3.3. Rapport Bornancin (janvier 2001)

Le sujet, « La formation initiale des professeurs et des conseillers principaux d’éducation en deuxième année d’I.U.F.M. », déborde assez largement le thème que nous avons choisi d’explorer ; nous en analyserons donc le contenu plus succinctement.

Dans ce rapport de 59 pages abordant le cadre général de la formation professionnelle des stagiaires de deuxième année d’I.U.F.M. (pp. 4-7), on émet des propositions d’adaptation ou de novation quant aux contenus et aux modalités qu’il serait bon de privilégier dans ce cadre (pp. 12-27), puis (pp. 29-46), on détaille, par catégorie 108 , les options à privilégier pour accroître l’efficacité des formations. Les pages suivantes, en annexe, sont consacrées à divers documents officiels d’accompagnement 109 .

Nous retenons plus particulièrement les questions suivantes :

Ainsi que le souligne le rapporteur, le passage de première en deuxième année d’I.U.F.M. constitue une étape cruciale à plus d’un titre ; le changement de statut qui l’accompagne n’est pas aussi anodin qu’on pourrait le croire. D’étudiant qu’il était, le lauréat des épreuves théoriques des concours doit devenir « un jeune professionnel recruté pour faire partie d’un corps collectif de la fonction publique » (p. 2), rémunéré, suivi et évalué comme tel. Il s’agit, indique-t-on dans le rapport, d’une « mutation », qui implique un changement de posture envers les savoirs académiques tels qu’ils ont été acquis antérieurement, et d’une ouverture par rapport aux autres savoirs qui viendront éclairer la complexité des actes professionnels. Le changement de rythme de travail, désormais marqué par l’alternance théorie-pratique, entre formations reçues en groupe et investissement sur le terrain, n’est pas moins déroutant pour certains jeunes lauréats. Enfin, et nous pensons qu’il s’agit du point le plus délicat, il devient impératif pour le professeur-stagiaire de s’impliquer dans « un travail sur soi, une réflexion sur les savoirs et la construction avec d’autres professionnels de compétences permettant d’assurer une fonction au sein de la collectivité enseignante. » (p. 4).

L’enjeu de cette adaptation n’est pas secondaire pour l’institution et pour les stagiaires eux-mêmes, et la difficulté à s’y confronter est plus aiguë qu’on pourrait le penser 110 . Nous ne pouvons donc négliger cette étape cruciale dans la perspective de notre étude, et nous nous interrogeons à propos des effets induits par ce processus de rupture-adaptation sur les conceptions originelles des étudiants, devenus professeurs-stagiaires. En particulier, lors du travail d’enquête, nous examinerons de quelle manière évoluent leurs représentations relatives aux modes de travail des enseignants, qu’ils aspirent à devenir 111 . Au cours de cette deuxième année, les stages 112 occupent une place, quantitative et qualitative, qui structure l’activité, en articulation étroite et constante avec la formation professionnelle théorique reçue à l’I.U.F.M.. On comprend aisément que l’atteinte des objectifs d’un tel cursus présuppose la recherche d’une cohérence optimale entre les activités de terrain et les regroupements en salle ; aussi le rapporteur suggère-t-il « que le plan de formation, fonctionnant sur le modèle de l’alternance, soit clairement organisé autour d’objectifs progressifs et affiche les étapes dans une préparation à la prise de fonction. » (p. 14).

Ce processus de formation exige, on le sait, une régulation d’une grande rigueur afin de pallier certaines dérives bien connues désormais, compte tenu de la réflexion engagée au sein des I.U.F.M. : tendance marquée, chez les stagiaires, à privilégier les expériences en situation réelle comme source essentielle de connaissance sur les pratiques professionnelles, déconnexion des apports théoriques en institut par rapport aux situations complexes rencontrées par les jeunes enseignants, manque de cohérence entre les points de vue des acteurs appelés à jouer un rôle, à divers titres, dans le cursus de formation : formateurs, professeurs conseillers pédagogiques, chefs d’établissement. Nous ne souhaitons pas insister, ici, sur chacun de ces points, mais il nous paraît primordial de souligner que la situation à laquelle se trouve confronté chaque stagiaire, lors de cette première année d’immersion professionnelle, ne le prédispose guère, en fonction de la diversité des temps, des lieux et des situations auxquels il doit s’adapter, à concevoir une organisation cohérente et autonome de son travail d’enseignant. En outre, en fonction des effets que nous avons mentionnés plus haut, on peut craindre, au moins dans les cas les moins favorables, que la variété des exigences qu’il découvre ainsi que l’éventail des modèles d’organisation temporelle et professionnelle qui se présente à ses yeux n’ajoutent aux incertitudes plutôt qu’ils n’aident à la décision. Le rapporteur souligne à plusieurs reprises les écueils qu’il conviendrait d’éviter en la matière.

