4.4. Justification du recours à une série d’entretiens

Les données que nous avons analysées constituent une incontestable source d’information sur la question du temps et de l’espace de travail des professeurs de l’enseignement secondaire. La limite qu’elles imposent à la compréhension des phénomènes inhérents à ce champ de recherche est celle de toute approche quantitative. Par les espaces d’incertitude qu’il aménage, le balisage que les enquêtes nous ont autorisé à effectuer nous incite donc, nécessairement, à formuler des questions nouvelles. La recherche de réponses adéquates impose que nous nous dotions d’un outil d’investigation de type qualitatif. Pour justifier l’adoption de cette démarche, nous pensons devoir recourir à un argumentaire détaillé.

La relative homogénéité que nous avons constatée à la lecture attentive des résultats de E1 et E2, et qui contraste avec ce qu’indique E3, nous conduit à rechercher un éclairage complémentaire. Avons-nous affaire à des réponses qui rendent fidèlement compte d’une réalité à ce point homogène qu’elle ne laisserait que peu de marge à l’inédit, et qui témoignerait, en outre, d’une évolution dans les pratiques déclarées 179  ? S’agit-il plutôt de réponses (E1 et E2) passées par un filtre subjectif ? Celui de la représentation que se font les acteurs de la perception sociale de leur activité 180 , et qu’ils chercheraient, consciemment ou non, à contrer ? Celui de la sensation, diffuse ou plus tangible, d’une pénibilité accrue des tâches professionnelles, et qui amènerait les professeurs à tenter de la traduire en termes quantitatifs ? Celui, enfin, de l’obligation déontologique d’être en mesure de déclarer sa profession en des termes clairs et cohérents, qui ne nuisent pas au corps auquel on appartient. Ces trois prismes peuvent se cumuler, et nous supposons que les professeurs interrogés ont pu être tentés de consentir à les utiliser à cause du manque de repères qui existe dans le monde de l’enseignement à propos de la question posée ; un professeur est-il mis à même, par nécessité professionnelle ou par injonction administrative, de se préoccuper du volume qu’il consacre à l’ensemble des diverses tâches qu’il est censé accomplir ? Est-il en mesure d’obtenir des informations fiables sur les pratiques de ses collègues les plus proches, des professeurs, en général ? A tort ou à raison 181 , la notion d’efficience professionnelle n’est-elle pas déconnectée, aux yeux de beaucoup d’entre eux, de toute traduction quantifiable ?

Le second argument que nous souhaitons présenter est relatif à l’absence, dans les enquêtes, d’un certain nombre de dimensions qu’il nous paraît utile de privilégier, afin de mieux appréhender l’objet dont nous tentons de circonscrire les contours, en fonction de notre population-cible : les jeunes professeurs en année de qualification - certification. Au nombre de ces dimensions, nous retiendrons, en première analyse, une série d’éléments significatifs.

Notes
179.

Si nous tenons compte des dates respectives de réalisation des trois enquêtes, et des modifications intervenues progressivement dans l’organisation de la formation initiale et des tâches dévolues aux professeurs.

180.

Selon laquelle les professeurs sont des privilégiés qui n’ont que peu d’heures de véritable mobilisation professionnelle - les cours -, le reste demeurant flou et non-contrôlé. Les vacances restant, le signe de leur faible activité.

181.

Par conviction de son caractère éminemment inapproprié dans une profession intellectuelle ou par souci de protéger chacun d’une ambition excessive de l’administration en matière de mérite individuel.