Chapitre IV : Méthodologie

4.1. Choix d’une méthode d’analyse du réel

L’objet de notre recherche nous commande d’orienter la tentative d’appréhension du réel que nous cherchons à circonscrire selon une approche méthodologique particulière. En effet, de par les intrications qu’elle noue entre le domaine professionnel et la sphère privée, entre le cadre réglementaire et l’espace d’autonomie des acteurs, entre des normes sociales et des valeurs personnelles, la question du temps et de l’espace de travail des professeurs du second degré en France nécessite, si l’on veut en saisir la complexité, d’avoir recours à une méthode d’analyse spécifique.

Nous précisons d’emblée qu’il nous paraît utile d’opter pour une démarche inductive. Nous partirons ainsi de constatations à propos du terrain professionnel et social que nous avons choisi d’observer, pour les éclairer ensuite par les concepts ou les lois aptes à en expliciter le sens.

Le type de constatation préalable auquel nous venons de faire allusion revêt deux formes que nous souhaitons articuler. Dans une première phase, nous étudierons les résultats de trois enquêtes effectuées auprès de professeurs du second degré 135 , ce qui constitue un premier ensemble ; nous pensons pouvoir rendre compte, sur la base d’un large échantillonnage et d’angles d’observations différents, de pratiques déclarées, codées selon des critères essentiellement quantitatifs. Nous ne pouvons, pour deux raisons complémentaires, faire abstraction de ce type de données dans la recherche que nous avons entrepris de mener. En premier lieu, parce que nous avons choisi de ne pas faire précéder nos entretiens d’une étape de repérage par enquête, et qu’il demeure indispensable de fonder notre démarche sur des présupposés valides, en particulier pour les thèmes que nous choisirons de retenir en vue de structurer ces entretiens.

La seconde raison qui nous semble militer en faveur d’une prise en compte de données quantitatives provenant de plusieurs sources nous est fournie par la fécondité potentielle des croisements et des comparaisons auxquels nous pourrons procéder, qu’il s’agisse, par exemple, de prendre en compte une même catégorie à des périodes différentes ou de comparer des catégories différentes sur une même période. Plus que les apparentes similitudes ou les régularités que nous pourrions être amené à constater, ce sont les zones de flou, les écarts éventuels qui retiendront notre attention. Les entretiens pourraient alors fournir des éclairages utiles à ce propos.

Dans une seconde étape, nous procèderons donc à une série d’entretiens de typesemi-directif ; cette démarche qualitative est censée nous permettre de saisir avec plus de finesse ce qui est sous-jacent aux pratiques que les professeurs déclarent - collectivement 136 - mettre en œuvre. Nous postulons que ce mode d’approche de l’objet de recherche peut favoriser l’élargissement du corpus d’informations existant en y introduisant des données ou des variables inédites.

Notes
135.

« Les débuts dans le métier des enseignants du second degré. Bilan des six premières années d’insertion. (1993-1996) », « Temps de travail des enseignants du second degré en 2002 »,Direction de la Programmation et du Développement (DPD) du Ministère de l’Education nationale, et une enquête (E3) issue du champ de la recherche et réalisée en 1992 à l’I.R.E.D.U. « à partir d’un échantillon de professeurs des collèges du département de la Côte D’Or ».

136.

La collecte de données à visée quantitative peut induire chez les personnes interrogées, nous le postulons, la production de réponses marquées par le sentiment d’appartenance à un collectif, à un corps social. Ce comportement peut avoir deux versants liés : la référence implicite à une norme interne médiane, culturellement acceptable dans le groupe auquel le sujet appartient ; la référence implicite à une norme sociale plus large qui légitime, aux yeux du sujet, la pratique de son groupe au regard de celles d’autres groupes sociaux. Ces remarques peuvent s’appliquer dans le cas où le sujet abordé est plus délicat ; c’est sans doute le cas du travail enseignant sous ses aspects temporel et spatial.