de Pie XII analysent les principaux travaux sur ces sujets en les replaçant dans leur contexte historiographique. L’article permet de retrouver les principales références bibliographiques sur les différentes thématiques qu’il présente. J’ai notamment utilisé l’ouvrage classique de Jacques Duquesne, Les Catholiques français sous l’Occupation, Nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Editions Bernard Grasset, 1996 (première parution en 1966), 502 p., celui d’Etienne Fouilloux, Les chrétiens français entre crise et libération, 1937-1947, op. cit.,et enfin celui de Renée Bédarida, Les catholiques dans la guerre, 1939-1945, Entre Vichy et la Résistance, Paris, Hachette Littératures, 1998, 287 p. J’ai aussi consulté Paul Christophe, 1939-1940, les catholiques devant la guerre, Paris, Editions ouvrières, 1989, 201 p.Mais il est ensuite nécessaire de replacer les catholiques dans le cadre général de la société française : aussi ai-je eu recours aux ouvrages de Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, Paris, Seuil, 1997 (première édition en 1995), 560 p., coll. « Points histoire » ; Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, 2001 (première édition en 1990), 448 p., coll. « Points histoire » ; P. Laborie, Les Français des années troubles. De la guerre d’Espagne à la Libération, Paris, Seuil, 2003 (première édition chez Desclée de Bouwer en 2001), 286 p., coll. « Points histoire ».

57.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 2 au 9 juin 1940, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

58.

Citations de la phrase empruntées à la copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 17 au 24 novembre 1940, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

59.

Copie dactylographiée d’un texte de méditations daté du vendredi 11 juillet 1941, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

60.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 1er au 8 mars 1942, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

61.

Copie dactylographiée d’un texte de méditations daté du vendredi 25 juillet 1941, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

62.

Ibid.

63.

Terme employé dans le texte des méditations du vendredi 11 juillet 1942, op. cit.

64.

Ibid.

65.

Dans les registres de catholicité, Laurent Remillieux écrit, le 27 juillet 1940 sur un acte de mariage, que le marié était domicilié à Strasbourg « avant la guerre de 1939-1940 ».

66.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 14 au 21 juillet 1940, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

67.

E. Fouilloux, Les chrétiens français entre crise et libération, 1937-1947, op. cit., p. 122. Sur la relation entretenue par les Français avec la Grande Guerre au temps du régime de Vichy, voir Pierre Laborie, « La mémoire de 1914-1918 et Vichy », in Traces de 14-18, Sylvie Caucanas et Rémy Cazals (dir.), Actes du colloque international de Carcassonne 24-27 avril 1996, Carcassonne, Editions Les Audois, 1997, 240 p.

68.

E. Fouilloux, Les chrétiens français entre crise et libération, 1937-1947, op. cit., p. 122.

69.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 21 au 28 juillet 1940, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

70.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 3 au 10 septembre 1939, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

71.

Dans les mots adressés par le curé à ses paroissiens par l’intermédiaire du bulletin paroissial, on retrouve, entre 1940 et 1942, tous les thèmes classiques de l’histoire d’une ville française de la zone non occupée dans une Europe en guerre.

72.

Sur la question des réfugiés d’Alsace-Lorraine, voir Anne Berger, La diaspora alsacienne et mosellane dans la région lyonnaise pendant la Seconde Guerre mondiale, Mémoire de maîtrise soutenu à l’Université Lumière Lyon 2 sous la direction de Laurent Douzou, 1997, 147 p.

73.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 24 septembre au 1er octobre 1939, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

74.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 15 au 22 octobre 1939, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado. Les citations des deux phrases précédentes sont empruntées au même extrait.

75.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 29 novembre au 6 décembre 1942, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

76.