Faut-il insister, enfin, sur le cadre spécifique de cette deuxième année de formation en I.U.F.M., en rappelant qu’il s’agit d’une étape de qualification professionnelle qui, ce n’est ni contestable ni critiquable, peut limiter l’initiative des futurs enseignants et les inciter à la circonspection en matière de pratique professionnelle ? En considérant les objectifs que pourrait, et devrait, dans l’absolu, se voir assigner le plan de formation, on peut imaginer qu’en quantité aussi bien qu’en qualité 113 , ils constituent une forme de défi pour un néophyte, qu’il s’agisse de l’atteinte et de la maîtrise de ces objectifs dans la partie théorique de la formation ou de l’intégration, dans une pratique professionnelle embryonnaire mais structurée, des savoirs et savoir-faire qui en garantissent une maîtrise raisonnable.

Notes
108.

Seront ainsi successivement étudiés les cas suivants : les professeurs des écoles, les professeurs du second degré, incluant professeurs des lycées et collèges (PLC2 : disciplines générales, documentation, EPS et disciplines de l’enseignement technologique), les professeurs des lycées professionnels (PLP2), et, enfin, les conseillers principaux d’éducation (CPE).

109.

Est jointe en annexe la liste des personnes auditionnées par le groupe de réflexion au sein de laquelle sont mentionnés des représentants de l’enseignement catholique ; les accords sur la formation initiale des maîtres de l’enseignement privé sous contrat, dits « LANG-CLOUPET » de 1992 (premier degré) et 1993 (second degré) rendent cette consultation logique. On doit préciser toutefois que les accords ne concernaient pas les cadres d’éducation du privé qui relèvent d’un statut juridique strictement privé.

110.

LANG, V., op.cit., pp.96-98.

111.

Nous employons cette formulation à dessein, en faisant l’hypothèse que, même en l’absence de repères clairs ou de connaissances précises du métier tel qu’il se profile, le candidat à l’enseignement nourrit sa motivation de représentations dynamogènes qui, une fois confrontées à des éléments pragmatiques (deuxième année d’I.U.F.M.), évolueront, sans doute, mais ne disparaîtront pas au profit d’un modèle plus rationnel prôné par l’institution ou, avec d’autres conséquences, suggéré par les pairs.

112.

Il s’agit, pour ce qui relève de l’enseignement à proprement parler, du stage en responsabilité (de 4 à 6 heures hebdomadaires de cours face à la classe, sauf catégories particulières) et du stage de pratique accompagnée, de 40 heures au total. Le premier doit fournir plus particulièrement matière au thème et à la problématique du mémoire professionnel, et permettre, par sa régularité et sa durée, d’expérimenter rythmes et temps professionnels. Le second, par l’élargissement du point de vue qu’il autorise, vient nuancer ou renforcer les observations engrangées dans le stage en responsabilité. Dans chacun des stages, un professeur-conseiller pédagogique spécifique accompagne le stagiaire.

113.

On peut ainsi relever (pp. 22-26) que, pour concourir à la formation des spécialistes des apprentissages scolaires, fonctionnaires du service public de l’Education nationale, et éducateurs à la citoyenneté que sont les professeurs, sont cités successivement quarante et un points. Avec pragmatisme le rapporteur note cependant qu’il est « irréaliste » de traiter l’ensemble des questions en une seule étape et en appelle à une formation étalée sur les années qui précèdent et suivent la phase de qualification à proprement parler. La question d’une articulation à construire entre pré-professionnalisation, formation initiale et formation continue (continuée dans une perspective novatrice) suscite de nombreux débats.