4.4.1.6. Les modalités ou les rites d’apprentissage des pratiques professionnelles spatio-temporelles par les jeunes professeurs

En l’absence de définitions homogènes des modes organisationnels du travail enseignant et, par conséquent, d’une possibilité de communication univoque à ce propos au plan institutionnel, nous en sommes réduit à conjecturer que l’appréhension de ces réalités et leur apprentissage relèvent de processus informels et, par nature, hétérogènes dans leurs modes d’instauration, leur régulation, comme dans les effets qu’ils produisent. Puisque nous nous intéressons plus particulièrement à la situation des jeunes professeurs, il est logique que nous nous attachions à cet aspect de la question.

Nous pourrions, tout d’abord, distinguer les agents de diffusion de l’information à propos de l’organisation spatio-temporelle du travail du jeune professeur. Chacun des professionnels auxquels ce jeune professeur a affaire peut, à première vue, produire sa part d’information de manière indirecte ou d’une façon explicite et directe. Dans le premier cas, il s’agira souvent d’un discours tenu par des formateurs ou des responsables institutionnels sur ce qu’il faut faire dans telle ou telle rubrique de l’activité professionnelle. La prescription, la préconisation, la recommandation ou l’appel à la responsabilité du professeur sont alors à resituer par lui-même dans l’ensemble des tâches qui lui incombent et dont il fait une découverte progressive. Pour autant, cela est rarement traduit sous la forme de volumes horaires moyens ou de proportions de l’activité globale, et c’est pourquoi nous avons choisi de parler d’influence indirecte. En effet, il reste au jeune professeur à trouver les modalités d’équilibrage de sa propre activité, sans assurance d’avoir opéré un choix pertinent.

D’autre part, l’influence des intervenants susceptibles de l’informer indirectement est variable. Face aux préconisations d’un formateur disciplinaire, les recommandations ou les remarques d’un intervenant en Sciences humaines ou d’un collègue d’une autre discipline auront sans doute moins de poids, compte tenu du mode de validation et d’évaluation ultérieure.

S’agissant d’influence directe, nous pourrions, par exemple, citer celle du conseiller pédagogique, qui suit étroitement le jeune professeur dans la toute première phase de son insertion professionnelle. Cette forme de compagnonnage et de tutorat ménage, dans le temps et l’espace, un type de relation qui encourage sans doute le néophyte à formuler des questions cruciales pour son acquisition de gestes professionnels adéquats ; en retour, le professionnel expérimenté peut se sentir autorisé à faire accéder son jeune collègue aux codes non-écrits de la corporation. Nous parlerons alors d’influence directe, au sens où le professeur-tuteur peut attester d’une pratique à l’appui de ses dires ; l’expérience avérée qu’il peut mettre en avant lui donne une forme d’autorité différente de celle que l’on reconnaîtra au théoricien ou au représentant institutionnel, dont les propos apparaissent plus distanciés. Dans cette catégorie où il est question d’influence directe, nous n’oublions cependant pas de mentionner le rôle prépondérant de l’inspecteur de la discipline enseignée. Ses attentes, qui traduisent l’esprit des textes officiels en leur donnant consistance au plan de la didactique appliquée, sont autant d’impératifs prioritaires que certains néo-enseignants tenteront de traduire scrupuleusement dans leur pratique embryonnaire, quoi qu’il en coûte en temps de travail.

Deux autres types d’influence resteraient à analyser, celle des Principaux, Proviseurs, Chefs d’établissement, notamment sur ses exigences liées aux activités éducatives, mais aussi celle des syndicats qui, par les mises en garde qu’ils prodiguent à leurs adhérents et sympathisants contrebalancent l’influence des premiers. Nous n’avons pas choisi de développer cet aspect.