4.2. Analyse d’un corpus d’enquêtes

Pour constituer ce corpus d’enquêtes, nous nous sommes appuyé sur les supports disponibles auprès du Ministère de l’Education nationale d’une part, et sur les résultats d’une recherche d’autre part. Nous avons ainsi privilégié les données quantitatives, pour des raisons que nous avons exposées plus haut. Cela nous a amené à sélectionner trois sources principales 137 que nous coderons E1, E2, E3 138 pour plus de facilité :

  1. Une enquête (E1), « Les débuts dans le métier des enseignants du second degré. Bilan des six premières années d’insertion. » effectuée par la Direction de la Programmation et du Développement (DPD) du Ministère à propos d’une cohorte de jeunes enseignants issus de la formation I.U.F.M.ESQUIEU, N., Les débuts dans le métier des enseignants du second degré. Bilan des six premières années d’exercice, DPD C5-Direction de la programmation et du développement, Ministère de l’Education nationale, de la recherche et de la technologie, note d’information 99.09, avril 1999, 5 p., cité in PICQUENOT, A., VITALI, C., Les clefs du quotidien. Le professeur dans l’établissement scolaire, Dijon : CRDP, 2001, 202 p. (p. 180) (1993-1996)
  2. Une enquête (E2) intitulée « Temps de travail des enseignants du second degré en 2002GIRIEUD, C., Temps de travail des enseignants du second degré en 2002, DPD C5-Ministère de la jeunesse, de l’éducation et de la recherche, Note d’information 02.43, octobre 2002, 6 p.» menée par le même service auprès d’un panel représentatif de 806 enseignants en février-mars 2002 ;
  3. Une enquête (E3) issue du champ de la recherchePERRAT, J., SI MOUSSA, A., « Réflexions sur la répartition des temps professionnels des enseignants des collèges », in Revue française de pédagogie, n° 100, juillet-août-septembre 1992, pp. 59-69. et réalisée en 1992 à l’I.R.E.D.U.Institut de Recherche sur l’Economie de l’Education « à partir d’un échantillon de professeurs des collèges du département de la Côte D’Or ».

En nous basant sur les données rassemblées dans chaque dispositif d’enquête, nous souhaitons procéder à des rapprochements, des comparaisons et tenter ainsi de détecter des points de vigilance qu’il conviendrait de prendre en compte lors de la phase des entretiens.

A partir des résultats des questionnaires, les trois documents apportent des précisions sur trois grands domaines :

  1. l’horaire moyen du service devant élèves des professeurs interrogés ;
  2. le volume d’activité hors enseignement ;
  3. le type des tâches qui entrent dans la composition de ce volume d’activité.

Compte tenu de la disparité des méthodes utilisées dans les trois enquêtes, nous ne pouvons raisonnablement procéder à des moyennes ou à des ratios. Cependant, prises comme trois instantanés de la pratique déclarée par trois populations de professeurs, il ne nous semble pas excessif de tenter de mettre ces données en perspective les unes par rapport aux autres.

Avant de nous engager dans cette direction, il est indispensable d’apporter de plus amples précisions sur les particularités de chacune des enquêtes.

Pour E1, il s’agit d’un travail de longue haleine (1993-1999) qui visait à rendre compte du mode d’insertion de jeunes professeurs issus des premières cohortes des I.U.F.M., instituts récents (1991) à la date du début de l’enquête (1993). On peut s’autoriser à penser qu’en filigrane les enquêteurs cherchaient effectivement à vérifier qu’à un type nouveau de formation correspondait bien un mode inédit d’organisation des pratiques professionnelles. E2 est une enquête localisée dans le temps (février-mars 2002), et qui couvre en revanche un « panel représentatif de la population globale des enseignants du second degré public /…/ interrogé en face-à-face. »; on « s’intéressait en particulier au temps de travail et conditions de travail. Il a été demandé aux enseignants le nombre d’heures qu’ils avaient effectué la dernière semaine complète. 143  » E3 offre une perspective plus resserrée en ce qui concerne le nombre de disciplines prises en compte (3), ainsi que la taille de l’échantillon : une centaine de retours à l’enquête.

E3 renseigne sur un type d’établissement (collège) ; pour E1 et E2, tous les types d’établissement du second degré sont pris en considération. Cependant, comme nous l’avons signalé, E1 se distingue de E2 puisque sa population-cible n’est constituée que de jeunes professeurs 144 , alors que la seconde enquête couvre toutes les classes d’âge, de 25 à 59 ans.

Si les professeurs certifiés (CAPES) sont représentés dans chacune des trois enquêtes, les autres professeurs issus du CAPEPS, CAPET, CAPLP n’apparaissent qu’en E1 et E2, les professeurs agrégés ne sont pris en compte qu’en E2, les PEGC qu’en E2 et E3. Enfin, dans les trois enquêtes, une distinction est opérée entre les disciplines (E3), ou entre les groupes de disciplines (E1, E2).