La vie paroissiale et l’action pastorale du curé sont à replacer dans le contexte d’une ville en guerre. La lecture de Philippe Chassaigne et Jean-Marc Largeaud (dir.), Villes en guerre (1914-1945), Paris, Armand Colin, 2004, 350 p., publication des actes d’un colloque organisé par le Centre d’histoire de la ville (CEHVI) de l’Université de Tours les 11 et 12 décembre 2003, est à ce titre éclairante. Les différentes contributions examinent d’abord la ville comme objectif militaire, puis ce qu’était vivre en ville avec la guerre, les cultures de guerre qui s’y établirent et enfin les problèmes liés à la commémoration et à la mémoire de la guerre. La ville de Lyon est concernée par tous les thèmes et les problématiques développées permettent de lire autrement les fragments de sources paroissiales parvenus jusqu’à nous. L’institution et la communauté paroissiales paraissent participer pleinement de cette histoire de la ville en guerre et le thème mériterait une étude approfondie, d’une part sur le rôle d’encadrement que le curé entendait assurer dans la continuité du contrôle social établi pendant l’entre-deux-guerres sur un espace de la périphérie urbaine pensé comme anomique, priorité devenue urgence dans le cadre de la guerre, et, d’autre part, sur la fonction de la communauté paroissiale entendue comme une structure de sociabilité au sein de la ville en guerre.

77.

Ainsi dans le double du registre de catholicité de 1944, sont mentionnées les inquiétudes de Laurent Remillieux au cours des commentaires qui accompagnent certains baptêmes d’enfants dont les pères avaient été envoyés en Allemagne au titre du STO ou arrêtés pour « affaire politique ». Le curé précise la date du départ et insiste sur l’irrégularité de la situation matrimoniale. Une mention postérieure indique parfois la régularisation de cette dernière.

78.

Anecdote citée dans le témoignage que Louis Carlhian m’a adressé le 10 janvier 1999.

79.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial daté de la semaine du 15 au 22 octobre 1939, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 3, Prado.

80.

Sépulture n° 82, Double du registre paroissial de 1945. Le corps de Roger Trotot n’a pas été immédiatement identifié et a d’abord été enterré au cimetière de la Guillotière comme inconnu. Il a été reconnu à partir d’une photographie prise à l’Institut médico-légal et la messe des funérailles fut célébrée lors de l’inhumation définitive dans le caveau familial de Genas, le 4 octobre 1945.

81.

Registre de la taxe mobilière 371, Perception de Monplaisir, 1940.

82.

Le récit de la rafle et des exécutions a été consigné dans le double du registre paroissial de 1944, en face de l’acte de sépulture (n° 166) de Ferdinand Gay.

83.

Commentaires consignés en face de l’acte de sépulture n° 56, daté du 9 avril 1944, double du registre paroissial de 1944.

84.

Sur le combat résistant des jeunes maquisards intégrés dans les FTP, voir Alexandre Pinto, Le Bataillon Carmagnole : Histoire des FTP-MOI de la région lyonnaise, juin 1942-septembre 1944, Mémoire de maîtrise soutenu à l’Université Lumière Lyon 2 sous la direction de Laurent Douzou, 1997, 112 p.

85.

Un mémoire de maîtrise a été consacré à l’étude de la prison de Montluc : Claire Vieillard, Montluc, la prison allemande de Lyon, novembre 1942-août 1944, Mémoire de maîtrise soutenu à l’Université Lumière Lyon 2 sous la direction de Laurent Douzou, juin 2002, 170 p.

86.

Commentaires consignés en face de l’acte de sépulture de l’acte de sépulture n°11, 13 janvier 1944, double du registre paroissial de 1944.

87.

Commentaires consignés en face de l’acte de sépulture de l’acte de sépulture n°155, 5 août 1944, double du registre paroissial de 1944.

88.

On retrouve la signature de Félicien Fauconnier dans les pages du Livre d’Or de Vaujany tout au long de l’année 1941, jusqu’au mois de juin.

89.

Cläre Barwitzky, Mémoires de Chamonix écrites 40 ans après les événements, op. cit., p. 1-2.

90.

Dictionnaire des Justes de France, Paris, Fayard, Jerusalem, Yad Vashem, 2003, 596 p., notice p. 71-72 sur Cläre Barwitzky et notice p. 309 sur Marinette Guy et Juliette Vidal. Un récit écrit par Germaine Pépin évoque la présence d’un représentant du mouvement Compagnon et la sienne au nom de la paroisse Notre-Dame Saint-Alban à la cérémonie au cours de laquelle fut remise à Cläre Barwitzky, à titre posthume, le titre honorique et la médaille. Cette cérémonie s’est déroulée le 19 mai 1992 à la synagogue de Wurtzburg, en Bavière.

91.

