ANNEXE 3 : Le traitement cartographique des données

Le texte suivant est extrait de « A Study of parish life through urban micro-sociology : A catholic parish in a suburb of a big French city (Lyons) in the twenties », communication prononcée à la Onzième Conférence Internationale de Géographie Historique, qui s’est tenue à l’Université Laval de Québec du 12 au 18 août 2001, sous la direction de Marc Saint-Hilaire. Lors de ce colloque, la présentation de la partie technique du traitement cartographique a été assurée par Jérôme Chaperon. L’exposé des moyens et des méthodes mis en œuvre pour permettre le traitement cartographique de la base de données doit permettre au lecteur de saisir les enjeux techniques de cette cartographie et de mieux comprendre la part de travail assumée par le géographe au cours de la collaboration.

Constitution du fond de plan 38

« Les données fournies par les différentes sources devaient être mis en relation géographiquement avec l’espace de travail, le territoire de la paroisse, afin de permettre des analyses spatiales. Pour cela nous avons élaboré un fond de plan du territoire paroissial. Le fond de plan utilisé est issu du plan général de la Ville de Lyon qui est constitué d’un assemblage de 381 feuilles à l’échelle du 1/500ème qui représente le tissu urbain de Lyon. Les premières études et levers nécessaires à l’élaboration de ce plan ont débuté en 1861. Mais pour ce qui est de notre quartier, du fait de son rattachement tardif à la ville de Lyon et son excentricité, les premiers levers sur le terrain ont eu lieu à partir de 1910 39 . A partir du tableau d’assemblage, nous avons sélectionné quinze feuilles correspondant à notre secteur d’étude et ce à différentes périodes (années 1920, 1930 et 1940).

Les feuilles originales, appelées aussi « minutes », sont sur support papier entoilé au format « grand aigle » (1 mètre / 0,6 mètre) 40 . Mais étant donné l’ancienneté des planches, celles-ci ont été microfilmées afin d’éviter les manipulations. Par conséquent, au lieu d’avoir comme support de travail des plans en couleur 41 permettant de mieux distinguer les différents éléments, nous avons dû utiliser des reproductions monochromes de qualité médiocre. Par ailleurs, les originaux étant souvent détériorés, lors du calage 42 des planches scannées nous avons dû les ajuster afin d’avoir un minimum de distorsion au niveau des marges.

Etant donné sa grande échelle et sa précision, ce plan contient une multitude de détails (le filaire de rues, le parcellaire, le bâti dur et le bâti léger 43 , les plantations…) et des informations telles que les noms de voies, les numéros sur voies, les noms des propriétaires des parcelles…. Il donne également la possibilité de visualiser la succession des états des lieux à différentes dates. En ce qui concerne le travail de vectorisation proprement dit, c’est-à-dire la transformation en objets géométriques localisés des éléments graphiques cités ci-dessus, nous avons sélectionné uniquement certaines « couches » d’information : le filaire de rues, le parcellaire et le bâti dur. Ces éléments permettaient d’avoir un niveau de représentation suffisant pour notre étude. Par ailleurs, les agents de la ville ayant en charge la mise à jour des plans, ont procédé, pour certaines années, aux ajouts et aux modifications en surcharge sur des tirages c’est-à-dire des reproductions des minutes, les minutes étant conservées dans leur état initial. Il a donc fallu faire abstraction de ces surcharges. »

Le travail de la base de données

« Toutes les données [entrées sous Excel] ont ensuite été basculées sous MapInfo, en lien soit avec la couche « parcelle », soit avec la couche « bâti » 44 . Un code unique, correspondant aux numéros de la matrice cadastrale, a été attribué à chaque entité permettant ainsi la liaison entre les données alphanumériques et les données géographiques. Toutefois, certaines constructions provisoires, qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration auprès des services des impôts, n’avaient pas de référence bien qu’elles aient été repérées par le géomètre. Il a donc fallu leur en attribuer une soit en fonction du numéro attribué à une date postérieure du plan (la construction ayant été déclarée a posteriori) soit arbitrairement. Il est à noter également, qu’à chaque référence cadastrale, peut correspondre plusieurs enregistrements alphanumériques : un immeuble comprend généralement plusieurs ménages distincts. Par conséquent, on ne peut pas, pour certaines informations, raisonner par ménage mais uniquement par bâti.