Parmi les particularités du classement des données, en E1 la formulation est spécifique « correction et évaluation du travail des élèves 145  », alors qu’en E2, c’est la seule notion de « correction des devoirs » qui a été privilégiée. Dans E3, concernant « les temps de correction », il est précisé qu’il s’agit« des corrections des devoirs, interrogations ou autres travaux que l’enseignant effectue en dehors des cours. »

La rubrique « documentation », absente en E3 146 , est étendue, en E1, à « la formation et la recherche personnelles 147 ». Pour E2, il est question, dans le tableau récapitulatif comme dans les commentaires qui accompagnent les résultats, de « temps de documentation » qui « apparaît comme une part importante du travail des enseignants. 148  »

L’enquête E2 apporte, en outre, une précision quant au lieu où est effectuée l’activité hors enseignement : « à la maison », « au domicile des enseignants » selon les deux formules 149 utilisées dans la synthèse. Par soustraction, il nous paraît possible de déduire, avec une marge d’approximation raisonnable, le temps passé dans l’établissement.

Des trois enquêtes seule E2 aborde, sommairement, le volet qualitatif de la question du temps de travail. Les critères qui permettent d’apprécier le caractère négatif ou positif de l’expérience sont les suivants : « fatigue et intérêt d’une heure de cours par rapport à une heure de préparation. »

Notes
137.

Pour enrichir ce corpus principal, nous mentionnerons, pour autant que de besoin, des extraits d’autres sources que nous répertorions ci-après : GUILLAUME, F-R., Enseigner dans les lycées et les collèges , Division de l’évaluation et de la prospective, Ministère de l’éducation, note d’information 95.32, juillet 1995, 4 p. ; BRAXMEYER, N., DO, Ch-L., Le travail en commun des enseignants dans le second degré, DPD C3-Direction de la programmation et du développement, Ministère de l’Education nationale, note d’information 02.16, avril 2002, 6 p. ; CLEMENT, P., Les enseignants du second degré dans les collèges et lycées publics en 2000-2001, DPD C5-Direction de la programmation et du développement, Ministère de l’Education nationale, note d’information 02.32, juillet 2002, 5 p. ; ESQUIEU, N., Enseigner en lycée et collège en 2002, Ministère de l’Education nationale, de la recherche et de la technologie note d’information 02.32, juillet 2002, 6 p.

138.

L’ordre que nous avons retenu n’est pas chronologique ; il correspond au degré de pertinence par rapport à notre population de référence, les PLC des I.U.F.M.. Ainsi, la première enquête concerne bien d’anciens étudiants / professeurs-stagiaires de ces instituts, la seconde enquête donne un arrière plan contrastif appréciable, la troisième affine les données en focalisant l’objectif sur le niveau collège.

143.

Cette consigne méthodologique appelle deux commentaires de notre part : quel est le degré de représentativité de cette « dernière semaine complète » par rapport à l’activité annuelle moyenne des professeurs ? Ce choix de faire appel à une trace mémorielle récente traduit-il l’incertitude des enquêteurs quant à la présence de traces fiables dans la mémoire des professeurs relativement à des temps d’activité plus reculés dans l’année scolaire ?

144.

Avec une distinction entre les jeunes professeurs entrés directement en formation de certification et de qualification professionnelles, et ceux qui avaient eu une expérience d’enseignement préalable à l’obtention du concours, en tant que maîtres auxiliaires.

145.

Cette précision n’est pas anodine à nos yeux ; puisqu’il est question de professeurs formés selon des critères professionnels plus affirmés, on pouvait s’attendre à ce que cette distinction ne leur fût pas étrangère.

146.

Nous l’expliquons de deux manières : la date de l’enquête permet, nous semble-t-il, de situer le questionnement dans des pratiques moins ouvertes à la documentation et à ses apports liés à l’essor des CDI, des TICE. Par ailleurs, les pratiques didactiques en collège étaient souvent liées à l’usage d’un manuel comme source ou ressource principale de documentation.

147.

En lien avec la note 8, nous notons que la prise en compte de la formation et de la recherche, en tant que composante à part entière du temps de travail des professeurs, peut être interprétée comme une marque du modèle de la professionnalisation enseignante qui constitua, dès l’origine, la référence - officielle - de la formation en I.U.F.M.. L’absence d’une mention explicite du même type en E2 nous pose d’ailleurs question.

148.

Faut-il voir dans ce constat une triple confirmation ? Celle de la diversification croissante des ressources pédagogiques et didactiques liée au développement rapide des moyens contemporains d’information ? Celle de la part significative prise par la fonction documentation au cœur des dispositifs scolaires ? Celle, enfin, de la mutation des pratiques engendrée par l’évolution de publics eux-mêmes nourris et saturés d’images et d’informations ?

149.

Les deux formules qui ont été retenues dans ce document émanant d’un service ministériel nous posent question ; nous ne contestons pas le constat en lui-même, mais nous nous étonnons que la formule inverse n’ait pas été préférée : « temps hors-enseignement passé dans l’établissement ». il eût été facile d’en déduire que le reste se passait « ailleurs », sans pour autant en renforcer la légitimité en faisant mention dans un tableau récapitulatif sur le travail enseignant.