Monique Lewi fait référence à Alize Touzet dans sa contribution « Le destin des Juifs et la solidarité chrétienne à Roanne entre 1940 et 1944 », publiée in Eglises et chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, T. 1 : La région Rhône-Alpes, Actes du colloque tenu à Grenoble du 7 au 9 octobre 1976 sous la direction de Xavier de Montclos, Monique Luirard, François Delpech et al., Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1978, 384 p., p. 181-194. On retrouve Alice Touzet dans la correspondance de Sylvie Mingeolet des années de guerre et d’après-guerre. Au début des années 1950, les lettres écrites par Sylvie Mingeolet associent la Roannaise aux membres de L’Equipe : Alice Touzet participe, en 1951 notamment, aux retraites estivales de l’Alpée. Papiers Sylvie Mingeolet, A.M.L., Fonds CSF, 82-II-674.

92.

Lucien Lazare, Le Livre des Justes : histoire du sauvetage des Juifs par des non-juifs en France, 1940-1944, Paris, Editions Jean-Claude Lattès, 1995, 262 p., p. 112-113. Dans la mesure où elle demeure la seule publication sur le sujet, la biographie de l’abbé Glasberg écrite par Lucien Lazare semble incontournable en dépit de ses zones d’ombre, de ses approximations, voire de ses erreurs, ou de son caractère apologétique. Lucien Lazare, L’abbé Glasberg, Paris, Les Editions du Cerf, 1990, 125 p. La notice biographique d’Alexandre Glasberg du Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine consacré à Lyon – Le Lyonnais – Le Beaujolais, op. cit., a été rédigée par Xavier de Montclos, p. 207-209. Des notices biographiques, dont X. de Montclos donne les références ont aussi été rédigées au moment de sa disparition en 1981. Plus spécifiquement sur ses activités de résistant pendant la Deuxième Guerre mondiale, on peut consulter Renée Bédarida, Les armes de l’esprit. Témoignage chrétien (1941-1944), Paris, Editions ouvrières, 1977, 378 p., p. 128 et sqq essentiellement (dans le chapitre consacré au combat mené contre le racisme) ; et surtout le rapport général que François Delpech consacre à « La persécution des Juifs et l’Amitié Chrétienne » in Eglises et chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, t. 1 : La région Rhône-Alpes, op. cit., p. 143-179. Ces deux derniers textes évoquent, sur la base des archives consultées (notamment celles du Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale, dossiers « Protection des étrangers » et « Rhône ») et des témoignages recueillis (tous cités par R. Bédarida), plusieurs faits précis de résistance, des démarches officielles ou semi-officielles des années 1940-1941 aux opérations clandestines montées par l’abbé Glasberg et ses compagnons durant l’année 1942 au nez des autorités de Vichy collaborant au génocide.

93.

Des lettres de 1939 écrites par Jules Monchanin, nous racontant son passage à Paris et évoquant son intérêt pour le dialogue naissant entre christianisme et judaïsme, en portent témoignage.

94.

Dans sa contribution à un ouvrage biographique consacré à Gilbert Dru, jeune résistant issu de la J.E.C., arrêté par les Allemands et abattu sur la place Bellecour en juillet 1944, Bernard Comte a décrit les milieux catholiques de la Résistance, en mettant en scène ses principaux acteurs et en montrant leur insertion dans les réseaux lyonnais intellectuels et catholiques sociaux, tout en nous permettant de saisir les reconfigurations de ces réseaux après que Lyon eut accueilli les réfugiés et les « repliés » de l’année 1940 : Bernard Comte, « L’environnement lyonnais. Résistance spirituelle et responsabilités politiques » in Bernard Comte, Jean-Marie Domenach, Christian Rendu, Denise Rendu, Gilbert Dru. Un chrétien résistant, Paris, Beauchesne Editeur, 1998, 238 p., p. 1-58.

95.

F. Delpech, « La persécution des Juifs et l’Amitié Chrétienne » in X. de Montclos (dir.), Eglises et chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, t. 1 : La région Rhône-Alpes, op. cit., p. 178.

96.

R. Bédarida, Les armes de l’esprit. Témoignage chrétien (1941-1944), op. cit., p. 135.

97.

Lettre de Robert Flacelière adressée à Joseph Folliet et datée du 4 mars 1951, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 2, Prado.

98.

Citations extraites des Cahiers clandestins du Témoignage chrétien, Paris, Editions du Témoignage chrétien, 1946, 362 p., p. 13. Voir aussi La résistance spirituelle : 1941-1944 : Les cahiers clandestins du Témoignage chrétien, textes présentés par François et Renée Bédarida, Paris, Albin Michel, 2001, 411 p.