Par ailleurs, une grande part des données sont des données qualitatives. Pour en permettre le traitement informatique, il a fallu procéder à une codification en fonction, par exemple, d’une catégorie (la profession du chef de famille) ou le degré d’intensité (évaluation de l’implication des paroissiens dans la vie religieuse de Notre-Dame Saint-Alban) 45 . »

L’intérêt du traitement cartographique

« Par la numérisation du fond cadastral et par l’intégration et la compilation des données recueillies dans une base de données nous avons créé un véritable Système d’Information Géographique (SIG). Par interrogations de cette base, sous le logiciel MapInfo, nous pouvons, dans un second lieu, traiter l’information en réalisant des cartes thématiques. La cartographie, représentation graphique des phénomènes spatiaux, est un moyen de communication autonome s’appuyant sur l’expression visuelle, expression universelle. Après les analyses textuelle et statistique, l’analyse spatiale permet d’accéder à un troisième niveau de réflexion laissé vide par les autres modes de traitement. Elle permet, d’une part, de localiser, de décrire des phénomènes mais plus précisément de comprendre et interpréter les organisations, les interactions spatiales, les évolutions (et par là, on accède également à une analyse temporelle), et, ainsi, en tirer des enseignements, des constats ou des hypothèses que l’on testera. Cette démarche complète, bien entendu, toutes les autres mais surtout les enrichit. A ce titre, la carte se différencie de l’illustration : elle est une image vivante, un instrument de recherche et cette utilisation de l’image est facilitée par la possibilité de création de manière automatisée des cartes. Les cartes produites deviennent une étape nécessaire à la réflexion et s’insèrent dans un ensemble qui expose les facteurs, les processus et les contextes et explique les relations entre les phénomènes observés. Cependant, il ne faut pas oublier que les images obtenues ne sont jamais qu’une construction du passé, un discours qui ne peut être neutre et qui peut être discuté. »

Notes
38.

Le choix des sources historiques, y compris cartographiques (fonds de plan), est resté de ma responsabilité. Jérôme Chaperon a scanné les photocopies des feuilles originales, les « minutes » et il a assuré seul les opérations de calage et de vectorisation, qui sont explicitées dans les paragraphes suivants.

39.

Plusieurs plans de la ville de Lyon existaient mais ces plans manquaient d’homogénéité. En effet, on n’avait que des plans partiels et à diverses échelles pour reconstituer un ensemble. De plus, les annexions, au milieu du XIXe siècle, des communes limitrophes à Lyon rendaient nécessaire l’établissement d’un nouveau plan sur la totalité du territoire lyonnais.

40.

Forma urbis, Les plans généraux de Lyon du XVIe au XXe siècle, Lyon, Archives Municipales de Lyon, 1997, 251 pages.

41.

A titre d’exemple, les constructions figuraient en carmin.

42.

La calage est l’opération qui permet de passer du référentiel de numérisation au référentiel géographique. Pour le plan général de la ville de Lyon, le point d’origine du référentiel géographique est le sommet du dôme de l’Hôtel de Ville de Lyon.

43.

On entend par « bâti dur » tous les bâtiments construits en dur (maisons, immeubles d’habitation, usines, entrepôt, bâtiments administratifs, religieux, médicaux…) et par « bâti léger » tous les éléments attenant à ces bâtis durs (abris de jardin, clôtures…).

44.

A partir de ce moment, le travail cartographique a toujours été réalisé sous ma direction et en ma présence.

45.

Nous avons évidemment repris la codification déjà choisie lors de la constitution de la base de données (voir Annexe 2).