6.1.5. Commentaire du tableau n° 3

A - Dans trois cas sur quatre, la dyade domicile / établissement constitue l’espace de référence du travail personnel des informateurs. L’absence de tiers-lieu (bibliothèque, centre public de documentation) est notable. Dans le cas du premier entretien, l’espace public délimite une zone inédite du travail personnel ; mais, dans ce cas, contrairement aux trois autres entretiens, le domicile n’apparaît pas.

B - Le type de hiérarchisation entre les deux espaces de référence apporte un éclairage complémentaire. Un partage s’opère ainsi entre les deux entretiens médians, dans lesquels le domicile prend le pas sur l’établissement en tant que lieu principal de l’activité et, à l’opposé, l’entretien 4, dans lequel l’établissement conserve la priorité. Enfin, dans le premier entretien, les deux espaces cités - établissement et espace public - sont placés en tension, sans prééminence particulière.

C - Les quatre approches du temps exposées semblent spécifiques à chacun des informateurs ; elles sont liées, pour l’essentiel, aux modes de gestion de la production à destination de la classe.

D - D’ailleurs, dans trois cas sur quatre, le temps est très prioritairement consacré à des activités liées à la didactique, sous sa forme institutionnelle (lecture et étude des I.O. et des programmes, consultation d’ouvrages de référence, prise en compte de normes, etc.) S’ils sont évoqués, les aspects pédagogiques sont très secondaires. Le travail didactique semble donc modeler l’activité en lui imposant des formes particulières 234 . Quant aux préoccupations éducatives, elles restent très peu prises en compte ; à cet égard, le premier entretien échappe à ces remarques puisque les trois types d’approches sont étroitement mêlés ; la lecture du champ didactique est d’ailleurs étroitement dépendante du primat de l’éducatif, puis de la prise en compte d’options pédagogiques qui en découlent.

E - Les destinataires déclarés du travail personnel des informateurs sont, unanimement, « les élèves », devant « l’élève » et « l’enfant » (2 citations chacun.) Un lien doit être établi entre l’usage des différents vocables et les orientations du travail personnel, telles qu’elles se dessinent selon les utilisations qui sont faites du temps de travail. La préférence didactique favorisera l’usage du terme « élève » dans sa probable acception d’« apprenant », vocable qui n’a, au demeurant, pas été employé au cours des quatre premiers entretiens. Lorsque, de manière plus large, il est question, même superficiellement, de pédagogie, on peut supposer que les notions de classe d’âge ou de membre d’un groupe-classe auront été privilégiées. Le premier entretien se distingue à nouveau puisqu’une série de termes spécifiques a successivement été employée ; cet usage laisse transparaître la trace des préoccupations éducative et pédagogique.

F - G - Le type de partenariat déclaré par chacun des informateurs est homogène : il concerne les pairs enseignants, de sa propre discipline, en priorité, de la classe ou du niveau de classe secondairement. Nous comptons les professeurs conseillers pédagogiques, tuteurs du professeur-stagiaire, dans la catégorie des pairs enseignants dans la mesure où, dans l’enseignement privé sous contrat de la région considérée, ce type de fonction est nécessairement assumé par un professeur de l’établissement dans lequel se déroule le stage. On peut souligner l’absence systématique de tout autre membre du personnel, éducatif, de direction dans les contacts et coopérations mises en avant par les informateurs. On note également que les contraintes des emplois du temps respectifs modulent la régularité des contacts. Quoi qu’il en soit, il ressort que ce sont aussi des choix personnels qui en fixent la fréquence : de « très régulière » à « ponctuelle », en passant par « régulière » et « occasionnelle ». Ce facteur ne semble pas lié à la présence majoritaire ou non dans l’établissement ; ainsi, à présence majoritaire dans l’établissement, le contact peut être très régulier ou occasionnel ; à présence majoritaire au domicile, il peut être régulier ou ponctuel.

H - I - La comparaison entre les types de rationalités dont nous avons estimé qu’ils pouvaient être dominants et secondaires, mais toujours articulés, nous permet de dégager quelques traits saillants. Les rationalités téléologique et axiologique sont les plus fréquentes, la première comme type dominant. On reliera cela à la situation provisoire dans laquelle se trouvent placés les informateurs, à l’articulation entre la préparation aux épreuves théoriques du concours et la prise de fonctions à temps-plein. Plus globalement, on doit situer la manifestation de ces deux types de rationalités dans le cadre d’un projet individuel et singulier à long terme, depuis les années d’études secondaires et / ou supérieures, vers l’insertion durable dans la vie sociale et le prolongement de la trajectoire de vie personnelle. Cette posture et cette dynamique concourent à l’atteinte d’un but ultime et sous-tendent une action éclairée par des normes et des valeurs professionnelles et sociales. Selon les entretiens, l’un ou l’autre des volets a été plus particulièrement mis en valeur. Le troisième type de rationalité qui apparaît est d’ordre cognitif ; il trouve sa place dans un cadre professionnel qui met en exergue la valeur primordiale de la connaissance et des théories qui la formalisent comme sources de la réflexion et de la décision professionnelles et non pas, seulement, comme objet de transmission. Les rationalités de types utilitaire et traditionnel ne sont, selon notre interprétation, perceptibles que de manière mineure et inégale selon les entretiens.

Notes
234.

La comparaison entre l’entretien 2 et le 3 (Sciences de la vie et de la terre et Espagnol) peut illustrer cette remarque.