99.

François Varillon, S.J., Beauté du monde et souffrance des hommes, Paris, Le Centurion, 1980, 399 p., p. 83.

100.

A.M.L., Fonds CSF, 82-II-203, Dossier « Le Père Remillieux. Texte et épreuves ». Les expressions soulignées dans les deux extraits l’ont été par mes soins.

101.

Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 1, Prado.

102.

La réflexion menée par Bernard Comte sur la résistance des catholiques français, in L’honneur et la conscience. Catholiques français en résistance. 1940-1944, Paris, Les Editions de l’Atelier / Les Editions Ouvrières, 1998, 304 p., livre les clés des choix individuels et analyse les logiques de réseau du passage à une résistance active à l’occupant et au régime collaborateur de Vichy. Pour replacer l’histoire des résistants catholiques dans une réflexion plus générale sur la Résistance, il est judicieux d’avoir recours à la thèse d’Olivier Wieviorka, publiée sous le titre Une certaine idée de la Résistance. Défense de la France 1940-1949, Paris, Le Seuil, 1995, 407 p. Ce travail fondateur contribue à faire de la Résistance un objet d’histoire. L’analyse des logique de l’engagement peut être complété par l’article du même auteur, « A la recherche de l’engagement (1940-1944) », in Vingtième siècle. Revue d’histoire, 1998, N° 60, p. 58-70. Très récemment, Laurent Douzou a publié La Résistance française, une histoire périlleuse : essai d’historiographie, Paris, Le Seuil, 2005, 365 p.

103.

A.A.L., Papiers Carlhian, 1226, Dossier Correspondance. La signature est manuscrite.

104.

B. Comte évoque la polémique qui divisa à Lyon l’Eglise catholique au sujet du Service du travail obligatoire in B. Comte, J.-M. Domenach, C. Rendu, D. Rendu, Gilbert Dru. Un chrétien résistant, p. cit., p. 42-46.

105.

Entretien du 11 mai 2000.

106.

J.-M. Domenach, C. Rendu, D. Rendu, Gilbert Dru. Un chrétien résistant, p. cit., p. 124-126. Voir aussi le témoignage de B. Domenach sur cette journée du 27 juillet 1944 placé en annexe, p. 216.

107.

L’attitude de Pierre Gerlier a été présentée par les historiens membres de la Commission instituée par le cardinal Decourtray afin d’enquêter sur les rapports entretenus par le milicien Paul Touvier avec l’Eglise catholique, in René Rémond (dir.), Paul Touvier et l’Eglise, Paris, Fayard, 1992, 418 p., p. 85-86, note 1 p. 86 en particulier.

108.

Henri de Lubac, Résistance chrétienne à l’antisémitisme. Souvenirs 1940-1944, Paris, Fayard, 1988, 270 p.

109.

Ibid., informations tirées des pages 57-65.

110.

C’est l’adresse qu’il donne dans une carte envoyée à Victor Carlhian à l’occasion de sa fête le 20 juillet 1942, A.A.L., Papiers Carlhian, 1226, Dossier P. Lenz-Medoc.

111.

H. de Lubac, Résistance chrétienne à l’antisémitisme. Souvenirs 1940-1944, op. cit., p. 58.

112.

Madeleine Comte, Sauvetages et baptêmes. Les religieuses de Notre-Dame de Sion face à la persécution des Juifs en France (1940-1944), Paris, L’Harmattan, coll. « Mémoires du XXe siècle », 2001, 223 p.

113.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial, la Semaine religieuse et familiale, daté du 17 au 24 septembre 1944.

114.

Copie dactylographiée d’un extrait du bulletin paroissial, la Semaine religieuse et familiale, daté du 3 au 10 septembre 1944.

115.

Témoignage anonyme, Papiers Folliet, Carton Père Remillieux 1, Prado.

116.

Lettre de Laurent Remillieux au cardinal Gerlier datée du 25 septembre 1944, A.A.L., Papiers Gerlier, 11 / II / 127, Dossier Notre-Dame Saint-Alban.

117.

Copie dactylographiée d’un extrait de message adressé aux paroissiens, Papiers Folliet, carton Père Remillieux 3, Prado.